Intervention de Pascal Popelin

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 15h00
Débat sur la protection de la vie privée à l'heure de la surveillance numérique commerciale et institutionnelle.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, puisque je suis le dernier orateur de ce débat, et sans prétendre le conclure devant des spécialistes avisés de ces questions – ce que je ne suis pas –, je veux revenir sur certains principes en me limitant à un aspect particulier d’un sujet si vaste.

Notre responsabilité de parlementaires nous commande de prendre en toute occasion la juste mesure des mutations qui traversent notre société, des aspirations évolutives de nos concitoyens et des usages nouveaux qui changent notre quotidien. Notre devoir de législateur est d’intégrer ces évolutions dans le droit en temps voulu et de bâtir des cadres légaux pertinents, adaptés aux réalités de notre temps.

Dans l’exercice de ces missions, il est une exigence avec laquelle nous ne devons jamais transiger et qui doit, de mon point de vue, primer sur toutes les autres, c’est le respect des principes qui ont forgé notre pacte républicain et ont contribué à inscrire notre pays dans une longue tradition de protection des droits et des libertés individuels.

Dans toutes les lois que nous votons, nous devons donc d’abord et avant tout réaffirmer, revendiquer ce qu’est la singularité de la France en matière de protection de la sphère intime. Nous sommes les dépositaires d’une certaine conception du droit à la vie privée, qui se veut protectrice de chacun, qui désapprouve les tentatives d’intrusion et de contrôle et qui juge sévèrement la tentation du voyeurisme.

Ce modèle diffère à bien des égards – et c’est heureux – de la doctrine qui domine en la matière dans le monde anglo-saxon. Je ne pense pas que nous soyons décidés à en changer. Encore faut-il que nous fassions preuve de la plus grande vigilance.

L’adaptation de nos lois aux potentialités du développement des technologies du numérique, mais aussi aux risques soulevés par l’usage immodéré et parfois peu précautionneux que nous en faisons, constitue aujourd’hui un véritable défi, sans doute l’un des plus importants qu’il nous sera donné de traiter durant la décennie, à l’heure de la surexposition numérique.

Ce principe intangible étant réaffirmé, il ne me fait pas perdre de vue la définition de la liberté telle qu’elle a été écrite par les fondateurs de la République à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui affirme, chacun le sait, que « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

Il est donc de notre responsabilité de faire vivre cette célèbre définition au XXIe siècle, à l’heure des technologies numériques. La loi doit protéger contre toutes les pratiques intrusives que permettent ces outils, mais elle doit aussi protéger contre ceux qui en font usage au service d’entreprises délictueuses ou criminelles, que leurs motifs soient crapuleux ou mus par la volonté de porter atteinte aux intérêts économiques ou à la sûreté de l’État.

Force est de constater qu’en matière de lutte contre la délinquance et le terrorisme, l’exploitation de certaines données numériques par les services chargés d’assurer notre protection est un outil indispensable, dont il serait irresponsable de se priver, mais qui doit être encadré strictement.

Dans ce domaine, notre arsenal légal est à la traîne, notre droit accuse un retard face aux méthodes évolutives et de plus en plus sophistiquées des malfaiteurs, qui n’hésitent pas à se saisir des nouvelles technologies pour nuire aux intérêts de la nation et des Français. Je ne partage pas l’affirmation, que j’ai entendue mardi dernier en commission, selon laquelle, dans un État de droit, la loi devrait toujours avoir un temps de retard sur ceux qui ont l’ambition de la détourner.

Adapter notre droit aux évolutions de son temps, telle est, de mon point de vue, l’ambition de l’ancien article 13, devenu l’article 20 de la loi de programmation militaire débattue en décembre dernier. Tel est aussi l’objectif du projet de loi relatif à la géolocalisation qui nous examinerons en séance le 11 février prochain.

Certains – nous l’avons entendu au cours de ce débat, et ils sont sur tous les bancs de cet hémicycle – persistent à considérer ces objectifs comme une atteinte aux libertés individuelles. Pour ma part, j’ai la conviction que l’élaboration d’un cadre légal ne peut – par définition – être attentatoire aux principes de notre État de droit et de notre démocratie. Les juges constitutionnels et les juridictions supranationales y veillent. C’est l’absence ou l’insuffisance de règles qui ouvre la porte à tous les abus.

Mes chers collègues, j’entends et je respecte les doutes, les critiques de tous ceux qui n’ont sincèrement l’intention que de défendre les libertés publiques. Pour avancer, j’ai la conviction que nous devons sortir de l’affrontement binaire et réducteur considérant qu’il y a d’un côté les ultimes défenseurs de nos valeurs républicaines et de l’autre des fossoyeurs des libertés publiques, prêts à faire table rase des grands et beaux principes de notre État de droit.

Parce que j’y suis précisément très attaché, je crois aux vertus de la mesure, de la modération et du juste équilibre, qui permettent de garantir la liberté de chacun, mais d’aussi d’entraver tous ceux qui s’y attaquent.

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