Moi aussi, je veux vous remercier de cette belle unanimité, j’allais dire « une fois de plus », car sur les sujets culturels, ça arrive, dans le sens de l’intérêt général.
Je vais commencer par répondre à quelques interrogations. Thierry Braillard, notamment, a demandé pourquoi nous n’avons pas prévu une TVA à 5,5 % sur la presse en ligne tout en gardant une TVA à 2,1 % sur la presse imprimée. Cela aurait fragilisé notre position, qui est celle de la neutralité technologique en matière fiscale. Avec solidité et cohérence, nous menons ce combat politique à Bruxelles. Fixer deux taux différenciés, certes, aurait permis aux sites de presse en ligne de payer moins de TVA, mais aurait été incohérent du point de vue politique. Nous, nous sommes dans une démarche globale d’harmonisation et d’évolution de la fiscalité dans le numérique pour tout ce qui est culturel y compris la presse.
C’est le sens de toute la réflexion sur la fiscalité du numérique, qui rejoint les préoccupations de M. Martin-Lalande dont je partage les constats sur l’évolution de la fiscalité, sur l’intégration des GAFA, des grandes entreprises de la mondialisation numérique, dans notre système fiscal de l’exception culturelle : il s’agit de faire financer en partie la création, les oeuvres, par ceux qui les diffusent et qui en tirent profit.
S’agissant des GAFA, je vous rappelle que l’an dernier, le Gouvernement a incité les éditeurs de presse et Google à trouver un accord. C’était d’ailleurs un souhait des éditeurs de presse : s’il n’y avait pas eu d’accord, nous aurions légiféré. Il y a eu un accord, si bien qu’il y a maintenant un fonds Google de 60 millions d’euros qui est géré par les éditeurs de presse.
C’est dans le cadre de cet accompagnement des évolutions technologiques de la presse que s’inscrit la proposition de loi. Toutefois, pour répondre à Rudy Salles, ce texte ne constitue évidemment pas le seul pilier de la politique du Gouvernement et de la majorité en faveur de la presse. Je l’ai annoncé, la réforme des aides à la presse est mise en oeuvre depuis le mois de juillet dernier. Elle comporte plusieurs volets, comme la réforme du fonds stratégique, c’est-à-dire, là encore, l’accompagnement de la transition numérique, et la fin du soutien aux parties industrielles les plus obsolètes. Il y a aussi le travail sur l’aide au portage et sa rationalisation pour éviter les effets d’aubaine. C’est encore le travail sur la diffusion de la presse, avec ce rapport des inspections qui va m’être remis en juin, et le travail sur les distributeurs de niveau 3, qui sont extrêmement fragilisés aujourd’hui par la crise de la presse : leur situation appelle une vigilance toute particulière, assurée par le Conseil supérieur des messageries de presse.
Ce texte ne constitue donc pas la seule mesure que nous prenions pour la presse, chère Marie-George Buffet : elle fait partie d’un tout, mais c’est une mesure importante.
La mesure fiscale est particulièrement pertinente dans le domaine de la presse, parce qu’elle est tout à fait neutre : il n’y a aucune immixtion possible dans l’éditorial. Le choix qui a été fait, depuis le rapport Roch-Olivier Maistre, de conserver un taux de TVA homogène, uni, pour l’ensemble de la presse, nous a permis de ne pas entrer dans une discussion sur le contenu éditorial, tout en maintenant cette distinction très importante entre presse IPG et non-IPG. Cette distinction continue d’être opérée pour tout ce qui concerne les aides directes à la presse. C’est extrêmement important pour nous : cela rend possible un ciblage très fin concernant la presse IPG.
D’ailleurs, dans les tarifs postaux – un autre pan de la réforme du soutien public à la presse – on retrouve cette distinction. Quand le Gouvernement s’engage sur la fin du moratoire en matière de tarifs postaux, il le fait en prévoyant des contreparties fortes pour accompagner la modernisation de la presse, en cherchant à réduire les coûts de transport à terme.
Ce texte s’inscrit donc dans un panorama visant à encourager les réformes de structure indispensables, qui vont, nous le souhaitons tous, permettre à la presse de retrouver sa bonne santé, nécessaire à la démocratie.
Ce combat, nous le menons en France, mais aussi à l’échelle européenne, parce que sans révision de la directive TVA, sans élan européen fort pour une réflexion sur la fiscalité du numérique et des industries culturelles, la France sera isolée et, face à des acteurs mondialisés, se trouvera fragilisée.
Nous avons donc besoin d’une réflexion d’ensemble à l’échelle européenne et votre débat d’aujourd’hui va nous permettre de consolider notre position. Certes, depuis 2012, depuis l’adoption à l’unanimité de l’amendement Martin-Lalande sur le livre numérique, la France est soumise à une procédure – la Commission européenne a saisi la Cour de justice –, mais nous maintenons notre position avec force. C’est une position politique. Un livre, ce n’est pas un support ; un livre, c’est un texte, c’est un contenu. Aujourd’hui, nous avons des outils technologiques nouveaux, des outils numériques, mais le livre, ce n’est pas cela : il n’est pas réductible à un support. Encore une fois, le livre, c’est un texte. Il est donc normal qu’il y ait neutralité technologique, comme nous allons le garantir en matière de TVA dans le domaine de la presse.
C’est un combat politique au plan européen, que nous sommes en train d’approfondir avec votre proposition de loi, monsieur le rapporteur.