Vous dites que ce texte en fait partie. Dont acte ! Il n’est pas question ici d’un procès d’intention : nous jugerons sur les résultats.
Une de nos collègues a précédemment parlé, à cette tribune, d’occasion manquée. Du point de vue de la méthode, une partie au moins du projet de loi que vous nous présentez est, à mon sens, une occasion manquée. En effet, sur tous les sujets abordés par ce texte tels que la formation professionnelle, la représentativité patronale, la représentativité syndicale – déjà réformée par la majorité précédente en 2008 –, il était tout à fait possible, même pourquoi pas – soyons fous ! – concernant l’inspection du travail, de parvenir à un accord, donc de partager un certain nombre d’avancées. Faute de temps, d’autant que vous avez annoncé officiellement tout à l’heure le dépôt de deux amendements qui bouleverseront sans aucun doute l’économie de ce texte, il ne nous a pas été possible de nous entendre sur ces objectifs qui, pourtant, peuvent être partagés par tous.
J’entendais dire voilà quelques instants que, depuis la loi Delors de 1971, soutenue d’ailleurs, je le rappelle au passage, par Georges Pompidou et Joseph Fontanet, il n’y aurait eu que peu d’avancées. C’est oublier les textes de 2004, ceux de 2009 et la loi de 2011 de notre collègue Gérard Cherpion que je salue ici. Nous avons tous cherché à trouver des solutions sur un sujet difficile. Personne ne vous reproche d’essayer d’en trouver d’autres, mais il est dommage de n’avoir pas su prendre le temps nécessaire pour nous rassembler et faire en sorte que nous soyons tous favorables au texte que vous présentez.
J’ai un regret d’ordre plus technique. Nous aurions en effet pu également trouver l’occasion, avec ce texte, de définir plus précisément la notion de branche que les « travaillistes » – je parle des avocats spécialisés en droit du travail et non des Anglais ! – connaissent bien. Son périmètre clair manque cruellement en effet dans les textes sociaux. Mais je ne m’attarderai pas sur ce détail technique qui relève peut-être plus d’une lubie personnelle.
Concernant la formation professionnelle, nous n’émettrons que peu d’objections à la mise en oeuvre d’un compte personnel et à la régionalisation de la politique de formation professionnelle. Sur ce dernier plan toutefois, des amendements nous permettront de discuter des modalités, lesquelles nous paraissent extrêmement compliquées et très administratives, voire peut-être un jour très politiques. En effet, nous n’avons pas la garantie qu’il n’y aura pas, en fin de compte, une gestion politisée de la formation professionnelle, ce qui serait un drame. En effet, pour connaître la façon dont certaines régions traitent aujourd’hui des sujets d’intérêt général, je me dis qu’en théorie la formation professionnelle pourrait ne pas échapper à une telle dérive, ce qui serait dommageable pour tous.
S’agissant de l’apprentissage, tout le monde a pu constater un affaiblissement. Aucune solution particulière n’est apportée dans ce texte pour le renforcer. Personne ne sait comment vous pourrez atteindre l’objectif annoncé de 500 000 contrats d’apprentissage en 2017. Il ne serait que temps de l’admettre et de ne pas attendre la fin de 2016 pour reconnaître l’échec en la matière.
Pour ce qui est du financement du paritarisme, je fais partie de ceux qui ont milité pour que la séparation soit claire entre, d’un côté, le soutien aux organisations patronales et syndicales pour former leurs acteurs et leurs instances et, de l’autre, la formation professionnelle proprement dite. Je n’émettrai donc aucune critique sur ce point. Le système me paraît – je m’exprime à titre personnel – pertinent et ne me pose pas de problème particulier.
Avant d’aborder les deux derniers points de mon intervention, je tiens à évoquer l’amendement déposé en commission des affaires sociales et qui a quasiment détruit les efforts consentis depuis quelques années par les fédérations professionnelles des particuliers employeurs. Je ne comprends pas pourquoi la commission est revenue sur les dispositions permettant de disposer de délais supplémentaires pour la formation professionnelle des salariés des particuliers employeurs. Il est vrai que leur statut est spécial et que celui-ci peut difficilement être pris en compte dans le cadre plus général de votre texte. Il me semble, pour autant, que les dispositions adoptées par la commission et tendant à modifier votre projet annihilent les efforts de professionnalisation, de dialogue interne à ces fédérations régionales comme nationales. Je ne vois pas là un bon signal pour tous ceux qui, dans cette situation si difficile et si particulière, oeuvrent en faveur du dialogue social et de la professionnalisation, concernant un travail qui est aussi digne que beaucoup d’autres missions.
S’agissant des deux derniers points sur lesquels je souhaite, monsieur le ministre, appeler votre attention, autant je suis d’accord avec vous sur le premier, à savoir la représentativité patronale, autant je suis en désaccord concernant le second.
S’agissant de la représentativité patronale, mon collègue Cherpion me permettra en effet d’avoir une appréciation légèrement différente de la sienne. Votre texte, en l’état actuel, soulève un seul problème : la détermination de deux clés d’estimation de la représentativité. La première clé est fondée sur les seules adhésions au niveau de la branche et la seconde croise les adhésions et les effectifs à l’échelon supérieur.
Je comprends les raisons pour lesquelles vous avez souhaité mettre en place ce dispositif – j’ai, en effet, évoqué à plusieurs reprises ces sujets avec M. Combrexelle. Pour autant, je considère qu’il rend le système moins lisible et qu’il peut ne pas correspondre à la réalité d’un certain nombre de branches professionnelles pour lesquelles un système de représentativité fondé, par exemple, sur le chiffre d’affaires ou sur la valeur ajoutée, serait préférable. C’est la raison pour laquelle j’ai déposé un amendement tendant à permettre aux branches professionnelles de disposer d’un délai de deux ans pour trouver le système leur convenant mieux, sachant que la loi s’appliquerait faute d’accord.
Vous me répondrez sans doute qu’elles auraient pu depuis longtemps faire un effort. J’ai en effet moi-même remis à l’un de vos prédécesseurs un rapport sur le sujet, les invitant à se mettre au travail en la matière, ce qu’elles n’ont pas fait. Je sais tout cela.