Intervention de Marie-Louise Fort

Réunion du 29 janvier 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Louise Fort :

Mes chers Collègues, nous vous avions présenté le 5 novembre 2013 une longue communication sur les relations Union européenne-Ukraine, qui avait donné lieu à l'adoption de conclusions par notre Commission.

Dans ces précédentes conclusions, nous faisions notamment part de notre souhait de voir signé, lors du Sommet de Vilnius de fin novembre, l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine.

Depuis, la situation a évolué, de façon hélas dramatique. Non seulement l'accord d'association n'a pas été signé, mais surtout – alors que nous appelions à des signaux forts du Gouvernement ukrainien en matière de respect des valeurs fondamentales de l'Union européenne – le « désir d'un rapprochement avec l'Europe » que la population ukrainienne manifeste directement et massivement dans la rue avec, il faut le souligner, des mouvements d'opposition au régime de nature différente, s'est heurté à une répression brutale, entrainant des morts et de nombreux blessés.

Loin de dissuader la foule des opposants, une série de mesures répressives entrées en vigueur mi-janvier a au contraire exacerbé leur désespoir, alimentant un cycle d'affrontements inédit depuis l'indépendance de cette ancienne République soviétique.

Dans une déclaration du 17 janvier 2014, la Haute Représentante Catherine Ashton a appelé le Président ukrainien à faire réviser ces mesures afin de les mettre en conformité avec les engagements internationaux de l'Ukraine.

Dans des conclusions du 20 janvier 2014, le Conseil affaires étrangères a réitéré cet appel, demandant également « aux autorités de pleinement respecter et de protéger le droit des manifestants pacifiques de s'associer et de s'exprimer librement, ainsi que la liberté de la presse ».

Grâce sans doute en partie à ces pressions internationales, la Présidence ukrainienne a annoncé lundi soir, 27 janvier, son intention d'abolir ces mesures répressives. Et hier matin, 28 janvier, la Rada - le Parlement ukrainien - réunie en session extraordinaire a effectivement voté à la quasi-unanimité l'abrogation de ces lois.

Néanmoins, la lumière ne semble toujours pas faite sur des allégations de disparitions suspectes et l'opposition a réclamé l'amnistie pour tous les manifestants emprisonnés, ainsi que la poursuite des responsables des violences policières .

Face à cette actualité, notre Commission des affaires européennes ne peut rester indifférente. C'est pourquoi notre présidente Danielle Auroi a estimé – et nous avec elle – qu'il convenait d'évoquer à nouveau en urgence le sujet de l'Ukraine.

Plus précisément se pose aujourd'hui la question de la réaction que nous pouvons avoir au regard des événements en cours. Et, au-delà des témoignages de sympathie ou de soutien au peuple ukrainien, au-delà des préoccupations devant les graves dérives du régime du Président Viktor Ianoukovitch, que nous devons bien entendu exprimer, il convient de nous demander si nous devrions aller plus loin, en nous prononçant par exemple sur le principe de l'adoption de sanctions contre le Gouvernement ukrainien, dans l'hypothèse où les intentions d'ouverture affichées actuellement ne seraient pas suivies de suffisamment d'effets, ou dans l'hypothèse, redoutée par le peuple ukrainien, où serait décrété l'état d'urgence impliquant de nouvelles mesures restrictives des libertés.

Cette question est agitée depuis quelques jours dans plusieurs capitales européennes mais la réponse n'est pas aisée. Il existe, certes, une demande de l'opposition ukrainienne, qui souhaiterait que les Occidentaux et en particulier l'Union européenne s'engagent plus nettement. Les États-Unis, en riposte aux violences du 22 janvier qui ont fait cinq morts, ont déjà répondu par des restrictions de visas à l'encontre d'officiels ukrainiens et par des menaces de nouvelles sanctions…

Cependant la Russie a dénoncé, d'ores et déjà, de façon officielle, des « ingérences étrangères » dans les affaires de l'Ukraine. L'Ambassadeur russe auprès de l'Union européenne a critiqué les menaces de « possibles actions » de l'Union européenne envers l'Ukraine, évoquées notamment -sans autres précisions toutefois- par le Président de la Commission José Manuel Barroso, dans une Déclaration du 22 janvier. Le même jour, les députés de la Douma ont appelé les Occidentaux à mettre un terme à leur ingérence dans les affaires de Kiev.

Certains États ou certains élus européens sont plus ouverts que d'autres à l'idée de sanctions. Mais elle est – à ce stade – encore loin de faire l'unanimité au sein de l'Union européenne. La France est restée jusqu'à présent assez réservée sur le sujet. Le Président François Hollande a exprimé la semaine dernière en Conseil des ministres sa « très vive préoccupation » après les affrontements « de plus en plus violents » en Ukraine et l'adoption dans ce pays de textes restreignant « les libertés d'expression et de rassemblement » mais globalement la diplomatie française n'est pas en l'état favorable à des sanctions.

Il nous semble également - à nous Rapporteurs- que l'arme des sanctions serait à double tranchant : si l'Union européenne prend des sanctions économiques, ce ne seront pas le Gouvernement ukrainien ni les responsables des violences qui en souffriront le plus, mais les citoyens ukrainiens. D'autre part, le risque est grand alors de pousser encore plus l'Ukraine, pour des raisons purement économiques, vers la Russie...alors que malgré l'échec de Vilnius, l'Union européenne lui tend encore la main pour la signature de l'accord d'association.

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