Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 21h30
Progrès de l'union bancaire et de l'intégration économique au sein de l'union économique et monétaire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

À mon tour de me féliciter que nous puissions débattre en séance, ce soir, de la proposition de résolution européenne sur les progrès de l’union bancaire et économique qui a été présentée devant la commission des affaires européennes par Christophe Caresche, Didier Quentin et Michel Herbillon le 18 décembre dernier et qui a été adoptée à l’unanimité, c’est toujours intéressant de le rappeler.

Notre commission a déjà eu l’occasion, cet été, de donner sa conception de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, dans une résolution qui, je le souligne, demeure d’actualité. Avec le texte qui nous est proposé ce soir, il s’agit donc de tenir compte des évolutions intervenues ces sept derniers mois. Je me concentrerai par conséquent sur l’union bancaire, qui avance à grand pas, ainsi que sur l’intégration économique, dont la mise en oeuvre semble être plus difficile, comme Christophe Caresche vient de le souligner.

S’agissant donc tout d’abord de l’union bancaire, qui constitue une des réponses essentielles à la crise financière apparue en Europe en 2007, je veux en premier lieu saluer le rythme de sa mise en place, qui doit beaucoup à l’action du Gouvernement, que je me permets de saluer ici.

Décidée par le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, l’union bancaire progresse. Son premier pilier, le mécanisme de surveillance unique, sera ainsi pleinement opérationnel le 4 novembre prochain, après la revue de la qualité des actifs bancaires et les tests de résistance qui seront dirigés par la Banque centrale européenne en collaboration avec l’Autorité bancaire européenne. À cet égard, je me réjouis que ce soit une femme, une Française, Danièle Nouy, qui prenne la tête du nouveau superviseur européen.

Le second pilier, le mécanisme de résolution unique, est quant à lui en voie de finalisation. Après l’accord trouvé au Conseil du 18 décembre dernier, les trilogues ont commencé au début du mois, avec l’objectif d’aboutir à un accord d’ici à la fin du mois de février. Les positions du Conseil et du Parlement européen sont très divergentes mais je ne doute pas que le mécanisme de résolution unique se concrétise malgré tout rapidement. Il en va de la crédibilité de la zone euro.

La France a toujours porté une position claire et forte sur l’union bancaire, ce dont je me réjouis. Toutefois, je m’inquiète du compromis insuffisant trouvé au Conseil le 18 décembre dernier. Il est ainsi incompréhensible de retirer du projet de règlement en cours de négociation la question des modalités de constitution du Fonds unique de résolution.

La France a choisi de ne pas s’opposer à cette solution, qui ne convient absolument pas. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous expliquer les raisons de ce choix ? Le Gouvernement a-t-il été convaincu par les arguments juridiques de l’Allemagne ? Je sais bien que l’attelage franco-allemand essaie de repartir à grande vitesse mais tout de même, est-ce le prix à payer, surtout contre les avis des services juridiques du Conseil, du Parlement européen et de la Commission européenne ? Cela fait tout de même beaucoup d’avis divergents.

J’en viens maintenant aux deux jambes sur lesquelles repose le mécanisme de résolution unique : l’autorité et le Fonds de résolution. Je ne vous cache pas que je suis inquiète de l’architecture retenue par le Conseil pour l’autorité de résolution unique. Pour être efficaces, les décisions en matière de résolution bancaire doivent être prises rapidement. Or c’est une véritable usine à gaz qui a été conçue par le Conseil. J’ai beau être écologiste, il me semble que ce n’est pas de ce gaz-là dont nous avons besoin.

La proposition initiale de la Commission européenne était déjà complexe mais elle présentait l’avantage d’une prise de décision rapide. Le Conseil a réussi à encore complexifier ce dispositif, en prévoyant son intervention dans le processus de résolution et l’introduction de règles de vote différenciées au sein des deux formations du comité de résolution. Pour paraphraser Martin Schulz – vous voyez que mes sources sont précises ! – ce n’est pas une autorité unique de résolution qui est ainsi proposée par le Conseil, mais plutôt une autorité multiple de résolution. Ce nouveau mécanisme soulève beaucoup de questions en termes de rapidité, d’efficacité et d’indépendance.

La formule proposée par la Commission européenne présentait le mérite de la simplicité, même si elle devait être améliorée afin d’éviter tout risque de conflits d’intérêts. Ne perdons pas de vue les objectifs de simplicité et d’efficacité, seuls à même d’assurer la crédibilité du dispositif.

J’en viens maintenant à la seconde jambe du mécanisme de résolution unique : le Fonds de résolution. Là encore, la formule prévue par le Conseil est extrêmement complexe, avec une mutualisation progressive des fonds de résolution, alors que la logique européenne plaide pour une mutualisation immédiate. En outre, le compromis du Conseil laisse planer de forts doutes sur les mécanismes de sécurité financiers, les fameux backstops dont a parlé Christophe Caresche, qui interviendront si la mobilisation du Fonds de résolution se révèle insuffisante. Ce rôle ne devrait-il pas revenir au Mécanisme européen de stabilité ?

J’en viens maintenant au troisième pilier de l’union bancaire : le système unique de garantie des dépôts, qui reste encore lettre morte. Quelles actions entendez-vous mener, monsieur le ministre, pour faire avancer ce troisième chantier, destiné à parachever l’union bancaire ?

Enfin, l’union bancaire est indissociable de la question de la séparation des activités bancaires. En France, la réforme bancaire que vous avez menée marque un réel progrès. Elle risque toutefois d’être mise à mal par la proposition que la Commission européenne vient de présenter. Les objectifs poursuivis ne semblent pas tout à fait les mêmes. Comment entendez-vous, monsieur le ministre, les réconcilier ?

S’agissant de l’Union économique, je veux ici redire combien la prise en compte de la dimension sociale des politiques économiques est importante. Les échanges que nous avons eus à Bruxelles la semaine dernière dans le cadre de la conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l’Union l’ont confirmé. De ce point de vue, tous les parlementaires de tous les pays sont plutôt sur la même longueur d’onde.

S’il doit voir le jour, l’instrument de convergence et de compétitivité, inscrit à l’ordre du jour de chaque conseil européen depuis près d’un an maintenant sans réelle avancée, doit avant tout être conçu comme un outil au service de l’emploi. S’il doit être soutenu, ce sera surtout pour mettre en place un mécanisme de solidarité qui devrait permettre de préfigurer un budget propre à la zone euro. Nous resterons très vigilants sur ce sujet. Vous avez bien entendu le rapporteur, monsieur le ministre.

Pour conclure, je voudrais rappeler qu’il faut assurer la légitimité démocratique de l’ensemble des nouveaux mécanismes mis en place au sein de l’Union économique et monétaire. Pour cela, il faut y associer pleinement les parlements. C’est vrai pour les différentes étapes du semestre européen, c’est vrai aussi pour le mécanisme de résolution unique. À cet égard, je me réjouis de voir que plusieurs des demandes que nous avons formulées pour améliorer le contrôle des parlements nationaux dans le cadre du mécanisme de résolution unique ont été prises en compte dans le texte adopté au Conseil. Je salue tout particulièrement l’action du Gouvernement à cet égard.

Le trilogue avec le Parlement européen pourrait toutefois être l’occasion d’amender le texte, afin de prévoir trois dispositions auxquelles nous tenons tout particulièrement : la transmission du programme de travail du comité de résolution aux parlements nationaux, dans un objectif de bonne information ; l’obligation pour le comité de résolution unique de coopérer à toute enquête d’un parlement national ; la possibilité d’auditionner le représentant de la Commission européenne si celle-ci était amenée à exercer un pouvoir décisionnaire dans le processus de mise en résolution. Et croyez-moi, la Commission résiste dans ce domaine-là.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de la diligence dont vous voudrez bien faire preuve dans le cadre du trilogue, afin que ces trois dispositions soient prises en compte. Au vu des améliorations déjà apportées à la rédaction de l’article 42 du projet de règlement consacré aux parlements nationaux, je ne doute pas que vous obtiendrez gain de cause. Nous avons des causes communes et je crois que la résolution vous aidera à prendre ces décisions.

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