Intervention de Paul Giacobbi

Séance en hémicycle du 29 janvier 2014 à 21h30
Privatisation de la société nationale maritime corse méditerranée

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPaul Giacobbi, rapporteur de la commission d’enquête sur les conditions de la privatisation de la société nationale maritime corse méditerranée :

mais naturellement, la qualité supplée à la quantité.

Je m’exprimerai ici en tant que rapporteur, sous le contrôle du président et des collègues membres de la commission d’enquête. J’exposerai en quelques mots ce que le rapport nous a appris, et que nous ne savions peut-être pas ou qui n’avait pas été étayé par des faits ou des témoignages. Ainsi, le rapport nous a appris deux ou trois éléments précis.

Le premier enseignement, c’est la responsabilité de l’actionnaire. J’insiste sur ce point, et les témoignages viennent d’ailleurs appuyer mes propos : en droit français, lorsqu’un actionnaire gère une société quasi directement, qu’il commet des fautes lourdes de gestion et qu’il participe à un soutien abusif, il est responsable sur son propre patrimoine pour ce qui touche à la gestion de cette société.

Je reviens un instant sur la gestion directe. Dans un témoignage sous la foi du serment, M. Stéphane Richard, à l’époque directeur général et mandataire social de la société Connex, s’est exprimé ainsi : « C’est l’équipe sur place épaulée de plusieurs personnes de l’état-major de Veolia qui a dirigé la société. » Il avait expliqué auparavant que l’équipe sur place était constituée du directeur régional de la Connex, nommé président de la SNCM, auquel on avait adjoint « une autre personne venant également de Veolia et qui était son directeur général ». La gestion directe est donc établie par un témoignage sous la foi du serment.

Par ailleurs, l’actionnaire est responsable d’un soutien abusif : je n’ai pas besoin de citer dans le détail les sommes qui ont permis à la société de survivre à travers les années, et qui étaient fournies par la trésorerie de la maison-mère.

La faute lourde de gestion, j’y insiste, est évidente. Le rapport en témoigne, comptes à l’appui : en 2006, après sa privatisation, la société est in bonis, elle n’a plus de dettes ni de pertes, elle a été recapitalisée, un plan social a été financé et exécuté, et elle bénéficie d’une délégation de service public, comme elle l’a souhaité. Elle a donc tout ce qu’il faut pour fonctionner. Le seul problème, et le rapport en témoigne, c’est qu’un an après le plan social, on retrouve le même effectif que précédemment. Le résultat est évident : les pertes reviennent, à hauteur de 15 millions d’euros par an. Comment a-t-on réglé ce problème de pertes, à l’époque ? On ne l’a pas réglé en revenant à l’équilibre, mais en se débarrassant d’un certain nombre d’actifs. Excusez du peu : on vend le siège pour 15 millions d’euros, la participation dans la Compagnie méridionale de navigation pour 45 millions d’euros, une autre participation dans Sud Cargos… Tout cela a permis de tenir : existe-t-il une meilleure définition de la faute de gestion que cette manière de procéder dans une société ?

Le rapport nous a appris une deuxième chose, soulignée à plusieurs reprises et étayée, là aussi, par des témoignages : l’exploitation du service public dans les conditions de la DSP est rentable. Prenons l’exemple de la Compagnie méridionale de navigation, la CMN, qui dispose des mêmes types de navires, du même pavillon – vous le savez bien, monsieur le ministre –, et a les mêmes partenaires sociaux : voilà une société qui, sous l’emprise des mêmes obligations de service public et avec les mêmes subventions, ni plus ni moins, gagne sa vie – elle ne gagne pas des mille et des cents, mais elle gagne sa vie, et réalise en moyenne une marge de 3 %.

Au-delà de ces enseignements directs, le rapport nous apprend ce qu’il ne faut pas faire : restructurer à grands frais – pour l’État, des dizaines de millions d’euros, dans le cas d’espèce – puis réembaucher aussitôt après. Il ne faut pas non plus financer des services qui ne répondent pas à un besoin de service public et ne peuvent pas trouver un équilibre économique – c’est un peu le cas des cars-ferries.

Autre chose qu’il ne faut pas faire : penser que l’on peut échapper à la loi. Qu’elle soit française ou européenne, la loi finit toujours par s’imposer.

Enfin, il ne faut pas considérer que l’exploitation de la société consiste à rêver. Bien entendu, il n’est pas interdit d’être visionnaire – c’est même conseillé –, mais cette vision doit s’accompagner du réalisme – vous le savez parfaitement, monsieur le ministre. Il faut équilibrer les comptes pour préserver le service public et l’emploi.

Monsieur le ministre, monsieur le président de la commission d’enquête, mes chers collègues, voilà ce que je retire du rapport à titre personnel. J’interviendrai par la suite en qualité de représentant du groupe RRDP : il s’agit en effet d’un groupe peu nombreux, qui, par conséquent, ne peut pas compter beaucoup de membres hautement spécialisés.

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