Je veux bien recevoir toutes les critiques que l’on veut ; les ministres sont là pour essuyer des critiques, mais aussi pour y répondre. J’aimerais que, sur ce sujet, chacun garde tout à la fois sa liberté d’expression et sa liberté de critique, mais aussi le sens de la mesure, en premier lieu pour ce qui touche à la situation de l’apprentissage.
Monsieur Cherpion, vous êtes ici l’un des meilleurs spécialistes de ce sujet et vous savez très bien que le chiffre que vous avancez, qui vous permet d’annoncer une baisse de 8 %, n’est pas le reflet de la réalité à cette rentrée. Je répète que ce n’est pas le reflet de la réalité, y compris pour des raisons statistiques que je n’ai pas besoin de vous expliquer et que vous connaissez très bien : une partie des enregistrements de contrats nouveaux s’est faite dans le cadre d’un changement anticipé des mécanismes l’année dernière, et non cette année, ce qui aboutit au chiffre de moins 8 %, qui n’est pas le reflet de la réalité de la rentrée. Certes, les chiffres sont à la baisse : nous constatons environ 2,5 % d’apprentis en moins à l’instant T par rapport à l’année dernière. C’est 2,5 % de trop, j’en suis d’accord, mais ce n’est que 2,5 %. Au vu d’autres chiffres partant de 2009, chacun pourra constater quand les difficultés les plus graves ont pu frapper l’apprentissage.
En deuxième lieu, vous m’attaquez, en votre nom et au nom de l’extérieur ; j’entends en effet des propos similaires à l’extérieur, en particulier de la part de telle ou telle grande organisation patronale, et je comprends tout à fait qu’ils soient relayés ici, vous êtes aussi là parfois pour cela.
Vous m’attaquez sur deux axes. Premièrement, il y aurait moins d’argent pour l’apprentissage : c’est faux, je vais le démontrer. Deuxièmement, il y aurait moins de liberté pour les entreprises : c’est également faux, et je vais, de la même façon, le démontrer. Autrement dit, je suis désolé de le dire ainsi, monsieur Cherpion, sur l’un comme sur l’autre point, vous n’avez pas raison. J’espère que les arguments que je vais vous apporter vous convaincront.
Avant la réforme – vous connaissez bien tout cela –, il y avait trois ressources : la taxe d’apprentissage, la contribution au développement de l’apprentissage et la contribution supplémentaire à l’apprentissage. Les entreprises affectaient librement une partie de la taxe d’apprentissage, mais la contribution au développement de l’apprentissage et la contribution supplémentaire à l’apprentissage étaient mutualisées – elles le sont encore aujourd’hui –, en particulier vers les régions, pour financer l’apprentissage. Ce n’est pas nouveau que de l’argent aille vers les régions, et c’est heureux, car elles ont la responsabilité de l’apprentissage.
En 2012, les entreprises ont ainsi affecté librement, j’insiste sur ce mot, 1,548 milliard d’euros. Après la réforme – que vous critiquez –, quelle sera la situation ? Il restera deux ressources – c’est un élément de la simplification voulue par les entreprises : d’une part, la nouvelle taxe d’apprentissage, qui englobe la contribution au développement de l’apprentissage ; d’autre part, le bonus-malus de la contribution supplémentaire à l’apprentissage, qui subsiste. Les entreprises affecteront librement 44 % de la nouvelle taxe d’apprentissage, que vous ne pouvez pas comparer à l’ancienne taxe, car cela représente un montant bien supérieur. Je veux bien que l’on dise que le nouveau pourcentage est beaucoup plus petit, mais, la base étant beaucoup plus large, cela ne correspond pas tout à fait aux mêmes sommes. Il ne faut donc pas comparer les pourcentages puisque le gâteau lui-même a grossi du fait de la fusion. Les entreprises pourront donc affecter librement 44 % de la nouvelle taxe aux centres de formation d’apprentis et aux établissements bénéficiaires du barème.
Par ailleurs – c’est une autre nouveauté –, elles affecteront librement, ce qui n’était pas le cas avant, la contribution supplémentaire à l’apprentissage, autrement dit le malus, qui représentera environ 300 millions d’euros.
Lorsque l’on combine ces deux libertés d’affectation, les entreprises pourront, en 2015, affecter librement 1,634 milliard d’euros.
Je résume, pour répondre à votre critique et ainsi démontrer qu’elle n’est pas fondée : il faut prendre en compte l’ensemble des dispositions et non pas simplement une part d’entre elles ; il y avait 1,5 milliard avant, il y a 1,6 milliard aujourd’hui. Il n’y a pas moins d’argent pour l’apprentissage ni moins de liberté pour les entreprises : je vous le dis fortement ici, à vous qui m’écoutez, mais je le dis aussi fortement à l’extérieur, à l’adresse notamment de ceux qui m’envoient des textos au moment même où je vous parle…