…avec le soutien de nombreux collègues, notamment Christian Kert, Franck Riester, Michel Herbillon, Hervé Gaymard, sans oublier Patrick Bloche et Michel Françaix. Chaque année, nous avions ainsi pour objectif d’exprimer la demande insistante du Parlement français que les autorités européennes règlent rapidement cette question.
L’objectif essentiel est de rendre accessible et attractive sur l’internet l’information politique et générale qui a un coût et qui respecte les normes professionnelles en engageant une responsabilité éditoriale face à cette liberté formidable qui aboutit, il faut bien le dire, à une avalanche d’informations produites par tous les internautes à coût nul et sans obligation de respecter ces normes. Il est important que les usagers d’internet aient la possibilité de se référer à des sites d’information dotés d’un label de qualité et sous-tendus par une responsabilité éditoriale. C’est un droit que nous devons protéger.
L’harmonisation de la TVA appliquée à la presse en ligne avec celle appliquée à la presse imprimée a toujours été une démarche tout à la fois urgente, réaliste, légitime et cohérente. L’élément nouveau et décisif est que cette harmonisation est de plus en plus euro-compatible.
Cette harmonisation est urgente car la presse ne peut plus perdre de temps pour réussir sa mutation numérique – je n’emploie pas le terme de transition car l’ère numérique est appelée à durer.
Quand on sait que le coût d’un quotidien imprimé provient à près de 60 % des frais d’impression et de distribution, on mesure l’immense avantage économique que procure la numérisation de la presse en éliminant cette double dépense. Cet allégement des charges peut constituer un moyen sans précédent d’alléger le prix de vente de la presse, lequel est l’une des causes de perte du lectorat de la presse imprimée. La numérisation doit permettre de mieux atteindre l’objectif permanent des pouvoirs publics en matière de médias : rendre accessible au plus grand nombre la presse qui concourt à la liberté d’expression et à la qualité du débat démocratique.
Conscientes de ce que l’avenir de l’information passe par la dématérialisation accrue de ses contenus, les entreprises de presse consentent d’importants investissements pour le déploiement d’offres payantes sur tous les types de terminaux, notamment les tablettes et les téléphones mobiles. La réussite du développement de ces offres légales est subordonnée à leur capacité à séduire rapidement de nouveaux lecteurs. L’harmonisation des taux de TVA rendra la presse plus accessible pour un plus grand nombre de lecteurs-consommateurs.
Cette harmonisation est réaliste car elle est compatible avec les contraintes et les objectifs budgétaires de l’État sur deux plans.
Premièrement, en favorisant l’essor d’un modèle économique payant pérenne, elle permettra d’asseoir les bases de recettes fiscales à venir. La combinaison d’un taux réduit de TVA et de politiques éditoriales et commerciales attractives de la part des éditeurs contribuera en effet rapidement à la maturation de ce marché et à des recettes fiscales supplémentaires. Je vous renvoie aux évaluations qui ont été citées. Cette démarche s’inscrit dans la continuité des états généraux de la presse écrite et du statut de la presse en ligne conclus et adoptés en 2009. Deuxièmement, le succès de la presse en ligne permettra aussi de réduire voire de supprimer à terme certaines aides de l’État pour l’impression, le transport et la distribution, qui n’auront plus de justification.
Cette harmonisation est légitime au regard du principe de neutralité technologique de l’impôt.
La fiscalité applicable à la presse ne doit pas s’apprécier en fonction du support de diffusion. La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt Rank de novembre 2011, a clairement et solennellement réaffirmé que ce principe de la neutralité fiscale était un élément constitutif du principe de libre concurrence qui régit toute la politique européenne. L’harmonisation des taux de TVA met en oeuvre ce principe de neutralité et donc de libre concurrence. Même si elle contredit temporairement une directive européenne dont la révision est en cours, ce principe est pris en compte. L’harmonisation que nous voulons mettre en oeuvre anticipe la satisfaction d’une légitimité juridique bien supérieure en respectant un principe fondateur de l’Union européenne, celui de la libre concurrence.
Cette harmonisation est cohérente car elle va dans le même sens que la décision prise par le Parlement français dans la loi de finances pour 2011 de mettre en oeuvre une TVA réduite au bénéfice du livre numérique à compter du 1er janvier 2012. Constatant que le marché du livre numérique est appelé à se développer et que cette évolution est susceptible d’être freinée par des prix dissuasifs qui encourageraient le piratage, le législateur avait alors estimé que la fiscalité constituait un élément essentiel pour accompagner l’évolution du marché. Avec la présente proposition de loi, il s’agit de faire toute sa place dans l’univers de l’internet à l’écrit sous la forme de presse comme de livre.
Enfin, cette harmonisation – et c’est là l’élément nouveau décisif – devient de plus en plus euro-compatible. Une approche globale de la fiscalité des écrits numériques a mûri dans de nombreux pays européens. Le Parlement suédois avait déjà adopté en mai 2011 une résolution préconisant l’application des mêmes taux de TVA. Mais l’évolution la plus importante vient de l’Allemagne : opposée dans un premier temps à cette harmonisation, elle vient fort heureusement de prendre la position contraire. Traduisant un des points de l’accord de Gouvernement entre la CDU-CSU et le SPD, un communiqué officiel du ministre allemand de la culture vient de demander que le même taux de TVA s’applique à la presse en ligne et à la presse imprimée. Le fameux moteur franco-allemand va donc pouvoir fonctionner au bénéfice de la presse en ligne, même si le chemin n’est pas encore complètement balisé. Nous savons qu’il faudra convaincre tous nos partenaires européens.
Non seulement les gouvernements européens convergent, mais l’ensemble des instances professionnelles de la presse soutiennent aujourd’hui l’harmonisation de la TVA. Au niveau français, il y a unanimité des neuf syndicats de la profession. La même unanimité existe au niveau européen à la suite de la déclaration de Berlin qui avait réuni dès mars 2011 les signatures de plus de 200 associations professionnelles et groupes de presse.
Ma dernière remarque portera sur le très injuste paradoxe européen qui a pour résultat de faire payer l’impôt aux créateurs de contenus et de largement en exonérer les opérateurs comme Google qui vivent de l’utilisation de contenus créés par d’autres. Il faut aussi rappeler que Google ponctionne par une commission de 30 % à 40 % une part importante de la valeur ajoutée de la presse en ligne. Il faut donc souhaiter que l’Union européenne ne se contente pas d’harmoniser les taux de TVA applicables à la presse – ce qui est déjà un progrès fantastique – mais règle aussi dans les meilleurs délais les autres inégalités fiscales qui menacent la création de contenus.