Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui l’excellente initiative de nos collègues Bruno Le Roux, Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles, et Michel Françaix, spécialiste s’il en est dans notre hémicycle des questions liées à l’évolution des supports et de la presse.
Excellente initiative, car très attendue par la profession et par les représentants de la presse d’information publique et générale, tout autant attachés que la commission des affaires culturelles au principe de la neutralité fiscale entre les supports d’information. Ce texte met en musique l’annonce faite le 17 janvier par le Gouvernement d’aligner le taux de TVA des médias en ligne sur celui des médias imprimés.
Vous le savez, alors que les ventes des publications imprimées sont assujetties au taux de TVA super-réduit de 2,1 %, les sites de presse en ligne payants sont soumis au taux normal de 20 %. Il est donc urgent de mettre fin, ainsi que le préconisent l’ensemble des rapports se penchant sur l’avenir de la presse, confiés à Marc Tessier, à Pierre Lescure ou plus récemment à Roch-Olivier Maistre, à cette distorsion de concurrence en défaveur de la presse en ligne.
Tout d’abord, l’enjeu est de soutenir le secteur de la presse papier qui traverse depuis plusieurs années une crise particulièrement grave. Ses symptômes sont bien connus : vieillissement de son lectorat, affaiblissement de sa diffusion, effondrement de ses recettes publicitaires, diminution de sa rentabilité. Son avenir dépendra forcément de sa capacité à réussir sa transition économique.
Ensuite, l’enjeu est d’accompagner l’émergence d’un modèle économique viable pour la presse en ligne payante alors que, dans le même temps, les professionnels constatent une accélération de la vente de contenus de presse en ligne, permise notamment par l’arrivée des tablettes – nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à pouvoir en témoigner !
Cette distorsion a de plus pour conséquence de freiner le transfert des abonnés vers les offres numériques alors même qu’un certain nombre d’entre eux, pour des raisons pratiques ou bien par souci de participer à l’économie verte, souhaiteraient basculer vers le numérique : c’est notamment le cas des jeunes générations.
En vérité, la question fondamentale est la suivante : qui aujourd’hui fait et produit l’information ? Pendant des années, l’information en ligne n’a pas été considérée comme de la presse, celle-ci devant nécessairement être imprimée. Un décret de 2009 a mis fin à cette situation, permettant aux sites d’obtenir un numéro de la commission paritaire des publications et agences de presse, ou CPPAP. La presse imprimée et la presse numérique restent cependant, jusqu’à aujourd’hui, considérées comme deux catégories différentes par le droit fiscal.
Pourtant, la presse en ligne témoigne d’un réel travail journalistique de recherche et de traitement des données ayant le caractère d’information utile au public, à destination des mêmes lecteurs que ceux de la presse imprimée. À ce titre, la presse en ligne indépendante est un levier de transformation, de modernisation et de réforme de l’écosystème de la presse au bénéfice du public et donc de la démocratie.
Soutenir ces secteurs, c’est aussi rendre les acteurs de l’information plus indépendants des éditions et des grands groupes de presse, les exempter d’avoir recours à des soutiens parfois publicitaires, voire politiquement orientés.
Au travers de cette proposition de loi, l’État se conforme à son obligation d’assurer un véritable pluralisme. Ce taux super-réduit se répercutera efficacement sur les lecteurs car une presse démocratique doit rester une presse accessible au plus grand nombre.
Cette proposition de loi est par ailleurs la preuve que l’on peut toujours faire preuve de courage en s’opposant à certaines directives européennes qui nous semblent inappropriées ; la preuve également que l’on peut tourner le dos à la résignation, comme en atteste le fait que nous soyons aujourd’hui en mesure de convaincre nos partenaires allemands d’aller dans le même sens que nous ; la preuve enfin que les mesures de justice, dans quelque domaine que ce soit, ne sont jamais inutiles – il convient parfois de le rappeler.
Elle constitue pour nous un moyen de défendre et d’étendre notre particularité culturelle à l’échelle de l’Europe, tout en préservant et en développant un modèle transitoire dans cette mutation de fond qui bouleverse une presse prête à entrer pleinement dans la complexité de notre siècle, pour peu que nous acceptions de l’accompagner dans cette mutation.