COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mercredi 29 janvier 2014
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 30
I. Communication de M. Jérôme Lambert et Mme Marie-Louise Fort sur l'Ukraine
Je remercie nos rapporteurs de nous avoir préparé cette communication sur ce sujet sensible et qui évolue de jour en jour.
Mes chers Collègues, nous vous avions présenté le 5 novembre 2013 une longue communication sur les relations Union européenne-Ukraine, qui avait donné lieu à l'adoption de conclusions par notre Commission.
Dans ces précédentes conclusions, nous faisions notamment part de notre souhait de voir signé, lors du Sommet de Vilnius de fin novembre, l'accord d'association entre l'Union européenne et l'Ukraine.
Depuis, la situation a évolué, de façon hélas dramatique. Non seulement l'accord d'association n'a pas été signé, mais surtout – alors que nous appelions à des signaux forts du Gouvernement ukrainien en matière de respect des valeurs fondamentales de l'Union européenne – le « désir d'un rapprochement avec l'Europe » que la population ukrainienne manifeste directement et massivement dans la rue avec, il faut le souligner, des mouvements d'opposition au régime de nature différente, s'est heurté à une répression brutale, entrainant des morts et de nombreux blessés.
Loin de dissuader la foule des opposants, une série de mesures répressives entrées en vigueur mi-janvier a au contraire exacerbé leur désespoir, alimentant un cycle d'affrontements inédit depuis l'indépendance de cette ancienne République soviétique.
Dans une déclaration du 17 janvier 2014, la Haute Représentante Catherine Ashton a appelé le Président ukrainien à faire réviser ces mesures afin de les mettre en conformité avec les engagements internationaux de l'Ukraine.
Dans des conclusions du 20 janvier 2014, le Conseil affaires étrangères a réitéré cet appel, demandant également « aux autorités de pleinement respecter et de protéger le droit des manifestants pacifiques de s'associer et de s'exprimer librement, ainsi que la liberté de la presse ».
Grâce sans doute en partie à ces pressions internationales, la Présidence ukrainienne a annoncé lundi soir, 27 janvier, son intention d'abolir ces mesures répressives. Et hier matin, 28 janvier, la Rada - le Parlement ukrainien - réunie en session extraordinaire a effectivement voté à la quasi-unanimité l'abrogation de ces lois.
Néanmoins, la lumière ne semble toujours pas faite sur des allégations de disparitions suspectes et l'opposition a réclamé l'amnistie pour tous les manifestants emprisonnés, ainsi que la poursuite des responsables des violences policières .
Face à cette actualité, notre Commission des affaires européennes ne peut rester indifférente. C'est pourquoi notre présidente Danielle Auroi a estimé – et nous avec elle – qu'il convenait d'évoquer à nouveau en urgence le sujet de l'Ukraine.
Plus précisément se pose aujourd'hui la question de la réaction que nous pouvons avoir au regard des événements en cours. Et, au-delà des témoignages de sympathie ou de soutien au peuple ukrainien, au-delà des préoccupations devant les graves dérives du régime du Président Viktor Ianoukovitch, que nous devons bien entendu exprimer, il convient de nous demander si nous devrions aller plus loin, en nous prononçant par exemple sur le principe de l'adoption de sanctions contre le Gouvernement ukrainien, dans l'hypothèse où les intentions d'ouverture affichées actuellement ne seraient pas suivies de suffisamment d'effets, ou dans l'hypothèse, redoutée par le peuple ukrainien, où serait décrété l'état d'urgence impliquant de nouvelles mesures restrictives des libertés.
Cette question est agitée depuis quelques jours dans plusieurs capitales européennes mais la réponse n'est pas aisée. Il existe, certes, une demande de l'opposition ukrainienne, qui souhaiterait que les Occidentaux et en particulier l'Union européenne s'engagent plus nettement. Les États-Unis, en riposte aux violences du 22 janvier qui ont fait cinq morts, ont déjà répondu par des restrictions de visas à l'encontre d'officiels ukrainiens et par des menaces de nouvelles sanctions…
Cependant la Russie a dénoncé, d'ores et déjà, de façon officielle, des « ingérences étrangères » dans les affaires de l'Ukraine. L'Ambassadeur russe auprès de l'Union européenne a critiqué les menaces de « possibles actions » de l'Union européenne envers l'Ukraine, évoquées notamment -sans autres précisions toutefois- par le Président de la Commission José Manuel Barroso, dans une Déclaration du 22 janvier. Le même jour, les députés de la Douma ont appelé les Occidentaux à mettre un terme à leur ingérence dans les affaires de Kiev.
Certains États ou certains élus européens sont plus ouverts que d'autres à l'idée de sanctions. Mais elle est – à ce stade – encore loin de faire l'unanimité au sein de l'Union européenne. La France est restée jusqu'à présent assez réservée sur le sujet. Le Président François Hollande a exprimé la semaine dernière en Conseil des ministres sa « très vive préoccupation » après les affrontements « de plus en plus violents » en Ukraine et l'adoption dans ce pays de textes restreignant « les libertés d'expression et de rassemblement » mais globalement la diplomatie française n'est pas en l'état favorable à des sanctions.
Il nous semble également - à nous Rapporteurs- que l'arme des sanctions serait à double tranchant : si l'Union européenne prend des sanctions économiques, ce ne seront pas le Gouvernement ukrainien ni les responsables des violences qui en souffriront le plus, mais les citoyens ukrainiens. D'autre part, le risque est grand alors de pousser encore plus l'Ukraine, pour des raisons purement économiques, vers la Russie...alors que malgré l'échec de Vilnius, l'Union européenne lui tend encore la main pour la signature de l'accord d'association.
Enfin, pour l'heure, peut-être faut-il encore essayer de préserver une possibilité de dialogue politique avec le Président Ianoukovitch, que des sanctions contre son régime rendraient encore plus difficile : rappelons qu'il a eu des gestes d'ouverture envers l'opposition, que son Premier ministre M. Azarov a annoncé hier 28 janvier sa démission et que depuis hier également la Rada est réunie en session extraordinaire, pour tenter de trouver dans un cadre institutionnel une issue durable à la crise… D'autre part, l'Union européenne continue à chercher des solutions avec le pouvoir en place : le Commissaire à l'Élargissement Stefan Füle s'est rendu sur place (c'est la raison pour laquelle son audition conjointe par notre Commission et celle du Sénat, prévue hier 28 janvier, a été annulée) et Mme Catherine Ashton vient d'arriver à Kiev, à l'issue du bref Sommet Union européenne-Russie qui s'est tenu hier soir à Bruxelles.
C'est pourquoi, Madame la Présidente, chers Collègues, nous vous proposons d'adopter le présent projet de conclusions, qui témoigne de l'émotion de notre Commission face aux récents événements, qui demande instamment au Gouvernement ukrainien de libérer les manifestants (comme il semble s'y être engagé) ainsi que les opposants politiques, de favoriser le dialogue avec l'opposition et de rechercher avec elle une solution durable à cette crise profonde, mais qui se veut pour le moment mesuré et prudent sur la question des sanctions.
Nous n'excluons pas, évidemment, d'évoquer à nouveau cette question plus tard devant vous, en fonction de l'évolution des événements… Nous soulignons qu'à cette heure la situation est encore tendue et instable à Kiev, qu'elle s'est envenimée également dans plusieurs régions, et qu'il est donc très difficile de présager du cours possible de ces événements.
Dans ces conditions, et en l'état des informations dont nous disposons actuellement, nous vous proposons donc l'adoption de conclusions qui sont des conclusions fermes mais responsables.
Je passe la parole à Joaquim Pueyo, qui est vice-Président du groupe d'amitié France-Ukraine.
Je tiens à remercier les deux rapporteurs qui nous proposent un texte très équilibré. J'ai pu constater, lors de rencontres avec des Ukrainiens, qu'ils souhaitent effectivement que la France et l'Union européenne prennent fermement position. Il y a en Ukraine un véritable désir d'Europe, même si l'opposition, vous l'avez rappelé, est divisée. Nous devons, en notre qualité de parlementaires français, soutenir ce peuple qui manifeste un désir d'Europe et qui aspire à nos valeurs européennes. De plus, il y a beaucoup de jeunes qui se rassemblent autour de ces valeurs, même si toutes les générations sont réunies.
Je suis d'accord avec les termes des conclusions mais je souhaiterais simplement que l'on « prenne acte » du fait que le Parlement ukrainien s'est prononcé pour l'abrogation des mesures qu'il avait précédemment votées, sans aller jusqu'à nous en féliciter. Cette question est évoquée au point 3 du projet de conclusions. Il n'y a en effet pas lieu de se féliciter d'une abrogation qui va de soi.
Je suis tout à fait d'accord pour l'adoption d'une position prudente vis-à-vis des sanctions car elles risquent de pénaliser le peuple ukrainien. Il est souhaitable de rappeler, dès qu'on le peut, que l'Union européenne est prête et reste disposée à signer un accord d'association avec l'Ukraine, dans la perspective – j'exprime là mon point de vue personnel que j'aimerais vous faire partager – de la faire rentrer à moyen terme dans l'Union européenne.
Il convient de nous interroger sur les raisons de ce soulèvement. Les conditions de vie et la corruption qui frappent le pays y sont pour beaucoup. L'Union européenne est peut-être allée trop loin en essayant de faire accepter aux Ukrainiens un programme d'austérité. N'oublions pas que cela faisait partie des conditions qu'elle avait posées à la signature de l'accord d'association : dès lors, face à la Russie qui proposait un prêt de 15 milliards d'euros, elle ne faisait plus le poids ! Vu le contexte, peut-être faudrait-il réexaminer les conditions dont cet accord d'association a été assorti.
Je remercie moi aussi les rapporteurs pour avoir accompli leur travail dans des conditions de grande rapidité et d'efficacité. Je rentre en effet d'une réunion de la COSAC à Athènes, au cours de laquelle a été adoptée une résolution sur l'Ukraine, mais elle est moins précise et moins claire. Cela montre que tous les Européens se questionnent sur le sujet, ce qui est bien. Merci également d'avoir modifié les termes de la rédaction initiale afin d'évoquer la diversité des opposants, car il y a beaucoup de nationalistes qui montent actuellement au créneau, parfois avec des formes de violences qui ne sont pas loin de l'exemple – dans le mauvais sens du terme – de « l'Aube dorée » en Grèce. Vos réflexions prudentielles nous permettent par ailleurs de souligner que le sujet n'est pas simple, que nous soutenons les pro-européens, mais qu'il y a aussi des extrémistes et que cette situation risque encore de se compliquer. C'est pourquoi il faut rappeler – c'est un point d'équilibre – que l'Union européenne veut la pacification, puis l'accord d'association.
Merci aux rapporteurs pour leur communication et leur projet de conclusions sur ce sujet très difficile vu la complexité de la situation. En ce qui concerne les sanctions, je pense qu'il faudrait enlever, dans le dernier point des conclusions, le mot « ciblées » qui pour moi ne veut rien dire. Si vous demandez des sanctions ciblées, il faut préciser lesquelles.
L'expression « sanctions ciblées » permet d'insister sur le fait qu'elles devraient viser, si elles étaient adoptées, les autorités ukrainiennes et non pas le peuple ukrainien... Elle marque une volonté d'insistance, c'est plutôt une répétition.
Il faudrait en outre s'abstenir de demander instamment la libération des personnes arrêtées à l'occasion des manifestations, sans autre précision, car il y a parmi les personnes arrêtées des ultra-nationalistes, des casseurs et des voyous. C'est un peu compliqué de demander la libération de toutes les personnes arrêtées. Bien sûr parmi le peuple ukrainien et les manifestants, 99 % peut-être, sont honnêtes intellectuellement et veulent simplement se libérer d'un joug, d'une corruption ou d'atteintes à leurs libertés. Mais certains ne sont pas du tout dans cet état d'esprit.
Nous demandons la libération des personnes arrêtées dans un souci d'apaisement, même si nous savons que parmi elles certaines ont eu un comportement violent, ont lancé des engins incendiaires, etc. C'est quand même à ce prix que sera rétablie la paix. Il est très difficile en pratique, dans ce genre de manifestations, quasi-insurrectionnelles, de faire la part entre les différentes catégories de personnes arrêtées.
Ne pourrait-on préciser en écrivant que nous demandons la libération des personnes arrêtées « arbitrairement » ?
Je suis en ce qui me concerne d'accord avec la suggestion de Bernard Deflesselles : on pourrait préciser en écrivant personnes arrêtées sans fondement ou « arbitrairement ».
Il y a deux méthodes pour essayer de résoudre cette crise qui risque d'échapper à tout le monde : celle des déclarations publiques un peu « musclées » et celle d'une diplomatie un peu plus intelligente, plus confidentielle. Personnellement je m'abstiendrai sur ces propositions de conclusions car je pense que la situation en Ukraine est indescriptible. Il y a les pour, les contre, ce n'est pas « bleu-blanc » et l'Ukraine est partagée, comme Fédorovski l'a bien expliqué dans des propos tenus hier. L'objectif est de rétablir la paix civile. Or on joue avec le feu avec le texte qui nous est proposé, car ce genre de déclaration peut être en réalité contre-productif et gêner des discussions diplomatiques.
Je comprends la position de Jacques Myard mais faut-il pour autant ne rien faire ? Bien sûr que c'est au Gouvernement d'agir. Nous avons d'ailleurs rappelé dans cette communication la position du Gouvernement. Nous n'allons pas du tout à son encontre.
C'est justement le rôle du Gouvernement de s'exprimer sur ce sujet, plutôt que le nôtre. Quand je vois un certain nombre de députés aller haranguer les uns contre les autres, c'est quand même jeter de l'huile sur le feu !
Cela n'empêche pas que nous exprimions une opinion. L'objectif est plutôt de nous prononcer pour la restauration de l'État de droit, pour le rétablissement de la paix civile. Il vaut mieux combattre pour cela que rester passifs.
N'oublions pas que nous avons-nous-mêmes mis deux cents ans à construire un État de droit.
Il nous faut maintenant nous prononcer. Je constate que, sous réserve de l'abstention de notre collègue Jacques Myard, l'accord semble acquis sur ce projet de texte légèrement amendé.
Les conclusions suivantes ont été adoptées à l'unanimité, M. Jacques Myard s'abstenant.
La Commission des affaires européennes,
Vu ses précédentes conclusions du 5 novembre 2013 sur les relations Union européenne-Ukraine,
Vu l'évolution de la situation en Ukraine depuis cette date,
Vu la déclaration du 17 janvier 2014 de la Haute Représentante, Mme Catherine Ashton sur les mesures adoptées le 16 janvier par le Parlement ukrainien,
Vu les conclusions du 20 janvier 2014 du Conseil affaires étrangères sur les dernières évolutions de la situation en Ukraine,
Vu la déclaration du 22 janvier 2014 du Président de la Commission M. José Manuel Barroso :
1. Exprime sa profonde émotion face à la répression brutale des manifestations de l'opposition de janvier 2014, qui a provoqué plusieurs morts et de nombreux blessés.
2. Fait part de son indignation face à l'adoption le 16 janvier 2014, par le Parlement ukrainien, d'une législation qui aurait conduit à une restriction considérable des libertés d'expression, de réunion et de manifestation, et aurait été à contre-courant des progrès précédemment accomplis par l'Ukraine sur la voie d'un rapprochement avec les valeurs fondamentales de l'Union européenne.
3. Prend acte du fait que le Parlement ukrainien réuni en session extraordinaire s'est prononcé le 28 janvier pour l'abrogation de ces mesures.
4. Demande instamment aux autorités ukrainiennes de mettre fin à la répression brutale des manifestations et de conduire un dialogue ouvert avec les représentants de l'opposition et de la société civile, afin de trouver une solution démocratique et durable à la crise actuelle.
5. Demande instamment la libération des personnes arrêtées arbitrairement à l'occasion de ces manifestations ainsi que celle de tous les détenus politiques ; souhaite que des mesures soient prises très rapidement pour élucider les cas de disparitions suspectes et sanctionner les responsables de violences contre les manifestants.
6. Si aucune solution démocratique à la crise actuelle n'est trouvée et si des atteintes aux droits humains et aux libertés fondamentales continuent à être commises au cours des semaines à venir, demande que l'Union européenne, dans cette hypothèse, prenne des sanctions ciblées à l'encontre des autorités ukrainiennes.
II. Audition de Mme Connie Hedegaard, commissaire européenne chargée de l'action pour le climat
Nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir à nouveau au sein de notre commission des affaires européennes, où vous étiez déjà venue le 4 juin 2013, pour la première audition de la législature. Nous vous remercions de votre disponibilité pour venir devant nous, dans une actualité chargée, et sur un sujet majeur et difficile, la lutte contre le changement climatique, pour lequel je tiens à saluer votre engagement personnel, que nous apprécions tous.
L'audition d'aujourd'hui se situe à un moment clé, quelques jours après la présentation par la Commission européenne des propositions constituant le nouveau paquet énergie climat, en perspective de 2030. La Commission européenne a en effet appelé l'Union européenne à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 40 %, par rapport à 1990, d'ici 2030, ce qui est a priori une étape positive pour tous ceux qui sont attachés à faire progresser la lutte contre le changement climatique.
Le GIEC souligne que l'humanité va dans le mur si elle continue à ne rien faire. Cet objectif est cependant jugé encore faible par certains scientifiques et des ONG environnementales ; ils jugent indispensable une réduction d'au moins 55 %, par rapport à 1990, des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030, si l'Union européenne veut tenir son engagement d'une baisse de 85 à 90 % pour 2050.
Vous avez, certes, proposé un compromis, par nature imparfait. Mais c'est un pas important. Cependant, l'objectif de 27 % pour la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique de l'Union européenne est très en-dessous du potentiel considérable de ce secteur, estimé à au moins 45 % du mix énergétique à l'horizon 2030.
En outre, on ne peut que regretter l'absence d'objectif contraignant sur l'efficacité énergétique, puisque seul un objectif indicatif de 25 % pour les économies d'énergies est à finaliser à l'automne. Or, la première énergie, c'est celle que l'on n'a pas dépensé. L'habitat en particulier peut faire la différence en matière d'efficacité énergétique. Pouvez-vous nous éclairer sur les obstacles qui entravent l'action européenne en la matière ?
L'objectif de 27 % pour les renouvelables pour 2030, tel qu'il est proposé, représente également une mise en cause de l'architecture existante de la directive renouvelable, qui a des objectifs contraignants au niveau européen et des États membres. En ce domaine, est-il possible de travailler en direction de la création d'emplois, de la sécurité énergétique et de la réduction des coûts d'importation pour les énergies fossiles ?
La Commission laisse par ailleurs aux États la faculté de décider s'ils veulent explorer leurs réserves de gaz de schiste. Compte tenu des risques de cette technologie, n'aurait-il pas été préférable d'être plus incitatif dans ce domaine ?
La réforme à long terme du marché européen du carbone est également nécessaire. La proposition qui est faite de renforcer le marché des quotas d'émissions (ETS), principal instrument de la politique climatique de l'Union européenne, avec la constitution en 2021 d'un mécanisme de réserve permanent représentant 12 % des certificats en circulation à cette période, répond-elle à ces objectifs ?
Certes, l'Union européenne - qui je le rappelle émet environ 11 % des GES dans le monde - sera la première à indiquer ses objectifs de réduction d'émissions après 2020. Mais est-ce suffisant ?
Tous les autres pollueurs - dont les deux plus grands sont la Chine et les États-Unis - doivent le faire d'ici la conférence de Paris en 2015, date à laquelle la communauté internationale s'est donné comme objectif de sceller l'accord le plus ambitieux jamais conclu pour lutter contre le réchauffement.
À cet égard, peut-on espérer obtenir un accord mondial juridiquement contraignant ? Quels sont selon vous les points prioritaires de la négociation en cours ?
Les négociations, en interne, du paquet climat-énergie à l'horizon 2030 s'annoncent elles aussi difficiles. La composition du bouquet énergétique étant une compétence nationale, le Conseil européen des 20 et 21 mars prochain devra se prononcer à l'unanimité : que peut-on dire à ce stade de la façon dont se présentent les négociations au sein du Conseil à ce propos ?
La lutte contre le réchauffement climatique passe à mon sens par une révolution fiscale, qui doit suivre deux axes : l'optimisation de la taxation de l'énergie pour favoriser l'émergence des énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, et la fiscalisation du contenu carbone de l'ensemble des pays consommés pour lutter contre le dumping climatique. Une proposition de directive tendant à modifier la directive en vigueur de 2003 est en discussion, depuis trois ans, et n'a toujours pas été adoptée. Certains États membres s'y opposent en effet, ce qui conduit à se demander comment il sera possible d'atteindre l'unanimité.
Enfin, qu'en est-il de la taxation carbone aux frontières de l'Union européenne ? La prochaine Commission européenne reprendra-t-elle ce dossier ?
Je vous remercie pour votre accueil. Je pense qu'il est en effet extrêmement important que nous débattions dès à présent des défis de la lutte contre le changement climatique à l'horizon 2030, en s'extrayant le l'accaparement des enjeux du quotidien. Compte-tenu de la longue parenthèse qu'ouvriront les élections européennes de mai prochain, avant la mise en place de la nouvelle Commission en novembre, nous devons sans tarder fixer les grands axes de la position européenne, sauf à prendre le risque considérable d'arriver désunis à la Conférence de Paris de 2015.
Les grandes propositions que nous avons mises sur la table sont connues.
D'abord, il faut parvenir à une réduction de 40 % des gaz à effet de serre qui soit à la fois obligatoire, au niveau de l'Union comme de chaque État membre, et strictement intérieur. Obligatoire, car c'est la seule manière de parvenir à des résultats tangibles, à la hauteur des menaces. Mais je pense qu'il faut aller plus loin encore. Vous le savez, les engagements pris par l'Union dans le cadre des objectifs de l'Europe 2020 laissent une place aux mesures de compensation, c'est-à-dire aux investissements de réduction des GES financés par les acteurs européens en dehors de l'Union. Ces compensions représentent aujourd'hui un quart des 24 % de baisse auxquelles nous sommes parvenus. Or, ma conviction est que nous devons rassembler toutes nos forces pour préparer l'économie européenne à la lutte contre changement climatique, et par conséquent consentir tous nos efforts sur notre territoire, en excluant cette possibilité de compensation.
Ensuite, je crois nécessaire de se fixer comme ambition 27 % d'énergie renouvelables. Toutefois ici, les obstacles juridiques – les traités disposent que les Etats membres demeurent compétent pour définir leur policy-mix énergétique – et politiques – nous nous heurtons ici à de très solides réserves, je pense par exemple à des pays comme la Pologne dans laquelle le charbon garde une place prépondérantes – militent pour une approche plus flexible, où l'objectif serait atteint au niveau de l'Union sans fixer des seuils obligatoires par pays. Trouver les voies pour y parvenir ne sera pas simple, et cela justifie que l'on avance là ici encore sans tarder.
S'agissant enfin du troisième pôle de la lutte contre le changement climatique, l'efficacité énergétique, nous sommes suspendus au résultat de l'évaluation menée d'ici cet été, avec l'intention ensuite d'agir très vite en formulant des propositions très concrètes.
Ces objectifs supposent que l'on parvienne aussi à réformer le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre (ETS). Nos propositions vont à cet égard dans deux grandes directions. D'abord, il nous paraît nécessaire de mieux organiser les réserves afin d'éviter d'être contraint à intervenir dans les marchés comme cela est advenu dans le passé. Pour réduire le risque d'effondrement du prix du permis d'émission, nous suggérons ainsi la constitution d'une « réserve de stabilité du marché », qui permettrait d'intégrer au préalable un mécanisme d'ajustement en cas de fortes fluctuations de l'activité économique.
Au total, le paquet énergie climat dessiné par la Commission est audacieux. Je pense que c'est absolument nécessaire.
D'abord, parce que si, par souci d'éviter les déceptions politiques, nous arrivons sans ambition à la Conférence de Paris, alors la perspective d'obtenir un accord à la hauteur des défis sera bien faible.
Ensuite, parce qu'il est indispensable que l'Union soit unie à Paris en 2015. Or, pour y parvenir, nous n'avons pas de temps à perdre en particulier avant le sommet des chefs d'État et de gouvernement organisé par l'ONU en septembre prochain et compte tenu de l'interruption liée aux élections européennes. Le prochain Conseil des ministres de l'Environnement et de l'Énergie sera important, mais la vraie épreuve de vérité, c'est le Conseil européen des 20 et 21 mars.
Enfin, parce que l'Europe se doit d'être exemplaire. Je suis très inquiète que la Chine et l'Inde aient rejoint le bloc de pays apparus cet automne autour de la Bolivie, du Venezuela et de Cuba notamment, qui refusent de se soumettre à tout effort qui ne soit pas financé par les pays développés. Une telle attitude est très dangereuse pour la planète, et doit être combattu par notre capacité à prendre et à respecter des engagements forts.
Je vous remercie pour votre retour parmi nous. Vous êtes une commissaire très attentive à engager et entretenir un dialogue riche et fécond avec les parlementaires nationaux et c'est un point suffisamment rare pour être salué. Je vous remercie aussi des ambitions, constantes, que vous portez pour une Europe exemplaire dans la lutte contre le changement climatique. Nous suivons, mon collègue Jérôme Lambert et moi-même, les questions climatiques depuis six ans maintenant, et nous devons bien constater que jamais la situation n'avait semblé aussi périlleuse.
Comment estimez-vous les chances de parvenir rapidement à un accord à 28, préalable indispensable pour être une force motrice au cours du sommet de l'ONU du 23 septembre ? Il est vrai que l'équilibre est complexe, entre le danger pour notre industrie d'un isolement trop marqué – alors même que nous ne pesons que pour 11 % des émissions – et le risque pour la planète que représenterait une Europe incapable de montrer le chemin.
Aurons-nous des propositions concrètes et audacieuses troisième pilier, l'efficacité énergétique ?
Enfin, pouvez-vous nous présenter les premières perspectives pour le Fonds vert, qui lancera ses appels à projet et à financement d'ici cet été ?
La question de l'efficacité et donc du prix de l'énergie est en effet décisive, car chacun peut constater à quelle point son augmentation récente pèse sur notre industrie et sur la vie de nos concitoyens. Disposez-vous d'évaluation à l'horizon 2030 sur l'évolution probable des prix et sur les gisements d'emploi susceptible d'être découvert par le paquet énergie-climat que vous nous décriviez ?
Enfin, quelle est votre position sur la question des gaz de schistes ?
Pensez-vous, avant même de penser au nouveau paquet énergie-climat, que nous ayons atteint les objectifs à l'horizon 2020 ? Compte-tenu de notre poids dans les émissions globales face aux autres acteurs, nos performances ont-elles eu une incidence notable sur le changement climatique ? Comment évaluez nous notre capacité à faire bouger les lignes ?
La question de l'efficacité énergétique est en effet décisive. Elle repose aussi sur nos capacités à consentir les efforts d'investissement nécessaire. A cet égard, je souhaiterais que vous nous présentiez la manière dont la priorité donnée aux dépenses liées au climat et à l'énergie dans le cadre financier 2014-2020 se reflètera dans les programmes concrets, notamment d'infrastructure.
En parallèle, serons-nous un jour en mesure d'imposer aussi à nos partenaires des efforts sur cette question pour les produits qui sont ensuite vendus dans notre marché ? La question de la taxe carbone doit en effet ne pas être négligée.
Je regrette que sur ce sujet, comme dans d'autres, l'Europe répugne à utiliser les rapports de force sur lesquels reposent cependant depuis toujours le succès dans les négociations internationales. Nous avons en effet beaucoup de cartes à jouer, notamment dans le commerce international, pour mieux inciter nos partenaires à faire preuve de responsabilité vis-à-vis du destin de notre planète. Gardons-nous aussi de toute posture idéologique, je pense en particulier au gaz de schiste.
Je veux d'abord vous dire, au nom d'ailleurs de tous mes collègues écologistes, notre admiration pour votre action dans la lutte contre le changement climatique.
Il me semble important de rappeler que les efforts consentis par l'Europe sur cette question sont, avant tout, bon pour l'économie, et qu'ils n'handicapent en rien notre industrie, puisqu'elle la prépare à l'inévitable défi énergétique et stimule une recherche indispensable.
D'ailleurs, la question est moins de savoir si nos projets sont ambitieux, mais s'ils sont suffisants, comme tenu de la menace climatique devant nous. À cet égard, un objectif d'énergie renouvelable contraignant au niveau européen mais pas par État membre me paraît bien peu propice à encourager des progrès à la mesure du chemin restant à parcourir. Dans un même esprit, l'efficacité énergétique est au coeur des enjeux, et cela devrait suffire à écarter la piste profondément dangereuse des gaz de schistes.
Pouvez-vous nous expliquer les raisons qui justifient cette distinction entre l'objectif de réduction de GES destiné à tous les États, et la montée en charge des énergies renouvelables laissée à l'Union européenne dans son ensemble ? Ne serait-il pas préférable de fixer au préalable les capacités d'exploitation d'énergies renouvelables ? Disposez-vous de pistes d'exploitation en ce sens ?
Par ailleurs, l'augmentation de l'exploitation du pétrole issu des sables bitumineux risquerait d'entraîner une augmentation des GES, dans la mesure où elle libère 23 % de carbone en plus que le carbone conventionnel. Or, la révision de la directive sur la qualité des carburants n'interviendra pas avant 2020. Que dire de ce décalage dans le temps ?
Selon vous l'Europe parviendra-t-elle à parler d'une seule voix lors de la COP 2015 ?
Qu'attendez-vous de la France - pays organisateur - pour parvenir à un accord ? Faut-il anticiper certaines alliances pour donner à cette Conférence une dimension plus importante ?
La Chine commence à prendre conscience de la nécessité de préserver l'environnement. Pensez-vous que le Gouvernement chinois va franchir le pas de la mise en oeuvre d'un projet à l'échelle nationale ?
L'exploitation des gaz de schiste est très controversée. La Commission peut-elle émettre un avis plus explicite sur ce sujet ?
Nous déplorons que l'efficacité énergétique soit absente des propositions. Cette contrainte aurait pourtant été acceptable par tous les États.
La Commission a proposé l'abandon de la directive « qualité carburant » qui vise à réduire de 6 % les GES pour les pétroliers ; pouvez-vous nous dire quand sera publiée l'étude d'impact de cette mesure ?
Enfin, les recommandations de la Commission européenne concernant les gaz de schiste nous semblent insuffisantes et infondée par rapport aux enjeux.
40 % de réduction de CO2 en 2030 ne nous permettrons pas d'aboutir à 90 à 95 % de réduction de CO2 à l'horizon 2050, condition pour ne pas dépasser les trois degrés d'augmentation de température.
Les ETS constituent l'instrument phare, et à cet égard un objectif de 15 à 20 euros la tonne me paraît très optimiste : comment allez-vous y arriver concrètement ?
Qui considère-t-on comme le moteur de l'Union européenne (Allemagne, Royaume-Uni, France, etc.) pour permettre la réussite de la COP de 2015 à Paris ?
À la Conférence de Varsovie, c'est la mobilisation du Fonds vert qui a posé des difficultés pour obtenir un accord. De quels moyens dispose-t-on pour augmenter le Fonds vert ? Peut-on commencer à y affecter un nouveau type de fiscalité ?
Tout d'abord, s'il n'y a pas d'objectif d'efficacité énergétique, c'est parce que la directive « efficacité énergétique » est en train d'être revue, pour une publication prévisionnelle en milieu d'année. En fonction des résultats de l'étude en cours, on décidera s'il faut de nouveaux outils et des objectifs contraignants.
Il est clair qu'il existe des manières moins onéreuses de réduire les GES. Mais les secteurs liés à l'environnement devraient également permettre la création d'emplois : voulez-vous utiliser l'outil le moins cher pour parvenir à nos objectifs, ou êtes-vous disposés à payer un peu plus pour permettre la création d'emploi ?
À cet égard, le sommet des 20 et 21 mars abordera également la question de la compétitivité de l'Europe. L'Europe pourrait également stimuler l'innovation et prendre sa place sur les marchés de technologies vertes, l'environnement étant l'un des rares secteurs permettant la création d'emplois.
Le fait de passer d'un objectif de 20 à 40 % de réduction de GES ne se fera pas au détriment de la compétitivité de l'industrie européenne : les secteurs qui font le plus face à la concurrence ont en effet bénéficié d'une certaines gratuité. Nous avons mis en place différentes politiques pour protéger notre industrie, ce qui a porté ses fruits.
Nous n'avons pas réussi à mettre en place un marché unique de l'énergie, dans la mesure où les politiques sont menées au niveau national.
Beaucoup de facteurs ont conduit à la hausse des prix de l'énergie, notamment l'augmentation du prix du pétrole. Ce n'est pas le coût de production ne l'énergie en Europe qui est problématique. Dans certains pays, les énergies alternatives permettent de réduire la facture énergétique.
Le Fonds vert est l'un des domaines sur lequel les choses avancent le plus sur le plan international. Les obstacles à l'augmentation des contributions au Fonds ont été identifiés, et les fonds publics vont être utilisés pour essayer de rendre les investissements privés plus attractifs. Il faut en effet arriver à 100 milliards de dollars chaque année d'ici 2020, et cela ne peut se faire uniquement par le biais des fonds publics.
S'agissant du gaz de schiste, j'ai pris l'initiative de réunir les commissaires et nous avons conclu que si le gaz de schiste est un peu plus polluant sur le plan climatique, il est un peu plus efficace que ce que nous importons. Il n'est donc pas un véritable problème sur le plan climatique. Le Commissaire à l'environnement propose de simples recommandations, par exemple que tous les produits chimiques utilisés pour la fracturation soient rendus publics, ce qui n'est pas le cas aux États-Unis. Le principal problème est que les gens pensent que cela est beaucoup moins cher aux États-Unis, mais depuis 2010 les prix du gaz de schiste y ont augmenté de plus de 200 % ! Les coûts énergétiques sont certes plus élevés en Europe qu'aux États-Unis, mais cela constitue une motivation pour davantage d'efficacité et pour éliminer la différence de prix.
Les objectifs des trois fois vingt ont été un succès, donc nous pouvons parfaitement parvenir à un objectif de réduction de 40 % des GES sur le plan national.
Si les États membres veulent aller vers une société à bas carbone, 20 % du budget européen devrait être affecté aux infrastructures dans ce domaine.
Sur la question du coût élevé de la lutte contre le réchauffement climatique pour les industries, j'indiquerai simplement qu'en 2013 nous avons importé pour 545 milliard d'euros d'énergies fossiles : l'importation nette était supérieure à un milliard d'euros par jour !
La Commission européenne a par ailleurs proposé la réciprocité dans les appels d'offre publics : les pays qui n'ouvrent pas leurs marchés publics européens ne devraient pas être autorisés à participer aux marchés publics en Europe. Cela n'a pas encore franchi l'étape du Conseil mais nous sommes d'accord sur les principes : il faut arrêter d'être naïfs !
La lutte contre le réchauffement climatique peut aussi être favorable à la compétitivité. Il n'y a pas de choix à faire, il faut traiter les deux.
S'agissant des énergies renouvelables et de l'absence d'objectifs contraignants, il faut considérer le texte comme un point de départ et une invitation à participer à la discussion. Beaucoup d'États membres refusent les obligations en la matière.
Nous continuons à travailler sur la question des sables bitumineux, qui est un dossier très compliqué. Il n'y aura pas d'interdiction. Si quelque chose s'avère plus polluant sur le plan énergétique, les acteurs responsables doivent en être redevables.
Comment aboutir à 15 ou 20 euros la tonne s'agissant de l'ETS ? Le prix traduit actuellement un excédent. Une proposition de loi devrait aboutir rapidement sur ce thème.
L'objectif de réduction de 40 % des GES est conforme à l'analyse des scientifiques. Si l'Europe affiche qu'elle est prête à s'engager sur une réduction de 30 % alors que les États-Unis et la Chine ne s'engagent pas de manière obligatoire, nous ne pouvons pas dire que cela n'est pas ambitieux !
Enfin, nous attendons de la France d'ici à 2015 qu'elle coopère avec de nombreux pays en développement, dans la mesure où ils doivent faire partie de l'accord qui sera trouvé. L'Europe doit pouvoir parler d'une seule voix, afin de ne pas reproduire la situation de Copenhague. L'Europe doit assumer son rôle de leader ; dans ce cas, un succès est possible en 2015.
III. Communication de la Présidente Danielle Auroi, M. Pierre Lequiller et M. Christophe Caresche sur la réunion de la Conférence sur la gouvernance économique et financière de l'UEM à Bruxelles du 20 au 22 janvier 2013
Nous avons participé la semaine dernière à Bruxelles à la deuxième session de la Conférence interparlementaire prévue par l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG).
Le premier constat qui doit être dressé de cette session est celui du grand intérêt porté par les parlements nationaux à cette conférence. En témoigne une participation forte : 150 élus ont pris part aux travaux, ce qui représente une mobilisation supérieure de 50 % à celle de la première session, à Vilnius, qui avait déjà rassemblé 100 parlementaires. En outre, plus du tiers des délégations était composé de présidents de commissions, voire de chambres. Le président du Bundestag Norbert Lammert dirigeait ainsi une délégation composée de dix élus du Bundestag et d'une représentante du Bundesrat. Notre délégation était, pour sa part, composée de six députés et trois sénateurs.
Le deuxième constat est celui de la confirmation du souhait du Parlement européen de limiter autant que possible la portée de cette conférence et d'affirmer ses prérogatives.
Alors qu'il s'agissait de la première édition de la conférence co-présidée par le parlement de l'État assurant la présidence de l'Union et par le Parlement européen, l'organisation de la conférence à Bruxelles a ainsi mis en évidence la volonté de ce dernier de dissoudre la conférence au sein de la semaine parlementaire européenne qu'il a lancée il y a deux ans.
En outre, la conférence a vu son intitulé réduit à la seule gouvernance économique, alors que la proposition lituanienne y incluait également la dimension financière. De fait, les débats ont été symboliquement cantonnés à des thèmes de politique économique. Ceux relatifs à l'approfondissement de l'Union économique et monétaire et à la fixation des priorités du semestre européen ont en effet eu lieu dans un cadre distinct.
Par ailleurs, la question de l'établissement d'un règlement intérieur, destiné à préciser les objectifs et le mode de fonctionnement de la conférence, n'a pas été inscrite à l'ordre du jour.
Le troisième constat que l'on doit tirer est un sentiment d'insatisfaction, éprouvée par de nombreux parlementaires, quant aux modalités d'organisation de la conférence.
Le contenu des débats, dont le champ avait été restreint à la seule gouvernance économique de l'Union européenne, a en effet fini par revêtir un aspect répétitif.
Les échanges ont montré la volonté des parlements nationaux d'avoir une acception plus large des sujets abordés, d'une part en incluant la dimension financière de l'Union européenne et d'autre part en réglant la question de la finalité et des modalités de fonctionnement de la conférence.
Au total, l'ambition de cette édition de Bruxelles s'est avérée en retrait par rapport à celle organisée à Vilnius en octobre dernier.
Au détour d'un débat, la présidence grecque a fait part de son intention de lancer des consultations pour que la conférence puisse se doter de règles de fonctionnement lors da prochaine session, à Rome. Toutefois, aucune annonce, confirmant ou infirmant cette proposition, n'a été faite lors de la séance conclusive de la conférence.
Craignant un certain « enlisement » de la conférence, le Sénat et nous-mêmes avons convenu avec la délégation allemande d'une rencontre bilatérale, afin de rapprocher nos conceptions respectives des objectifs et du mode de fonctionnement de la conférence et d'impulser ainsi une nouvelle dynamique collective.
À cet égard, je voudrais souligner que même si cette édition bruxelloise s'est avérée en retrait par rapport à ce qui avait été envisagé à Vilnius sur certains sujets, elle été l'occasion d'échanges très intéressants, en particulier avec Herman Van Rompuy et José Manuel Barroso, qui ont préfiguré ce que pourraient donner les auditions de l'exécutif européen que nous appelons de nos voeux dans le cadre de la conférence. Par ailleurs, nous savons tous que le temps européen est un temps long. Il nous faudra du temps pour que la conférence soit pleinement opérationnelle. On note déjà toutefois l'évolution de certains sur le rôle que doit jouer la conférence. Nous conservons notre ambition et allons la porter avec détermination dans la perspective de la réunion de Rome en octobre prochain.
Je passe la parole à Pierre Lequiller, qui va revenir plus en détail sur ce qu'il faut retenir des nombreux débats organisés dans le cadre de cette semaine parlementaire.
Je veux tout d'abord signaler la grande qualité des intervenants : la participation des présidents du Conseil européen et de la Commission européenne doit notamment être soulignée. C'est un signe fort de l'intérêt que les institutions européennes portent à la conférence.
Les échanges étaient, dans l'ensemble, très intéressants. Toutefois, le choix de la co-présidence de restreindre le champ de la conférence a eu pour conséquence de donner un côté répétitif aux débats.
Les grandes lignes qui peuvent être dégagées de ces échanges concernent l'approfondissement de l'Union économique et monétaire et les politiques économiques à mener en Europe.
S'agissant tout d'abord de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire, la nécessité de parvenir à un accord sur le mécanisme de résolution unique avant la fin de l'actuelle législature a été unanimement reconnue.
Il est par ailleurs nettement ressorti des débats que la mise en place d'une véritable gouvernance économique devait s'accompagner d'un renforcement de la légitimité démocratique ainsi que d'une meilleure prise en compte des questions sociales.
Pourtant, en ce qui concerne le renforcement du rôle des parlements, force est de constater qu'au-delà des grands discours, les questions du rôle et de l'organisation de la conférence, soulevées par les parlements nationaux lors de chacun des débats, ont été soigneusement éludées par le Parlement européen.
En matière sociale, le commissaire Laszlo Andor a admis la nécessité de compléter le tableau de bord des indicateurs sociaux et d'emploi accompagnant l'examen annuel de croissance, comme nous le demandions. La mise en place d'un mécanisme permettant d'amortir les chocs économiques asymétriques, sur le fondement d'un système d'assurance-chômage par exemple, a par ailleurs été évoquée à plusieurs reprises.
L'autre grand thème abordé, qui a traversé l'ensemble des débats, a concerné les politiques économiques à mener au sein de l'Union, avec un focus appuyé sur les États sous-programme d'ajustement économique.
Les cinq priorités de politique économique proposées par la Commission européenne pour 2014, qui sont identiques à celles de l'an dernier, n'ont pas été contestées. Toutefois, plusieurs délégations, dont la nôtre, ont insisté sur la nécessité de trouver un juste équilibre entre assainissement des finances publiques et soutien à la croissance et de mieux prendre en compte la dimension sociale des politiques économiques.
Je veux par ailleurs souligner que, malgré nos interpellations, la Commission européenne n'a pas reconnu d'erreur dans l'appréciation des multiplicateurs budgétaires, alors qu'Olivier Blanchard l'avait fait devant note commission.
S'agissant du traitement des déséquilibres macro-économiques, le chef économiste de l'OCDE a confirmé que des mesures devaient être prises tant par les pays dont la balance courante est déficitaire que par les États enregistrant un excédent des comptes courants.
Les débats ont enfin marqué une césure importante entre, d'une part, les États d'Europe du Sud et, d'autre part, les autorités européennes et certaines délégations.
Les États placés sous-programme d'ajustement économique mais également la Lettonie ont ainsi violemment dénoncé le coût socio-économique des politiques qu'ils ont dû mettre en oeuvre. La troïka a été fortement mise en cause par la Grèce, Chypre et le Portugal, mais également par les députés européens Othmar Karas et Liem Hoang Ngoc, qui rédigent actuellement un rapport d'enquête sur le sujet.
En réponse, les représentants du Conseil européen et de la Commission européenne et plusieurs délégations, dont l'Allemagne et Malte, ont dénoncé les comportements qui ont conduit à la crise – notamment le non-respect des règles et les défauts de surveillance.
Au total, l'ensemble des participants se sont accordés sur la nécessité d'une simplification des procédures du semestre européen et d'une bonne appropriation des réformes structurelles.
Je passe maintenant la parole à Christophe Caresche pour aborder la question de l'avenir de la conférence.
Comme nous le craignions, l'édition bruxelloise de la conférence s'est avérée très en retrait par rapport à la dynamique impulsée à Vilnius.
Tout d'abord, le processus de Vilnius, lancé en octobre dernier et qui prévoyait la mise en place d'un groupe de travail chargé d'élaborer les modalités pratiques de la Conférence, est resté lettre morte.
D'ailleurs, l'ordre du jour de la conférence, sur lequel nous n'avions pas été consultés, se gardait bien de prévoir un débat sur le règlement de la conférence. Doter la conférence d'un tel règlement, qui définisse ses objectifs et son mode de fonctionnement, apparaît pourtant nécessaire.
Cela permettrait notamment d'éviter que le champ de la conférence ne soit revu, comme cela a été le cas à Bruxelles, de manière unilatérale par la co-présidence. Le changement de dénomination de la conférence, mais également la méthode employée, ont été contestés par de plusieurs délégations, en particulier l'Allemagne et la Lituanie. Nous défendons également une acception large de la conférence, englobant la dimension économique et financière. D'ailleurs, les débats, au cours desquels la question de l'union bancaire a été abordée à de nombreuses reprises, ont montré les limites d'une acception trop restreinte.
Doter la conférence de règles de fonctionnement permettrait également d'éviter que ses travaux n'aboutissent à aucun document de conclusion. Seuls trois communiqués de presse ont été rendus publics par le Parlement européen lors de cette édition.
Conscients du recul que présentait la session bruxelloise de la conférence par rapport à l'impulsion donnée à Vilnius, nous avons tenu, en marge de la conférence, une réunion bilatérale avec la délégation allemande, afin de déterminer la meilleure manière de donner une réelle dynamique à la conférence.
Nous avons donc convenu d'organiser dès que possible une réunion bilatérale, avec comme objectif de dégager des positions communes à ce sujet, qui pourraient se concrétiser dans un projet de règlement pour la conférence.
Il semble que, à ce stade, l'Allemagne conçoive la conférence avant tout comme un forum. Elle refuse en tout état de cause la multiplication des formats, défend un champ couvrant la gouvernance économique et financière, désire que l'allemand fasse partie des langues officielles et ne souhaite pas que la conférence vote, en particulier sur des conclusions.
Pour notre part, nous pensons que la conférence ne doit pas être un simple « forum », mais également un lieu de contrôle, comme nous l'avions indiqué dans notre amendement au projet de règlement intérieur adopté à Vilnius. La conférence devrait ainsi pouvoir procéder à des auditions, en particulier du président du Conseil européen et des présidents des sommets de la zone euro et de l'Eurogroupe.
La conférence, qui doit être caractérisée par une certaine souplesse et réactivité, doit se réunir au moins deux fois par an, mais également dès que nécessaire. Pour présenter un intérêt, les réunions ordinaires doivent avoir lieu à des moments clés du semestre européen : en juin et en décembre.
L'organisation des débats doit en outre être souple. Il doit être possible de créer des groupes de travail sur des thèmes spécifiques, y compris propres à la zone euro, les autres États membres pouvant y assister.
Il conviendrait également que les travaux de la conférence trouvent une traduction concrète dans un document final, dont la dénomination reste à préciser.
Afin d'assurer la maîtrise de l'ordre du jour de la conférence, un secrétariat ad hoc pourrait enfin être créé.
Au total, la conférence, que notre assemblée a portée sur les fonts baptismaux, doit certainement être un lieu d'échange entre parlements nationaux, mais également une enceinte de contrôle. Cela suppose notamment qu'elle puisse procéder à des auditions, en particulier des présidents du Conseil européen, du sommet de la zone euro et de l'Eurogroupe.
Ses principes d'organisation doivent être suffisamment souples. Ainsi, pour être utile, elle doit pouvoir se réunir deux fois par an, aux moments clés du semestre européen, mais également en tant que de besoin. Elle doit également pouvoir constituer en son sein des groupes de travail spécifiques, sur la zone euro par exemple.
Enfin, il faut que ses travaux puissent trouver une traduction dans un document final. Il s'agit ainsi de répondre à une exigence d'efficacité et à un impératif de transparence.
Pour conclure, notre ambition est intacte. La mobilisation forte des parlementaires à Bruxelles et l'évolution de certains sur leur conception de la conférence, que nous avons pu constater dès la deuxième réunion de la conférence, sont deux signes très encourageants. Nous allons nous employer à en tirer profit en vue de la conférence de Rome en octobre prochain.
IV. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution
Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Textes « actés »
Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :
Ø Énergie – changement climatique
- Règlement (UE) de la Commission du relatif à l'établissement d'un code de réseau sur l'équilibrage des réseaux de transport de gaz (D02802104 – E 8948).
Ø Marché publics
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la facturation électronique dans le cadre des marchés publics (COM(2013) 449 final – E 8496).
Ø Politique agricole commune
- Règlement (UE) de la Commission modifiant l'annexe II du règlement (CE) no 1102008 du Parlement européen et du Conseil concernant la définition, la désignation, la présentation, l'étiquetage et la protection des indications géographiques des boissons spiritueuses (D02944103 – E 8994).
Ø Politique sociale
- Proposition de décision du Conseil sur la signature, au nom de l'Union européenne, du traité de Marrakech visant à faciliter l'accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant d'autres difficultés de lecture des textes imprimés aux oeuvres publiées (COM(2013) 926 final – E 8980).
Ø Relations extérieures
- Proposition de décision du Conseil quant à la position à adopter par le conseil d'association UE-Chili en ce qui concerne la modification de l'annexe XII de l'accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part, fixant la liste des entités chiliennes passant des marchés conformément aux dispositions du titre IV de la partie IV (marchés publics) (COM(2013) 942 final – E 8992).
Ø Transports
- Règlement (UE) de la Commission modifiant le règlement (UE) no 11782011 de la Commission du 3 novembre 2011 déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel navigant de l'aviation civile (D02968302 – E 8995).
l Point B
La Commission a approuvé les textes suivants :
Ø Environnement
- Proposition de décision du Conseil relative à l'adhésion de l'Union européenne à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) (COM(2013) 867 final – E 8940).
Ø Pêche
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (CE) no 85098, (CE) no 21872005, (CE) no 19672006, (CE) no 10982007, (CE) no 2542002, (CE) no 23472002 et (CE) no 12242009 du Conseil, et abrogeant le règlement (CE) no 143498 du Conseil en ce qui concerne l'obligation de débarquement (COM(2013) 889 final – E 8966).
l Accords tacites de la Commission
En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), et 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d'ajustement à la mondialisation), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
- Proposition de virement de crédits no DEC 402013 à l'intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l'exercice 2013 (DEC 402013 – E 8889) ;
- Projet de décision du Conseil modifiant la position commune 2008109PESC concernant des mesures restrictives instituées à l'encontre du Liberia (SN 111614 – E 9005) ;
- Projet de décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2011137PESC du Conseil concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (SN 428213 – E 9009) ;
- Projet de règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre l'article 16, paragraphe 2, du règlement (UE) no 2042011 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye (SN 428313 – E 9010) ;
- Projet de décision d'exécution du Conseil mettant en oeuvre la décision 2011486PESC du Conseil concernant des mesures restrictives instituées à l'encontre de certaines personnes, et de certains groupes, entreprises ou entités au regard de la situation en Afghanistan (SN 112714 – E 9011) ;
- Projet de règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre l'article 11, paragraphe 4, du règlement (UE) no 7532011 du Conseil concernant des mesures restrictives instituées à l'encontre de certains groupes et de certaines personnes, entreprises ou entités au regard de la situation en Afghanistan (SN 112814 – E 9012) ;
- Proposition conjointe de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 2342004 imposant certaines mesures restrictives à l'égard du Liberia (JOIN(2014) 0002 final – E 9014) ;
- Projet d'acte du Conseil portant nomination d'un directeur adjoint d'Europol (520914 – E 9015) ;
- Décision du Conseil portant nomination d'un membre danois du Comité économique et social européen (529914 – E 9016) ;
- Décision du Conseil portant nomination de trois suppléants du Royaume Uni du Comité des régions (541614 – E 9017) ;
- Décision du Conseil portant nomination de huit membres portugais et de sept suppléants portugais du Comité des régions (541914 – E 9018) ;
- Proposition de décision du Conseil portant nomination des membres du comité du Fonds social européen (COM(2013) 891 final – E 9020).
l Accords tacites de la Commission liés au calendrier d'adoption par le Conseil
La Commission a également pris acte de la levée tacite de la réserve parlementaire, du fait du calendrier des travaux du Conseil, pour les textes suivants :
Ø Politique étrangère et de sécurité commune
- Projet de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion de l'accord entre l'Union européenne et la République de Corée établissant un cadre pour la participation de la République de Corée aux opérations de gestion de crise menées par l'Union européenne (SN 339613 – E 9006) ;
- Projet d'accord entre l'Union européenne et la République de Corée établissant un cadre pour la participation de la République de Corée aux opérations de gestion de crises menées par l'Union européenne (SN 339813 – E 9007) ;
- Projet de décision du Conseil relative à l'Institut d'études de sécurité de l'Union européenne (SN 346213 – E 9008) ;
- Projet de décision du Conseil modifiant la décision 2012281PESC dans le cadre de la stratégie européenne de sécurité, visant à soutenir la proposition de code de conduite international pour les activités menées dans l'espace extra-atmosphérique, présentée par l'Union (526814 – E 9013).
La séance est levée à 18 h 25