Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, à la suite de la crise bancaire de 2008, puis de la crise des dettes qui s’en est suivie et de la crise économique que nous traversons depuis cinq ans maintenant, les institutions européennes et les États membres ont oeuvré pour trouver des réponses efficaces et dans des délais les plus brefs possibles pour sauver le secteur bancaire d’abord, et protéger ensuite de la meilleure manière qui soit nos États membres de la faillite.
Il a fallu attendre fin 2011, début 2012 – après l’instauration d’une solidarité de fait entre les États membres pour réagir rapidement aux différentes crises, et après la création d’un mécanisme européen de solidarité permettant de venir en aide aux États membres européens en faillite – pour que les États membres parviennent à coucher sur le papier de véritables mécanismes en faveur d’une union plus étroite entre nos politiques économiques et budgétaires.
Le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, signé le 2 mars 2012 à Bruxelles par les chefs d’État et de gouvernement de vingt-cinq États membres – la République Tchèque et le Royaume-Uni faisant exception –, prévoit ainsi l’instauration progressive d’une gouvernance économique au sein de la zone euro ainsi que de mécanismes favorisant la discipline budgétaire au moyen d’un pacte budgétaire et renforçant la coordination des politiques économiques de nos États membres.
Sur la question des politiques économiques et budgétaires, les dossiers relatifs à l’intégration n’avancent que lentement, ce que nous regrettons ; pas non plus d’avancée pour une union politique plus intégrée. Au-delà de la seule union bancaire, le Conseil européen semble manquer d’ambition en la matière. Nous appelons à un sursaut de nos dirigeants pour plus d’intégration européenne. Où en sont par exemple les discussions sur un possible budget de la zone euro, ou un ministre de la zone euro ?
Concernant la coordination des politiques économiques et budgétaires, j’aurai quelques remarques sur les instruments mis en place – examen annuel de croissance, recommandations de la zone euro, semestre européen –, en particulier sur l’organisation du semestre européen, dont cette année était le troisième exercice.
Nous nous félicitons de l’existence d’un tel exercice. Toutefois, la Commission doit pouvoir mieux tenir compte des calendriers d’examen de lois de finance au sein des parlements nationaux. Enfin, ses propositions de recommandations devraient se montrer moins prescriptives, afin de ne pas nourrir l’accusation de prise de pouvoir de Bruxelles sur nos budgets nationaux.
Nous nous réjouissons que la Commission ait entendu notre demande de juin dernier sur la prise en compte de la dimension sociale dans le cadre de cet exercice. Nous attendons de la voir concrétisée tout au long du semestre européen.
Pour relancer un peu les choses, peut-être serait-il bon d’évaluer la convergence et le potentiel de croissance de la zone euro pour pouvoir proposer de nouvelles réformes à mener en la matière.
La question de l’Union bancaire a occupé très largement les dernières réunions des Conseils des ministres des finances depuis juin 2012. Depuis, les discussions et les négociations sur le sujet entre la Commission, le Conseil européen et le Parlement ont permis l’ébauche d’une nouvelle grande avancée pour l’Europe.
Certains commentateurs ont tenté de diminuer la portée de ces décisions de décembre, en la limitant à un triomphe de l’Allemagne récalcitrante ou à un échec patent des Européens à se mettre d’accord. Certes, beaucoup reste à faire et tout est loin d’être encore parfait, mais nous pouvons nous réjouir que l’Union européenne soit si bien engagée dans le processus d’unification bancaire. Nous pouvons nous féliciter de ce « changement révolutionnaire dans le secteur financier européen », pour reprendre les termes de notre commissaire, Michel Barnier – même s’il ne se situe pas à l’extrême gauche ! Les États-Unis ont mis deux siècles à l’instaurer pour leur pays : nous avançons vite !
L’union bancaire, que les institutions européennes ont dessinée aux côtés des États membres, repose sur deux piliers. Le premier est une supervision unique des banques, qui devrait être effective en novembre prochain. Elle sera confiée à la BCE, qui supervisera directement les cent vingt-huit banques les plus importantes, dont vingt-quatre en Allemagne et treize en France. Le transfert de pouvoir des autorités de surveillance nationale – dont certaines n’ont rien vu ou rien voulu voir venir fin 2007 – à la BCE représente une conquête dans l’histoire de l’Union. La surveillance des banques depuis Francfort, offrant une vision claire et parfaitement indépendante de l’état du système bancaire, permettra ainsi de prévenir les crises et d’identifier les problèmes bancaires. Elle rendra donc l’Union monétaire plus solide.
Nous sommes conscients que divers défis doivent être relevés rapidement. La BCE va devoir acquérir une expertise qu’elle ne possède pas pour l’instant, et poussera ainsi à une harmonisation des méthodes de contrôle dans les États membres ; nous devons être vigilants sur ce point. II faudra en outre nous assurer que les spécificités nationales seront prises en compte par le superviseur ; je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si cela est bien concret.
Le deuxième pilier consiste en un mécanisme de résolution des crises, qui devrait démarrer en 2015. Ce mécanisme, une fois mis en place, doit éviter de faire peser sur les États et sur nos concitoyens les faillites d’établissements de crédit. Sur cette question, le compromis trouvé reste très flou et doit encore faire l’objet de négociations.
Les trois éléments de discussion relatifs à ce mécanisme sont les suivants. Premier élément : les règles pour la recapitalisation d’une banque ont été actées et une hiérarchie des parties prenantes dans la résolution d’une crise bancaire a été définie le 15 novembre dernier : c’est une vraie nouveauté pour beaucoup d’États. Pour sauver une banque en crise, le renflouement commencera par les actionnaires et les créanciers – le bail-in –, par opposition à ce qui a été fait pendant la crise, qui consistait à faire intervenir l’argent public. Grâce à cette hiérarchie, le contribuable ne sera pas le premier mis à contribution. Viendront, après le renflouement interne, les fonds de résolution abondés par le secteur bancaire, puis les mécanismes de soutien public nationaux et enfin le Mécanisme européen de stabilité, qui serait appelé en dernier ressort.
Deuxième élément : la prise de décisions. Pour l’instant, ce mécanisme dépend de trop d’acteurs. Les décisions de recapitaliser ou de liquider un établissement impliqueraient un Conseil de résolution unique, la Commission et le conseil des ministres des finances, selon une procédure complexe et lourde, alors que ce genre de situation nécessite une rapidité dans la prise de décision. Le Parlement européen, co-décideur, juge d’ailleurs inacceptable la proposition en l’état car, selon lui, l’approche intergouvemementale n’est pas envisageable pour un bon fonctionnement.
Troisième élément : le Fonds de résolution unique, doté de 55 milliards d’euros et alimenté par les contributions des banques à hauteur de 1 % des dépôts. Il doit permettre d’aider à la restructuration directe d’une banque mais, pour l’heure, l’accord est loin d’être obtenu. Il faudra d’abord que chaque État membre mette en place son propre fonds de résolution. La question, évoquée par Christophe Caresche, des filets de sécurité financiers intervenant en dernier ressort doit en outre encore être précisée.
La recapitalisation directe par le Mécanisme européen de stabilité ou la vraie mutualisation du risque bancaire ne se ferait a priori que dans dix ans. L’Allemagne n’y est pas opposée sur le principe mais elle insiste pour que l’union budgétaire avance elle aussi de son côté et qu’ainsi cette mutualisation soit beaucoup plus sûre pour tous ; elle n’a sans doute pas tort sur cette question.
Enfin, comme à mon habitude, je soulignerai l’importance de la place des parlements nationaux dans ces différents mécanismes. De tels transferts de pouvoir des États membres vers la BCE et vers la Commission doivent absolument être accompagnés par un contrôle des parlements nationaux dans toutes les prises de décision, sous peine de nous éloigner un peu plus des peuples européens si nous ne le faisons pas. Nous insistons donc pour qu’ils soient bien inclus dans le processus, aussi bien dans celui de la coordination des politiques économiques et budgétaires que dans celui de l’Union bancaire. Il faudra donc s’assurer que les parlements nationaux seront bien pris en compte à chaque étape ; ainsi, leur rôle devra être renforcé dans le contrôle du mécanisme de résolution unique.
Le Conseil de résolution unique devra leur transmettre son programme de travail et son rapport d’activité, répondre à leurs questions, remarques, etc. Les parlements nationaux pourront auditionner les membres de ce Conseil. Pour ce qui est du cadre de l’Union économique et monétaire, les parlements nationaux doivent là encore être associés dans le travail de convergence au sein de la zone euro.
Je voudrais dire à ce propos que l’adoption dans le traité de l’article 13, qui permet d’associer les parlements nationaux au Parlement européen, est un progrès en soi. Mais je ne peux que regretter que nous ne parvenions pas à le mettre en oeuvre ; c’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir nous aider aussi sur cette question.
Sur tous ces sujets, le groupe UMP soutiendra les avancées vers plus d’intégration européenne. Nous devons prendre conscience que tant de décisions prises au niveau européen ne peuvent être efficaces que si notre pays prend la mesure de la crise qu’il traverse, fait les efforts qui lui sont demandés pour rétablir ses comptes et travaille dans le sens de la convergence avec ses principaux partenaires. Le groupe UMP votera cette proposition de résolution européenne de nos collègues Christophe Caresche, Didier Quentin et Michel Herbillon – il l’avait d’ailleurs votée en commission des affaires européennes en décembre dernier – et s’associera aux amendements qui seront déposés tout à l’heure.