Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à vingt et une heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne de M. Christophe Caresche et plusieurs de ses collègues sur les progrès de l’union bancaire et de l’intégration économique au sein de l’Union économique et monétaire (no 1666).

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, je veux tout d’abord remercier la présidente de la commission des affaires européennes d’avoir oeuvré avec succès pour que cette résolution soit inscrite à l’ordre du jour de notre assemblée. Malgré la faible participation de ce jeudi soir…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…c’est une bonne chose que l’Assemblée nationale puisse se prononcer sur deux sujets majeurs pour l’avenir de l’Union européenne : l’union bancaire et l’intégration économique et budgétaire.

Ce sont deux sujets très importants car si l’Europe et la zone euro ont évité le pire en réussissant, après parfois beaucoup d’improvisations, à juguler la crise financière, la situation, nous le savons bien, reste fragile. La croissance repart certes, mais à un rythme insuffisant, et le chômage continue à augmenter dans des proportions qui menacent la cohésion sociale et politique de certains pays. Nous ne sommes donc pas sortis de la crise et, dans ce contexte, l’union bancaire et la coordination économique doivent permettre de redonner confiance dans les banques, de prévenir et de résoudre les crises bancaires. Un des éléments qui a permis aux États-Unis de se rétablir rapidement, c’est précisément que ce pays a réussi à assainir son système bancaire dans de brefs délais, de même qu’une des raisons qui a expliqué pendant longtemps la panne du Japon est qu’il n’avait pas fait le même travail après sa crise bancaire des années 90. C’est un enjeu majeur pour l’Europe que de s’atteler à cette tâche.

On peut tout de même saluer les progrès importants accomplis en quelques mois s’agissant de l’union bancaire. Ainsi, il y a dorénavant un cadre juridique pour harmoniser les règles de redressement et de liquidation des banques, qui concerne l’ensemble des États membres de l’Union européenne et qui prévoit une cascade de responsabilités mobilisant les actionnaires, les créanciers, voire les déposants jusqu’à hauteur de 100 000 euros. Il s’agit de privilégier le renflouement interne au renflouement externe par les États. De même a été mis en place un cadre pour la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité. Certes, sa dotation est limitée à 60 milliards d’euros et sa mise en oeuvre subordonnée à des conditions très strictes ; néanmoins, c’est un progrès important, avec la mise en place des règles de bail-in pour briser le lien entre dette bancaire et dette souveraine. Il y a aussi maintenant un mécanisme de surveillance unique, avec un superviseur européen, la BCE, qui commencera sa mission de surveillance en novembre prochain, après l’évaluation de la qualité des actifs bancaires et des tests de résistance. Enfin, un mécanisme de résolution unique a été mis en place, à l’issue de l’accord du Conseil européen de décembre dernier sur lequel je vais évidemment revenir.

Beaucoup de chemin a donc été parcouru. Il manque toutefois, monsieur le ministre, un élément essentiel à la mise en place de l’union bancaire. Nous le mentionnons dans la proposition de résolution : c’est le troisième pilier, à savoir le système unique de garantie des dépôts qui pour l’instant est au point mort.

S’agissant de la résolution unique, un accord a été trouvé au dernier conseil, et il faut s’en réjouir, mais il est perfectible. En effet, il est en retrait sur des points importants par rapport à la proposition de la Commission européenne. C’est pourquoi notre proposition de résolution vise à appuyer les efforts du Parlement européen pour améliorer cet accord dans le cadre du trilogue auquel il participe avec le Conseil et la Commission. Ce sera difficile, car l’accord qui a été conclu est, comme toujours, le produit d’un équilibre subtil, mais je pense que c’est possible. Il faut en tous les cas tout faire pour l’améliorer. La position de la France a d’ailleurs, durant toute l’élaboration de l’accord, toujours été très proche des positions défendues par la Commission européenne, ce dont il faut se féliciter.

Sur quels points est-il particulièrement souhaitable d’avancer ? Tout d’abord, sur l’autorité de résolution unique. La proposition de la Commission européenne présentait le mérite de la simplicité, même si elle devait être améliorée, notamment afin d’éviter tout risque de conflits d’intérêts, la Commission devant être à la fois chargée des aides d’État et de la résolution unique. Mais le dispositif proposé par le Conseil est d’une rare complexité et soulève beaucoup de questions en termes de rapidité, d’efficacité et d’indépendance, qui sont des éléments centraux.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En effet, il faut absolument que ces questions soient traitées avec efficacité, et je dirai même avec une certaine distance par rapport aux intérêts nationaux. On sait en effet que pour un État, ce sera une situation difficile que de se retrouver face à une crise bancaire et de devoir mettre en résolution certaines banques.

S’agissant du Fonds de résolution unique, plusieurs questions se posent également. Je pense notamment à la mutualisation du Fonds, prévue d’emblée par la Commission européenne. Je remercie les députés qui ont déposé des amendements à ce sujet, qui préciseront les choses. Nous pensons qu’il serait possible que le Fonds soit mutualisé plus tôt que ne le prévoit l’accord du Conseil.

Quant à la question du filet de sécurité, dit backstop, elle a certes fait l’objet d’un accord, mais qui reste encore extrêmement flou puisqu’on ne connaît évidemment pas à ce jour l’organisme, ni même la capacité budgétaire qui en seraient chargés. Sur ce plan, aussi, il faut préciser et clarifier les choses.

S’agissant enfin de la question démocratique, nous faisons plusieurs propositions pour associer les parlements nationaux au mécanisme de résolution unique. J’ai dit qu’il fallait éviter que les intérêts nationaux soient trop présents, mais je pense aussi que les parlements doivent pouvoir accéder à un certain type d’informations. À cet égard, nos demandes ont été, semble-t-il, prises en compte dans le texte adopté au Conseil, et nous souhaitons qu’elles fassent partie de l’accord final et du futur traité qui portera sur une partie du compromis, traité qui devra bien entendu être ratifié par les parlements.

S’agissant de l’Union économique, je serai plus bref, même si c’est un sujet évidemment très important, parce que le dernier conseil européen a marqué à cet égard un certain nombre d’avancées, sans être conclusif. On sait que cette question sera débattue à nouveau en octobre prochain. Nous aurons donc le temps d’y revenir. Il convient de simplifier l’ensemble des procédures qui relèvent, de manière plus ou moins directe, du semestre européen. En particulier, il serait utile que la Commission européenne, lors de son examen annuel de croissance, présente un document unique qui aborde les politiques de croissance dans toutes leurs dimensions et qui mette en évidence les enjeux propres à la zone euro.

Par ailleurs, j’estime que s’ils doivent voir le jour, les instruments de convergence et de compétitivité, ce qu’on appelle les arrangements contractuels, doivent être avant tout un moyen de mettre en place un mécanisme de solidarité à même de préfigurer un budget propre à la zone euro. On sait qu’ils ont suscité de vifs débats car il s’agit de savoir comment accompagner un certain nombre de réformes dans des pays en proie à des difficultés. Notre proposition indique clairement qu’il ne faut pas récuser ce type de dispositif sur le principe, mais le Conseil européen a tout aussi clairement refusé de le voir se transformer en instrument supplémentaire de discipline à l’encontre des États. La décision du Conseil montre que ces arrangements contractuels seront construits sur une base volontaire, et accompagnés d’un mécanisme de solidarité financière. Cette décision peut permettre de déboucher sur des dispositifs intéressants et susceptibles de préfigurer ce qu’a proposé la France : la mise en place d’un budget propre à la zone euro afin de faire face à ce que les économistes appellent les chocs asymétriques et donc de soutenir la croissance et la relance économique, notamment au niveau des investissements. Dès lors que ces arrangements contractuels seraient conçus dans le sens que j’ai indiqué, il serait possible d’aller vers un tel budget au niveau de la zone euro.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À mon tour de me féliciter que nous puissions débattre en séance, ce soir, de la proposition de résolution européenne sur les progrès de l’union bancaire et économique qui a été présentée devant la commission des affaires européennes par Christophe Caresche, Didier Quentin et Michel Herbillon le 18 décembre dernier et qui a été adoptée à l’unanimité, c’est toujours intéressant de le rappeler.

Notre commission a déjà eu l’occasion, cet été, de donner sa conception de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, dans une résolution qui, je le souligne, demeure d’actualité. Avec le texte qui nous est proposé ce soir, il s’agit donc de tenir compte des évolutions intervenues ces sept derniers mois. Je me concentrerai par conséquent sur l’union bancaire, qui avance à grand pas, ainsi que sur l’intégration économique, dont la mise en oeuvre semble être plus difficile, comme Christophe Caresche vient de le souligner.

S’agissant donc tout d’abord de l’union bancaire, qui constitue une des réponses essentielles à la crise financière apparue en Europe en 2007, je veux en premier lieu saluer le rythme de sa mise en place, qui doit beaucoup à l’action du Gouvernement, que je me permets de saluer ici.

Décidée par le Conseil européen des 28 et 29 juin 2012, l’union bancaire progresse. Son premier pilier, le mécanisme de surveillance unique, sera ainsi pleinement opérationnel le 4 novembre prochain, après la revue de la qualité des actifs bancaires et les tests de résistance qui seront dirigés par la Banque centrale européenne en collaboration avec l’Autorité bancaire européenne. À cet égard, je me réjouis que ce soit une femme, une Française, Danièle Nouy, qui prenne la tête du nouveau superviseur européen.

Le second pilier, le mécanisme de résolution unique, est quant à lui en voie de finalisation. Après l’accord trouvé au Conseil du 18 décembre dernier, les trilogues ont commencé au début du mois, avec l’objectif d’aboutir à un accord d’ici à la fin du mois de février. Les positions du Conseil et du Parlement européen sont très divergentes mais je ne doute pas que le mécanisme de résolution unique se concrétise malgré tout rapidement. Il en va de la crédibilité de la zone euro.

La France a toujours porté une position claire et forte sur l’union bancaire, ce dont je me réjouis. Toutefois, je m’inquiète du compromis insuffisant trouvé au Conseil le 18 décembre dernier. Il est ainsi incompréhensible de retirer du projet de règlement en cours de négociation la question des modalités de constitution du Fonds unique de résolution.

La France a choisi de ne pas s’opposer à cette solution, qui ne convient absolument pas. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous expliquer les raisons de ce choix ? Le Gouvernement a-t-il été convaincu par les arguments juridiques de l’Allemagne ? Je sais bien que l’attelage franco-allemand essaie de repartir à grande vitesse mais tout de même, est-ce le prix à payer, surtout contre les avis des services juridiques du Conseil, du Parlement européen et de la Commission européenne ? Cela fait tout de même beaucoup d’avis divergents.

J’en viens maintenant aux deux jambes sur lesquelles repose le mécanisme de résolution unique : l’autorité et le Fonds de résolution. Je ne vous cache pas que je suis inquiète de l’architecture retenue par le Conseil pour l’autorité de résolution unique. Pour être efficaces, les décisions en matière de résolution bancaire doivent être prises rapidement. Or c’est une véritable usine à gaz qui a été conçue par le Conseil. J’ai beau être écologiste, il me semble que ce n’est pas de ce gaz-là dont nous avons besoin.

La proposition initiale de la Commission européenne était déjà complexe mais elle présentait l’avantage d’une prise de décision rapide. Le Conseil a réussi à encore complexifier ce dispositif, en prévoyant son intervention dans le processus de résolution et l’introduction de règles de vote différenciées au sein des deux formations du comité de résolution. Pour paraphraser Martin Schulz – vous voyez que mes sources sont précises ! – ce n’est pas une autorité unique de résolution qui est ainsi proposée par le Conseil, mais plutôt une autorité multiple de résolution. Ce nouveau mécanisme soulève beaucoup de questions en termes de rapidité, d’efficacité et d’indépendance.

La formule proposée par la Commission européenne présentait le mérite de la simplicité, même si elle devait être améliorée afin d’éviter tout risque de conflits d’intérêts. Ne perdons pas de vue les objectifs de simplicité et d’efficacité, seuls à même d’assurer la crédibilité du dispositif.

J’en viens maintenant à la seconde jambe du mécanisme de résolution unique : le Fonds de résolution. Là encore, la formule prévue par le Conseil est extrêmement complexe, avec une mutualisation progressive des fonds de résolution, alors que la logique européenne plaide pour une mutualisation immédiate. En outre, le compromis du Conseil laisse planer de forts doutes sur les mécanismes de sécurité financiers, les fameux backstops dont a parlé Christophe Caresche, qui interviendront si la mobilisation du Fonds de résolution se révèle insuffisante. Ce rôle ne devrait-il pas revenir au Mécanisme européen de stabilité ?

J’en viens maintenant au troisième pilier de l’union bancaire : le système unique de garantie des dépôts, qui reste encore lettre morte. Quelles actions entendez-vous mener, monsieur le ministre, pour faire avancer ce troisième chantier, destiné à parachever l’union bancaire ?

Enfin, l’union bancaire est indissociable de la question de la séparation des activités bancaires. En France, la réforme bancaire que vous avez menée marque un réel progrès. Elle risque toutefois d’être mise à mal par la proposition que la Commission européenne vient de présenter. Les objectifs poursuivis ne semblent pas tout à fait les mêmes. Comment entendez-vous, monsieur le ministre, les réconcilier ?

S’agissant de l’Union économique, je veux ici redire combien la prise en compte de la dimension sociale des politiques économiques est importante. Les échanges que nous avons eus à Bruxelles la semaine dernière dans le cadre de la conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l’Union l’ont confirmé. De ce point de vue, tous les parlementaires de tous les pays sont plutôt sur la même longueur d’onde.

S’il doit voir le jour, l’instrument de convergence et de compétitivité, inscrit à l’ordre du jour de chaque conseil européen depuis près d’un an maintenant sans réelle avancée, doit avant tout être conçu comme un outil au service de l’emploi. S’il doit être soutenu, ce sera surtout pour mettre en place un mécanisme de solidarité qui devrait permettre de préfigurer un budget propre à la zone euro. Nous resterons très vigilants sur ce sujet. Vous avez bien entendu le rapporteur, monsieur le ministre.

Pour conclure, je voudrais rappeler qu’il faut assurer la légitimité démocratique de l’ensemble des nouveaux mécanismes mis en place au sein de l’Union économique et monétaire. Pour cela, il faut y associer pleinement les parlements. C’est vrai pour les différentes étapes du semestre européen, c’est vrai aussi pour le mécanisme de résolution unique. À cet égard, je me réjouis de voir que plusieurs des demandes que nous avons formulées pour améliorer le contrôle des parlements nationaux dans le cadre du mécanisme de résolution unique ont été prises en compte dans le texte adopté au Conseil. Je salue tout particulièrement l’action du Gouvernement à cet égard.

Le trilogue avec le Parlement européen pourrait toutefois être l’occasion d’amender le texte, afin de prévoir trois dispositions auxquelles nous tenons tout particulièrement : la transmission du programme de travail du comité de résolution aux parlements nationaux, dans un objectif de bonne information ; l’obligation pour le comité de résolution unique de coopérer à toute enquête d’un parlement national ; la possibilité d’auditionner le représentant de la Commission européenne si celle-ci était amenée à exercer un pouvoir décisionnaire dans le processus de mise en résolution. Et croyez-moi, la Commission résiste dans ce domaine-là.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de la diligence dont vous voudrez bien faire preuve dans le cadre du trilogue, afin que ces trois dispositions soient prises en compte. Au vu des améliorations déjà apportées à la rédaction de l’article 42 du projet de règlement consacré aux parlements nationaux, je ne doute pas que vous obtiendrez gain de cause. Nous avons des causes communes et je crois que la résolution vous aidera à prendre ces décisions.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Bonsoir à tous. Je pourrais presque vous citer un par un !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Au préalable, je vous prie d’excuser le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, qui rate ce rendez-vous car il est retenu par des obligations importantes et qui m’a demandé de le suppléer ce soir. En son nom et en celui du Gouvernement, je voudrais féliciter votre assemblée de poursuivre le travail entamé cet été avec votre résolution du 11 août sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et vos prises de position sur des débats qui sont absolument déterminants pour la poursuite du redressement économique de notre pays.

Le niveau européen est en effet, dans l’esprit du Gouvernement, profondément complémentaire des réformes qui sont engagées au niveau national. C’est un véritable continuum que nous construisons entre notre agenda de réformes en France et nos priorités européennes, qui se nourrissent et se renforcent mutuellement.

Dans cette vision globale et cohérente des leviers nationaux et européens, vous avez raison de souligner l’importance de la construction de l’union bancaire. C’est au sommet du 29 juin 2012 que les États de la zone euro ont pris l’engagement de briser le cercle vicieux entre crise bancaire et crise souveraine, autrement dit d’empêcher la contagion d’une crise bancaire vers les États, obligés d’intervenir pour éviter l’effondrement de leurs banques afin de protéger les déposants et de garantir le financement de leur économie. L’État placé dans une telle situation dégrade du même coup ses finances publiques, ce qui conduit à dévaloriser sa dette et donc à dévaloriser le bilan des banques qui la détiennent, nécessitant un nouveau sauvetage.

C’est à briser ce cercle vicieux, que nous avons vu s’installer dans la zone euro au pire de la crise, que nous travaillons. Pour cela, il était essentiel d’avoir un instrument commun de résolution des crises bancaires et, à cette fin, de mettre en place une supervision unique en zone euro chargée d’unifier la surveillance et le contrôle des risques.

La décision du sommet de la zone euro, portée et soutenue par la France, a été déterminante dans la stabilisation de la zone. Grâce à cette décision, la Banque centrale européenne a aussi annoncé, en juillet puis septembre 2012, la création d’un instrument d’achat de dette souveraine pour mettre en oeuvre son engagement de faire ce qui serait nécessaire pour préserver l’intégrité de la zone euro.

La création de ces outils et l’installation du Mécanisme européen de stabilité en octobre 2012 ont été des instruments puissants pour stabiliser les tensions sur les dettes souveraines et mettre fin au volet financier de la crise, préalable indispensable à toute reprise de l’activité et de la croissance.

Il reste désormais à parachever la construction de cette union bancaire. Sur la base de cette impulsion initiale, beaucoup d’étapes législatives ont été successivement franchies, une à une, avec pour objectif d’adopter l’ensemble des dispositifs prévus dans le cadre de la législature européenne actuelle, qui s’achèvera mi-avril prochain.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le mécanisme de supervision unique est établi depuis le 5 novembre dernier. Il repose sur la responsabilité unique de la Banque centrale européenne sur l’ensemble du système de supervision bancaire de la zone euro, ainsi que des États qui décideront d’y adhérer. La BCE exercera cette supervision directement sur les principales banques de chaque pays de la zone euro. Elle aura un pouvoir sans condition de reprendre le contrôle d’une banque supervisée au niveau national lorsqu’elle le jugera nécessaire. Elle pourra aussi donner des instructions aux superviseurs nationaux sur toute catégorie de banques.

La directrice générale du conseil de supervision placé au sein de la BCE a été désignée il y a quelques semaines, après audition devant le Parlement européen. Il s’agit de Mme Danièle Nouy, jusqu’à présent secrétaire générale de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à Paris.

Nous sommes donc désormais dans la phase active de mise en place de la supervision unique. Dans ce cadre, la BCE organise une évaluation du bilan du secteur bancaire et un exercice de stress tests en lien avec l’Autorité bancaire européenne, dont les résultats seront rendus publics à l’automne.

Les autorités françaises partagent votre souhait que ce soit un exercice ambitieux qui permette de restaurer pleinement la confiance dans le secteur financier et nous conduise à réparer les faiblesses éventuelles mais aussi à lever les doutes indus sur le secteur bancaire. Nous repartirons ainsi sur des bases claires qui permettront aux banques de reprendre leur activité première de financement de l’économie.

Dans la préparation de cet exercice, le conseil Écofin a adopté, le 15 novembre dernier, une stratégie coordonnée pour répondre aux cas dans lesquels cet exercice d’évaluation des bilans bancaires montrerait la nécessité pour telle ou telle banque de relever son niveau de capital. Cette stratégie prévoit que les banques se tourneront d’abord vers les marchés financiers et les acteurs privés. Si jamais il n’y a pas de solution privée, une assistance publique pourra être engagée au niveau national, en ligne avec le cadre général sur les aides d’État qui s’applique de façon uniforme dans tous les États membres.

Enfin, il est prévu que le Mécanisme européen de stabilité pourra intervenir in fine en cas de risque pour la stabilité financière si un État faisait face à des difficultés de financement, conformément aux procédures agréées. Cela pourra se faire sous la forme d’un prêt à l’État concerné pour recapitaliser son secteur bancaire, comme nous l’avons fait en juin 2012 pour l’Espagne, qui est d’ailleurs sortie de ce programme il y a quelques jours, mais cela devrait également se faire sous la forme d’une recapitalisation directe d’une institution financière par le Mécanisme européen de stabilité.

La France est très attachée à ce que cet instrument, dont la création a été décidée dès le sommet de la zone euro du 29 juin 2012, soit effectivement disponible d’ici à l’automne. Cela suppose d’adopter les termes définitifs de l’instrument juridique dans les prochaines semaines et au plus tard lors de l’Eurogroupe du 10 mars prochain, comme l’ont souligné les ministres français et allemand lundi dernier lors du conseil économique et financier franco-allemand, de telle sorte que les différentes procédures nationales d’agrément puissent se terminer au tout début de l’automne.

Le conseil Écofin et le Parlement européen sont également tombés d’accord le 17 décembre 2013 sur le renforcement des systèmes nationaux de garantie des dépôts, qui protège les déposants jusqu’à 100 000 euros. Ce cadre rénové vise en particulier à réduire de vingt à sept jours, voire cinq dans certains cas particuliers, le délai d’indemnisation de droit commun et à instaurer une obligation de préfinancement harmonisé des fonds de garantie des dépôts, qui n’existait pas jusqu’à présent.

Il s’agit d’une étape importante, de nature à rassurer pleinement les déposants. Je tiens néanmoins à vous assurer de notre pleine convergence avec vous : la France plaide en effet avec constance pour que, à terme, l’union bancaire soit dotée d’un troisième pilier reposant sur un mécanisme de garantie des dépôts unique pour les États qui y participent. C’est pour nous l’un des sujets essentiels auxquels la prochaine législature européenne devra se consacrer. Nous attendons de la Commission qu’elle dépose rapidement un projet de règlement en ce sens.

Enfin, nous sommes en train de finaliser le cadre de la résolution et de la restructuration bancaire, qui vient parachever l’entreprise commencée en France avec la loi de séparation et de régulation bancaire. Ce cadre s’appuiera sur les règles issues du cadre harmonisé mis en place par le projet de directive sur la résolution bancaire sur laquelle un accord a été trouvé entre le Conseil et le Parlement européen le 12 décembre 2013. Ce texte, qui doit encore faire l’objet d’un vote définitif, permet de renforcer dans l’ensemble de l’Union européenne les outils à disposition des pouvoirs publics pour mieux prévenir et gérer les crises bancaires en limitant le recours aux ressources publiques et en assurant la continuité des fonctions critiques assumées par l’établissement en résolution.

Pour la zone euro, ces règles harmonisées seront appliquées par un mécanisme unique de résolution, qui sera le symétrique du mécanisme unique de supervision placé auprès de la BCE. Le conseil Écofin a défini avec la Commission européenne les grandes lignes de son orientation générale, qui est en cours de discussion avec le Parlement européen. Ce mécanisme unique de résolution aura une compétence large : il s’appliquera aux banques qui sont sous la supervision unique de la BCE, mais aussi à toutes les banques transfrontalières et, enfin, à tous les cas dans lesquels la résolution d’une défaillance nécessite d’avoir recours au financement du Fonds de résolution.

Ce mécanisme sera également chargé d’adopter les plans préventifs de résolution et pourra prendre des mesures de résolution en cas de défaillance d’un établissement. Le coût en sera supporté d’abord par le secteur privé, c’est-à-dire les actionnaires et les créanciers, avec une implication minimale dans le financement à hauteur de 8 % du bilan pour couvrir les premières pertes. C’est seulement après la mobilisation des créanciers privés que le mécanisme pourra mobiliser le Fonds de résolution, qui sera lui aussi unique pour l’ensemble de la zone euro.

Le Fonds sera abondé par les banques de la zone euro. Ses ressources seront progressivement mutualisées de telle sorte qu’en régime de croisière, nous aurons un fonds unique avec des ressources totalement mises en commun. Au début, il y aura donc un lien entre le pays où est établie la banque en défaillance et les ressources du fonds qui seront utilisées en priorité pour la restructurer, mais il y aura aussi dès le début une part de ressources mutualisées qui seront aussi utilisables, et cette part sera croissante jusqu’à mutualisation totale. Ce point est absolument essentiel.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

C’est bien un Fonds unique que nous allons commencer à mettre en place, avec un régime de transition jusqu’à ce que ses ressources soient totalement mutualisées, madame Berger. À cette fin, les États membres du conseil Écofin ont trouvé un compromis sur les modalités juridiques de la mutualisation, qui sera inscrite dans un accord intergouvernemental que nous avons voulu le plus étroit possible, qui se concentrera sur la question des transferts de fonds et de la mutualisation, qui sera construit sur la base des demandes de nos partenaires allemands et que nous allons finaliser en même temps que le règlement communautaire d’ici à la fin février. Le règlement, adopté en codécision avec le Parlement européen, contiendra donc tout le reste : établissement du mécanisme, création du Fonds unique, règles de décision, principes de calcul des contributions des banques au fonds. Les deux textes seront adoptés en même temps, c’est-à-dire d’ici au mois de mars, et nous voulons que l’ensemble entre en vigueur en même temps également.

Nous nous sommes aussi mis d’accord pour mettre en place, en même temps que le Fonds unique, un filet de sécurité commun, un backstop, pour assurer que le Fonds unique pourra toujours se financer, même dans l’hypothèse d’une crise de très grande ampleur.

En régime de transition, cette sécurité sera assurée en s’appuyant sur les mécanismes nationaux et les instruments existants du Mécanisme européen de stabilité, y compris les recapitalisations directes et les mécanismes nationaux. Mais à l’issue de la période de transition, lorsque le Fonds de résolution sera totalement mutualisé, nous aurons développé un backstop totalement commun qui permettra de garantir et de faciliter les financements du Fonds de résolution unique. Même si ce n’est pas encore explicite dans l’accord européen, il est clair, dans l’esprit des autorités françaises, que ce filet de sécurité commun doit être le Mécanisme européen de stabilité.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Je suis content de vous voir opiner ! Enfin, nous avons débattu des arrangements sur la gouvernance du mécanisme. Les grands principes seront les suivants : le Conseil de résolution, associant les autorités nationales de résolution, préparera les plans préventifs et les décisions de résolution ; le conseil Écofin interviendra pour rendre ces décisions exécutoires sur proposition de la Commission dans un délai de vingt-quatre heures, et nous avons adopté un arrangement pour la coordination des votes des États de la zone euro pour renforcer l’efficacité du processus de décision.

L’orientation générale du conseil Écofin du 18 décembre, sans être à l’évidence identique au texte que nous aurions écrit si cela n’avait dépendu que de nous, est donc conforme à nos principaux objectifs de négociation. En effet, le champ de compétence directe du Conseil de résolution est plus large que celui de la supervision directe de la BCE ; un Fonds de résolution unique totalement mutualisé bénéficiant d’un backstop commun sera établi à terme, et la mutualisation des contributions commencera dès la première année ; enfin, la gouvernance du mécanisme repose de facto sur un rôle majeur confié au Conseil de résolution.

C’est sur cette base que la présidence grecque mène en ce moment les discussions avec le Parlement européen. Des améliorations sont bien sûr possibles, en gardant à l’esprit l’importance capitale du calendrier d’adoption de ces textes : il serait inconcevable d’échouer si près du but, dans une construction dont l’ampleur reste capitale pour parachever la stabilisation de la zone euro, mais aussi le rétablissement des canaux de financement de l’économie.

En effet, nous ne faisons pas un mécanisme pour sauver les banques, mais pour protéger le financement de l’économie, et elle en a bien besoin aujourd’hui, dans la zone euro comme l’ensemble du marché européen. En prévoyant comment nous assurerons la continuité du fonctionnement des banques ou, au contraire, comment nous les fermerons, ce sont les emprunteurs et les épargnants que nous protégeons, mais aussi les contribuables qui ont dû, et nous en payons aujourd’hui le prix, assumer le sauvetage de banques « trop grandes pour faire défaut », too big to fail.

C’est en commun que la zone euro doit faire face à ces risques, et cela suppose de mettre en commun nos instruments. Nous le ferons en nous assurant que le coût est d’abord supporté par les actionnaires et les créanciers des banques ; puis, nous pourrons nous tourner vers un Fonds de résolution abondé par les banques, pour qu’elles contribuent collectivement au bon fonctionnement du secteur bancaire ; et, à la fin, nous aurons un filet de sécurité public qui puisse apporter la réponse de dernier ressort. En ce sens, c’est un progrès décisif pour sortir de la crise, recréer la confiance dans le système financier et le recentrer sur son rôle fondamental, qui est de financer la croissance.

En parallèle, la zone euro s’est attaquée à la réforme de sa gouvernance économique. Elle a renforcé progressivement les règles, les disciplines et les limites sur les politiques budgétaires nationales, ce qui s’est traduit pour les États par un effort considérable de réduction des déficits, à un rythme que nous sommes en train d’adapter avec la Commission européenne.

Nous avons donc aujourd’hui certains des ingrédients qui permettraient à l’intérêt européen commun de se déployer effectivement, mais il nous en manque encore. Nous avons les disciplines, avec un encadrement poussé des politiques budgétaires, nous avons un instrument de surveillance des déséquilibres macroéconomiques, qui doit être pleinement appliqué, et nous avons la solidarité. Mais notre créativité s’est surtout déployée dans le champ financier, et nous n’avons toujours pas les instruments de politique économique pour faire reculer le chômage en Europe, qui reste à des niveaux anormalement élevés, ou pour accélérer la sortie de crise dans les États qui sont le plus durement touchés.

Personne dès lors ne sera surpris des propositions de la France pour prévenir et guérir les crises économiques actuelles et futures et stimuler la croissance en zone euro : elles sont le point d’aboutissement logique du diagnostic que le Gouvernement vous propose de partager. Nous devons tirer toutes les conséquences du fait qu’au sein de l’Union européenne à 28, qui reste à la fois notre grand marché intérieur et notre patrimoine politique commun, la zone euro constitue une dimension particulière, et que la monnaie unique change radicalement la façon de faire de la politique économique.

Nous pensons qu’il faut un budget pour la zone euro, qui soit notre première défense commune face aux crises macroéconomiques et qui puisse jouer un rôle de stabilisateur économique, au-devant des budgets nationaux. Cela permettrait ainsi d’exprimer une solidarité entre les membres de la zone euro et de donner une réalité à l’Europe sociale, tout en étant un outil macroéconomique puissant, première réponse à un ralentissement de l’activité.

Nous avons également comme volonté de faire que la prochaine législature européenne soit une législature de croissance en Europe, après tant de mois consacrés à enrayer la crise. Au coeur de notre projet figure le pilier social de l’Europe. Sur l’emploi, nous devons traduire les décisions du Conseil européen, notamment sur l’emploi des jeunes et, le plus rapidement possible, autour de la « garantie jeune », en mobilisant les crédits européens et en mettant en place des plans nationaux pour les mettre en oeuvre dès le début de cette année. Dans le même temps, nous devons lutter contre le dumping social. C’est le sens de l’accord que la France a obtenu sur la directive « détachement des travailleurs » qui corrige les distorsions et met en place, dans chacun de nos pays, un contrôle beaucoup plus vigilant et beaucoup plus dissuasif. En parallèle, il faut redonner de la lisibilité aux institutions politiques qui sont chargées de la politique économique et de la sauvegarde de notre intérêt commun.

Nous avons donc une approche pragmatique, qui consiste à regarder les problèmes tels qu’ils sont. Nous constatons que les problèmes de stabilité économique et financière rencontrés par la zone euro appellent une clarification et des adaptations institutionnelles. Ce sont d’ailleurs des propositions que la France défend auprès de ses partenaires, et qui figurent en particulier dans les déclarations des sommets franco-italien et franco-espagnol qui se sont tenus à la fin de l’année dernière. Compléter la zone euro ne veut pas dire que nous nous détournerons de la dimension de l’Union européenne à 28 : il ne s’agit pas d’oublier cette grande Europe, mais d’abord de consolider, de renforcer et de mieux intégrer nos politiques économiques au sein de la zone euro.

Nous avons besoin d’un grand marché, d’une politique commerciale garante et protectrice des intérêts européens, d’une politique environnementale, d’une coopération pour la défense afin de permettre à l’Europe de peser dans son voisinage et sur la scène internationale. Nous avons besoin de donner une impulsion décisive à l’Union européenne. Je vous remercie de nous aider à progresser sur ce chemin.

Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Éric Alauzet.

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La proposition de résolution européenne sur les progrès de l’union bancaire constitue sans aucun doute une avancée significative sur le chemin du contrôle de la finance aveugle et dévastatrice, avec un objectif global, celui de « briser le lien entre crise bancaire et dette souveraine », pour que crise bancaire ne rime plus avec crise économique. C’est une réponse nécessaire et ambitieuse à la crise économique et financière dans l’Union.

Cette proposition était très attendue : depuis la crise de 2008, qui a emporté l’économie occidentale dans la dépression et les peuples dans de graves difficultés, et plus encore depuis la crise chypriote, survenue au cours de l’été 2013 alors que notre assemblée adoptait une résolution sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, appelant de ses voeux la mise en oeuvre « rapide et efficace du mécanisme de surveillance unique » et la nécessité d’instaurer une coordination des politiques économiques sociales au niveau européen.

Au cours de la crise chypriote, on aura pu mesurer l’impréparation de la Communauté européenne. Les quatre années qui s’étaient écoulées depuis la grande crise de 2008 auraient dû permettre plus de pertinence dans la réponse. Mais l’Europe, telle l’apprenti sorcier, semblait vouloir infliger un terrible remède aux petits épargnants chypriotes.

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Nous sommes satisfaits de constater qu’en quelques mois, de véritables avancées ont eu lieu. Nous savons que le gouvernement français a porté une position et une parole claires et fortes sur l’union bancaire.

Cette résolution constitue un complément indispensable au processus de contrôle et de résolution que nous avions ébauché dans la loi bancaire française. Elle revêt d’autant plus d’importance que la séparation des activités de crédit et de dépôt n’a pu être adoptée. Nous restons convaincus qu’une véritable union bancaire ne peut être complète sans une réforme ambitieuse des structures bancaires, à savoir une séparation, avec une barrière étanche, entre les fonctions d’investissement et de dépôt des banques. Alors que le commissaire Barnier avance dans cette direction en privilégiant une référence au danger d’une activité plutôt que la référence à l’utilité de cette activité pour l’économie, et que le rapport Liikanen reste dans nos esprits, je sais que M. Moscovici, retenu en Franche-Comté, n’est pas favorable à cette évolution. Aussi, il me paraît nécessaire d’avoir des explications sur ce sujet même s’il est difficile de poser la question à M. Hamon.

C’est notamment en raison de ce point de faiblesse, cette absence de séparation nette, qu’il est crucial de mettre en place les outils qui conduiront les établissements bancaires à une gestion plus saine et plus sûre. Cette résolution repose sur trois fondements, pour autant de piliers : la transparence, la responsabilité et la protection.

La transparence sera exercée à travers le premier pilier, celui de la surveillance et de la supervision par la BCE. C’est une avancée considérable. Nous aurions souhaité qu’elle soit ouverte aux Vingt-huit et non centrée sur la zone euro, ce que ne peut faire la BCE ; qu’elle contrôle toutes les banques et pas seulement les plus grandes ; qu’elle donne au Parlement un pouvoir de contrôle ; qu’elle puisse intervenir à tout instant, notamment le week-end. Les choses pourront évoluer, nous l’espérons.

Alors que le montant des produits dérivés a retrouvé et même dépassé le niveau d’avant la crise de 2008 et que nombre de banques n’en ont sans doute pas encore tiré toutes les leçons, on mesure l’intérêt de la supervision. Malheureusement, quand on chasse le naturel il revient au galop, surtout quand on se sent invincible ou en tout cas too big to fail. L’évaluation à laquelle seront soumises les banques et le contrôle qui sera mis en oeuvre par la BCE ont justement pour objectif de rappeler que certains comportement ne sont pas acceptables, notamment lorsqu’ils font courir des risques à l’ensemble de la société.

Le deuxième pilier repose sur la responsabilité et se traduira par une disposition essentielle destinée à réduire l’aléa moral et le sentiment entretenu par beaucoup de banquiers et traders qu’ils pouvaient gagner quelle que soit la situation, je veux parler de l’obligation de recourir au renflouement interne avant que n’intervienne un renflouement externe. Une hiérarchisation précise a été retenue pour protéger les États et le contribuable, mais aussi le petit épargnant.

Les écologistes se félicitent tout particulièrement de la mobilisation des créanciers seniors dans le cadre du bail-in, après la mobilisation des actionnaires et des créanciers juniors. Nous sommes satisfaits de l’introduction au niveau européen de cette disposition que nous avions fortement soutenue dans le cadre de la réforme bancaire. Pierre Moscovici nous avait demandé alors un peu de patience et nous ne sommes pas déçus de l’avoir écouté. Il faut le souligner, car les promesses ne sont pas toujours suivies d’effets !

De la même manière, les écologistes se réjouissent du fait que les épargnants soient protégés à hauteur de 100 000 euros. Cette harmonisation, décidée en séance de rattrapage dans le cas chypriote, nous semble juste et nécessaire. Nous disposerons ainsi d’un mécanisme qui permettra, le cas échéant, de gérer les défaillances bancaires de manière ordonnée, en évitant la contagion à d’autres établissements. En termes concrets, si ce mécanisme avait existé avant 2008, il aurait sauvé toutes les banques en difficulté, à six exceptions près, sans intervention publique.

Enfin, reste à assurer la protection des épargnants et la finalisation du système unique de garantie de dépôt qui doit se traduire dans le troisième pilier. Je ne reviendrai pas sur cet aspect qui a été largement développé.

Il semble que l’architecture globale du projet puisse être améliorée. L’union bancaire va faire intervenir un grand nombre d’acteurs : BCE, Conseil de résolution, Commission européenne ainsi que l’autorité nationale, et établir des procédures ne permettant pas une prise de décision rapide. À ce stade manque la réactivité, en complément de la transparence, de la responsabilité et de la protection. Notre objectif à moyen terme doit être de permettre la structuration d’une union bancaire plus efficace mais aussi plus démocratique. Ainsi le Parlement européen doit-il être davantage associé aux décisions prises dans ce cadre.

Malgré ces quelques bémols, le groupe écologiste apportera tout son soutien à cette résolution. De même, il votera en faveur des amendements proposés par Karine Berger qui vont notamment vers davantage de transparence, renforcent le filet de sécurité et précisent le rôle supranational et la mutualisation de la garantie. Il tient également à souligner que dans cette négociation, la France a sans doute été la plus progressiste, même si elle n’a pas réussi à endiguer les demandes clairement antieuropéennes du gouvernement allemand. À cet égard, vous savez, monsieur le ministre, que le Gouvernement peut compter sur une majorité combative dans cette assemblée. Cela peut aider, je crois, les ministres lorsqu’ils partent en croisade à Bruxelles.

En ce qui concerne la coordination des politiques économiques, nous rejoignons l’esprit de cette résolution. Les écologistes ont toujours été favorables à plus d’Europe : une Europe plus politique, une Europe plus solidaire. Néanmoins, nous restons également vigilants sur la forme que prendront les instruments de convergence et de compétitivité. Il est en effet essentiel qu’ils prennent en compte l’ensemble des politiques nécessaires à la création d’emplois. Ils ne peuvent être un nouveau moyen de contrôler les États et de les astreindre à moins d’investissements et plus d’austérité. Il nous semble également essentiel que la coordination des politiques sociales s’opère au niveau européen. Nous nous réfugions trop souvent derrière le fait que la politique sociale relèverait de la politique nationale alors que sous couvert d’impératifs économiques, la Commission a des exigences en matière de réforme du système de retraite ou d’assurance chômage. Il est temps que l’Europe que nous bâtissons ne soit plus uniquement économique et qu’une protection sociale européenne se construise, mettant un terme à la course au moins-disant social que certains essayent de faire prévaloir en Europe.

Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.

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En apparence, les marchés financiers se sont apaisés. Cela nous pousse à croire que la crise financière est résolue et que nous aurions seulement à agir en faveur de l’économie réelle. Mais résorption n’est pas guérison. Les dangers qui pèsent sur le système financier persistent. Les risques sont latents.

La finance de l’ombre prospère hors de toute contrainte. La hausse vertigineuse du bilan des banques centrales ne continuera pas indéfiniment. Et actuellement, la chute des devises des pays émergents est tout à fait préoccupante. Enfin, l’instabilité de certaines banques européennes est au moins aussi préoccupante que le niveau des dettes souveraines ou l’atonie de la croissance en Europe. Alors que 500 banques ont fait faillite aux États-Unis, seules 40 ont disparu en Europe. Toutefois, à moins de faire preuve d’un patriotisme naïf, on ne peut que constater que toutes les banques européennes ne sont pas en bonne santé.

Il est d’ailleurs étonnant que l’on mette tant d’ardeur à relancer la croissance et notre économie et si peu à prévenir les risques financiers. On aura beau élaborer les meilleurs pactes et les meilleures remises à plat, on n’empêchera pas une crise financière, même de faible ampleur, de balayer en quelques semaines ce qui aura été construit pendant des années.

Face à ces enjeux, la programmation de ce débat un jeudi soir dans un hémicycle quasi vide est regrettable. Mais le souhait des rapporteurs et de la présidente de la commission des affaires européennes d’inscrire cette proposition de résolution pendant la semaine de contrôle n’en est que plus louable. Je les en remercie.

Des efforts pour mieux réguler les activités bancaires ont été réalisés depuis 2008. Mais sont-ils suffisants ? Certainement pas, et la Commission européenne nous l’a encore rappelé hier. La réforme bancaire que notre assemblée a adoptée l’année dernière a pour principal mérite d’organiser la résolution d’une crise bancaire mais elle ne nous prémunit en rien contre une future crise. D’ailleurs, face aux exigences des parlementaires de la majorité, le Gouvernement nous demandait d’attendre : attendre que l’union bancaire soit mise en place au niveau européen, attendre que le projet de régulation bancaire de la Commission européenne soit dévoilé. Nous y voilà.

Or, force est de constater qu’une fois de plus, l’Europe s’est inspirée de ses plus mauvaises pratiques pour donner vie à l’union bancaire : des mécanismes complexes, flous et inachevés, fruits d’égoïsmes nationaux et de rétention de compétences nationales.

Les mécanismes qui seront mis en place sont particulièrement complexes. Les acteurs à solliciter en cas de résolution bancaire sont multiples et l’on ne pourra certainement pas agir aussi vite qu’il le faudrait en cas de crise. Dans le cadre de la supervision unique, il n’existe pas moins de quatre critères différents pour déterminer si une banque doit être ou non supervisée par la BCE. Les effets de palier sont loin d’être négligeables et l’on se demande bien ce qui se passera lorsqu’une banque franchira l’un ou l’autre de ces paliers.

Les règles qui régissent la perméabilité des fonds du Mécanisme européen de stabilité, du Fonds de résolution et des fonds de garantie des dépôts sont d’une complexité telle qu’on peut douter de leur caractère rassurant quand une utilisation effective en cas de crise bancaire sera nécessaire. Il est également étonnant que l’organisme qui supervise les banques ne soit pas celui qui organise la résolution. Le choix de la BCE comme autorité de supervision laisse perplexe. Les compétences nécessaires à la supervision des banques sont bien plus proches des compétences de résolution des crises que de politique monétaire. Quelles seront d’ailleurs les modalités de coordination entre la BCE et l’Autorité bancaire européenne ?

Les nouvelles fonctions de la BCE font également peser un certain risque sur cette institution qui a pour fondement la crédibilité de ses décisions. Ainsi, on demande à une institution discrète, dont chaque mot est pesé avec la plus grande prudence, de communiquer fréquemment. Ses nouvelles fonctions risquent d’inciter les États membres à s’ingérer dans ses décisions, ce que l’on cherche pourtant à éviter depuis la création de l’euro. Avant la fin de l’année, on verra très probablement des États reprocher à la BCE les résultats issus de l’évaluation des bilans des banques. Bien entendu, on nous assure que les deux activités de la BCE seront strictement séparées. Mais peut-on croire que la crédibilité d’une activité n’affectera pas la crédibilité de l’autre ?

Par ailleurs, les contours de certains mécanismes de l’union bancaire sont encore flous alors même que certains d’entre eux doivent être mis en oeuvre dès le début de cette année. Ainsi, les modalités d’évaluation des actifs des banques sont encore inconnues, en dehors des quelques grandes lignes dont nous avons eu connaissance, alors que cette évaluation doit s’achever dans huit mois ! Quelle grille de critères sera retenue ? Cette question est particulièrement importante puisque tous les systèmes bancaires ne fonctionnent pas de la même façon et n’ont pas les mêmes habitudes. Quelles informations seront communiquées ? Les résultats de cette évaluation seront-ils présentés individuellement ou de manière globale ? Une présentation globale affaiblirait l’ensemble du système bancaire, notamment les établissements qui se portent bien. La communication des résultats aura un effet direct sur les marchés financiers aussi bien après qu’avant leur publication. Une erreur d’appréciation ou un simple retard dans la publication des résultats affaiblirait le système financier européen et mettrait à mal la crédibilité de la BCE.

On ignore également comment sera réalisée une éventuelle recapitalisation : qui s’en chargera ? Avec quels fonds ? Comment s’organisera la recapitalisation directe ? On a tout de même l’impression que l’Union s’apprête à réaliser la première mise à l’eau d’un navire rempli de passagers mais dépourvu de bouées de sauvetage.

Enfin, l’union bancaire est inachevée. La garantie des dépôts, qui compose pourtant l’un des trois piliers de cette union, au même titre que la supervision et la résolution, demeure sous la responsabilité des États. Seule une harmonisation a vu le jour alors qu’un fonds unique aurait dû être créé.

La proposition de résolution que nous examinons est constituée de deux parties, l’une consacrée à l’union bancaire, l’autre au renforcement des politiques économiques. La seconde partie ne nous pose aucun problème : les radicaux de gauche sont tout à fait favorables à ce que la coordination des politiques économiques soit renforcée. Cette convergence est indispensable et nous la soutenons. En revanche, notre groupe s’interroge sur le risque de légitimer une union bancaire incomplète. Bien entendu, cette proposition permettra au gouvernement français d’asseoir, grâce à notre approbation, la légitimité de ses exigences face aux demandes, parfois contradictoires, d’autres pays européens. Mais doit-on réellement renforcer la position du gouvernement français alors que depuis hier, il ne se prive pas d’émettre des critiques à l’encontre des propositions de la Commission européenne visant à réformer les banques ?

Comme vous le savez, lors de l’examen de la dernière loi bancaire française, le groupe RRDP avait soutenu une séparation plus stricte des activités bancaires, en particulier pour que soit filialisée la tenue de marché. Nous regrettions également que les activités de spéculation pour fonds propres n’aient pas été interdites. Notre position est restée la même. La position du commissaire Michel Barnier, qui n’est pas un gauchiste acharné…

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Ça, c’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…correspond tout à fait à nos attentes.

Il ne faudrait pas que cette proposition de résolution soit utilisée par le Gouvernement pour justifier sa position sur la réforme bancaire européenne. J’espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous répondre à ce sujet.

Les défauts de l’union bancaire peuvent paraître sans gravité. Après tout, certains diront que l’Union européenne s’accommode bien de mécanismes obscurs et incomplets ou que l’union bancaire n’est pas le premier projet inachevé et ne sera certainement pas le dernier. Sauf que le secteur financier n’est pas un secteur comme un autre : il surréagit aux moindres failles et peut s’avérer fatal pour l’ensemble de l’économie. Nos exigences en ce domaine doivent être extrêmement élevées. Comme à chaque fois, toute la question est de savoir si l’on se félicite de ce qui a été réalisé ou si l’on regrette ce qui manque.

L’union bancaire est un progrès. Un progrès qui doit être soutenu. Malgré nos quelques réserves, nous ne pouvons donc que soutenir cette proposition de résolution. Car même si elle légitime des décisions insatisfaisantes, elle pousse aussi à ce que les derniers éléments en cours d’arbitrage favorisent une union bancaire plus intégrée, une union bancaire qui n’est pas une finalité mais bien une étape supplémentaire dans la construction d’une véritable fédération européenne.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, à la suite de la crise bancaire de 2008, puis de la crise des dettes qui s’en est suivie et de la crise économique que nous traversons depuis cinq ans maintenant, les institutions européennes et les États membres ont oeuvré pour trouver des réponses efficaces et dans des délais les plus brefs possibles pour sauver le secteur bancaire d’abord, et protéger ensuite de la meilleure manière qui soit nos États membres de la faillite.

Il a fallu attendre fin 2011, début 2012 – après l’instauration d’une solidarité de fait entre les États membres pour réagir rapidement aux différentes crises, et après la création d’un mécanisme européen de solidarité permettant de venir en aide aux États membres européens en faillite – pour que les États membres parviennent à coucher sur le papier de véritables mécanismes en faveur d’une union plus étroite entre nos politiques économiques et budgétaires.

Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012 à Bruxelles par les chefs d’État et de gouvernement de vingt-cinq États membres – la République Tchèque et le Royaume-Uni faisant exception –, prévoit ainsi l’instauration progressive d’une gouvernance économique au sein de la zone euro ainsi que de mécanismes favorisant la discipline budgétaire au moyen d’un pacte budgétaire et renforçant la coordination des politiques économiques de nos États membres.

Sur la question des politiques économiques et budgétaires, les dossiers relatifs à l’intégration n’avancent que lentement, ce que nous regrettons ; pas non plus d’avancée pour une union politique plus intégrée. Au-delà de la seule union bancaire, le Conseil européen semble manquer d’ambition en la matière. Nous appelons à un sursaut de nos dirigeants pour plus d’intégration européenne. Où en sont par exemple les discussions sur un possible budget de la zone euro, ou un ministre de la zone euro ?

Concernant la coordination des politiques économiques et budgétaires, j’aurai quelques remarques sur les instruments mis en place – examen annuel de croissance, recommandations de la zone euro, semestre européen –, en particulier sur l’organisation du semestre européen, dont cette année était le troisième exercice.

Nous nous félicitons de l’existence d’un tel exercice. Toutefois, la Commission doit pouvoir mieux tenir compte des calendriers d’examen de lois de finance au sein des parlements nationaux. Enfin, ses propositions de recommandations devraient se montrer moins prescriptives, afin de ne pas nourrir l’accusation de prise de pouvoir de Bruxelles sur nos budgets nationaux.

Nous nous réjouissons que la Commission ait entendu notre demande de juin dernier sur la prise en compte de la dimension sociale dans le cadre de cet exercice. Nous attendons de la voir concrétisée tout au long du semestre européen.

Pour relancer un peu les choses, peut-être serait-il bon d’évaluer la convergence et le potentiel de croissance de la zone euro pour pouvoir proposer de nouvelles réformes à mener en la matière.

La question de l’Union bancaire a occupé très largement les dernières réunions des Conseils des ministres des finances depuis juin 2012. Depuis, les discussions et les négociations sur le sujet entre la Commission, le Conseil européen et le Parlement ont permis l’ébauche d’une nouvelle grande avancée pour l’Europe.

Certains commentateurs ont tenté de diminuer la portée de ces décisions de décembre, en la limitant à un triomphe de l’Allemagne récalcitrante ou à un échec patent des Européens à se mettre d’accord. Certes, beaucoup reste à faire et tout est loin d’être encore parfait, mais nous pouvons nous réjouir que l’Union européenne soit si bien engagée dans le processus d’unification bancaire. Nous pouvons nous féliciter de ce « changement révolutionnaire dans le secteur financier européen », pour reprendre les termes de notre commissaire, Michel Barnier – même s’il ne se situe pas à l’extrême gauche ! Les États-Unis ont mis deux siècles à l’instaurer pour leur pays : nous avançons vite !

L’union bancaire, que les institutions européennes ont dessinée aux côtés des États membres, repose sur deux piliers. Le premier est une supervision unique des banques, qui devrait être effective en novembre prochain. Elle sera confiée à la BCE, qui supervisera directement les cent vingt-huit banques les plus importantes, dont vingt-quatre en Allemagne et treize en France. Le transfert de pouvoir des autorités de surveillance nationale – dont certaines n’ont rien vu ou rien voulu voir venir fin 2007 – à la BCE représente une conquête dans l’histoire de l’Union. La surveillance des banques depuis Francfort, offrant une vision claire et parfaitement indépendante de l’état du système bancaire, permettra ainsi de prévenir les crises et d’identifier les problèmes bancaires. Elle rendra donc l’Union monétaire plus solide.

Nous sommes conscients que divers défis doivent être relevés rapidement. La BCE va devoir acquérir une expertise qu’elle ne possède pas pour l’instant, et poussera ainsi à une harmonisation des méthodes de contrôle dans les États membres ; nous devons être vigilants sur ce point. II faudra en outre nous assurer que les spécificités nationales seront prises en compte par le superviseur ; je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si cela est bien concret.

Le deuxième pilier consiste en un mécanisme de résolution des crises, qui devrait démarrer en 2015. Ce mécanisme, une fois mis en place, doit éviter de faire peser sur les États et sur nos concitoyens les faillites d’établissements de crédit. Sur cette question, le compromis trouvé reste très flou et doit encore faire l’objet de négociations.

Les trois éléments de discussion relatifs à ce mécanisme sont les suivants. Premier élément : les règles pour la recapitalisation d’une banque ont été actées et une hiérarchie des parties prenantes dans la résolution d’une crise bancaire a été définie le 15 novembre dernier : c’est une vraie nouveauté pour beaucoup d’États. Pour sauver une banque en crise, le renflouement commencera par les actionnaires et les créanciers – le bail-in –, par opposition à ce qui a été fait pendant la crise, qui consistait à faire intervenir l’argent public. Grâce à cette hiérarchie, le contribuable ne sera pas le premier mis à contribution. Viendront, après le renflouement interne, les fonds de résolution abondés par le secteur bancaire, puis les mécanismes de soutien public nationaux et enfin le Mécanisme européen de stabilité, qui serait appelé en dernier ressort.

Deuxième élément : la prise de décisions. Pour l’instant, ce mécanisme dépend de trop d’acteurs. Les décisions de recapitaliser ou de liquider un établissement impliqueraient un Conseil de résolution unique, la Commission et le conseil des ministres des finances, selon une procédure complexe et lourde, alors que ce genre de situation nécessite une rapidité dans la prise de décision. Le Parlement européen, co-décideur, juge d’ailleurs inacceptable la proposition en l’état car, selon lui, l’approche intergouvemementale n’est pas envisageable pour un bon fonctionnement.

Troisième élément : le Fonds de résolution unique, doté de 55 milliards d’euros et alimenté par les contributions des banques à hauteur de 1 % des dépôts. Il doit permettre d’aider à la restructuration directe d’une banque mais, pour l’heure, l’accord est loin d’être obtenu. Il faudra d’abord que chaque État membre mette en place son propre fonds de résolution. La question, évoquée par Christophe Caresche, des filets de sécurité financiers intervenant en dernier ressort doit en outre encore être précisée.

La recapitalisation directe par le Mécanisme européen de stabilité ou la vraie mutualisation du risque bancaire ne se ferait a priori que dans dix ans. L’Allemagne n’y est pas opposée sur le principe mais elle insiste pour que l’union budgétaire avance elle aussi de son côté et qu’ainsi cette mutualisation soit beaucoup plus sûre pour tous ; elle n’a sans doute pas tort sur cette question.

Enfin, comme à mon habitude, je soulignerai l’importance de la place des parlements nationaux dans ces différents mécanismes. De tels transferts de pouvoir des États membres vers la BCE et vers la Commission doivent absolument être accompagnés par un contrôle des parlements nationaux dans toutes les prises de décision, sous peine de nous éloigner un peu plus des peuples européens si nous ne le faisons pas. Nous insistons donc pour qu’ils soient bien inclus dans le processus, aussi bien dans celui de la coordination des politiques économiques et budgétaires que dans celui de l’Union bancaire. Il faudra donc s’assurer que les parlements nationaux seront bien pris en compte à chaque étape ; ainsi, leur rôle devra être renforcé dans le contrôle du mécanisme de résolution unique.

Le Conseil de résolution unique devra leur transmettre son programme de travail et son rapport d’activité, répondre à leurs questions, remarques, etc. Les parlements nationaux pourront auditionner les membres de ce Conseil. Pour ce qui est du cadre de l’Union économique et monétaire, les parlements nationaux doivent là encore être associés dans le travail de convergence au sein de la zone euro.

Je voudrais dire à ce propos que l’adoption dans le traité de l’article 13, qui permet d’associer les parlements nationaux au Parlement européen, est un progrès en soi. Mais je ne peux que regretter que nous ne parvenions pas à le mettre en oeuvre ; c’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous aider aussi sur cette question.

Sur tous ces sujets, le groupe UMP soutiendra les avancées vers plus d’intégration européenne. Nous devons prendre conscience que tant de décisions prises au niveau européen ne peuvent être efficaces que si notre pays prend la mesure de la crise qu’il traverse, fait les efforts qui lui sont demandés pour rétablir ses comptes et travaille dans le sens de la convergence avec ses principaux partenaires. Le groupe UMP votera cette proposition de résolution européenne de nos collègues Christophe Caresche, Didier Quentin et Michel Herbillon – il l’avait d’ailleurs votée en commission des affaires européennes en décembre dernier – et s’associera aux amendements qui seront déposés tout à l’heure.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues – fort nombreux à cette heure avancée de la nuit. Je ne sais pas si vous connaissez la nouvelle, monsieur le ministre : nous avons un nouveau ministre de l’économie et des finances ! Il siège même depuis hier au Conseil Écofin. J’ai en effet découvert dans Les Échos, ce matin, que M. Christian Noyer est notre nouveau ministre de l’économie et des finances, puisque le gouverneur de la Banque centrale française s’est exprimé de manière assez claire, assez vive et pour tout dire assez politique sur la proposition présentée hier par le commissaire Barnier concernant la régulation bancaire et son projet de directive.

Je plaisante, monsieur le ministre ! Il va de soi que l’indépendance de la Banque centrale européenne interdirait les propos politiques de la part de M. Noyer. De notre côté, nous sommes trop attachés à l’enjeu politique concernant les futures avancées en matière de régulation financière et économique de la zone euro pour imaginer qu’un responsable d’une banque centrale indépendante se mêle de ces questions.

Il est vrai que l’on n’a jamais autant de temps qu’on le croit. C’est parce que nous avons cru que nous avions tout le temps devant nous pour construire une union bancaire et unifier la régulation financière après la crise de 2009 que celle-ci a provoqué la dislocation de la zone euro depuis 2010. Après avoir fait l’euro, les pays européens ont véritablement cru qu’ils avaient tout le temps nécessaire pour construire l’union politique, et ils ont eu tort : le temps les a rattrapés et la faiblesse politique de la zone euro est en train de signer le début de sa fin.

Pour ne pas mourir, ce qui je crois est le souhait de tous ceux qui sont présents dans cette salle ce soir, la zone euro doit enfin devenir une entité politique unifiée. Ainsi, pour le reste du monde, il ne doit plus y avoir la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, avec chacune ses banques, sa dette, sa façon de voir la sortie de crise ; au contraire, nous devons présenter une seule voie européenne, un seul visage européen et, évidemment, une seule stratégie de progrès et de régulation financière et bancaire. Il faut une seule zone euro financière. Cela passe par deux urgences : une union bancaire politique – la France, dès l’élection du Président de la République François Hollande, a obtenu l’ouverture de négociations en ce sens – et une régulation bancaire unifiée ; j’y reviendrai.

L’union bancaire dont nous débattons ce soir aurait dû être inscrite dès la construction de l’euro. Imaginez : nous avons décidé d’avoir une seule monnaie, mais ceux qui la créent, c’est-à-dire les banques commerciales, n’avaient aucune obligation d’être unifiées, aucune règle commune et elles peuvent à tout instant être distanciées les unes des autres au travers des marchés financiers. Pour détruire la zone euro, il suffit donc de détruire les banques de la zone euro, de les attaquer, de les renvoyer à leur nationalité, de les priver de la force économique et financière que constitue une zone monétaire de 10 000 milliards d’euros.

Aujourd’hui, dans certains pays, la zone euro n’existe plus. Quand vous êtes une entreprise de Chypre ou de Grèce, vous n’êtes plus dans la zone euro. Vous n’avez plus les mêmes taux d’intérêt que vos voisins, vous n’avez pas le même regard en termes d’évaluation, de notation que les banques ou les entreprises qui sont dans les autres pays de la zone euro. Le reste du monde vous traite comme si votre pays était tout seul.

Certes, à l’origine, la crise financière était américaine, et il est clair que c’est le manque de régulation américain qui a provoqué la crise. Mais la crise européenne qui a suivi a été exclusivement politique : pas de réponse à la hauteur de l’attaque, pas de mesure à la hauteur de la fuite. Les dettes grecque, espagnole et irlandaise se sont gérées toutes seules, elles ont été renvoyées à la gestion nationale de politiques d’austérité qui ne font qu’aggraver le mal année après année depuis 2008.

Qu’a retenu de cet épisode le reste du monde ? Tout simplement que nous n’étions pas d’accord, que la zone euro est fragile, pire, qu’elle est mortelle. En laissant naître l’idée terrible qu’un jour la zone euro pouvait disparaître, nous avons commis une erreur importante en économie : nous avons créé une anticipation. Et il n’y a que l’action politique, la parole politique qui puisse tuer une telle anticipation. Notre action ce soir consiste à tuer l’anticipation d’une dislocation potentielle de la zone euro.

C’est pourquoi nous devons mettre en place très rapidement cette union bancaire. Nous devons retrouver notre souveraineté monétaire européenne, et c’est ce que vise cet accord européen. Nous pouvons le faire, par exemple en faisant les stress tests qui sont prévus dans le projet d’union. Nous n’allons pas les réaliser pour les marchés financiers, mais parce que nous voulons reprendre la main sur notre propre idée de la finance et de l’euro. Soyons clairs : nous n’avons pas du tout peur d’évaluer nos banques. Et d’ailleurs une zone euro forte n’a pas non plus peur de la transparence financière. Peut-on en dire autant des systèmes financiers anglo-saxons aujourd’hui ? C’est pour cela que les projets prévus dans l’accord de l’union bancaire dont nous discutons ce soir doivent dépasser avant tout les limites qui ont été reconnues et qui sont toujours prégnantes dans les systèmes financiers anglo-saxons.

J’insiste sur ce point : le temps joue contre nous. Nous sommes attaqués sur notre crédibilité, sur notre engagement politique, et parfois par des pays membres de l’Union européenne. Aussi, la résolution que nous adopterons ce soir doit être très claire quant aux quelques avancées qui manquent clairement dans l’accord européen sur l’union bancaire.

Deux obligations nous semblent particulièrement importantes. Premièrement, nous mettons en place un fonds de mutualisation qui mettra dix ans à se mutualiser. C’est un peu comme si deux personnes décidaient de se marier mais ne faisaient patrimoine commun qu’au bout de dix ans. Dix ans, c’est largement le temps de deux séparations et trois retrouvailles !

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Pas du tout !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La solution sur dix ans est ridicule. Souhaitons-nous, oui ou non, mettre en commun notre réponse politique ? Si oui, il faut le faire maintenant, n’en déplaise à notre partenaire allemand.

La deuxième obligation que nous devons inscrire ce soir dans notre résolution consiste à mettre en oeuvre une solution de prêteur en dernier ressort qui, là encore, doit être immédiate et tenable. Il s’agit de la possibilité d’émettre en commun, via le MES, des emprunts qui permettraient de recapitaliser notre système bancaire en cas d’évaluations négatives. Tels sont les deux grands axes que je défendrai tout à l’heure avec Valérie Rabault lors de l’examen des amendements.

Quelques mots sur la directive sur les banques qui vient d’être présentée par M. Barnier. C’est une proposition assez dure de régulation bancaire, mais elle est à la hauteur des enjeux de la crise que nous avons traversée, si et seulement si elle s’applique à tout le monde, c’est-à-dire y compris au Royaume-Uni.

L’interdiction du prop trading proposée par le commissaire Barnier est une grande avancée, et nous ne pouvons que l’applaudir car il va au-delà des recommandations du rapport Liikanen. Là encore, si cette règle est mise en place au travers d’un règlement européen, le symbole sera très fort, puisque la proposition prévoit que les autorités nationales pourront, par la révision des activités de la banque, décider ce qui relève de la couverture du prop trading et placer ces activités dans l’entité séparée ou pas.

La seconde avancée proposée par le commissaire Barnier porte sur le champ du trading qui doit être régulé. Le traitement du market making dans la directive constitue encore une avancée et est dans la lignée totale de la réforme bancaire que notre hémicycle a votée en juin dernier. À ce sujet, je souhaite poser une question. Nous avions, à l’occasion de l’examen d’un amendement portant sur la place du market making dans la régulation de la loi bancaire, prévu que le ministre des finances pouvait prendre un décret visant à préciser le pourcentage d’activité de market making qui devrait être filialisé. Où en est-on de ce décret, et attendrons-nous l’adoption et la discussion de la directive du commissaire Barnier pour nous mettre en accord avec la proposition de la Commission européenne ? En tout état de cause, à ce stade, et c’est un point extrêmement grave, la proposition du commissaire renforce la fragmentation du marché bancaire européen puisqu’il prévoit des exemptions et pas n’importe lesquelles : celle concernant le Royaume-Uni.

Je reviens sur ce que je disais tout à l’heure : ce que nous devons démontrer au reste du monde, c’est l’unité de la parole de régulation financière de la zone euro et de l’Union européenne. Si un seul pays et pas n’importe lequel – celui sur le territoire duquel se trouve la City – est exempté de ces règles de régulation, c’est tout le message d’unité politique que nous voulons lancer au reste du monde qui sera fragilisé. De ce point de vue, il va de soi que la proposition de la Commission devra être ardemment débattue.

Nous sommes maintenant à quatre mois des élections européennes pour lesquelles la campagne des partis anti-européens bat son plein. Tout ce qui sera fait d’ici là pèsera sur le choix de nos concitoyens. Il est un peu regrettable de voir que ces sujets, qui pourtant auront des conséquences politiques aussi importantes dans quelques mois, ne suscitent pas la présence de davantage de nos collègues ce soir. Toujours est-il que l’on n’a jamais autant de temps qu’on le croit et c’est particulièrement vrai face aux partis populistes anti-européens.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 2007 l’Union européenne compte 13 millions de chômeurs supplémentaires. Depuis 2007, la dette publique des États de l’Union européenne est passée de 7 300 milliards d’euros, à 11 000 milliards d’euros, non parce que les dépenses sociales auraient explosé du fait de la crise – elles ont bien sûr augmenté –, mais surtout parce que les États sont venus au secours de leurs établissements bancaires en difficulté ; ils l’ont fait en ordre dispersé, parce que justement nous n’avions pas de mécanisme permettant à la fois d’avancer groupés et d’éviter de faire peser sur les dettes nationales les plans de sauvetage.

Cette situation a eu une conséquence très grave : on a fabriqué un cercle vicieux, on a fabriqué une crise économique, car c’est au moment où les États pouvaient le moins payer – je pense notamment à la Grèce et à l’Italie – que des taux d’intérêt de 7 % à 15 % ont été pratiqués par leurs créanciers, ce qui de facto a affecté leurs finances publiques et contribué à faire augmenter leur propre dette. Ainsi, on a plongé la tête la première dans un cercle vicieux qui a fragilisé l’Europe tout entière.

Bien sûr, face à l’ampleur de ce cercle vicieux, quelques réponses ont été apportées. Tout d’abord, en mai 2010, avec la création du FESF. Dix-sept membres de la zone euro ont décidé d’accorder leur garantie à un fonds, qui était transitoire puisqu’il devait disparaître en 2013. En 2012, le FESF est devenu le MES. Contrairement au FESF, il est créé par un traité et il s’agit d’un instrument permanent. C’est un fonds commun de créances qui permet de « garantir la mobilisation de fonds pour faire face à une éventuelle défaillance d’un de ses membres ». En contrepartie, les États bénéficiaires devront s’engager à prendre des mesures précises qui conditionneront l’octroi du prêt. Il s’agit, là encore, d’une solution très nationale et très individuelle. Mais, jusque-là, aucune solution structurelle n’avait émergé, c’est-à-dire une solution qui viserait à changer l’organisation du système bancaire et du système de sauvetage des banques.

La première a émané de la France qui a voté, en juillet 2013, une loi bancaire visant à interdire des activités spéculatives, à cantonner dans une filiale spécifique d’autres activités, et à inventer un mécanisme de résolution – cette résolution qui vise à écrire son propre testament, à envisager sa propre mort financière.

Quelle que soit la robustesse d’une solution nationale, son périmètre d’action réduit d’emblée la portée de son efficacité. C’est pourquoi il était indispensable d’avoir une solution européenne, et c’est l’objet de la présente proposition de résolution.

La première avancée cruciale de cette union bancaire concerne la supervision commune des banques. En effet, tout principe de responsabilité suppose que nous nous mettions d’accord en commun sur les risques financiers que nous acceptons de faire porter à l’économie européenne. C’est désormais chose faite puisque, sous la responsabilité de la Banque centrale européenne, 128 établissements bancaires vont pouvoir être supervisés. À cet égard, je salue la nomination de Mme Nouy à la tête de cet organe de régulation, car je crois que la France dispose d’un vrai savoir et d’une vraie expertise en la matière. J’espère que cette expertise pourra essaimer sur l’ensemble des autres pays.

Un comité de surveillance et un comité de médiation sont également créés afin de garantir l’étanchéité des missions de politique monétaire et de supervision bancaire.

Avec Karine Berger, nous avons déposé les amendements nos 1 et 2 qui visent à véritablement utiliser les stress tests dans la politique de supervision des établissements bancaires, y compris pour augmenter le cas échéant les fonds propres et le capital nécessaires. Des stress tests qui n’auraient aucune conséquence sur le niveau des fonds propres ou du capital demandés aux établissements bancaires ne serviraient à rien.

La deuxième avancée concerne le mécanisme de résolution. Cela revient à écrire son testament, en disant quelles sont, en cas de crise financière, les activités que l’on conserve et celles que l’on ne sauve pas, celles qu’on abandonne, en faisant en sorte que l’absence de sauvetage n’entraîne pas une crise systémique pour l’ensemble de la zone euro et l’ensemble de l’Union européenne.

Là aussi, on note plusieurs avancées. La création de ce mécanisme est en soi une avancée. Cependant, comme l’a dit le rapporteur, son mode de gouvernance demeure assez complexe, alors que, lorsqu’il est nécessaire d’actionner la résolution, on a très peu de temps.

Lors de la faillite de Lehman Brothers, le fameux week-end du 15 septembre 2008, c’est en moins de deux jours qu’il a fallu prendre des décisions. Le mécanisme qui nous est proposé ici n’a pas cette réactivité : il est beaucoup plus long. Martin Schulz, le président du Parlement européen, a fait remarquer qu’un tel cas entraînerait la participation de neuf comités et 126 personnes au maximum. C’est – je le cite – comme si, lorsqu’un blessé est amené aux urgences, on convoquait d’abord le conseil d’administration de l’hôpital plutôt que d’administrer les premiers secours.

Autre point, toujours sur ce processus de résolution : le processus de décision reste encore très national. Même si la Commission a le dernier mot, l’Écofin, c’est-à-dire l’ensemble des ministres des finances de la zone euro, dispose d’un droit de veto, ce qui, en théorie, peut paralyser tout le système.

Enfin, la proposition de résolution européenne débattue ce soir vise à corriger ce point en demandant d’éviter tout risque de conflit d’intérêts au sein de ce conseil de résolution. C’est également ce qui a été demandé par nos collègues du SPD au Bundestag, qui se sont adressés aux députés européens : « Le Conseil ne devrait pas être sujet à des décisions politiques nationales. »

Troisième avancée : la création d’un fonds de secours. C’est une étape essentielle pour faire en sorte que les contribuables européens ne soient pas mis à contribution lorsqu’il survient une crise bancaire ou financière, mais c’est sans doute le point sur lequel nous avons le plus d’interrogations.

D’abord – je reprends ce qu’a dit Karine Berger – parce que ce fonds ne sera opérationnel que dans dix ans. D’ici là aucune solution transitoire n’est proposée. On peut lire, ici ou là : « Il faudra instaurer des filets de sécurité », mais personne n’a jamais proposé de définition pour ces filets de sécurité.

Toujours avec Karine Berger, nous proposons un amendement no 4 qui vise à faire en sorte que le MES joue pendant cette période transitoire le rôle de filet de sécurité.

Ensuite, ce fonds de secours nous paraît sous-doté, avec 55 milliards d’euros. C’est aussi un point qui a été évoqué par les députés SPD au Bundestag. Carsten Schneider, leur porte-parole, propose même d’augmenter les ressources de ce fonds par un accès aux marchés financiers. Nous déposons un amendement no 5 qui vise à considérer le MES comme prêteur en dernier ressort, pour qu’il y ait une ligne de crédit utilisable si nécessaire en cas de restructurations.

Ce fond doit être mutualisé dès la première année, pour casser les logiques nationales : c’est l’objet de notre amendement no 3 .

Enfin, la crise chypriote nous a rappelé la nécessité d’avoir un message très clair sur la garantie des dépôts, afin d’éviter tout bank run ou, en bon français, toute fuite des capitaux risquant de mettre le système financier au tapis.

L’exemple chypriote a été très concret et je crois très important que l’union bancaire soit très claire sur la garantie des dépôts. C’est pourquoi elle doit s’appuyer sur une garantie unique et européenne, au lieu d’une garantie nationale. Ceci ne pourra se faire que par une mutualisation des garanties nationales. À ce stade, seules les garanties nationales sont envisagées. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement no 6 qui vise à rappeler l’objectif de mutualisation de ces garanties.

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Un mot sur cette résolution et sur le moment où elle intervient. Le moment est particulièrement opportun, parce que nous sommes dans le cadre d’une discussion qui n’est pas terminée et qu’il y a encore la possibilité d’améliorer le texte dans le sens qu’indiquait Valérie Rabault et dans le sens de la résolution.

Je peux vous dire – puisque nous étions la semaine dernière au Parlement européen, à Bruxelles, où j’ai vu Elisa Ferreira qui est la rapporteure sur ces questions et qui discutera de cette résolution dans le cadre du trilogue – que la position que nous allons prendre ce soir sera regardée. Mme Ferreira était intéressée, de même que le ministre grec qui nous a dit que, pour la présidence grecque, la question de l’union bancaire était le sujet prioritaire : il était lui aussi très intéressé par notre position.

Je le dis car, sans exagérer, la position que nous allons prendre ce soir aura une certaine portée et pourra conforter ceux qui souhaitent l’amélioration du texte européen.

M. Alauzet a évoqué certains éléments qui devraient conduire la loi française à évoluer, comme le renflouement interne, qui va au delà de ce que prévoit notre loi. Je lui parlerai aussi d’un autre sujet : la séparation du fonds de résolution et du fonds de garantie des dépôts. Nous avons, nous, décidé de les fusionner ; la directive demandera de les séparer. Il faudra donc que ce travail soit fait.

Il y a certes les propositions de M. Barnier : je ne dirai pas que, comme les banques, il fait un peu son testament…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

puisque la Commission est en fin de mandat. Il a fait une proposition intéressante, qui n’est pas tout à fait dans la même logique – vous l’avez dit et vous connaissez cela très bien, Karine Berger – et qui, je crois, ne pose pas trop de problèmes à la Grande-Bretagne, ce qui est tout de même un paradoxe. Mais elle peut poser des problèmes à d’autres pays : c’est le débat que nous avons eu sur la spécificité du système bancaire français.

Sa position est connue, elle sera évidemment discutée et s’il y a une directive, la France sera tenue de s’y soumettre.

À Mme Girardin, qui a critiqué la supervision par la BCE, je voudrais dire que c’est plutôt une bonne chose. La BCE, en matière de résolution, nous pousse à aller plus loin, tout comme dans l’utilisation du MES. Elle va mettre en place l’opération vérité cette année, et il subsiste un certain nombre d’interrogations sur la manière dont nous serions amenés à recapitaliser un certain nombre de banques. La BCE est donc plutôt, dans cette affaire, un élément dynamique et moteur, parce qu’elle met en jeu sa crédibilité et qu’elle a envie que le processus réussisse. Pour le reste, au sein de la BCE, il y a une séparation très claire et très étanche entre son activité bancaire et son activité de superviseur, pour laquelle d’ailleurs elle est responsable devant le Parlement européen. Je pense donc qu’il y a tout de même un certain nombre de garanties : je voulais vous le dire.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Je voudrais juste faire un commentaire sur la proposition de la Commission européenne.

Elle a été faite sans que la France y soit associée, sans concertation avec nous. Un certain nombre de commentaires suggèrent que cette proposition européenne irait plus loin que ce qui a été fait jusqu’ici en France.

D’abord, je pense qu’il ne faut pas ignorer le contexte de « communication », le contexte pré-électoral, qui explique à bien des égards que le commissaire Barnier ait un intérêt à montrer qu’il a l’ambition de réguler demain le secteur financier en Europe.

Indépendamment de ce contexte, il faudra regarder pour ce qu’elle est cette proposition. C’est en ce sens qu’il est difficile de dire qu’elle va plus loin que la loi française : elle s’intéresse pour l’essentiel aux grandes banques, et elle ne concerne pas le Royaume-Uni, alors qu’on sait que ce sont les défauts de régulation du modèle anglo-saxon qui sont à l’origine de la crise. C’est pourquoi, sur cette proposition, nous aurons une attitude raisonnable, pragmatique, qui tiendra compte aussi du point de vue de nos partenaires allemands répété lors du dernier sommet franco-allemand par M. Schäuble et Sigmar Gabriel. Mais, à ce stade, prétendre que ce texte est meilleur que la loi française paraît prématuré, et repose sur une analyse un peu rapide du peu que nous en connaissons ; ce serait oublier que l’Europe s’est beaucoup inspirée de ce qu’avait fait la France en matière d’encadrement du trading à haute fréquence, de plafonnement du bonus des traders ou de mécanismes de résolution. C’est la raison pour laquelle la France adoptera une attitude sérieuse, tenant compte des spécificités de notre propre système bancaire, pour faire en sorte que les instruments de régulation soient les plus efficaces. En même temps, dans cette période de renouvellement du Parlement européen et des commissaires, la position qui est la nôtre consiste à distinguer entre ce qui relève réellement du texte et ce qui relève de la communication politique à son sujet.

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J’appelle maintenant l’article unique de la proposition de résolution dans le texte considéré comme adopté par la commission.

La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 1 .

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Nous proposons, à l’alinéa 23, de supprimer les mots « tout en évitant l’écueil de leur imposer des obligations excessives en matière de fonds propres ». En effet, les stress tests permettent de simuler différentes configurations économiques et de voir leur impact sur les différents bilans bancaires qui peuvent exister en Europe. Si ces stress tests ne servent qu’à un exercice purement théorique et intellectuel, ils n’ont aucune utilité. Il faut qu’ils puissent avoir des conséquences, qui se traduisent en termes d’impact sur les fonds propres ou de renforcement des capitaux propres des établissements bancaires.

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Je vais donner un avis favorable, parce que je pense que la formulation retenue dans la résolution peut effectivement créer une ambiguïté. Que les stress tests doivent être le plus possible opérationnels, nous en sommes tous d’accord et nous le précisons dans le rapport. Les précédents stress tests, diligentés par l’Autorité bancaire européenne, avaient été un fiasco : quasiment toutes les banques européennes étaient jugées conformes. Il faut impérativement évoluer et j’ai confiance en la BCE pour cela.

Ce que nous avions voulu préserver dans la formulation, c’est un certain nombre de spécificités qui tiennent à l’évaluation des dettes souveraines, et aussi, par exemple, aux prêts immobiliers, qui en France sont assez sécurisés, avec des taux fixes, ce qui n’est pas le cas partout en Europe. Il faut tenir compte de ces spécificités afin de ne pas aboutir à un alourdissement excessif des fonds propres. J’accepte toutefois l’amendement, parce qu’il peut y avoir une ambiguïté dans la formulation.

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Même avis que le rapporteur : nous considérons qu’il faut éviter tout message qui pourrait être interprété comme une volonté de réduire la portée et le sérieux des stress tests. C’est la raison pour laquelle nous accueillons avec intérêt votre amendement. Avis favorable du Gouvernement.

L’amendement no 1 est adopté à l’unanimité.

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La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement no 2 .

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Toujours à l’alinéa 23, après le mot « propres », nous proposons d’insérer les mots : « appelle à la plus grande transparence possible de l’exercice d’évaluation du système bancaire, afin d’assurer sa crédibilité ». En effet, le rapporteur vient de le rappeler, les précédents stress tests s’étaient soldés par un fiasco : il n’y a eu ni transparence, ni publication, y compris sur certaines hypothèses retenues. Nous pensons au contraire que pour qu’il puisse y avoir une certaine stabilité, une certaine sécurité, la transparence est la bienvenue, tant sur les hypothèses que sur les résultats.

L’amendement no 2 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

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Je suis saisie d’un amendement no 3 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 10 .

La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement.

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Cet amendement concerne un sujet assez délicat de la négociation européenne, que nous avons abordé lors de la discussion générale : il s’agit de faire en sorte que la résolution du Parlement français propose une mutualisation immédiate du Fonds de résolution unique, soit, une solidarité immédiate entre les banques qui contribuent à ce dernier au cas où l’une d’entre elles devrait être recapitalisée au sein de la zone euro.

Nous connaissons la position très dubitative de notre partenaire allemand à ce propos mais, encore une fois, le mécanisme d’union bancaire et de résolution unique serait de fait fragilisé et risquerait potentiellement de créer un danger d’attaque spéculative si nous maintenions cette période de mutualisation étendue sur dix ans.

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La parole est à M. Christophe Caresche, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 10 .

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Je propose de sous-amender cet amendement pour deux raisons. La première porte sur la formulation. La mutualisation, même si elle est incomplète, est en effet déjà « immédiate » ; la rédaction doit donc être précisée.

Second point : la montée en puissance, en effet, n’est pas satisfaisante. La position du Parlement européen consiste, me semble-t-il, à passer de dix à cinq ans. Il est certes possible de se montrer encore plus ambitieux, mais telle est la position qu’il défendra.

Je vous propose donc un sous-amendement substituant aux mots « mutualisation immédiate » « une accélération de la mutualisation au sein ».

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Tout d’abord, je rappelle que la France a plaidé pour que la mutualisation soit totale dès la première année d’existence du Fonds. Évidemment, cette position n’a pas été partagée par tous et a fait l’objet d’une négociation, vous le savez aussi bien que moi.

Le signal envoyé par le Parlement à travers cette résolution n’en est pas moins utile à nos yeux en ce que les pouvoirs exécutif et législatif peuvent porter une seule et même parole en faveur d’une mutualisation qui ne soit pas renvoyée, ne disons pas aux calendes grecques, mais à dix ans, ce qui n’est tout de même pas demain la veille – j’espère que nous serons toujours là pour la voir !

Le Gouvernement est donc favorable à votre amendement sous-amendé par celui de la commission, cela nous paraissant conforme à un scénario envisageable.

Le sous-amendement no 10 est adopté.

L’amendement no 3 , sous-amendé, est adopté à l’unanimité.

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Je suis saisie de deux amendements, nos 4 et 5 , qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à Mme Karine Berger, pour les soutenir.

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Puisque nous accélérons la mutualisation sans la rendre immédiatement totale, il est absolument nécessaire de prévoir un mécanisme de sécurité entre ce moment-ci et celui où la mutualisation du Fonds de résolution unique sera totale.

Encore une fois, comme je viens de le dire, n’importe quel hedge fund aura envie de tester le degré de réactivité et de solidité du mécanisme de mutualisation pendant la période de transition.

L’amendement no 4 vise donc, pendant cette dernière, à ce que le Mécanisme européen de stabilité, le MES, soit l’assureur en dernier ressort en appui du Fonds de résolution. Soyons très clairs et transparents en cette heure de la nuit : il s’agit bel et bien de réaliser une première étape vers les eurobonds.

L’amendement n° 5 propose quant à lui, à la fin de l’alinéa 27, de substituer aux mots : «, puis qu’un filet de sécurité financier unique doit prendre le relais ; considère que ce rôle doit revenir au Mécanisme européen de stabilité ; » les mots : « ; appelle à faire du Mécanisme européen de stabilité l’assureur de dernier ressort, en appui au Fonds de résolution ; propose que le Mécanisme européen de stabilité joue le rôle de filet de sécurité unique pour les banques européennes, soit sous la forme d’une ligne de crédit utilisable en fonction des besoins liés aux restructurations, soit via une garantie apportée à des émissions du Fonds de résolution ; ».

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Il est vrai que la question du back-stop est très importante et qu’il s’agit là de l’un des points de discussion les plus difficiles avec l’Allemagne, tant dans le cadre du mécanisme de résolution que dans celui d’une éventuelle recapitalisation consécutive à l’opération de la BCE.

Un accord a été conclu cet été sur le fait que le MES puisse soutenir les pays ou, directement, les banques – ceci ayant été obtenu lors du premier Conseil européen auquel le Président de la République a participé. Une discussion est encore en cours pour connaître la date – les interprétations divergent – à laquelle le MES pourrait éventuellement recapitaliser les banques soumises à une telle nécessité après l’opération de la BCE, dans le cadre du mécanisme de résolution.

Pour la période intermédiaire, à ma connaissance, aucune décision n’a encore été prise. C’est pourquoi nous avions gardé les back-stop nationaux dans la résolution, tout en précisant que le MES avait vocation à jouer ce rôle. Un problème, toutefois, se pose : est-il ou non nécessaire de modifier le traité du MES pour le lui faire jouer ? C’est la raison pour laquelle j’ai gardé une position assez ouverte.

De même, dans le cadre du mécanisme de résolution définitif, le MES doit-il être désigné comme ayant ce rôle, ou faut-il laisser la porte ouverte à un autre back-stop qui, par exemple, pourrait être le budget européen, comme certains le disent ? La question peut se poser.

Voilà pourquoi j’émets un avis défavorable à l’adoption de l’amendement no 4 et favorable à l’amendement no 5 .

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Même avis.

Pendant la phase transitoire, il est en effet prévu que le MES pourra intervenir comme filet de sécurité. L’accord du 18 décembre dernier prévoit aussi qu’un filet de sécurité commun sera mis en place lorsque le Fonds de résolution abondé par les cotisations des banques aura atteint sa taille définitive et sera pleinement mutualisé. La France considère que ce rôle devra être dévolu au MES.

Cependant, le Gouvernement est défavorable à l’amendement no 4 car il fait disparaître toute référence aux filets de sécurité nationaux qui sont aussi prévus pour cette période intermédiaire par l’accord du 18 décembre. En revanche, nous sommes favorables à l’amendement no 5 .

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Je souhaite revenir sur deux points et, tout d’abord, sur la position allemande.

J’ai ici une lettre datée du 30 janvier 2014 portant sur des questions économiques, envoyée par le porte-parole du groupe SPD au Bundestag à différents parlementaires européens et reprenant la question du Fonds dont nous venons de parler – c’est pourquoi, monsieur le rapporteur, nous avions une petite divergence avec vous : « We want a functioning european Fund which is operationnal as quickly as possible », écrit-il. « Nous voulons un Fonds de résolution qui soit opérationnel aussi vite que possible. »

Il est ensuite question de la taille du Fonds, puis, les députés proposent qu’il soit possible au Fonds d’emprunter sur les marchés financiers afin d’être opérationnel aussi vite que possible. Comme l’a dit Karine Berger tout à l’heure, il s’agit là des prémices des fameux eurobonds.

Enfin, M. le ministre propose de maintenir les filets de sécurité nationaux alors que nous proposons d’aller plus loin à travers leur mutualisation. Il faut faire sauter ces filets nationaux et entrer tout de suite dans la période de mutualisation européenne !

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La lettre évoque le Fonds de résolution. Que ce dernier puisse emprunter, etc., cela ne soulève pas de problème : nous ne parlons pas du MES.

Sur le MES, l’Allemagne a posé un verrou : la révision du Traité. Soyons clairs ! Celle-ci figure dans l’accord, elle l’a fait savoir : pas de révision du Traité tant que le mécanisme de résolution unique, le MRU, n’est pas en place.

Intellectuellement, le MES ne me pose évidemment aucun problème – pas plus qu’au Gouvernement français, me semble-t-il. Mais la question est surtout de ne pas se fermer d’autres portes et, notamment, la possibilité, peut-être, de bénéficier d’autres fonds que le MES en tant que back-stop.

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Je suis d’accord avec le rapporteur.

Il convient, en effet, de faire attention. Le MES, en l’état, est d’un montant limité et il est possible que nous soyons confrontés à des crises extrêmement graves. Je pense qu’il est dangereux de le poser tout de suite en garantie et que cela peut se retourner contre l’intérêt de l’Europe.

Je voterai donc l’amendement n° 5 demandant l’accélération de la mise en place du dispositif, mais je doute que la position de la France soit en faveur d’une effectuation immédiate car cela serait dangereux.

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Il est vraiment dommage que nous soyons amenés à discuter dans l’hémicycle de sujets assez techniques.

À ce stade, pour être tout à fait franche, je ne comprends pas en quoi la possibilité de recourir à des back-stops nationaux n’implique pas déjà, en soi, l’éventualité d’attaques spéculatives sur la base de la nationalité. Je le dis dans cet hémicycle et que ce soit très clair : c’est bel et bien cela que nous essayons de combattre avec nos amendements.

Pour autant, j’entends le rapporteur et le ministre : nous sommes confrontés à un problème technique à ce sujet et je retire l’amendement no 4 tout en maintenant l’amendement no 5 .

Je le répète une troisième fois : si l’un des stress tests révèle la situation délicate d’une banque, par exemple, en Italie, la capacité de l’État italien à la renflouer serait attaquée par les marchés et la situation serait bien entendu extrêmement grave.

L’amendement no 4 est retiré.

L’amendement no 5 est adopté à l’unanimité.

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Je suis saisie d’un amendement no 6 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 9 du Gouvernement.

La parole est à Mme Karine Berger, pour soutenir l’amendement.

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La garantie des dépôts qui sera mise en place par l’union bancaire vise à éviter un run bancaire lorsque la confiance a disparu chez les épargnants. D’habitude, cette assurance repose sur la crédibilité de l’État qui l’assure, mais dans le cas de Chypre, on a bien vu que cette crédibilité n’était pas suffisante. C’est pourquoi l’union bancaire a besoin d’une garantie des dépôts commune, et non plus nationale, afin d’éviter de continuer à distinguer la qualité des dépôts européens. Nous revenons, une nouvelle fois, sur la problématique de la discrimination nationale de la garantie qui est mise en place dans l’union bancaire et nous proposons un système supranational.

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La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement no 9 , à l’amendement no 6 .

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Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Nous proposons qu’il soit mentionné dans le texte que ce dispositif inclut la création d’un fonds unique de garantie des dépôts, alors que la formulation actuelle laisse penser que des prêts entre fonds nationaux seraient suffisants. Nous serions donc favorables à cet amendement, sous réserve de l’adoption d’un sous-amendement, qui ajouterait, après la phrase : « Rappelle que l’union bancaire doit être rapidement complétée par un système unique des garanties de dépôt », les mots suivants : « qui consisterait en un système supranational qui mutualiserait les systèmes nationaux existants avec la création d’un fonds unique de garantie des dépôts ».

Le sous-amendement no 9 est adopté.

L’amendement no 6 , sous-amendé, est adopté.

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Non ! J’ai voté contre l’amendement et le sous-amendement !

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Je suis saisie d’un amendement no 7 qui fait l’objet d’un sous-amendement no 8 du Gouvernement.

La parole est à Mme Valérie Rabault, pour soutenir l’amendement.

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Nous proposons, à l’alinéa 32, de substituer aux mots : « des politiques économiques des États membres et de la zone euro », les mots : « de la politique économique consolidée de la zone euro, et de l’impact des politiques nationales sur celle-ci ».

Pourquoi une telle modification ? Parce que nous considérons que la constitution d’une union bancaire européenne constitue une valeur ajoutée et que la politique économique de l’Union européenne ne peut pas être la seule somme des politiques nationales. La valeur ajoutée qui peut être produite va bien au-delà, et c’est ce qui justifie notre amendement.

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La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement no 8 , à l’amendement no 7 .

Debut de section - Permalien
Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

Nous partageons l’analyse des deux députées, et la France défend d’ailleurs depuis plusieurs mois, au sein de l’Eurogroupe et du Conseil européen, la nécessité de cette approche globale de la situation de la zone euro, au lieu d’une coordination économique focalisée uniquement sur les vulnérabilités économiques nationales, qui devraient être corrigées.

Pour autant, les deux niveaux d’analyse sont à nos yeux nécessaires et complémentaires. La suggestion d’examiner et de discuter seulement du niveau agrégé de la politique économique de la zone euro ne permettrait pas de remplir les objectifs définis par les traités de l’Union européenne, qui prévoient une coordination des politiques économiques des États, parce qu’elles sont d’intérêt commun.

Nous vous proposons donc un sous-amendement, qui rappelle que cette analyse agrégée est importante et doit compléter l’analyse des politiques nationales, au regard des orientations arrêtées en commun sous l’égide du Conseil européen. Il s’agirait donc d’ajouter après l’expression : « de la politique économique consolidée de la zone euro, et de l’impact des politiques nationales sur celle-ci », les mots : « ainsi que des orientations des politiques nationales au regard des objectifs définis en commun ».

Le sous-amendement no 8 est adopté.

L’amendement no 7 , sous-amendé, est adopté.

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Je mets aux voix l’article unique de la proposition de résolution.

L’article unique est adopté, ainsi que l’ensemble de la proposition de résolution.

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Prochaine séance, mardi 4 février, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Proposition de loi tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à la presse imprimée et à la presse en ligne ;

Proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures trente-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Nicolas Véron