Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la qualité et le sérieux des travaux menés par la commission d’enquête. J’ignore si le député rapporteur de la commission d’enquête était toujours en phase avec lui-même, mais ses propos étaient teintés de rigueur, souvent de sagesse et d’humilité.
Le rapport qui nous a été remis apporte un éclairage bienvenu sur une affaire complexe. Le groupe UDI avait d’ailleurs jugé nécessaire, lorsque nos collègues du groupe RRDP ont proposé la création de cette commission d’enquête, que toute la lumière puisse être faite sur les conditions de privatisation de la SNCM.
Les difficultés de la SNCM prennent leurs sources dans un contexte et des modalités particulières, qu’il convient de retracer brièvement. À sa création, la SNCM était une entreprise publique, détenue à hauteur de 75 % de son capital par la Compagnie générale maritime et à 25 % par la SNCF. Déjà, elle était en proie à de très nombreuses difficultés.
En 2005, l’État a engagé la privatisation de la SNCM sur la base d’une procédure de vente de gré à gré. J’ai bien entendu le ministre, qui a affirmé tout à l’heure qu’aucune irrégularité n’avait été constatée à l’époque. C’est un élément important, que la commission d’enquête devait mettre en lumière.
Depuis la vente en 2006, par ailleurs validée par la Commission européenne, l’État est propriétaire de la SNCM à hauteur de 25 %. Notre collègue Gaby Charroux n’est plus là, mais il m’accordera que ce n’est pas parce que l’État est actionnaire, majoritaire ou minoritaire, que les navires sont toujours bien pilotés. De nombreuses entreprises dans lesquelles l’État a des participations en sont l’illustration.
Cela fait donc huit ans que la privatisation a eu lieu et que la situation financière de la SNCM est très difficile. En 2012, le déficit était de 12 millions d’euros.
Cette situation est devenue dramatique suite à deux décisions récentes de l’Union européenne, que chacun a eu l’occasion de commenter. Le 11 septembre 2012, le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision de 2008 qui approuvait le financement et a condamné la SNCM à rembourser 450 millions d’euros considérés comme indûment perçus.
La situation est devenue particulièrement difficile, et 1’année 2014 a mal commencé, avec dix jours de grève qui ont paralysé l’activité de la compagnie. Dans ces conditions, comment envisager un futur économiquement et socialement viable pour cette société ? Vous l’avez vous-même dit, monsieur le ministre, à l’époque où Veolia a racheté cette entreprise, il n’y avait pas de projet industriel : c’était un rachat financier.
Personne ici ne veut revivre l’épisode de 2011, qui est dans toutes les têtes. Une grève de quarante-sept jours, la plus longue de l’histoire de la SNCM, qui a coûté 13 millions d’euros.
C’est pourquoi il est urgent de trouver une issue à cette crise. À ce titre, un plan de 45 millions d’euros a été validé mercredi dernier par le conseil de surveillance de la société, prévoyant notamment le départ de 500 salariés, l’allongement du temps de travail et un renouvellement de la flotte. Monsieur le ministre, pourrez-vous nous apporter quelques éléments d’éclairage, notamment sur le renouvellement de la flotte, sujet sur lequel Paul Giacobbi s’est exprimé avec beaucoup de sagesse ?
Nous espérons que ces accords permettront, enfin, un sauvetage pérenne de la société. Il serait souhaitable que les collectivités territoriales puissent être dans le tour de table. Au-delà des rendez-vous de mars prochain, qui sont légitimes, c’est une vision stratégique, économique, qu’il faut évidemment mettre en place.
Comme le dit avec précision le rapporteur, ces situations auraient pu être évitées si un enchaînement d’erreurs d’appréciation et de procédures parfois inappropriées n’avait irrémédiablement entaché aussi bien les recapitalisations successives que l’opération de privatisation.
Nous sommes donc aujourd’hui au même point qu’en 2001. L’entreprise n’a mis en oeuvre aucune des mesures qui s’imposaient en termes de réorganisation et de bonne gouvernance. C’est bel et bien la gestion contestable de la société qui est visée, et non la privatisation en elle-même – cela dit pour tordre le cou à quelques idées reçues.
S’ajoutent à cela les règles européennes strictes, interdisant toute nouvelle recapitalisation. À l’avenir, il faudra naturellement nous conformer à la législation européenne – les passages en force ne servent à rien – tout en faisant en sorte que l’intervention de chaque acteur soit davantage pertinente.
Au-delà de cet aspect purement économique, vous l’aurez compris, c’est une tragédie sociale, ne l’oublions pas, qui se joue depuis tant d’années. La SNCM représente 2 600 employés et en décembre dernier, pas moins de 1 700 départs avaient été évoqués. Aujourd’hui, avec ce plan, 500 postes seraient visés. Au regard du fort taux de chômage que nous connaissons en France, ce chiffre appelle une réflexion particulière.
La SNCM représente également, cela a été rappelé, un service public indispensable. La Corse est, par définition, une île avec laquelle il faut communiquer, où il faut transporter des marchandises et des passagers. Nous devons tenir compte de la nécessité d’assurer la continuité territoriale avec la métropole.
Il convient également de tirer les leçons du passé. Un sujet nous préoccupe tout particulièrement, celui de la transparence. On en parle souvent mais il faut l’appliquer. L’UDI souhaite qu’à l’avenir, la représentation nationale soit consultée beaucoup plus largement et correctement informée des opérations de privatisation d’envergure – comme ce fut le cas, d’ailleurs, pour la SNCM. Il ne s’agit pas de pointer du doigt des coupables mais de ne pas renouveler les erreurs commises dans cette affaire. C’est bien ce que nous tentons de faire ici.
Mes chers collègues, le constat est clair. La SNCM est toujours en grande difficulté et la mobilisation doit être plus forte pour la sauver, mais pas à n’importe quel prix. Des emplois sont menacés, il faut assurer la continuité territoriale entre la métropole et la Corse. Nous partageons tous, sur ces bancs, une responsabilité : sauver cette entreprise, en améliorer la gouvernance et l’efficacité économique, renouveler le dialogue avec les partenaires sociaux. Une autre compagnie parvient à équilibrer ses comptes, peut-être devrions-nous l’observer de plus près. Peut-être aussi devrions-nous associer de nouveaux actionnaires.
Ce défi qui est devant nous, nous devons le relever, pour la SNCM, pour la Corse et pour la métropole.