Au départ, certains – dont moi-même – pouvaient craindre que le travail des partenaires sociaux ne donne lieu à une réforme partielle, peu aboutie et peu pertinente, comme cela avait été malheureusement le cas à plusieurs reprises par le passé. À chaque fois utiles, les accords n’apportaient jamais de réponses véritablement ou suffisamment complètes aux difficultés de la formation professionnelle en France.
Nous avons tous fait ce constat que d’aucuns ont, à juste titre, présenté comme une superbe critique de l’inaction des dix dernières années. Actuellement, la formation professionnelle est inadaptée aux grands enjeux du monde, de l’économie française et des entreprises qui ont besoin d’utiliser leur seule véritable richesse : les femmes et les hommes qu’elles emploient. En accroissant leurs compétences, les salariés peuvent améliorer la capacité des entreprises à lutter contre la concurrence internationale, qu’elle vienne de l’Union européenne ou d’ailleurs.
La formation professionnelle apporte aussi une réponse au formidable défi de la promotion individuelle et personnelle, à un moment où tout le monde constate que le fameux ascenseur social est à ce point à l’arrêt que l’on en vient à parler de « descenseur » social.
Pendant des années après 1971, le système de la formation professionnelle a permis des promotions individuelles et une montée collective en compétences qui ont été absolument considérables. Mais depuis de trop nombreuses années, le système s’est arrêté et il a même parfois abouti à une diminution de la qualification moyenne de ceux qui sont sur le marché du travail.
Cette situation n’étant plus possible, les partenaires sociaux ont décidé d’y remédier avec ambition. Au début, je craignais que l’accord ne se fasse sur le plus petit dénominateur commun mais ce n’est pas ce qui s’est passé : lors de la négociation, les partenaires sociaux ont choisi de changer de paradigme, comme l’a dit l’un d’entre vous.
Le compte personnel de formation est apparu comme un concept nouveau même si beaucoup d’entre nous, sur tous les bancs, avaient l’ambition de créer un tel compte qui est attaché à la personne et non pas à sa situation administrative ou à son statut, qui la suit au fil de son cursus professionnel ou d’éventuels accidents de la vie tels que la perte de son emploi.
Il s’agit d’une révolution tranquille mais profonde. Je trouve dommage que par manque d’analyse ou en raison d’une vision étriquée, l’on ne reconnaisse pas le travail considérable effectué par les partenaires sociaux, qui a abouti à cet accord.
Autre critique récurrente : ce texte serait un fourre-tout. Non, et je vais le démontrer.
Nous partons de la formation professionnelle – le sujet, la nécessité – qui englobe aussi la formation en alternance. D’ailleurs, ceux qui citent, parfois un peu trop rapidement, le chiffre de 32 milliards d’euros de la formation professionnelle y mettent des choux et des carottes : le coût de l’apprentissage y entre pour un peu plus de cinq milliards d’euros. Si nous avions omis l’apprentissage, certains d’entre vous auraient critiqué cette lacune. Nous parlons donc de l’apprentissage et des modifications nécessaires dans ce domaine.
Lorsque les partenaires sociaux ont commencé la négociation sur le sujet, je leur ai dit qu’il fallait définitivement couper un lien que nous avons été nombreux à trouver étrange voire préjudiciable par le passé : le lien existant entre le financement de la formation professionnelle et le financement – légitime par ailleurs – du dialogue social et du paritarisme.
Il fallait donc traiter du financement du paritarisme. Après des discussions avec les uns et les autres, c’est tout à fait logiquement que j’ai intégré le financement du paritarisme dans ce texte sur la formation professionnelle. Nous ne pouvions pas traiter l’un sans l’autre.
Mais ce financement du paritarisme, du dialogue social, des partenaires sociaux doit se faire de manière transparente et irréfutable, sur la base de critères objectifs. Quel est le critère le plus objectif ? La représentativité.
Si cette représentativité était mesurée du côté syndical – un précédent ministre du travail, sous l’ancienne majorité, avait eu le courage de le faire en accord avec la plupart des partenaires sociaux – elle ne l’était pas du côté patronal. Comment faire, dans ces conditions, pour proposer des critères transparents du financement du paritarisme ? Ce texte traite donc, fort logiquement, de la représentativité patronale.
Une autre question est parfois soulevée : pourquoi parler de la décentralisation et du pouvoir des régions alors qu’il suffisait d’attendre le texte à venir sur la décentralisation ? Mais que n’auriez-vous pas dit, si j’avais mis en place une réforme de la formation professionnelle sans aborder le pouvoir des régions, sans réformer la gouvernance de la formation professionnelle au niveau territorial ?
Certains d’entre vous l’ont fait remarquer à juste titre : C’est au niveau territorial que l’on peut apprécier une partie des besoins et des réalités et, à partir de là, mettre en oeuvre les filières et les programmes dans des conditions adaptées.
Pour être cohérent et efficace, il fallait donc intégrer dans ce texte la partie concernant la décentralisation. certes, elle figurait dans un autre texte. Mais il fallait en traiter ici sans attendre, sinon, le texte aurait été tronqué et il n’aurait pu s’appliquer correctement.
J’irai même plus loin : qu’aurait signifié la mise en place cette grande réforme si je ne m’étais pas interrogé sur les moyens de mon ministère pour la faire respecter par tous, en contrôlant mieux la qualité de la formation professionnelle ?
Dans la presse, je lis encore parfois que tel organisme de formation professionnelle n’a pas été à la hauteur de ses engagements ou qu’il présenterait des faiblesses dans la qualité de l’enseignement dispensé. Oui, il existe des cas de cette nature.
Il fallait renforcer les pouvoirs de mon administration. Un ministère fort, y compris avec une inspection du travail forte et organisée qui puisse à répondre aux défis d’aujourd’hui : voilà l’une des nécessités de ce texte.
L’objectif n’était pas d’utiliser je ne sais quel subterfuge pour envoyer je ne sais quelle cavalerie faire je ne sais trop quoi. Non, ce texte est cohérent, il aborde toutes les facettes nécessaires pour que le dispositif soit complet.
Certes, les critiques sont possibles. On peut toujours dire qu’on aurait pu aller plus loin. Mais lorsque nous avons commencé les négociations, personne ne pouvait dire que nous pourrions parvenir là où nous sommes aujourd’hui.
Monsieur Chassaigne, je vous ai trouvé toujours aussi talentueux, mais votre discours était tellement caricatural qu’il n’était pas à la hauteur de votre personnalité.