Intervention de Annick Girardin

Séance en hémicycle du 30 janvier 2014 à 21h30
Progrès de l'union bancaire et de l'intégration économique au sein de l'union économique et monétaire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Girardin :

En apparence, les marchés financiers se sont apaisés. Cela nous pousse à croire que la crise financière est résolue et que nous aurions seulement à agir en faveur de l’économie réelle. Mais résorption n’est pas guérison. Les dangers qui pèsent sur le système financier persistent. Les risques sont latents.

La finance de l’ombre prospère hors de toute contrainte. La hausse vertigineuse du bilan des banques centrales ne continuera pas indéfiniment. Et actuellement, la chute des devises des pays émergents est tout à fait préoccupante. Enfin, l’instabilité de certaines banques européennes est au moins aussi préoccupante que le niveau des dettes souveraines ou l’atonie de la croissance en Europe. Alors que 500 banques ont fait faillite aux États-Unis, seules 40 ont disparu en Europe. Toutefois, à moins de faire preuve d’un patriotisme naïf, on ne peut que constater que toutes les banques européennes ne sont pas en bonne santé.

Il est d’ailleurs étonnant que l’on mette tant d’ardeur à relancer la croissance et notre économie et si peu à prévenir les risques financiers. On aura beau élaborer les meilleurs pactes et les meilleures remises à plat, on n’empêchera pas une crise financière, même de faible ampleur, de balayer en quelques semaines ce qui aura été construit pendant des années.

Face à ces enjeux, la programmation de ce débat un jeudi soir dans un hémicycle quasi vide est regrettable. Mais le souhait des rapporteurs et de la présidente de la commission des affaires européennes d’inscrire cette proposition de résolution pendant la semaine de contrôle n’en est que plus louable. Je les en remercie.

Des efforts pour mieux réguler les activités bancaires ont été réalisés depuis 2008. Mais sont-ils suffisants ? Certainement pas, et la Commission européenne nous l’a encore rappelé hier. La réforme bancaire que notre assemblée a adoptée l’année dernière a pour principal mérite d’organiser la résolution d’une crise bancaire mais elle ne nous prémunit en rien contre une future crise. D’ailleurs, face aux exigences des parlementaires de la majorité, le Gouvernement nous demandait d’attendre : attendre que l’union bancaire soit mise en place au niveau européen, attendre que le projet de régulation bancaire de la Commission européenne soit dévoilé. Nous y voilà.

Or, force est de constater qu’une fois de plus, l’Europe s’est inspirée de ses plus mauvaises pratiques pour donner vie à l’union bancaire : des mécanismes complexes, flous et inachevés, fruits d’égoïsmes nationaux et de rétention de compétences nationales.

Les mécanismes qui seront mis en place sont particulièrement complexes. Les acteurs à solliciter en cas de résolution bancaire sont multiples et l’on ne pourra certainement pas agir aussi vite qu’il le faudrait en cas de crise. Dans le cadre de la supervision unique, il n’existe pas moins de quatre critères différents pour déterminer si une banque doit être ou non supervisée par la BCE. Les effets de palier sont loin d’être négligeables et l’on se demande bien ce qui se passera lorsqu’une banque franchira l’un ou l’autre de ces paliers.

Les règles qui régissent la perméabilité des fonds du Mécanisme européen de stabilité, du Fonds de résolution et des fonds de garantie des dépôts sont d’une complexité telle qu’on peut douter de leur caractère rassurant quand une utilisation effective en cas de crise bancaire sera nécessaire. Il est également étonnant que l’organisme qui supervise les banques ne soit pas celui qui organise la résolution. Le choix de la BCE comme autorité de supervision laisse perplexe. Les compétences nécessaires à la supervision des banques sont bien plus proches des compétences de résolution des crises que de politique monétaire. Quelles seront d’ailleurs les modalités de coordination entre la BCE et l’Autorité bancaire européenne ?

Les nouvelles fonctions de la BCE font également peser un certain risque sur cette institution qui a pour fondement la crédibilité de ses décisions. Ainsi, on demande à une institution discrète, dont chaque mot est pesé avec la plus grande prudence, de communiquer fréquemment. Ses nouvelles fonctions risquent d’inciter les États membres à s’ingérer dans ses décisions, ce que l’on cherche pourtant à éviter depuis la création de l’euro. Avant la fin de l’année, on verra très probablement des États reprocher à la BCE les résultats issus de l’évaluation des bilans des banques. Bien entendu, on nous assure que les deux activités de la BCE seront strictement séparées. Mais peut-on croire que la crédibilité d’une activité n’affectera pas la crédibilité de l’autre ?

Par ailleurs, les contours de certains mécanismes de l’union bancaire sont encore flous alors même que certains d’entre eux doivent être mis en oeuvre dès le début de cette année. Ainsi, les modalités d’évaluation des actifs des banques sont encore inconnues, en dehors des quelques grandes lignes dont nous avons eu connaissance, alors que cette évaluation doit s’achever dans huit mois ! Quelle grille de critères sera retenue ? Cette question est particulièrement importante puisque tous les systèmes bancaires ne fonctionnent pas de la même façon et n’ont pas les mêmes habitudes. Quelles informations seront communiquées ? Les résultats de cette évaluation seront-ils présentés individuellement ou de manière globale ? Une présentation globale affaiblirait l’ensemble du système bancaire, notamment les établissements qui se portent bien. La communication des résultats aura un effet direct sur les marchés financiers aussi bien après qu’avant leur publication. Une erreur d’appréciation ou un simple retard dans la publication des résultats affaiblirait le système financier européen et mettrait à mal la crédibilité de la BCE.

On ignore également comment sera réalisée une éventuelle recapitalisation : qui s’en chargera ? Avec quels fonds ? Comment s’organisera la recapitalisation directe ? On a tout de même l’impression que l’Union s’apprête à réaliser la première mise à l’eau d’un navire rempli de passagers mais dépourvu de bouées de sauvetage.

Enfin, l’union bancaire est inachevée. La garantie des dépôts, qui compose pourtant l’un des trois piliers de cette union, au même titre que la supervision et la résolution, demeure sous la responsabilité des États. Seule une harmonisation a vu le jour alors qu’un fonds unique aurait dû être créé.

La proposition de résolution que nous examinons est constituée de deux parties, l’une consacrée à l’union bancaire, l’autre au renforcement des politiques économiques. La seconde partie ne nous pose aucun problème : les radicaux de gauche sont tout à fait favorables à ce que la coordination des politiques économiques soit renforcée. Cette convergence est indispensable et nous la soutenons. En revanche, notre groupe s’interroge sur le risque de légitimer une union bancaire incomplète. Bien entendu, cette proposition permettra au gouvernement français d’asseoir, grâce à notre approbation, la légitimité de ses exigences face aux demandes, parfois contradictoires, d’autres pays européens. Mais doit-on réellement renforcer la position du gouvernement français alors que depuis hier, il ne se prive pas d’émettre des critiques à l’encontre des propositions de la Commission européenne visant à réformer les banques ?

Comme vous le savez, lors de l’examen de la dernière loi bancaire française, le groupe RRDP avait soutenu une séparation plus stricte des activités bancaires, en particulier pour que soit filialisée la tenue de marché. Nous regrettions également que les activités de spéculation pour fonds propres n’aient pas été interdites. Notre position est restée la même. La position du commissaire Michel Barnier, qui n’est pas un gauchiste acharné…

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