Je souhaiterais, dans un premier temps, vous présenter la Fédération française de rugby. C'est une association déclarée, reconnue d'utilité publique depuis 1922. Elle bénéficie d'un agrément ministériel et organise, de ce fait, la pratique sportive du rugby à quinze, du rugby à sept, du jeu de plage et du rugby à cinq, anciennement appelé « rugby à toucher ».
Son siège social se trouve à Marcoussis, dans l'Essonne : nous sommes une des rares fédérations sportives à ne pas avoir son siège social à Paris. La ligue professionnelle a été constituée en 1998. La fédération dispose en outre de 34 comités territoriaux, dont 7 ultra-marins. Elle regroupe 440 000 licenciés et 1 840 clubs, répartis sur tout le territoire. Le nombre de licenciés a doublé en dix ans.
En matière statutaire, une assemblée générale réunit l'ensemble des clubs ; depuis la dernière modification des statuts, chaque club peut, au moins lors de l'élection du comité directeur, s'exprimer directement au siège de son comité par un vote électronique. Il est en effet compliqué de tenir une assemblée générale dans un lieu unique ; nous souhaitions toutefois, dans le cadre de la nouvelle gouvernance que nous avons mise en place, que chacun puisse s'exprimer.
Le comité directeur compte quarante membres dont trois sont désignés par la Ligue nationale de rugby. Il élit un bureau de douze membres chargés de l'exécution, au jour le jour, du travail de la fédération. La fédération s'est professionnalisée au cours des quatre dernières années en créant cinq directions. Elle compte aujourd'hui 114 salariés et s'appuie, pour la mise en oeuvre de sa politique, sur un nombre important de bénévoles. Elle dispose en outre de 54 cadres techniques pris en charge par le ministère des sports.
La fédération organise l'ensemble des compétitions officielles de rugby se tenant sur le territoire français. Elle a ainsi été amenée à délivrer 62 titres nationaux. Les arbitres de la fédération participent à 30 400 rencontres par an. La fédération gère également treize équipes nationales de rugby à quinze, de rugby à sept, masculin et féminin. Je souligne que le rugby à sept est devenu une discipline olympique, et qu'elle fera partie des épreuves des Jeux Olympiques organisés à Rio en 2016.
C'est là une forme particulière de rugby, qui ne fait pas partie de la culture du jeu en France, où il est souvent considéré comme un jeu de plage. Pour accroître notre performance dans ce domaine, nous avons professionnalisé le rugby à sept, en prenant directement des joueurs sous contrat au sein de la fédération. Nous essayons actuellement de faire de même en matière de rugby féminin, afin que tous bénéficient des mêmes conditions de formation et de préparation. Le rugby à sept féminin, moins violent, constitue d'ailleurs un important vecteur d'extension de la pratique féminine et nous consacrons d'importants moyens à cette discipline. Par ailleurs, grâce au rugby de loisir et au rugby à cinq, nous parvenons à toucher un large public, de tous sexes et de tous âges.
La fédération est très impliquée au plan international, notamment au sein de l'International Rugby Board, présidée par un Français, M. Bernard Lapasset, mais aussi à l'Association européenne de rugby – nous en avons d'ailleurs assumé la présidence jusqu'en mars dernier –, dans le cadre du Tournoi des six nations comme des compétitions européennes.
Conformément à la loi, nous avons des relations avec la Ligue nationale de rugby, Nous avons du reste signé une convention qui nous lie pour les quatre ans à venir. Elle permet notamment la mise à disposition de l'équipe de France, pour que ses joueurs portent les couleurs de la France dans les meilleures conditions possibles. Le nombre de matches est ainsi limité à trente par saison, toutes compétitions confondues, pour préserver la santé des joueurs, leur corps étant leur outil de travail. Un groupe de trente joueurs, qui sera désigné avant de partir en tournée, sera ainsi protégé d'éventuelles dérives. En contrepartie, nous versons 23 millions d'euros à la ligue, dont 1 300 euros par jour et par joueur mis à disposition.
L'intégrité du sport est une préoccupation constante de notre fédération, tant en ce qui concerne le dopage que les paris sportifs. Au-delà des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage, nous avons mis en place, pour assurer l'intégrité physique des joueurs, un suivi longitudinal. Nous y affectons 757 000 euros par an sur un budget médical de 1,2 million d'euros.
En termes financiers, le budget de la fédération s'élève aujourd'hui à 100 millions d'euros, contre seulement 50 millions d'euros il y a deux ans. La majorité des ressources (57 %) est liée à l'équipe de France, notamment aux droits télévisés mutualisés au sein du comité des six nations et distribués, pour 75 %, de façon égalitaire entre les pays. Les recettes de matches issues de la vente d'environ 500 000 billets par an représentent 22 % des recettes, tandis que la subvention du ministère des sports n'en représente que 1 %. Le total de l'actif se monte à 112 millions d'euros, dont 33 millions d'actifs immobilisés et 49 millions de capitaux permanents.
Notre centre national du rugby a été inauguré en 2002 ; il représente aujourd'hui 20 000 nuitées et 60 000 couverts par an. Ce centre est ouvert à tous les sports et aux entreprises.
Pour mettre en oeuvre l'ensemble de ses actions, la Fédération française de rugby a besoin de ressources nouvelles, qui ne peuvent reposer exclusivement sur un financement public, en particulier dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons aujourd'hui. Le projet de Grand Stade doit nous permettre, comme à toute entreprise, d'assurer notre développement et, en tant que fédération sportive, notre mission de service public. Il s'agit ici de construire notre liberté dans le respect de nos valeurs. La liberté a un coût, mais elle n'a pas de prix. Toute entreprise, si elle ne maîtrise pas ses outils de production, ne peut se développer.
Le développement de la pratique du rugby nous oblige à respecter les calendriers fixés pour les matches. Je ne reviendrai pas sur les difficultés liées à l'utilisation du Stade de France. Nous avons conclu un accord international qui devait nous conduire à terminer nos compétitions le 31 mai. Je n'ai pas pu respecter cet accord, le concert de Johnny Hallyday nous ayant contraint à reporter notre finale. Du fait de l'organisation potentielle d'autres compétitions sportives au Stade de France, nous n'avons pas pu y jouer le match contre l'Irlande – nous avons dû nous rabattre sur le stade de Toulouse, dont la capacité d'accueil est deux fois inférieure. Nous avons connu la même déconvenue à Lyon, où nous devions jouer un match contre l'Argentine. De la même façon, l'organisation de l'Euro 2016 ne nous permet pas de savoir où nous jouerons la finale du Top 14, l'Union des associations européennes de football (UEFA) exigeant la disponibilité de ses stades.
Cela nous a amenés, depuis 2009, à envisager de nous doter de notre propre stade. Nous avons évalué la performance de stades américains et européens. Sur ce projet, un objectif minimal de 10 millions d'euros de cash flow – analogue à celui que laissent aujourd'hui les matches de l'équipe de France – doit être respecté. Nous avons donc confié une étude au cabinet américain Mc Kinsey qui a analysé notre business plan au regard de ce qui a pu être fait à Twickenham, à l'Aviva Stadium de Dublin, à Wembley ou Cardiff. Sa conclusion est que notre projet est économiquement viable. Dès lors, nous avons pu poursuivre notre projet et avons confié à la banque HSBC une étude, qui est en cours, sur les aspects financiers.
Depuis juin 2012, la fédération n'est plus seule puisque tant la ville de Ris-Orangis que le département de l'Essonne soutiennent le projet qui est devenu le projet de tout un territoire, et même – c'est le provincial qui parle – l'ambition de l'entrée de la porte sud dans Paris. Les infrastructures de transport existantes et à venir – je songe aux gares TGV de Massy et de Sénart – permettront aux spectateurs venant du sud de Paris – et ils sont potentiellement nombreux, 45 millions de Français résidant au sud de Paris – d'éviter de passer par Paris intra muros pour se rendre au stade.
La phase du débat public est en cours : cinq séances se sont déjà tenues, deux doivent l'être prochainement à Évry et Paris. Il est important d'entendre les remarques, les questionnements, voire les objections des populations concernées afin, le cas échéant, de faire évoluer le projet.
Sur le plan architectural, les collectivités locales ont lancé un appel à projets qui devrait bientôt aboutir ; quant à la fédération, elle a retenu le cabinet Populus et son projet de construction rappelant les citadelles cathares – constructions protectrices mais ouvertes – qui correspondent bien, symboliquement, aux cathédrales modernes que sont devenus les stades.
J'ajoute que le stade ne sera pas réservé à la pratique sportive mais sera une enceinte multifonctions ouverte à tous : grâce à sa pelouse rétractable, il ne faudra que trois heures pour transformer l'enceinte en lieu pouvant, par exemple – comme c'est d'ailleurs le cas à Dallas – recevoir des expositions ou bien des événements hippiques. Les préoccupations de développement durable seront bien évidemment respectées par cette arène, ce nouveau Colisée que j'appelle de mes voeux.