Intervention de Benoît Hamon

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 21h30
Progrès de l'union bancaire et de l'intégration économique au sein de l'union économique et monétaire — Présentation

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation :

Au préalable, je vous prie d’excuser le ministre de l’économie et des finances, Pierre Moscovici, qui rate ce rendez-vous car il est retenu par des obligations importantes et qui m’a demandé de le suppléer ce soir. En son nom et en celui du Gouvernement, je voudrais féliciter votre assemblée de poursuivre le travail entamé cet été avec votre résolution du 11 août sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et vos prises de position sur des débats qui sont absolument déterminants pour la poursuite du redressement économique de notre pays.

Le niveau européen est en effet, dans l’esprit du Gouvernement, profondément complémentaire des réformes qui sont engagées au niveau national. C’est un véritable continuum que nous construisons entre notre agenda de réformes en France et nos priorités européennes, qui se nourrissent et se renforcent mutuellement.

Dans cette vision globale et cohérente des leviers nationaux et européens, vous avez raison de souligner l’importance de la construction de l’union bancaire. C’est au sommet du 29 juin 2012 que les États de la zone euro ont pris l’engagement de briser le cercle vicieux entre crise bancaire et crise souveraine, autrement dit d’empêcher la contagion d’une crise bancaire vers les États, obligés d’intervenir pour éviter l’effondrement de leurs banques afin de protéger les déposants et de garantir le financement de leur économie. L’État placé dans une telle situation dégrade du même coup ses finances publiques, ce qui conduit à dévaloriser sa dette et donc à dévaloriser le bilan des banques qui la détiennent, nécessitant un nouveau sauvetage.

C’est à briser ce cercle vicieux, que nous avons vu s’installer dans la zone euro au pire de la crise, que nous travaillons. Pour cela, il était essentiel d’avoir un instrument commun de résolution des crises bancaires et, à cette fin, de mettre en place une supervision unique en zone euro chargée d’unifier la surveillance et le contrôle des risques.

La décision du sommet de la zone euro, portée et soutenue par la France, a été déterminante dans la stabilisation de la zone. Grâce à cette décision, la Banque centrale européenne a aussi annoncé, en juillet puis septembre 2012, la création d’un instrument d’achat de dette souveraine pour mettre en oeuvre son engagement de faire ce qui serait nécessaire pour préserver l’intégrité de la zone euro.

La création de ces outils et l’installation du Mécanisme européen de stabilité en octobre 2012 ont été des instruments puissants pour stabiliser les tensions sur les dettes souveraines et mettre fin au volet financier de la crise, préalable indispensable à toute reprise de l’activité et de la croissance.

Il reste désormais à parachever la construction de cette union bancaire. Sur la base de cette impulsion initiale, beaucoup d’étapes législatives ont été successivement franchies, une à une, avec pour objectif d’adopter l’ensemble des dispositifs prévus dans le cadre de la législature européenne actuelle, qui s’achèvera mi-avril prochain.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le mécanisme de supervision unique est établi depuis le 5 novembre dernier. Il repose sur la responsabilité unique de la Banque centrale européenne sur l’ensemble du système de supervision bancaire de la zone euro, ainsi que des États qui décideront d’y adhérer. La BCE exercera cette supervision directement sur les principales banques de chaque pays de la zone euro. Elle aura un pouvoir sans condition de reprendre le contrôle d’une banque supervisée au niveau national lorsqu’elle le jugera nécessaire. Elle pourra aussi donner des instructions aux superviseurs nationaux sur toute catégorie de banques.

La directrice générale du conseil de supervision placé au sein de la BCE a été désignée il y a quelques semaines, après audition devant le Parlement européen. Il s’agit de Mme Danièle Nouy, jusqu’à présent secrétaire générale de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à Paris.

Nous sommes donc désormais dans la phase active de mise en place de la supervision unique. Dans ce cadre, la BCE organise une évaluation du bilan du secteur bancaire et un exercice de stress tests en lien avec l’Autorité bancaire européenne, dont les résultats seront rendus publics à l’automne.

Les autorités françaises partagent votre souhait que ce soit un exercice ambitieux qui permette de restaurer pleinement la confiance dans le secteur financier et nous conduise à réparer les faiblesses éventuelles mais aussi à lever les doutes indus sur le secteur bancaire. Nous repartirons ainsi sur des bases claires qui permettront aux banques de reprendre leur activité première de financement de l’économie.

Dans la préparation de cet exercice, le conseil Écofin a adopté, le 15 novembre dernier, une stratégie coordonnée pour répondre aux cas dans lesquels cet exercice d’évaluation des bilans bancaires montrerait la nécessité pour telle ou telle banque de relever son niveau de capital. Cette stratégie prévoit que les banques se tourneront d’abord vers les marchés financiers et les acteurs privés. Si jamais il n’y a pas de solution privée, une assistance publique pourra être engagée au niveau national, en ligne avec le cadre général sur les aides d’État qui s’applique de façon uniforme dans tous les États membres.

Enfin, il est prévu que le Mécanisme européen de stabilité pourra intervenir in fine en cas de risque pour la stabilité financière si un État faisait face à des difficultés de financement, conformément aux procédures agréées. Cela pourra se faire sous la forme d’un prêt à l’État concerné pour recapitaliser son secteur bancaire, comme nous l’avons fait en juin 2012 pour l’Espagne, qui est d’ailleurs sortie de ce programme il y a quelques jours, mais cela devrait également se faire sous la forme d’une recapitalisation directe d’une institution financière par le Mécanisme européen de stabilité.

La France est très attachée à ce que cet instrument, dont la création a été décidée dès le sommet de la zone euro du 29 juin 2012, soit effectivement disponible d’ici à l’automne. Cela suppose d’adopter les termes définitifs de l’instrument juridique dans les prochaines semaines et au plus tard lors de l’Eurogroupe du 10 mars prochain, comme l’ont souligné les ministres français et allemand lundi dernier lors du conseil économique et financier franco-allemand, de telle sorte que les différentes procédures nationales d’agrément puissent se terminer au tout début de l’automne.

Le conseil Écofin et le Parlement européen sont également tombés d’accord le 17 décembre 2013 sur le renforcement des systèmes nationaux de garantie des dépôts, qui protège les déposants jusqu’à 100 000 euros. Ce cadre rénové vise en particulier à réduire de vingt à sept jours, voire cinq dans certains cas particuliers, le délai d’indemnisation de droit commun et à instaurer une obligation de préfinancement harmonisé des fonds de garantie des dépôts, qui n’existait pas jusqu’à présent.

Il s’agit d’une étape importante, de nature à rassurer pleinement les déposants. Je tiens néanmoins à vous assurer de notre pleine convergence avec vous : la France plaide en effet avec constance pour que, à terme, l’union bancaire soit dotée d’un troisième pilier reposant sur un mécanisme de garantie des dépôts unique pour les États qui y participent. C’est pour nous l’un des sujets essentiels auxquels la prochaine législature européenne devra se consacrer. Nous attendons de la Commission qu’elle dépose rapidement un projet de règlement en ce sens.

Enfin, nous sommes en train de finaliser le cadre de la résolution et de la restructuration bancaire, qui vient parachever l’entreprise commencée en France avec la loi de séparation et de régulation bancaire. Ce cadre s’appuiera sur les règles issues du cadre harmonisé mis en place par le projet de directive sur la résolution bancaire sur laquelle un accord a été trouvé entre le Conseil et le Parlement européen le 12 décembre 2013. Ce texte, qui doit encore faire l’objet d’un vote définitif, permet de renforcer dans l’ensemble de l’Union européenne les outils à disposition des pouvoirs publics pour mieux prévenir et gérer les crises bancaires en limitant le recours aux ressources publiques et en assurant la continuité des fonctions critiques assumées par l’établissement en résolution.

Pour la zone euro, ces règles harmonisées seront appliquées par un mécanisme unique de résolution, qui sera le symétrique du mécanisme unique de supervision placé auprès de la BCE. Le conseil Écofin a défini avec la Commission européenne les grandes lignes de son orientation générale, qui est en cours de discussion avec le Parlement européen. Ce mécanisme unique de résolution aura une compétence large : il s’appliquera aux banques qui sont sous la supervision unique de la BCE, mais aussi à toutes les banques transfrontalières et, enfin, à tous les cas dans lesquels la résolution d’une défaillance nécessite d’avoir recours au financement du Fonds de résolution.

Ce mécanisme sera également chargé d’adopter les plans préventifs de résolution et pourra prendre des mesures de résolution en cas de défaillance d’un établissement. Le coût en sera supporté d’abord par le secteur privé, c’est-à-dire les actionnaires et les créanciers, avec une implication minimale dans le financement à hauteur de 8 % du bilan pour couvrir les premières pertes. C’est seulement après la mobilisation des créanciers privés que le mécanisme pourra mobiliser le Fonds de résolution, qui sera lui aussi unique pour l’ensemble de la zone euro.

Le Fonds sera abondé par les banques de la zone euro. Ses ressources seront progressivement mutualisées de telle sorte qu’en régime de croisière, nous aurons un fonds unique avec des ressources totalement mises en commun. Au début, il y aura donc un lien entre le pays où est établie la banque en défaillance et les ressources du fonds qui seront utilisées en priorité pour la restructurer, mais il y aura aussi dès le début une part de ressources mutualisées qui seront aussi utilisables, et cette part sera croissante jusqu’à mutualisation totale. Ce point est absolument essentiel.

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