Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 15h00
Débat sur la protection de la vie privée à l'heure de la surveillance numérique commerciale et institutionnelle.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Madame la ministre, c’est vrai, en certaines occasions, le malentendu a sans doute primé dans le dialogue avec les écologistes, mais, cette fois-ci, je me félicite de votre plaidoyer, que vous avez très clairement et très fermement exprimé à la tribune, en faveur de la défense des données personnelles, de la vie privée. Il s’agit là de conditions essentielles à l’exercice de notre liberté, de la liberté d’expression et du droit d’association. Ce plaidoyer en faveur de la protection des données personnelles et de la vie privée me semblait tout à fait à propos, à l’heure où, nous le savons bien, et vous l’avez dit, madame la ministre, les tentations sont fortes d’assouplir la protection de ce droit fondamental, à la fois pour accroître la surveillance des citoyens, comme l’a indiqué tout à l’heure ma collègue Isabelle Attard, et pour tirer profit des informations qui les concernent, en les collectant, en les traitant, en les stockant ou en en faisant commerce. Ces pratiques, dangereuses pour nos libertés en ligne et hors ligne, sont particulièrement répandues sur internet.

Nous avons été plusieurs à le dire, je crois que ce point fait consensus : le droit protégeant notre vie privée doit aujourd’hui être adapté à l’ère numérique, et renforcé pour répondre à de nouveaux enjeux. Au niveau national et au niveau européen, les tentatives d’assouplissement sont réelles et, même si je me félicite de la position française, les craintes sont vives que la révision du règlement européen sur la protection des données à caractère personnel engagée par la Commission européenne en 2012 ne débouche sur un assouplissement de ces règles contraire aux intérêts des citoyens. Il est essentiel que les législateurs, plutôt que de se soumettre à des intérêts privés, obligent les entreprises à davantage de transparence et de responsabilité pour la protection de nos données et interdisent les abus.

Tout en me félicitant de votre intervention, je me suis interrogé, madame la ministre : pourquoi ne pas vous exprimer davantage ? Je ne souhaite pas, pour ma part, tenir un discours in abstracto sur internet et les libertés fondamentales, je reviendrai simplement sur trois textes dont nous avons débattu dans cet hémicycle. Lors de leur examen, votre voix nous a manqué ; vos lumières auraient pu éclairer à la fois vos collègues du Gouvernement et, certainement, une partie de la majorité.

Voyez donc dans ces remarques un simple encouragement à être plus visible, à prendre la parole de manière plus dynamique et réactive.

Je vais à présent parler de ces projets de loi que nous avons examinés récemment, en commençant par celui qui concernait la prostitution. Paradoxalement, l’article 1er de ce projet de loi rétablissait le filtrage administratif d’internet que l’Assemblée nationale venait de supprimer par le projet de loi relatif à la consommation. La majorité actuelle avait pourtant beaucoup contesté ce dispositif lorsqu’elle était dans l’opposition, à juste titre, au moment de l’examen de textes comme la loi Hadopi ou la loi du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite LOPPSI. Il a fallu néanmoins la mobilisation citoyenne sur les réseaux et la saisine du Conseil national du numérique par notre collègue Laure de La Raudière pour que le Gouvernement accepte de corriger cet article 1er !

Vous savez bien que dans notre législation le filtrage administratif ne concerne que des cas très précis, dont la lutte contre la pédopornographie. Je souhaite, sur ce point, obtenir des réponses précises : vous avez déclaré en juillet dernier que le décret prévu à l’article 4 de la LOPPSI ne sera jamais publié par le Gouvernement. Vous avez ainsi déclaré votre attachement au recours au juge pour tous les types de filtrage. C’est plutôt une bonne nouvelle, qui a été saluée par celles et ceux qui sont attachés aux libertés numériques. Je m’en félicite moi-même, mais je crois que vous avez oublié d’en informer la majorité parlementaire aussi bien que les membres du Gouvernement ! Je vous invite donc à donner une plus grande publicité à vos propos et à vos prises de position, notamment auprès de Najat Vallaud-Belkacem. Nous avons eu avec elle un débat sans queue ni tête sur ces questions, or je crois que les débats auraient été plus clairs si votre position ferme de refus du filtrage administratif avait été mieux connue. Les amendements auraient aussi été examinés plus rapidement en commission !

Deuxièmement, l’article 20 de la loi de programmation militaire pour les années 2014 à 2019 – ancien article 13 du projet de loi – autorise notamment la collecte en temps réel d’informations et de documents auprès des hébergeurs et des fournisseurs de service, dans le cadre d’une procédure administrative sans contrôle judiciaire, au simple motif de rechercher des renseignements touchant à « la sécurité nationale, la sauvegarde des éléments essentiels du potentiel scientifique et économique de la France, ou la prévention du terrorisme, de la criminalité et de la délinquance organisées et de la reconstitution ou du maintien de groupements dissous ». Je crois, madame la ministre, que les propos que vous avez tenus tout à l’heure à tribune sont assez contradictoires avec ce dispositif prévu par la loi de programmation militaire !

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