Intervention de Marie-George Buffet

Séance en hémicycle du 4 février 2014 à 15h00
Harmonisation des taux de tva applicables à la presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, la question de l’harmonisation des taux de la TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne, nous conduit une nouvelle fois à nous pencher sur le rôle de la presse et sur les moyens à mettre en oeuvre pour garantir son indépendance, voire son existence. Chacun, chacune, mesure ici, le rôle que joue, dans une démocratie, une presse indépendante, audacieuse, professionnelle ; une presse dont l’existence soit le corollaire de la citoyenneté dans une République construite par et pour ses citoyens et citoyennes.

La presse en ligne, liée à la presse imprimée ou en tant que site indépendant, contribue à l’information de nos concitoyens et, donc, au débat démocratique. Elle doit se voir garantir les moyens pour effectuer cette mission. La proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui, répond, même si c’est de façon partielle, à cette exigence.

Les difficultés du site Médiapart ont témoigné des injustices fiscales existantes entre la presse papier et la presse en ligne. Il était nécessaire d’y remédier. Mais, si l’alignement du taux de TVA est nécessaire pour la presse en ligne, nous ne sommes pas quittes d’un débat sur la presse en général et des aides à lui attribuer.

Nous sommes plusieurs sur les bancs de notre Assemblée à avoir travaillé sur les aides à la presse et à avoir recommandé des aides de l’État différenciées. Ne devrait-on pas faire de même pour la presse en ligne ? Car, à la lecture des sites concernés par cette proposition de loi, je ne suis pas sûre qu’ils connaissent tous des difficultés économiques et encore moins, qu’ils relèvent tous de la mission d’information. C’était le sens de l’article 15 de la proposition de loi que j’ai déposée en juillet 2013.

Bénéficier d’une information en temps réel sur ce qui se passe aux quatre coins de la planète est aujourd’hui possible, et constitue une immense avancée dans la maîtrise, par les individus, des enjeux d’ici et du monde. Mais, mesurons que le diktat de l’instantané n’est pas forcément synonyme de connaissance réelle du monde réel. Le credo du tweet, ne peut remplacer le travail journalistique de recherche de l’information, du contrôle des sources et de la mise à disposition du décryptage d’un événement.

En disant cela, je veux alerter sur une autre facette du dossier de la presse, le diktat de l’argent dans le monde de l’information et les conséquences des rapports marchands qu’il occasionne. Le pouvoir de l’argent dans ce domaine, comme dans toute activité humaine, pèse sur la finalité du métier de journaliste. La concentration amène l’uniformisation, la course au scoop et aux parts de marchés publicitaires.

S’il fallait résumer, je dirais que la démocratie ne peut pas vivre sans que vive le pluralisme dans la presse en ligne comme dans la presse écrite. Une presse uniforme court indubitablement à son dépérissement, car, peu à peu, chacun la ressent inutile. C’est pourquoi, agir pour l’existence, la pérennité de la presse et de son pluralisme, est une mission d’intérêt général, une responsabilité que l’État doit assumer.

Aussi, je veux dire à nouveau mon désaccord avec les décisions prises dans la loi de finances, où nous avons enregistré une baisse d’environ 10 millions sur les aides à la presse !

Enfin, je voudrais, une nouvelle fois, questionner sur ces lois qui se succèdent : j’espère que le 14 mai, comme cela a été annoncé, nous pourrons examiner le projet de loi sur la protection des sources. Ces lois sont importantes et justifiées, mais nous avons besoin d’un grand débat et d’une loi-cadre sur la presse dans notre pays. Chacun, ici, perçoit l’ampleur des menaces qui pèsent sur la presse en général. Nous assistons en effet à la baisse des ventes au numéro, la suppression de plus de 1792 points de vente, la disparition de journaux comme France Soir, La Tribune et la menace qui pèse sur d’autres quotidiens nationaux ou régionaux, je pense à Nice -Matin au groupe de presse Centre-France.

Oui, la presse écrite connaît une détérioration de sa situation économique depuis 2008. Les conséquences sociales sont particulièrement graves pour les salariés de la presse d’information politique et générale, avec des plans sociaux permanents et une précarité croissante des salariés et des journalistes. Tous les observateurs et les professionnels concernés s’accordent sur le fait, que l’État doit davantage s’impliquer dans les lieux de décision du secteur, afin de rompre avec cette situation dramatique. Je ne suis pas de ceux ou celles qui pensent que les nouvelles technologies en seraient les seules responsables. Je crois que la presse en ligne peut être un complément, voire un atout pour donner envie de parcourir un journal.

Aussi, j’attends, avec impatience, madame la ministre, une loi qui traite enfin de la presse dans sa globalité, avant que d’autres titres ne meurent. Madame la ministre, chers collègues, notre groupe votera la proposition de loi qui nous est proposée en espérant qu’elle puisse s’intégrer le plus vite possible à une réflexion globale et générale sur la question des aides à la presse, ainsi que vous l’avez exprimé tout à l’heure.

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