Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la question des données, de leur protection, de leur collecte et de leur utilisation concerne l’ensemble de la société dans toutes ses composantes : individus, administrations, collectivités territoriales, entreprises. Le développement du numérique repose désormais, pour une grande partie, sur la valeur que constituent les données produites par chaque citoyen ou chaque organisation. Cela suscite de la méfiance, mais représente aussi une opportunité et une réalité à maîtriser pour favoriser création, innovation et progrès dans nos économies et nos sociétés.
L’enjeu, aujourd’hui, est de garantir la protection des données personnelles, et donc la vie privée, la liberté de communication, le développement de l’économie numérique, levier de croissance, d’emploi et de progrès social. Nous disposons, en France, d’atouts et de talents remarquables en la matière. Par notre réflexion, nous devons – et c’est, me semble-t-il essentiel – apprendre à chacun à devenir maître de ses données personnelles en lui donnant la pleine conscience de leurs valeurs et des enjeux futurs ainsi qu’en lui offrant la possibilité d’en assurer une diffusion contrôlée, consentie et réversible. Nous devons également inciter chacun à ne plus être simple consommateur, mais à devenir un acteur à part entière du numérique.
Celui-ci bouleverse, en effet, notre vie quotidienne, modifie notre façon de communiquer et transforme tous les secteurs d’activité. L’exemple de la santé est, à cet égard, très significatif. Alors que les données de santé touchent au plus intime de chacun d’entre nous et nécessitent, à ce titre, une attention et une protection particulières, on constate que le partage et l’utilisation de données brutes anonymisées pourraient constituer un formidable levier pour une meilleure prévention et une meilleure coordination des soins. La notion de consentement des utilisateurs-contributeurs est essentielle et centrale. Le partage ne peut être que volontaire et n’aura de sens que s’il s’inscrit dans une démarche collective. Chacun doit pouvoir à tout moment récupérer ses données s’il le souhaite.
Les débats législatifs récents ou en cours – je pense à la loi de programmation militaire ou au projet de loi relatif à la géolocalisation – ont effectivement cristallisé, comme vous l’avez précisé, madame la ministre, des inquiétudes sur le périmètre de la collecte des données, la définition même d’une donnée, l’utilisation des données quelle qu’en soit leur nature et, plus globalement, la crainte d’une surveillance généralisée de la population, bien évidemment accentuée par l’affaire PRISM.
Au-delà de l’interprétation purement juridique, étape bien évidemment essentielle, il me semble opportun et indispensable de s’interroger sur l’impact et l’interprétation que peuvent faire citoyens et acteurs économiques de ces débats. Je souhaiterais m’arrêter quelques instants sur deux secteurs auxquels nous devons être particulièrement attentifs : celui de l’hébergement des données et celui de leur traitement massif. Dotés de formidables perspectives de développement, le cloud et le Big Data sont des secteurs en pleine croissance.
Face à ses concurrents, principalement nord-américains, l’offre française, et plus largement européenne, a pour atout majeur d’assurer le respect de nos valeurs fondamentales incluant le principe de protection des données sensibles et personnelles et de la vie privée. Nous devons, dès lors, nous attacher à rassurer sur la sécurité des informations, leur localisation et la confidentialité des données stockées et hébergées. Les débats récents ont pu mettre à mal cette certitude et cette confiance pourtant nécessaire. Nous avons, en France et en Europe, des avantages différentiels à faire valoir.
Cela impliquera de faire preuve de la plus grande attention et de la plus grande vigilance quant à l’usage qui sera fait des données collectées. Il s’agit d’une opportunité à saisir, un tournant à ne pas manquer, mais il est nécessaire d’imposer parallèlement un certain nombre de règles applicables à tous les acteurs. Comme nous l’avons déjà souligné, il est nécessaire de mener une réflexion a minima à l’échelle européenne sur ces questions, considérant les grands acteurs mondiaux et plus particulièrement nord-américains.
Au-delà de la nécessaire sensibilisation des individus, des administrations, des collectivités territoriales et des entreprises à la protection et à la maîtrise de leurs données, il me paraît essentiel et urgent d’harmoniser l’approche des questions numériques sur le plan législatif selon des principes simples qui éviteront les crispations que nous avons connues ces derniers temps. Je me réjouis, madame la ministre, que vous ayez précisé que serait prévu dans la prochaine loi sur le numérique un socle, ce qui nous permettra d’avoir une approche plus globale de ces questions essentielles.
La confiance reste, en effet, la base et la condition sine qua non du développement numérique. Or, elle se gagne difficilement et se perd facilement dans un monde en perpétuelle transformation. Internet et le numérique constituent donc un enjeu majeur pour la société et pour chaque citoyen, enjeu auquel nous devons faire face.