Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 5 février 2014 à 21h30
Formation professionnelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

…mais vous avez délibérément choisi de le glisser dans ce projet de loi pour donner des gages à un patronat avide d’engranger de solides contreparties aux faibles avancées qu’il consent.

En dépit des réorganisations entreprises depuis 2006 par vos prédécesseurs, qui visaient à desserrer l’étau des contraintes pesant sur les entreprises en termes de droit du travail, l’inspection du travail a su conserver un haut niveau d’activité, en raison notamment de la préservation du statut des inspecteurs et contrôleurs du travail, ce qui, sans surprise, conduit le patronat à demander davantage de flexibilité dans l’application et le contrôle du droit du travail.

Sur fond de chômage de masse, de crise économique et de chantage à l’emploi et aux délocalisations, vous avez donc repris le flambeau de la déréglementation. Après une parodie de dialogue social en interne, vous avez concocté un projet de réforme de l’inspection du travail propre à « faire face aux enjeux d’un monde du travail qui évolue » – selon les termes employés dans le compte rendu du conseil des ministres du 6 novembre 2013. Ah ! Qu’en termes galants ces choses-là sont mises ! Malheureusement, l’illusion lyrique ne suffit pas. Le constat est amer, la musique aigrelette.

Le monde du travail évolue sous votre haut patronage ministériel comme sous celui de vos prédécesseurs, au détriment des droits des travailleurs, pour le plus grand bénéfice des actionnaires, des employeurs, des donneurs d’ordre, d’une économie internationale de casino, ouverte aux quatre vents de la dérégulation, de la concurrence effrénée, de la maximisation des profits. Pour reprendre la formule de Gramsci, alors qu’un ancien monde se meurt et qu’un nouveau monde tarde à venir, plutôt que de participer à la construction de ce nouveau monde, vous vous échinez à rafistoler l’ancien !

Certes, vous plaidez pour le renforcement de l’inspection du travail, mais en réalité votre réforme consiste à enfoncer des coins dans l’organisation de corps de fonctionnaires d’État. Ces coins sont autant de moyens de l’affaiblir dans l’accomplissement de la mission d’application du droit et de la réglementation sociale, mission dont il s’acquitte avec succès depuis plus de cent vingt ans.

Dans toute réorganisation dans la fonction publique, le premier axe consiste invariablement à réduire les effectifs. La modernisation de l’action publique, dite MAP, l’impose – elle est bien la digne héritière de la révision générale des politiques publiques, ou RGPP ! Mais qu’on se rassure : il s’agit de renforcer l’effectivité du droit au travail. La logique est implacable : alors que le corps de l’inspection du travail a déjà connu une monumentale saignée ces dernières années, et que 2 250 fonctionnaires seulement contrôlent 1,8 million d’entreprises employant 18 millions de salariés, vous considérez comme une urgence sociale la réduction du nombre d’agents dévolus au contrôle du travail dans les entreprises.

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