Intervention de Éric Alauzet

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 21h30
Progrès de l'union bancaire et de l'intégration économique au sein de l'union économique et monétaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Alauzet :

Nous sommes satisfaits de constater qu’en quelques mois, de véritables avancées ont eu lieu. Nous savons que le gouvernement français a porté une position et une parole claires et fortes sur l’union bancaire.

Cette résolution constitue un complément indispensable au processus de contrôle et de résolution que nous avions ébauché dans la loi bancaire française. Elle revêt d’autant plus d’importance que la séparation des activités de crédit et de dépôt n’a pu être adoptée. Nous restons convaincus qu’une véritable union bancaire ne peut être complète sans une réforme ambitieuse des structures bancaires, à savoir une séparation, avec une barrière étanche, entre les fonctions d’investissement et de dépôt des banques. Alors que le commissaire Barnier avance dans cette direction en privilégiant une référence au danger d’une activité plutôt que la référence à l’utilité de cette activité pour l’économie, et que le rapport Liikanen reste dans nos esprits, je sais que M. Moscovici, retenu en Franche-Comté, n’est pas favorable à cette évolution. Aussi, il me paraît nécessaire d’avoir des explications sur ce sujet même s’il est difficile de poser la question à M. Hamon.

C’est notamment en raison de ce point de faiblesse, cette absence de séparation nette, qu’il est crucial de mettre en place les outils qui conduiront les établissements bancaires à une gestion plus saine et plus sûre. Cette résolution repose sur trois fondements, pour autant de piliers : la transparence, la responsabilité et la protection.

La transparence sera exercée à travers le premier pilier, celui de la surveillance et de la supervision par la BCE. C’est une avancée considérable. Nous aurions souhaité qu’elle soit ouverte aux Vingt-huit et non centrée sur la zone euro, ce que ne peut faire la BCE ; qu’elle contrôle toutes les banques et pas seulement les plus grandes ; qu’elle donne au Parlement un pouvoir de contrôle ; qu’elle puisse intervenir à tout instant, notamment le week-end. Les choses pourront évoluer, nous l’espérons.

Alors que le montant des produits dérivés a retrouvé et même dépassé le niveau d’avant la crise de 2008 et que nombre de banques n’en ont sans doute pas encore tiré toutes les leçons, on mesure l’intérêt de la supervision. Malheureusement, quand on chasse le naturel il revient au galop, surtout quand on se sent invincible ou en tout cas too big to fail. L’évaluation à laquelle seront soumises les banques et le contrôle qui sera mis en oeuvre par la BCE ont justement pour objectif de rappeler que certains comportement ne sont pas acceptables, notamment lorsqu’ils font courir des risques à l’ensemble de la société.

Le deuxième pilier repose sur la responsabilité et se traduira par une disposition essentielle destinée à réduire l’aléa moral et le sentiment entretenu par beaucoup de banquiers et traders qu’ils pouvaient gagner quelle que soit la situation, je veux parler de l’obligation de recourir au renflouement interne avant que n’intervienne un renflouement externe. Une hiérarchisation précise a été retenue pour protéger les États et le contribuable, mais aussi le petit épargnant.

Les écologistes se félicitent tout particulièrement de la mobilisation des créanciers seniors dans le cadre du bail-in, après la mobilisation des actionnaires et des créanciers juniors. Nous sommes satisfaits de l’introduction au niveau européen de cette disposition que nous avions fortement soutenue dans le cadre de la réforme bancaire. Pierre Moscovici nous avait demandé alors un peu de patience et nous ne sommes pas déçus de l’avoir écouté. Il faut le souligner, car les promesses ne sont pas toujours suivies d’effets !

De la même manière, les écologistes se réjouissent du fait que les épargnants soient protégés à hauteur de 100 000 euros. Cette harmonisation, décidée en séance de rattrapage dans le cas chypriote, nous semble juste et nécessaire. Nous disposerons ainsi d’un mécanisme qui permettra, le cas échéant, de gérer les défaillances bancaires de manière ordonnée, en évitant la contagion à d’autres établissements. En termes concrets, si ce mécanisme avait existé avant 2008, il aurait sauvé toutes les banques en difficulté, à six exceptions près, sans intervention publique.

Enfin, reste à assurer la protection des épargnants et la finalisation du système unique de garantie de dépôt qui doit se traduire dans le troisième pilier. Je ne reviendrai pas sur cet aspect qui a été largement développé.

Il semble que l’architecture globale du projet puisse être améliorée. L’union bancaire va faire intervenir un grand nombre d’acteurs : BCE, Conseil de résolution, Commission européenne ainsi que l’autorité nationale, et établir des procédures ne permettant pas une prise de décision rapide. À ce stade manque la réactivité, en complément de la transparence, de la responsabilité et de la protection. Notre objectif à moyen terme doit être de permettre la structuration d’une union bancaire plus efficace mais aussi plus démocratique. Ainsi le Parlement européen doit-il être davantage associé aux décisions prises dans ce cadre.

Malgré ces quelques bémols, le groupe écologiste apportera tout son soutien à cette résolution. De même, il votera en faveur des amendements proposés par Karine Berger qui vont notamment vers davantage de transparence, renforcent le filet de sécurité et précisent le rôle supranational et la mutualisation de la garantie. Il tient également à souligner que dans cette négociation, la France a sans doute été la plus progressiste, même si elle n’a pas réussi à endiguer les demandes clairement antieuropéennes du gouvernement allemand. À cet égard, vous savez, monsieur le ministre, que le Gouvernement peut compter sur une majorité combative dans cette assemblée. Cela peut aider, je crois, les ministres lorsqu’ils partent en croisade à Bruxelles.

En ce qui concerne la coordination des politiques économiques, nous rejoignons l’esprit de cette résolution. Les écologistes ont toujours été favorables à plus d’Europe : une Europe plus politique, une Europe plus solidaire. Néanmoins, nous restons également vigilants sur la forme que prendront les instruments de convergence et de compétitivité. Il est en effet essentiel qu’ils prennent en compte l’ensemble des politiques nécessaires à la création d’emplois. Ils ne peuvent être un nouveau moyen de contrôler les États et de les astreindre à moins d’investissements et plus d’austérité. Il nous semble également essentiel que la coordination des politiques sociales s’opère au niveau européen. Nous nous réfugions trop souvent derrière le fait que la politique sociale relèverait de la politique nationale alors que sous couvert d’impératifs économiques, la Commission a des exigences en matière de réforme du système de retraite ou d’assurance chômage. Il est temps que l’Europe que nous bâtissons ne soit plus uniquement économique et qu’une protection sociale européenne se construise, mettant un terme à la course au moins-disant social que certains essayent de faire prévaloir en Europe.

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