Intervention de Nathalie Kosciusko-Morizet

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 15h00
Débat sur la protection de la vie privée à l'heure de la surveillance numérique commerciale et institutionnelle.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Kosciusko-Morizet :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe écologiste d’avoir proposé ce débat utile. Il nous permettra, je l’espère, de montrer que ces questions transcendent les courants politiques et que notre souci collectif de garantir la vie privée des citoyens l’emporte sur nos différends. Cette question dont nous débattons ce soir est devenue la toile de fond de notre société, de plus en plus tournée vers la transparence dans toutes ses dimensions.

On y trouve des dimensions heureuses et souhaitables, comme la transparence des structures sur leurs activités : les entreprises, les associations, les administrations, les élus. Ce qui est de l’ordre de la vie publique doit être porté à connaissance, correctement documenté et en format réutilisable quand cela s’y prête.

On y trouve aussi des dimensions moins heureuses, qui attirent notre attention. Les parois qui protègent la vie privée sont aujourd’hui soumises à de fortes tensions.

La conception même de la vie privée évolue à l’ère d’internet. Elle diffère selon les pays, mais aussi selon les âges et les pratiques numériques, renforçant les incompréhensions et les difficultés à adapter au plus juste notre arsenal législatif. En 2010, une réflexion du PDG de Facebook m’avait frappée : « En tant qu’adultes, disait-il, nous pensons que notre maison est un espace privé. Pour les jeunes, ce n’est pas le cas. Pour eux, le monde en ligne est davantage privé, parce qu’ils ont davantage de contrôle sur ce qui s’y passe. ».

Notre vie privée est aussi confrontée aux mémoires numériques. Le développement du numérique s’accompagne de la collecte et de la conservation massive de données de toute sorte par les entreprises créatrices de services, les hébergeurs, les opérateurs : données techniques de connexion, de géolocalisation, contenus partagés, données personnelles, données produites automatiquement par nos outils ou déposées par l’utilisateur, qui, à des degrés divers, disent des choses de notre vie privée.

Il ne s’agit pas ici de porter un jugement sur cette évolution. Elle existe et nous devons en tenir compte. Les outils et services numériques restent une chance au service du quotidien des Français et de l’innovation. Leur amélioration repose souvent sur la collecte de nouvelles données et sur une meilleure connaissance des habitudes de leurs utilisateurs. Un exemple parmi d’autres : l’application du GPS social Waze, dont j’ai rencontré les équipes en Israël, est un formidable succès. Sa réussite repose clairement sur sa fiabilité, liée à la collecte de données géolocalisées des utilisateurs.

En même temps, la vie privée est un bien précieux. Nous devons maîtriser à qui, quand et sous quelles modalités nous souhaitons en dévoiler une part. Le droit au respect de la vie privée est un droit fondamental, il est d’ailleurs un principe à valeur constitutionnelle.

Notre action doit porter sur trois axes.

L’éducation aux outils d’abord, pour sensibiliser chacun à la maîtrise de ses traces numériques. Les interventions en milieu scolaire et extrascolaire doivent être développées – Patrice Martin-Lalande a évoqué ce sujet, en suggérant qu’il soit reconnu grande cause nationale – pour permettre une utilisation éclairée des réseaux sociaux, et j’en profite pour saluer le travail d’associations comme e-enfance. De nouvelles initiatives du Gouvernement dans cette direction iraient sans aucun doute dans le bon sens.

La responsabilisation des acteurs numériques ensuite. J’avais en mon temps initié la marche du droit à l’oubli numérique à travers une charte du droit à l’oubli.

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