Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 29 janvier 2014 à 9h30

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 29 janvier 2014

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

(Présidence de M. Patrick Bloche, président de la commission)

La Commission des affaires culturelles et de l'éducation entend d'abord M. Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby.

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Mes chers collègues, nous accueillons ce matin M. Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby, M. Olivier Keraudren, son directeur de cabinet, M. Paul De Keerle, directeur financier, et M. Jean-Claude Skrela, directeur technique national.

Messieurs, nous avons souhaité vous rencontrer afin de prendre connaissance du projet de Grand Stade de rugby qui devrait voir le jour à Ris-Orangis et, plus largement, évoquer avec vous l'actualité de la fédération et du rugby français. Je souligne qu'il y a, dans cette salle, des passionnés de rugby et des représentants émérites de l'équipe parlementaire !

Par ailleurs, nous sommes nombreux, étant à la fois la commission de la culture, des médias et du sport, à souhaiter évoquer avec vous la question de la dévolution des droits de diffusion télévisée du Top 14. Nous nous sommes intéressés à cette question, qui semble aujourd'hui résolue ; même si cela relève avant tout de la ligue, et non de la fédération, je suppose que vous avez, à ce sujet, une opinion personnelle à nous faire partager.

Enfin, la presse a récemment fait état d'une utilisation frauduleuse de la billetterie de la fédération visant à alimenter un réseau de revente illégale de places. Vous avez ordonné une enquête interne ; nous voudrions savoir si la fédération a, dans cette affaire, été lésée.

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Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby

Je souhaiterais, dans un premier temps, vous présenter la Fédération française de rugby. C'est une association déclarée, reconnue d'utilité publique depuis 1922. Elle bénéficie d'un agrément ministériel et organise, de ce fait, la pratique sportive du rugby à quinze, du rugby à sept, du jeu de plage et du rugby à cinq, anciennement appelé « rugby à toucher ».

Son siège social se trouve à Marcoussis, dans l'Essonne : nous sommes une des rares fédérations sportives à ne pas avoir son siège social à Paris. La ligue professionnelle a été constituée en 1998. La fédération dispose en outre de 34 comités territoriaux, dont 7 ultra-marins. Elle regroupe 440 000 licenciés et 1 840 clubs, répartis sur tout le territoire. Le nombre de licenciés a doublé en dix ans.

En matière statutaire, une assemblée générale réunit l'ensemble des clubs ; depuis la dernière modification des statuts, chaque club peut, au moins lors de l'élection du comité directeur, s'exprimer directement au siège de son comité par un vote électronique. Il est en effet compliqué de tenir une assemblée générale dans un lieu unique ; nous souhaitions toutefois, dans le cadre de la nouvelle gouvernance que nous avons mise en place, que chacun puisse s'exprimer.

Le comité directeur compte quarante membres dont trois sont désignés par la Ligue nationale de rugby. Il élit un bureau de douze membres chargés de l'exécution, au jour le jour, du travail de la fédération. La fédération s'est professionnalisée au cours des quatre dernières années en créant cinq directions. Elle compte aujourd'hui 114 salariés et s'appuie, pour la mise en oeuvre de sa politique, sur un nombre important de bénévoles. Elle dispose en outre de 54 cadres techniques pris en charge par le ministère des sports.

La fédération organise l'ensemble des compétitions officielles de rugby se tenant sur le territoire français. Elle a ainsi été amenée à délivrer 62 titres nationaux. Les arbitres de la fédération participent à 30 400 rencontres par an. La fédération gère également treize équipes nationales de rugby à quinze, de rugby à sept, masculin et féminin. Je souligne que le rugby à sept est devenu une discipline olympique, et qu'elle fera partie des épreuves des Jeux Olympiques organisés à Rio en 2016.

C'est là une forme particulière de rugby, qui ne fait pas partie de la culture du jeu en France, où il est souvent considéré comme un jeu de plage. Pour accroître notre performance dans ce domaine, nous avons professionnalisé le rugby à sept, en prenant directement des joueurs sous contrat au sein de la fédération. Nous essayons actuellement de faire de même en matière de rugby féminin, afin que tous bénéficient des mêmes conditions de formation et de préparation. Le rugby à sept féminin, moins violent, constitue d'ailleurs un important vecteur d'extension de la pratique féminine et nous consacrons d'importants moyens à cette discipline. Par ailleurs, grâce au rugby de loisir et au rugby à cinq, nous parvenons à toucher un large public, de tous sexes et de tous âges.

La fédération est très impliquée au plan international, notamment au sein de l'International Rugby Board, présidée par un Français, M. Bernard Lapasset, mais aussi à l'Association européenne de rugby – nous en avons d'ailleurs assumé la présidence jusqu'en mars dernier –, dans le cadre du Tournoi des six nations comme des compétitions européennes.

Conformément à la loi, nous avons des relations avec la Ligue nationale de rugby, Nous avons du reste signé une convention qui nous lie pour les quatre ans à venir. Elle permet notamment la mise à disposition de l'équipe de France, pour que ses joueurs portent les couleurs de la France dans les meilleures conditions possibles. Le nombre de matches est ainsi limité à trente par saison, toutes compétitions confondues, pour préserver la santé des joueurs, leur corps étant leur outil de travail. Un groupe de trente joueurs, qui sera désigné avant de partir en tournée, sera ainsi protégé d'éventuelles dérives. En contrepartie, nous versons 23 millions d'euros à la ligue, dont 1 300 euros par jour et par joueur mis à disposition.

L'intégrité du sport est une préoccupation constante de notre fédération, tant en ce qui concerne le dopage que les paris sportifs. Au-delà des contrôles de l'Agence française de lutte contre le dopage, nous avons mis en place, pour assurer l'intégrité physique des joueurs, un suivi longitudinal. Nous y affectons 757 000 euros par an sur un budget médical de 1,2 million d'euros.

En termes financiers, le budget de la fédération s'élève aujourd'hui à 100 millions d'euros, contre seulement 50 millions d'euros il y a deux ans. La majorité des ressources (57 %) est liée à l'équipe de France, notamment aux droits télévisés mutualisés au sein du comité des six nations et distribués, pour 75 %, de façon égalitaire entre les pays. Les recettes de matches issues de la vente d'environ 500 000 billets par an représentent 22 % des recettes, tandis que la subvention du ministère des sports n'en représente que 1 %. Le total de l'actif se monte à 112 millions d'euros, dont 33 millions d'actifs immobilisés et 49 millions de capitaux permanents.

Notre centre national du rugby a été inauguré en 2002 ; il représente aujourd'hui 20 000 nuitées et 60 000 couverts par an. Ce centre est ouvert à tous les sports et aux entreprises.

Pour mettre en oeuvre l'ensemble de ses actions, la Fédération française de rugby a besoin de ressources nouvelles, qui ne peuvent reposer exclusivement sur un financement public, en particulier dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons aujourd'hui. Le projet de Grand Stade doit nous permettre, comme à toute entreprise, d'assurer notre développement et, en tant que fédération sportive, notre mission de service public. Il s'agit ici de construire notre liberté dans le respect de nos valeurs. La liberté a un coût, mais elle n'a pas de prix. Toute entreprise, si elle ne maîtrise pas ses outils de production, ne peut se développer.

Le développement de la pratique du rugby nous oblige à respecter les calendriers fixés pour les matches. Je ne reviendrai pas sur les difficultés liées à l'utilisation du Stade de France. Nous avons conclu un accord international qui devait nous conduire à terminer nos compétitions le 31 mai. Je n'ai pas pu respecter cet accord, le concert de Johnny Hallyday nous ayant contraint à reporter notre finale. Du fait de l'organisation potentielle d'autres compétitions sportives au Stade de France, nous n'avons pas pu y jouer le match contre l'Irlande – nous avons dû nous rabattre sur le stade de Toulouse, dont la capacité d'accueil est deux fois inférieure. Nous avons connu la même déconvenue à Lyon, où nous devions jouer un match contre l'Argentine. De la même façon, l'organisation de l'Euro 2016 ne nous permet pas de savoir où nous jouerons la finale du Top 14, l'Union des associations européennes de football (UEFA) exigeant la disponibilité de ses stades.

Cela nous a amenés, depuis 2009, à envisager de nous doter de notre propre stade. Nous avons évalué la performance de stades américains et européens. Sur ce projet, un objectif minimal de 10 millions d'euros de cash flow – analogue à celui que laissent aujourd'hui les matches de l'équipe de France – doit être respecté. Nous avons donc confié une étude au cabinet américain Mc Kinsey qui a analysé notre business plan au regard de ce qui a pu être fait à Twickenham, à l'Aviva Stadium de Dublin, à Wembley ou Cardiff. Sa conclusion est que notre projet est économiquement viable. Dès lors, nous avons pu poursuivre notre projet et avons confié à la banque HSBC une étude, qui est en cours, sur les aspects financiers.

Depuis juin 2012, la fédération n'est plus seule puisque tant la ville de Ris-Orangis que le département de l'Essonne soutiennent le projet qui est devenu le projet de tout un territoire, et même – c'est le provincial qui parle – l'ambition de l'entrée de la porte sud dans Paris. Les infrastructures de transport existantes et à venir – je songe aux gares TGV de Massy et de Sénart – permettront aux spectateurs venant du sud de Paris – et ils sont potentiellement nombreux, 45 millions de Français résidant au sud de Paris – d'éviter de passer par Paris intra muros pour se rendre au stade.

La phase du débat public est en cours : cinq séances se sont déjà tenues, deux doivent l'être prochainement à Évry et Paris. Il est important d'entendre les remarques, les questionnements, voire les objections des populations concernées afin, le cas échéant, de faire évoluer le projet.

Sur le plan architectural, les collectivités locales ont lancé un appel à projets qui devrait bientôt aboutir ; quant à la fédération, elle a retenu le cabinet Populus et son projet de construction rappelant les citadelles cathares – constructions protectrices mais ouvertes – qui correspondent bien, symboliquement, aux cathédrales modernes que sont devenus les stades.

J'ajoute que le stade ne sera pas réservé à la pratique sportive mais sera une enceinte multifonctions ouverte à tous : grâce à sa pelouse rétractable, il ne faudra que trois heures pour transformer l'enceinte en lieu pouvant, par exemple – comme c'est d'ailleurs le cas à Dallas – recevoir des expositions ou bien des événements hippiques. Les préoccupations de développement durable seront bien évidemment respectées par cette arène, ce nouveau Colisée que j'appelle de mes voeux.

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M. le président Camou, je vous remercie de cette présentation générale. Je note que, tel un parlementaire, vous avez parfaitement respecté le temps de parole qui avait été convenu et que vous avez le sens de la formule. Je retiendrai pour ma part : « la liberté a un coût, elle n'a pas de prix ». Je laisse maintenant la parole aux députés membres de la Commission qui sont nombreux à vouloir vous poser des questions, en commençant, comme à notre habitude, par les orateurs des groupes politiques.

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Je remercie le président Camou pour sa présentation très complète qui n'est pas sans rappeler, dans une certaine mesure, celle que nous a faite il y a quelques semaines le président de la Fédération française de tennis de son projet pour Rolland Garros. Je vois, toute proportion gardée, une certaine similitude dans ces deux projets immobiliers, destinés à asseoir l'ambition de développement d'une pratique sportive.

À trois jours de l'ouverture du tournoi 2014 samedi prochain face à l'Angleterre, permettez-moi de vous demander – je crois parler au nom de l'ensemble de mes collègues – de transmettre à toutes les sélections nationales nos vifs encouragements pour cette compétition. La représentation nationale sera d'ailleurs aussi présente dans le Crunch pour défaire nos collègues de la Chambre des Lords et des Commons la semaine prochaine, avant d'aller au Stade de France – si j'ai bien compris, nous allons encore nous y rendre quelques années, par nécessité.

Nous avons bien compris que la réalisation des ambitions de développement de la fédération, dans ses différents axes, passe par la réalisation d'un projet immobilier qui lui assurera une certaine liberté financière. Ma première question portera d'ailleurs sur la répartition des ressources propres de la fédération et la contribution attendue de la construction du stade à son autonomie financière.

Je salue votre projet ambitieux qui a l'intelligence de lier ce projet immobilier avec le développement de la compétitivité à tous les échelons de la pratique et sur tout le territoire ; je salue les efforts réalisés pour structurer un réseau de clubs ; je salue aussi une démarche innovante et cohérente, qui permet de fédérer les forces internes à la fédération et les collectivités territoriales, au premier chef le département de l'Essonne.

Pour revenir au projet immobilier, je rappelle qu'en 2010, une mission parlementaire, dont j'étais membre, s'était penchée sur la question des grandes infrastructures sportives et avait rendu des conclusions plus que réservées, au regard des exemples étrangers récents. Il est vrai que les objectifs de ces projets étaient différents. On peut néanmoins regretter que le Stade de France n'ait pas été conçu différemment ; s'il avait été couvert et doté d'une pelouse rétractable, les perspectives aujourd'hui auraient été bien différentes…

Le projet que vous nous avez présenté ce matin repose sur un nouveau modèle de financement, très novateur et même inconnu en France, sur lequel j'aimerais que vous nous apportiez des précisions supplémentaires : si mes informations sont exactes, la fédération s'apprête à lancer son premier emprunt obligataire. Au total, 400 millions d'euros devront être mobilisés, hors fonds propres de la fédération.

Ma troisième question porte sur les cadres techniques mis à disposition de la fédération ; je voudrais connaître votre sentiment sur leur place et leur statut.

L'actualité me porte à vous interroger sur un autre sujet – vous me direz sans doute que cette question devrait être davantage posée à la ligue : je veux vous faire part de mon inquiétude sur l'intégrité physique des joueurs, tout particulièrement de certains jeunes joueurs, qui ont initié une démarche professionnelle chaotique.

Enfin, s'agissant du rugby à sept, dont on sait bien que c'est un axe de développement très important pour la fédération, je crois que quatorze contrats seulement ont été signés : est-ce suffisant pour espérer de bons résultats aux prochains Jeux Olympiques de Rio ?

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Le rugby fait partie des sports qui sont souvent en avance, comme en témoigne ce projet de Grand Stade. Il est d'ailleurs un symbole de votre liberté, qui est néanmoins contrainte par certaines règles du droit français. Vous avez indiqué que vous vous efforciez d'être une entreprise comme une autre. Où en sont vos projets en matière d'évolution de la gouvernance de la fédération et vos rapports avec votre autorité de tutelle, le ministère des sports, et le Comité olympique et sportif français ? Où en êtes-vous dans la mise en place d'un « salary cap », ce système de plafonnement de la masse salariale des clubs ?

Vous êtes également très en avance sur le rugby féminin. Quelles sont les dernières avancées dans ce domaine ? Quelle est la place des femmes au sein de la fédération ? Vous êtes porteurs de valeurs, notamment éducatives. Cependant, je m'inquiète aussi de la formation dispensée par vos clubs. Quelles sont vos ambitions dans ce domaine, notamment à l'égard des jeunes, dont la formation doit désormais répondre à un double projet, mais également en matière médicale ?

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Concernant le projet de Grand Stade de votre fédération en Essonne, plusieurs points nécessitent des précisions. Tout d'abord, pourquoi l'utilisation du Stade de France n'est-elle pas l'option retenue ? Le Stade de France ne connaissant pas une sur-utilisation, pourquoi ne pas privilégier la piste du renouvellement et de l'amélioration de l'accord vous permettant d'y organiser l'accueil du XV de France ? J'entends les difficultés auxquelles vous avez été confronté, mais elles ne me semblent pas insurmontables. Dans leur rapport sur le financement public des grandes infrastructures sportives, les sénateurs soulignent d'ailleurs la nécessité qu'un accord de plus long terme soit conclu pour accueillir le XV de France au Stade de France.

Car l'opportunité de votre projet soulève de réelles questions. Il y a déjà le Stade de France, le stade Jean Bouin et le Parc des Princes à Paris, ainsi qu'un projet de stade à Nanterre. Le rapport du Sénat s'est clairement positionné contre la construction de ce Grand Stade. Les rapporteurs considèrent qu'il serait « déraisonnable que la région Île-de-France compte sur son sol deux stades d'une capacité de 80 000 places sans club résident ». Ils pointent la compétition que cela susciterait entre ces deux stades pour accueillir des événements sportifs mais aussi culturels de grande envergure. Ils indiquent que cela risquerait de mettre en péril le modèle économique de ces deux structures. Car le modèle économique sur lequel repose la construction de ce stade est fragile. Il ne faudrait pas en outre reproduire les erreurs du partenariat public-privé du Stade de France.

Construire sur vos propres fonds et en recourant à l'emprunt un stade de plus de 80 000 places dans le sud de l'Île-de-France peut donc apparaître financièrement périlleux. J'ai aussi entendu qu'une partie du financement pourrait être trouvée par le biais du « naming ». Qu'en est-il réellement ? Et quel impact financier pour les collectivités territoriales ?

Dans un autre registre, il ne faudrait pas reproduire les insuffisances de la construction du Stade de France, aujourd'hui techniquement dépassé. Si une telle construction devait voir le jour, il faudrait qu'elle soit particulièrement novatrice au plan environnemental, des techniques HQE, des normes ou encore de l'accessibilité aux personnes en situation de handicap.

Permettez-moi de souligner que des doutes existent quant à l'impact écologique de cette construction sur le site et ses environs.

Enfin, qu'en serait-il de l'ouverture de ce nouveau stade aux autres ? Le « sport pour tous » doit aujourd'hui être privilégié, pour le rugby comme pour les autres sports. Qu'est-il prévu pour la pratique amateur au sein de ce futur stade ? Et comment justifier un tel gigantisme quand, ailleurs, les besoins sont importants ? Je pense aux clubs dont les besoins sont énormes.

Cela m'amène à vous interroger sur le soutien de la fédération à ces clubs, de façon globale, et plus particulièrement, au nord de l'Île-de-France : en Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Normandie et Champagne-Ardenne. Car la fédération a affirmé sa volonté de soutenir le développement des clubs du Nord de la France et ceux-ci sont désormais dans l'attente d'engagements concrets, comme c'est le cas à Amiens. Ils demandent par exemple plus de soutien de la fédération pour le financement des postes de cadres techniques et leur pérennisation et pour développer la notoriété de ces clubs. J'espère d'ailleurs que la fédération a prévu de soutenir le projet de tournoi en 2016 à Amiens pour le centenaire de la bataille de la Somme. Le fait que les matches de la coupe du monde féminine de rugby se déroulent tous en Île-de-France n'a pas été très bien perçu. Cela est d'autant plus dommage que le développement du sport féminin a un fort potentiel de développement dans le Nord. Pourriez-vous d'ailleurs nous donner des précisions sur le plan de féminisation de votre fédération, tant au niveau de la pratique que des dirigeants ?

Pour en revenir aux clubs, des réflexions sont-elles en cours pour inciter les joueurs qui n'ont pas de clubs à choisir des villes comme Amiens ou Arras ?

J'ai par ailleurs entendu que certains joueurs professionnels recevraient des gratifications de la part des clubs amateurs, créant du coup une distorsion entre le rugby des clubs riches et celui des clubs pauvres. Pourriez-vous m'en dire plus ? Ces pratiques sont-elles réglementées pour éviter d'éventuelles dérives et distorsions en fonction des moyens des uns et des autres ?

Enfin, dans un tout autre registre, le magazine Sport et Vie de décembre 2013 pointait les risques vertébraux des jeunes, notamment au rugby. Les vertèbres d'un adolescent restant fragiles jusqu'à vingt ans, des réflexions et actions de prévention sont-elles menées pour réduire ces risques ? Qu'en est-il également de la lutte contre le dopage ? Et, à la suite de l'affaire de blanchiment d'argent en lien avec des reventes de billets de la fédération, j'ai bien entendu que vous exigiez dorénavant une traçabilité pour tous les achats en nombre. Pourriez-vous nous préciser les mesures prises ?

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Je note au préalable que nous n'avons pas pu organiser la rencontre France-Argentine, ni la rencontre France-All blacks à Lyon alors que nous vous avions donné notre accord…

Après une belle évolution du nombre de licenciés, pour la première fois cette année, ce nombre est en recul. Quelles conclusions en tirez-vous et quelles actions comptez-vous mettre en oeuvre afin de poursuivre le développement du nombre de licenciés de rugby ?

J'ignore combien de personnes dans la salle savent que le rugby à sept sera aux Jeux Olympiques de Rio dans deux ans. Il me semble qu'il y a sur ce sujet un manque de communication dont la fédération n'est pas seule responsable puisque le Comité national olympique et sportif français doit également jouer son rôle en la matière, d'autant que la France est potentiellement « médaillable ».

Vous avez comparé la fédération à une « entreprise ». Je rappelle que cette entreprise appartient à un groupe, le ministère des sports, qui exerce une tutelle sur toutes les fédérations. Avez-vous obtenu l'accord de la ministre des sports pour lancer la construction de votre stade ? N'avez-vous pas envisagé de racheter le Stade de France ? Les business plan des grands stades pour l'Euro 2016 commencent à être extrêmement discutés. On s'aperçoit en effet qu'ils ne peuvent être équilibrés que si quatre ou cinq événements non sportifs sont programmés. Or tous les stades ne pourront organiser de tels événements. Le risque est donc grand que se développe une concurrence nuisible. Le financement de votre projet de Grand Stade se fonde sur 200 millions d'euros de fonds propres et 400 millions d'euros d'emprunt. Cela signifie-t-il que vous renoncez à tout financement public, notamment des collectivités territoriales ?

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J'ai déjà eu plusieurs fois l'occasion de réitérer mon soutien total à ce projet de Grand Stade et j'espère que cet équipement pourra accueillir le XV parlementaire, qui offre des prestations de très haut niveau… Plus sérieusement, nous connaissons tous le rôle du XV de France dans l'attractivité de ce sport. Comment concevez-vous l'articulation entre notre équipe nationale et les clubs, qui sont l'autre point d'attrait de ce sport dans nos départements et nos régions ?

Au vu de l'exemple du football, qui vit sous perfusion de droits télévisés qui représentent 60 % du budget de sa fédération, ne craignez-vous pas qu'en pesant trop lourd dans votre budget, ces droits ne viennent remettre en cause certaines des valeurs qui sont les vôtres ?

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Former un jeune coûte plus cher pour un club que de recruter un joueur issu d'un autre club, car il faut payer à la fois son salaire et sa formation. Qui plus est, le club risque aussi de le perdre très vite au profit d'un autre. Dans ces conditions, ne faut-il pas, selon vous, mettre en place une vraie politique de revalorisation de la formation ?

Les jeunes ne perçoivent pas le rugby comme un vecteur d'ascension sociale, contrairement au football par exemple. De fait, si la pratique du rugby représente généralement un complément de salaire, elle ne permet pas d'accéder à une rémunération suffisante. Face à cette situation, quelle est la position de la fédération ? De plus, que prévoit-on pour la reconversion des joueurs ?

En février dernier, le président du Rugby Club toulonnais avait déclaré « en avoir assez de financer le rugby mondial », appelant à une revalorisation de l'indemnisation des clubs qui mettent à disposition leurs joueurs pour les matches internationaux. Pensez-vous qu'il faille refondre le système de mise à disposition ?

Les arbitres français en sont toujours au stade de l'amateurisme à l'exception de quatre d'entre eux. Faut-il, selon vous, professionnaliser les arbitres du Top 14 ?

L'an dernier, les clubs professionnels ont terminé la saison en déficit global de 27 millions d'euros. Entre hyperinflation salariale et faiblesse des droits télévisés, cette saison, cinq clubs du Top 14 prévoient de finir en déficit. Faut-il, selon vous, repenser le modèle économique des clubs ?

Enfin, le rugby féminin revient à la télévision et semble s'installer sur France Télévisions. Pensez-vous qu'il puisse atteindre la même visibilité que le football féminin ? De plus, l'an dernier, la Fédération française de rugby à treize demandait à l'équipe de France féminine d'organiser une tombola pour financer sa participation à la coupe du monde en Angleterre. Comment pensez-vous accompagner le rugby féminin vers une véritable reconnaissance ?

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Je voudrais saluer le dynamisme de la fédération qui a augmenté le nombre de ses licenciés et qui développe également les nombreuses pratiques du rugby. Je note que votre fédération est une fédération heureuse puisqu'elle a, en dix ans, doublé le nombre de ses licenciés, mais aussi son budget, au cours des deux dernières années. Néanmoins, vous indiquez que la fédération a besoin de ressources nouvelles. Vous affichez également de grandes ambitions avec le projet de Grand Stade et vous affirmez que la liberté n'a pas de prix. Si je salue l'originalité du montage financier, je m'interroge non seulement sur le financement de cette grande infrastructure sportive, mais aussi sur la pérennité de son fonctionnement. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur l'équilibre financier de ce dernier, alors que certains considèrent qu'avec dix-sept événements par an, le plan de la fédération reste très ou trop tendu ?

Vous souhaitez développer le rugby à sept. Du fait de ses particularités, ne va-t-il pas chercher à s'émanciper du rugby à quinze et ne risque-t-il pas de devenir un concurrent encombrant, car expansionniste, pour le jeu à quinze ?

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Je ne vous poserai pas de questions concrètes car nombre d'entre elles vous ont déjà été posées, notamment sur votre projet de Grand Stade. Je souhaiterais vous interroger sur l'évolution du rugby depuis quelques années. On avait coutume de dire, à juste titre d'ailleurs, qu'il y avait un « esprit rugby ». Mais la transformation actuelle, à travers les projets que vous avez décrits, qui va de pair avec l'évolution de la société, semble particulièrement rapide. Pensez-vous que l'esprit du rugby est en train de changer et qu'il se rapproche de ce qui se pratique dans le football depuis un certain nombre d'années, avec les risques inhérents à cette évolution ? En d'autres termes, j'aimerais savoir comment vous comptez maîtriser et gérer ce que le journal L'Équipe appelle la « footballisation » du rugby ?

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Vous avez indiqué que la Fédération française de rugby était une entreprise comme une autre, ce qui m'étonne car votre fédération, comme les autres fédérations sportives d'ailleurs, est délégataire : on ne peut donc pas considérer, me semble-t-il, qu'elle est une entreprise, même si vous avez la responsabilité d'assurer sa gestion et sa pérennité.

Ma principale question concernera le Grand Stade. Selon le Journal du Dimanche du 17 mars 2012 « le Président de la Fédération française de Rugby bouscule le monde du sport avec son projet de Grand Stade pour le XV de France. » Vous avez exposé les difficultés de calendrier que rencontre la Fédération française de rugby, mais ne peut-on pas revoir les conditions d'utilisation du Stade de France ? Nous connaissons tous des exemples de stades, certes plutôt destinés au football, réalisés avec l'aide de business plan, qui se trouvent sous-utilisés et en difficulté financière. Aussi, est-ce bien raisonnable d'avoir deux stades de 80 000 places à Paris, sans compter le Parc des Princes ? Est-il réaliste de prévoir dix-sept à vingt événements annuels pour garantir la rentabilité de l'opération ? Enfin, si vous n'atteignez pas ces objectifs et que vous rencontrez des difficultés financières, quelles en seront les conséquences, pour le rugby amateur en particulier ?

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Sans vouloir me substituer au président de la Fédération française de rugby, je pense qu'il sera très important, dans quelques années, d'avoir deux grands stades en France, en particulier à Paris. En effet, le Parc des Princes n'a que 45 000 places ; il manquera donc d'ici cinq ans 15 000 places si le Paris Saint-Germain poursuit son évolution et gagne une stature européenne. Je pense également que les difficultés de calendrier concernant le football et le rugby persisteront, et ne pourront être réglées que par les fédérations internationales.

Ma première question concernera la création d'emplois directs et indirects générés par la construction du Grand Stade. Y a-t-il eu une évaluation ?

Par ailleurs, comptez-vous impliquer davantage les outre-mer dans le rugby ? Lorsqu'on sait ce que les ultra-marins ont apporté à la France en matière de football, on peut penser que dynamiser le rugby dans ces territoires, où il peine à s'implanter, pourrait apporter un plus à ce sport.

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Je souhaite vous interroger sur les centres de formation des clubs professionnels. Ces clubs assurent la formation des jeunes, lesquels suivent parallèlement un cursus scolaire. Leur financement repose pour l'essentiel sur des subventions de la ligue nationale et sur celles des collectivités locales. Les exigences du rugby et les nouvelles règles qui s'appliquent aux joueurs imposent à l'ensemble des clubs un investissement important en matière de formation. Ainsi, les jeunes doivent être formés de plus en plus tôt et passer de plus en plus de temps à s'entraîner.

Les conditions dans lesquelles ils conduisent leur double cursus me préoccupent. La formation sportive très exigeante doit s'insérer tant bien que mal dans le projet scolaire ; en effet, si dans d'autres sports, les jeunes s'entraînent deux fois par jour, ce n'est pas le cas au rugby. Ce qui est possible dans les Pôles Espoirs Rugby de la fédération ne l'est pas dans les établissements scolaires qui sont fréquentés par les jeunes des centres de formation. Chacun s'adapte et s'accommode au mieux ; libérer les lycéens dépend du bon vouloir du chef d'établissement, qui est contraint par les temps scolaires et les programmes. Cette situation ne permet pas un parcours harmonieux dans lequel les deux projets trouvent leur place, sans risque pour la réussite des jeunes. Pour que les centres de formation jouent pleinement leur rôle et contribuent à la qualité et aux performances du rugby français, pour qu'ils continuent à alimenter le vivier dans lequel puisent les clubs et les sélectionneurs nationaux, ils doivent pouvoir assurer la formation dans de meilleures conditions. De quelle manière la Fédération française de rugby pourrait-elle contribuer à résoudre ces difficultés ? Pourrait-on imaginer, par exemple, qu'une convention entre la fédération et le ministère de l'éducation nationale fixe les règles d'un partenariat décliné au niveau de l'académie et permette de créer véritablement les conditions de cette double formation ?

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Je souhaiterais poser trois questions. La première concerne le projet de Grand Stade. Quelle forme prendra l'emprunt obligataire qui a été évoqué ? Par ailleurs, quelles sont les grandes tendances du débat public qui est actuellement en cours et qui prendra fin le 13 février ? Des points de blocage sont-ils apparus au cours de cette phase de concertation ?

La deuxième question concerne l'avenir des coupes européennes. Nous sommes dans une année de transition après les tensions qui sont apparues à l'automne. Va-t-on vers un statu quo ou vers une prise en compte, dans les années à venir, des demandes des clubs ? Ce point constitue un élément d'incertitude dans le calendrier d'organisation des compétitions.

Enfin, ma dernière question est relative au rugby à sept, dont les Jeux Olympiques de Rio en 2016 vont assurer l'exposition médiatique. Vous avez parlé d'une démarche spécifique pour préparer ces Jeux ; le but est-il de tenir notre rang dans cette grande manifestation ou s'agit-il d'un plan de développement du rugby à sept, auquel cas se pose la question de l'articulation avec le rugby à quinze ? Va-t-on vers une complémentarité ou vers une concurrence ? C'est un vrai sujet d'inquiétude dans l'univers du rugby.

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Les retransmissions des matches de rugby à sept montrent que ces spectacles, très attractifs, ont un fort potentiel télévisuel. Je suis persuadé qu'au-delà du fait que la discipline figure aux Jeux Olympiques de Rio, le rugby à sept représente pour la Fédération française de rugby et pour l'ensemble du rugby un potentiel de développement important, notamment pour le rugby féminin.

Ma question porte sur la solidarité entre le sport professionnel et le sport amateur. Au cours d'un travail commun mené l'an dernier avec Guénhaël Huet, nous avons pu évaluer à 10 % le taux de retour du sport professionnel vers le sport amateur en France, ce qui est insuffisant. Vous avez indiqué que 57 % des recettes de la Fédération française de rugby étaient consacrés au développement du sport, amateur et professionnel. Pouvez-vous préciser ce taux, s'agissant du sport amateur ? Une des particularités du rugby, semble-t-il, est que le flux financier va du sport amateur vers le sport professionnel, via la ligue : ce sont les 23 millions d'euros que vous avez évoqués. L'augmentation des droits télévisuels, de 32 à 71 millions d'euros, est considérable. Avez-vous eu des discussions avec la Ligue nationale de rugby pour flécher cette manne financière ? Cette dernière va-t-elle avoir des incidences sur le taux de solidarité du sport professionnel vers le sport amateur ?

Par ailleurs, la mise à disposition des équipes nationales est, comme vous l'avez souligné, un facteur majeur de la redistribution entre sport professionnel et sport amateur ; le fait de pouvoir négocier avec la ligue une mise à disposition convenable des équipes de France est un élément stratégique de ces relations. Aussi, que faites-vous en matière de formation et d'emplois sportifs ?

Enfin, s'agissant de la lutte contre le dopage, M. Bruno Genevois, président de l'Agence française de lutte contre le dopage, semblait assez critique sur le Tournoi des six nations en déplorant qu'il n'y ait que deux contrôles anti-dopage par match effectué, et seulement des contrôles urinaires. Y a-t-il des progrès à réaliser dans ce domaine ?

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Je n'insisterai pas sur le scandale récent dont a parlé ma collègue Barbara Pompili, qui ne fait rien pour redorer le blason du rugby. Mais pouvez-vous préciser les procédures que vous avez mises en place afin que le blanchiment d'argent ne puisse plus se reproduire dans aucune des billetteries ? Par ailleurs, j'espère que vous répondrez aux nombreuses questions qui vous ont été posées sur le Grand Stade, projet qui ne fait pas l'unanimité comme l'ont rappelé Michel Ménard et Barbara Pompili, et que vous rendrez compte des différents points de vue et pas seulement de ceux favorables au projet.

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J'apprécie fortement les vertus et les valeurs intrinsèques du rugby, qu'il importe de transmettre à notre jeunesse, à une époque où la notion d'équipe et l'importance de s'adapter à l'autre pour évoluer et réussir sont trop oubliées. Mais, s'il y a le Top 14 d'un côté, très belle image pour les territoires comme je le constate dans mon département, à Brive, il y a aussi les jeunes et leur formation de l'autre. Nous avons besoin de l'aide de la Fédération française de rugby pour que, localement, les petits clubs puissent mieux les encadrer et les entraîner. J'évoquerai en conclusion le sujet tabou de la « troisième mi-temps » et ses ravages sur nos jeunes, lorsqu'être un homme signifie ne plus pouvoir tenir sur ses jambes et que les retours en voitures se terminent en catastrophe. Serait-il possible d'expliquer que l'image du rugby sera encore plus belle si, au-delà des valeurs de ce sport, la troisième mi-temps devenait un moment de convivialité, d'amitié et de partage, et qu'il y a des frontières dangereuses à ne pas dépasser ?

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N'est-il pas à craindre que le projet de Grand Stade centralise les moyens financiers au détriment des structures locales et des licenciés, notamment en milieu rural, et surtout bien au nord de la Loire ? Il est vrai qu'avec cet investissement et ses retombées économiques, l'avenir du rugby semble assuré, mais la redistribution reste floue car concentrée en Île-de-France. Pour favoriser la pratique de ce sport, fort de 1 800 clubs et de plus de 400 000 licenciés, il faut la renforcer au Sud mais surtout la développer au Nord. Si le développement au sein des communautés urbaines semble simple grâce aux infrastructures liées à l'urbanité, il n'en va pas de même pour les territoires ruraux. Comment la Fédération française compte-t-elle accompagner les clubs ruraux ? Je pense, par exemple, à celui d'Yvetot dans ma circonscription, qui compte 300 licenciés et dont je salue les encadrants et les bénévoles qui oeuvrent toute l'année en particulier sur l'aide au transport. Comment favoriser la cohésion et la mixité ? En résumé, quelle est votre politique pour le rugby des champs, au nord de la Loire ?

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Monsieur le président, je vous remercie de cette présentation de votre fédération et du stade que vous envisagez de créer.

Deux questions me paraissent devoir être posées, dans la perspective de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation du sport. D'une part, celle de la formation des joueurs français. Alors que les clubs professionnels semblent privilégier le recrutement massif de joueurs étrangers, venus de l'hémisphère sud ou d'autres pays européens, les collectivités financent les centres de formation. La fédération est-elle à même de gérer seule ce problème qui mettra en cause, à terme, le niveau de l'équipe de France ou souhaite-t-elle, au contraire, un encadrement législatif plus ferme ?

D'autre part, eu égard aux problèmes qui sont apparus dans les relations entre la fédération et la ligue, la fédération est-elle en mesure de gérer ces questions, la loi rappelant simplement l'obligation d'une intégration des ligues professionnelles aux fédérations, ou est-elle favorable à ce que la loi organise plus précisément ces relations ?

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Au risque de peiner notre collègue Michel Pouzol, si un grand stade de rugby devait être construit, il pourrait l'être dans le sud de la France, qui regroupe les plus grands clubs du rugby français. Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, a signé une convention avec la Fédération française de rugby à treize pour la création de trente emplois d'avenir au sein de la fédération. Votre fédération envisage-t-elle d'en faire autant ? Si oui, sous quelle échéance ?

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Monsieur le président, vos propos rendent compte de l'évolution du rugby au cours des trente dernières années. En tant qu'ancien pratiquant, je note le pas qui a été franchi. La professionnalisation qui est aujourd'hui à l'oeuvre doit-elle être accélérée ou, au contraire, freinée ? Par ailleurs, il me semble qu'il y a des efforts à faire pour les clubs du nord de la France. Enfin, serait-il opportun de fusionner le rugby à sept et le rugby à treize, aujourd'hui en très grande difficulté, en oubliant le passé ?

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Je salue le travail formidable que la fédération accomplit depuis plusieurs années. En ce qui concerne le projet de Grand Stade, si nous comprenons les intentions de la fédération et les mauvais coups qu'elle a subis de la part du Stade de France, nous n'en sommes pas moins des élus, soucieux de la bonne utilisation des deniers publics. Plusieurs stades ont été conçus ces dernières années : le Stade de France, le stade de Lille et, à Paris, le stade Jean Bouin. Même si votre projet doit être entièrement financé par des fonds privés, cela se fera au détriment des investissements publics réalisés ces dernières années dans les grands équipements.

Par ailleurs, dans un registre plus facétieux, nous avons voté hier une loi sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Je constate que votre délégation, aujourd'hui, ne respecte pas les dispositions de cette future loi ! Dès lors, qu'entendez-vous faire pour vous mettre en conformité avec celle-ci et pour permettre à des femmes d'accéder aux instances dirigeantes de votre fédération ? Il n'est pas impossible que nous décidions bientôt d'imposer des équipes mixtes dans les compétitions internationales ! Blague à part, nous avons vu plusieurs présidents de fédération s'élever contre la disposition du projet de loi qui impose la parité dans les instances dirigeantes des fédérations. J'ai compris que vous n'étiez pas opposé à cette évolution, mais qu'elle prendrait du temps.

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Le nombre d'interventions montre à quel point le rugby déchaîne les passions dans l'enceinte de cette commission !

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Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby

Les nombreuses questions qui viennent de nous être posées démontrent en effet l'intérêt de la représentation nationale pour ce sport. Je tiens, au préalable, à préciser que le parquet de Marseille n'est nullement saisi de faits de blanchiment de la part de la Fédération française de rugby. Le chef de l'office central de la grande délinquance financière a confirmé que son service ne menait aucune enquête à ce sujet. J'indique que nous nous sommes d'ailleurs portés partie civile dans cette affaire, notre image ayant été touchée. Vous avez suffisamment l'habitude des mots pour ne pas employer le terme de « blanchiment » à la légère.

Pour répondre à M. le député Darmanin, j'ai pour habitude de respecter les lois, dès lors qu'elles entrent en vigueur et que les décrets nécessaires à leur application le sont également ! Pour mémoire, j'ai obtenu qu'une nouvelle gouvernance soit mise en place, avec le vote décentralisé, le non-cumul des mandats – question, me semble-t-il, d'actualité dans cette enceinte ! – et leur limitation. Cette loi nous aidera assurément à approfondir cette réforme de la gouvernance que j'appelle de mes voeux.

En matière de formation des joueurs, l'article 165 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fonde la notion de « double projet », qui vise à assurer la réussite tant sportive que scolaire et professionnelle. Le Pôle France, le centre d'entraînement permanent de la fédération, a cette année pour parrain M. Michel Serres, précisément pour illustrer la nécessité d'aller au-delà du sport. J'ai souhaité, après la Coupe du monde, réunir tous les acteurs du rugby français dans le cadre des assises nationales du rugby. C'est à l'issue de ces échanges que nous avons mis en place le plan Ambition 2020. Cependant, force est de constater que ce double projet est un non-dit. Il ne suffit pas d'en parler, il faut encore pouvoir le faire. Dans toutes nos actions, nous insistons sur cette nécessité. Avec le Pôle France, qui accueille des jeunes de moins de 19 ans, nous sommes en capacité de le faire. Deux étudiants de l'École polytechnique les accompagnent dans leurs études.

En ce qui concerne les contrats que nous avons passés avec quatorze joueurs professionnels, nous en augmenterons le nombre en fonction des moyens dont nous disposerons. Il convient de noter qu'ils sont fortement incités, par le biais de primes et de pénalités, à suivre des études en parallèle. Nous ne pouvons toutefois pas conduire ce type d'action à la place des clubs.

Vous avez indiqué que la fédération avait grandi trop vite, même si nous avons connu une baisse de 2 % des effectifs – baisse peu significative, M. Thierry Braillard en conviendra. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu ces assises, pour nous interroger sur cette évolution, notre fonctionnement, nos valeurs. Il faudrait probablement mieux s'adapter à l'université et aux rythmes scolaires ; mais nous ne sommes pas le seul acteur de l'éducation.

Je reviens sur l'usage que j'ai fait du terme « entreprise ». La fédération assure une mission de service public et n'a pas de dividendes à distribuer à des actionnaires. Il faut être conscient des réalités : les subsides de l'État – 54 cadres techniques et un million d'euros – ne lui suffisent pas pour aider les clubs de toute la France. Je rappelle que la fédération est la seule à assurer les remboursements kilométriques de tous les joueurs, quel que soit le niveau de la compétition. Cela la conduit à chercher les moyens de développer ses ressources propres. Je souhaiterais répondre aux demandes qui me sont faites ; mais je ne le peux malheureusement pas. J'ai l'habitude de comparer la communauté du rugby à un paquebot : certains ont peut-être la chance de jouir d'une meilleure vue depuis le pont supérieur, mais tous doivent demeurer solidaires car si le bateau fait naufrage, il emporte tout le monde.

S'agissant des joueurs de nationalité étrangère, il faut tenir compte des exigences posées par la Commission européenne. Le raisonnement ne doit pas être fondé sur la nationalité des joueurs mais sur leur appartenance à un club.

En réponse aux questions qui m'ont été posées sur le rugby féminin, je vous indique que nous avons environ 15 000 licenciées, ce qui place le rugby dans une proportion très proche de celle du football. Il faut dire que le développement de la pratique féminine de ces deux sports est entravé par le fait qu'ils se jouent en plein air, sur des terrains qui ne peuvent être utilisés, sous réserve des conditions météorologiques, que certains mois et encore quelques heures dans la journée, là où les sports en salle bénéficient d'équipements qui, utilisables sur une période de temps plus longue, peuvent être plus facilement partagés. Sans doute le développement de l'installation de terrains synthétiques, autorisant une utilisation plus longue des équipements, contribuera-t-elle à une plus grande féminisation du rugby.

Il y a plusieurs façons d'aborder la question de la construction du nouveau stade ; en cette matière, je crois – ce doit être mon côté Girondin – que les bonnes idées peuvent aussi venir de la base et non pas seulement du sommet. On me parle de concurrence avec les installations existantes, soit. Mais c'est surtout entre grandes villes européennes que se joue la concurrence aujourd'hui pour l'organisation de grands rendez-vous sportifs ! À l'heure où l'on met en place la métropole du Grand Paris, il faut se donner les moyens de ses ambitions. Dans la situation actuelle, les équipements existants sont, durant les périodes d'été, sujets à la concurrence entre les différents sports, mais aussi avec certains événements culturels, des grands concerts, notamment.

En ce qui concerne les risques pour le rugby amateur, les financements disponibles seront d'autant plus grands que le point mort sera atteint dans le remboursement de l'emprunt contracté pour la construction du Grand Stade.

En réponse notamment à Mme Dion qui m'interrogeait sur les cadres techniques, je dois vous dire que le contexte budgétaire actuel nous contraint – on peut le regretter – à faire des choix ; certes, il n'y a pas assez de cadres techniques mais nous manquons de ressources pour recruter davantage. D'importants efforts budgétaires ont été consentis après la Coupe du monde, nous avons alors recruté 70 personnes pour quatre ans, pour un coût de 6 millions d'euros. Mais je ne mentirai pas : ces efforts ne peuvent être maintenus au même niveau aujourd'hui.

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Paul De Keerle, directeur financier de la Fédération française de rugby

Ce qui importe à la fédération, c'est qu'elle puisse jouer ses matches. Si nous ne sommes pas en mesure de jouer, nous ne pourrons pas rembourser les clubs, quelle que soit leur localisation. D'ailleurs, les clubs de l'Est de la France bénéficient de remboursements plus importants, puisqu'ils effectuent de plus grandes distances que les autres pour jouer ces matches. Le futur Grand Stade permettra, une fois les remboursements effectués, de dégager 50 millions d'euros par an pour le rugby amateur, à l'instar de la fédération anglaise du rugby, bientôt suivie de la fédération galloise. Si la Fédération française renonçait au projet, les fonds ne seraient tout simplement pas levés et ne pourraient nullement financer les dépenses de fonctionnement des clubs et le rugby amateur.

Pour ce qui est du financement, dans les pays du sud de l'Europe, ce sont des systèmes de « socios » qui ont été utilisés ; la Fédération française de rugby ne pouvant pas avoir de coactionnaires, cette solution n'a pu être retenue. Les pays anglo-saxons ont conçu un nouveau modèle de développement, fondé sur un emprunt obligataire. Les personnes fières de participer au développement de leur sport prêtent de l'argent à leur fédération et bénéficient, en échange, d'un droit d'achat prioritaire de places. C'est le modèle que nous avons retenu ; nous procéderons d'ailleurs bientôt à une première émission obligataire, de taille modeste et destinée à financer des investissements immobiliers au Centre national de rugby.

Le « naming » fait partie des sources de financement du stade ; il a une valeur importante compte tenu du rayonnement international du stade. Son utilisation devrait nous permettre d'emprunter moins d'argent.

Vous avez par ailleurs suggéré que nous achetions le Stade de France. Cela ne me semble pas envisageable, étant donné qu'il appartient au domaine public et qu'il est donc inaliénable. La concession actuelle prendra fin en 2025 ; elle sera ensuite à nouveau proposée, mais il y aura vraisemblablement une forte concurrence pour l'obtenir. Le stade Jean Bouin ou celui de l'Arena 92 n'ont pas du tout les mêmes jauges que le stade que nous souhaitons créer : leur taille réduite ne leur permet pas d'accueillir une Coupe du monde. Certes, le Stade de France fera concurrence au Grand stade. Je rappelle toutefois que l'État, qui n'a financé le Stade de France qu'à 50 %, est au total bénéficiaire, grâce aux taxes et impôts qu'il a prélevés. Ce stade est, depuis juillet, totalement remboursé, ce qui modifie complètement son économie. Londres, par exemple, dispose de deux stades de 90 000 places, qui vivent très bien : Wembley, qui appartient à la fédération anglaise de football, et Twickenham, en lisière de Londres. Ce projet est par ailleurs extrêmement sûr, compte tenu du fait que les dates des rencontres sportives sont d'ores et déjà fixées jusqu'en 2073. En cela, il n'y a pas d'aléa sportif.

En ce qui concerne les normes de haute qualité environnementale, il n'en existe pas pour ce type de bâtiment. Néanmoins, nous réfléchissons à adopter une démarche environnementale. Il en va de même en matière d'accessibilité.

Ce stade sera tout à fait ouvert à la société civile, puisqu'il ne comportera pas de pelouse fixe. Entre les grands matches qui doivent assurer la rentabilité financière du projet, le stade pourra être utilisé quotidiennement, par exemple pour des remises de diplômes, comme c'est le cas du stade de Dallas ou de Houston, aux États-Unis.

Ce stade va également générer des emplois : 500 emplois pour sa construction, puis 120 emplois permanents pour son exploitation quotidienne et 1 800 emplois temporaires lors des grands événements. Il va également assurer le développement économique du territoire sur lequel il est situé. Une convention a été signée avec les collectivités pour favoriser l'emploi local. Les retombées fiscales sont par ailleurs estimées, sur cette zone, à 13 millions d'euros.

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Jean-Claude Skrela, directeur technique national de la Fédération française de rugby

Contrairement à ce qui est dit parfois, je ne crois pas que la formation des joueurs pose problème en elle-même : elle est très bonne et cohérente, que ce soit dans les Pôles Espoirs ou dans les centres de formation. Le problème réside en revanche dans la phase de perfectionnement des jeunes joueurs, à l'issue de leur formation initiale. Ces jeunes manquent d'expérience dans le jeu de haut niveau, car les clubs professionnels ne leur donnent pas suffisamment l'opportunité de jouer, préférant trop souvent donner la priorité à des joueurs étrangers ayant davantage d'expérience. Si je fais une comparaison avec le rugby à sept, au sein de l'équipe qui devra se qualifier pour les Jeux Olympiques – et qui s'y rendra pour gagner ! – on ne compte pas moins de cinq jeunes joueurs issus de la formation, dont un, âgé de dix-neuf ans seulement, a été sacré meilleur joueur de la récente compétition de Las Vegas. Il faut donner aux jeunes joueurs l'opportunité de jouer au plus haut niveau.

Il ne doit pas y avoir de concurrence entre le rugby à sept et le rugby à quinze, mais il faut aussi tenir compte des faits : pour les compétitions internationales, cent dix nations sont inscrites pour le premier, contre seulement une vingtaine pour le second…

Concernant les emplois, la fédération ne comprend que 54 cadres techniques d'État mais il faut aussi tenir compte de la centaine de cadres techniques fédéraux qui assurent la formation de quelque 5 000 à 8 000 éducateurs chaque année au sein des écoles de rugby. La fédération participe ainsi très largement à la création d'emplois dans le domaine sportif !

Enfin, je veux rappeler que le rugby est un sport collectif de combat. Si une équipe veut avoir des résultats, elle doit adopter un état d'esprit de solidarité ; on peut d'ailleurs penser que les difficultés que connaît un certain club aujourd'hui, qui a de nombreuses « vedettes » en son sein, pourraient justement s'expliquer par le manque d'un tel état d'esprit…

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Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby

Je voudrais conclure sur les très importantes questions liées à la santé des joueurs. C'est un sujet qui nous tient particulièrement à coeur. Nous finançons une quatrième thèse sur la question, qui compare l'état de santé de joueurs avec celui d'une population témoin. Nous modifions en permanence nos règles pour tenir compte de ces questions.

La fédération consacre chaque année 22 millions d'euros aux assurances : nous mettons un point d'honneur à indemniser très correctement les joueurs blessés. Un joueur qui se trouverait invalide à 66 % serait ainsi indemnisé à hauteur de 4,5 millions d'euros. Nous sommes attentifs à la santé sous toutes ses formes.

S'agissant des éventuelles dérives constatées à l'occasion des troisièmes mi-temps, la fédération mène des actions pour rendre les jeunes plus responsables : songeons à l'opération « capitaine de soirée » ou au Prix de la convivialité responsable. Pour autant, la fédération et l'État ne peuvent pas tout ; il appartient aux clubs, mais aussi aux parents de ces jeunes joueurs, d'assumer également leurs responsabilités en la matière.

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M. le président Camou, je vous remercie infiniment de ce long échange qui a, je crois, permis d'aller au fond des différents sujets. Transmettez aux joueurs nos encouragements pour le tournoi qui va s'ouvrir très bientôt !

La commission procède ensuite à l'examen de la proposition de loi de M. Bruno Le Roux, tendant à harmoniser les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne.

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Mes chers collègues, j'ai le grand plaisir de vous présenter ce matin mon rapport sur la proposition de loi que j'ai déposée avec Bruno Le Roux, Michel Françaix et les membres du groupe SRC, tendant à harmoniser les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne.

Cette proposition de loi fait suite à l'initiative bienvenue du Premier ministre qui a annoncé le 17 janvier dernier l'application, dès le 1er février prochain, d'un taux de TVA de 2,1 % à la presse en ligne. Cette résolution explique les délais particulièrement resserrés dans lesquels nous sommes amenés à examiner ce texte, sur lequel le Gouvernement a engagé la procédure accélérée.

Il s'agit d'une mesure dont nous connaissons très bien les enjeux et qui est, comme vous le savez, particulièrement attendue par l'ensemble du secteur de la presse et par un grand nombre d'entre nous, sur tous les bancs, qui militons depuis longtemps pour qu'il soit mis fin à l'anomalie que constitue l'application d'un taux de TVA de 20 % à la presse en ligne.

En effet, la réglementation européenne ne permet toujours pas, en l'état actuel, de faire bénéficier la presse en ligne du taux dit « super réduit » de TVA, qui existe depuis la création de cet impôt, et qui constitue pourtant, en France comme à l'étranger, le socle de la politique de soutien public à la presse. Je rappelle que cette politique publique a un fondement constitutionnel puisqu'elle découle de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen qui dispose que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme ».

Comme l'a confirmé la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'objectif de préservation et de développement du pluralisme de la presse fait obligation à l'État de prendre les mesures y concourant.

Le droit européen entre ainsi en contradiction avec l'obligation constitutionnelle qu'ont les pouvoirs publics de soutenir un secteur qui traverse une crise extrêmement préoccupante et dont l'avenir, voire la survie, est aujourd'hui largement conditionné à sa capacité à réussir sa transition numérique.

Depuis plusieurs années, la France a donc entrepris des démarches actives auprès des institutions de l'Union européenne afin d'obtenir la possibilité explicite d'appliquer des taux de TVA réduits aux biens et aux services culturels en ligne.

Ces démarches commencent à produire certains résultats, tant auprès de la Commission et du Parlement européen que des autres États membres.

Le Parlement européen s'est prononcé par trois fois en faveur de l'application d'un taux réduit de TVA aux oeuvres numériques. La Commission a quant à elle annoncé qu'elle produirait dès le début de cette année une étude sur la question des taux de TVA examinant toutes les solutions, dont celle d'une révision de la directive encadrant ces taux.

Autre avancée majeure : l'Allemagne qui était jusqu'ici résolument opposée à la demande française de révision de la directive TVA vient de s'y rallier, dans son accord de coalition gouvernementale.

Toutefois, les intentions de la Commission demeurent encore incertaines. En outre, quand bien même la Commission adopterait une proposition de révision de la directive – ce qui n'est pas acquis –, cette proposition devra encore être adoptée par le Conseil à l'unanimité des États membres. Or plusieurs États demeurent opposés à une révision de la directive en ce sens.

Dans ce contexte, le Gouvernement a choisi de faire prévaloir la légitimité sur la légalité et de prendre sans plus attendre les responsabilités qui sont les siennes vis-à-vis du secteur de la presse.

La situation actuelle n'apparaît en effet pas compatible avec le principe de neutralité fiscale et technologique, reconnu par ailleurs par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Ce principe s'oppose à ce que des marchandises ou des prestations de services semblables, qui se trouvent donc en concurrence les unes avec les autres, soient traitées de manière différente du point de vue de la TVA.

C'est d'ailleurs en se basant sur ce principe que la loi de finances pour 2011 a étendu, à compter du 1er janvier 2012, le taux réduit de TVA appliqué aux livres imprimés aux livres numériques. Le Gouvernement actuel a confirmé la position prise par le Gouvernement et le Parlement sous la majorité précédente, en considérant que ce choix du législateur, qui garantit un traitement fiscal équivalent aux oeuvres indépendamment de leur support de diffusion, est juste et cohérent. Le 3 juillet 2012, la Commission européenne a adressé à la France une mise en demeure. En septembre, après de nombreux échanges avec la Commission, cette affaire a été portée devant la Cour de justice. La France maintient et défend sa législation devant le juge européen, en plaidant pour la neutralité fiscale et technologique.

Il est par cohérence proposé de tenir une position identique pour la presse, d'autant que l'application du taux super réduit à la presse en ligne est d'une importance économique vitale pour ce secteur qui se trouve confronté au défi de sa transition numérique, dans une situation d'extrême fragilité.

Le différentiel de taux de TVA est, comme vous le savez, un lourd handicap économique pour la presse et un obstacle à l'émergence d'un modèle économique viable pour la presse payante en ligne.

Dans une tentative de contourner partiellement la difficulté, la loi de finances rectificative pour 2009 avait prévu l'application du taux super réduit aux offres composites - offres d'abonnement à l'édition papier et numérique –, selon des modalités fixées par voie réglementaire. Cette situation n'est pas satisfaisante puisqu'elle incite les acteurs de la presse imprimée qui proposent des éditions numériques de leurs titres à le faire de façon conditionnée à l'abonnement au titre de la presse imprimée. Cette forme de « contorsion commerciale » conduit à faire des services de presse en ligne des biens de consommation totalement « accessoires » pour lesquels le client ne paie pas directement. En outre, elle freine la dynamique de transition naturelle de la presse imprimée à la presse en ligne.

Sur le plan budgétaire, la mesure proposée est peu coûteuse, voire vertueuse. Son coût est estimé à 5 millions d'euros pour la première année d'application. Cependant, les études disponibles montrent que le manque à gagner serait à l'échéance de quatre ans partiellement compensé par le développement de la filière de la presse en ligne, qui induirait à moyen terme une hausse de la TVA perçue. Il y aurait donc pour l'État une sorte de rapide retour sur investissement.

Afin de montrer combien cette mesure est consensuelle, je rappellerai qu'elle a été préconisée par tous les rapports consacrés à l'avenir de la presse : le rapport du Conseil d'État de 1998 sur Internet et les réseaux numériques, le rapport de Marc Tessier de 2007 consacré à la presse face au défi du numérique, le livre vert des États généraux de la presse de 2009, le rapport d'information que j'ai co-signé avec Patrice Verchère en juin 2011 sur la révolution numérique et les droits de l'individu, le rapport d'avril 2013 du groupe d'experts sur l'avenir des aides à la presse présidé par Roch-Olivier Maistre et auquel a participé notre collègue Michel Françaix, le rapport de la mission sur l'acte II de l'exception culturelle présidée par Pierre Lescure de mai 2013 et les avis sur les crédits en faveur de la presse faits au nom de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée par Michel Françaix puis par Rudy Salles.

Je rappellerai également l'opiniâtreté avec laquelle, depuis plusieurs années, dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances qui se sont succédé, Patrice Martin-Lalande pour le groupe UMP, Michel Françaix et moi-même pour le groupe SRC avons proposé des amendements tendant à étendre le bénéfice du taux super réduit de TVA à la presse en ligne.

Je soulignerai enfin que la présente proposition de loi ne soulève aucune difficulté sur le plan technique puisqu'elle s'appuie sur la définition des services de presse en ligne qui a déjà été introduite à l'article 1er de la loi du 1er août 1986 relative au régime juridique de la presse par la loi du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, dite Hadopi I.

Cette définition a été précisée et affinée par décret et par une jurisprudence importante de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), qui est chargée d'agréer les services de presse en ligne. Ses principaux éléments sont : une maîtrise éditoriale par la personne éditrice ; la production et la mise à disposition du public d'un contenu original, renouvelé régulièrement ; le traitement journalistique des informations et leur lien avec l'actualité, et l'exclusion des outils de promotion ou des accessoires d'une activité industrielle et commerciale.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous invite à adopter sans modification cette proposition de loi qui me semble pouvoir recueillir le soutien le plus large.

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Cette proposition de loi constitue une heureuse initiative. Tous les acteurs de la profession le confirment : nous nous éloignons de l'ère ouverte par Gutenberg pour embrasser celle du numérique.

L'ensemble de la presse écrite du monde occidental connaît une crise et une mutation profondes, de nature technologique et économique. Il n'apparaît pas abusif de qualifier cette transformation de révolution. Conquis peu à peu par une culture de l'immédiateté et de la gratuité, les lecteurs – notamment ceux appartenant aux jeunes générations – se détournent progressivement de la presse imprimée payante pour s'informer sur la toile.

La presse papier n'est pas appelée à disparaître, mais les éditeurs doivent envisager une mixité nouvelle entre les produits imprimés et les digitaux. Cette diversification de l'offre est un défi à la fois industriel et économique – le modèle mixte ne garantissant pas pour l'instant la couverture des coûts par des recettes suffisantes. La presse imprimée subit l'érosion et le vieillissement de son lectorat, la réduction régulière du nombre de points de vente, la déstabilisation de Presstalis, la diminution de son chiffre d'affaires, la fuite massive des petites annonces et la chute significative de ses recettes publicitaires ; son écosystème se trouve donc plongé dans une spirale inquiétante.

Dans le même temps, le monde nouveau de la presse digitale peine à fournir les relais de croissance dont les éditeurs auraient besoin pour accompagner la révolution des usages ; en effet, les sites d'information en ligne ne peuvent plus être conçus comme de simples prolongements numériques des versions imprimées. La mise en ligne d'une offre éditoriale de qualité exige des investissements d'autant plus lourds que les lecteurs ont pris l'habitude de produits multimédias offrant des modules audio et vidéo qui enrichissent l'information fournie. Ni sous-produit numérique de la presse papier ni média de complément du titre existant, la presse en ligne doit disposer d'une indépendance qui rejaillira sur la presse imprimée, celle-ci devant également s'émanciper davantage du contenu numérique.

Nous avons réussi à obtenir un taux de TVA identique pour le livre, qu'il soit imprimé ou numérique ; nous devons faire de même pour la presse, afin de prendre en compte les nouveaux usages et de stimuler économiquement le secteur. Accompagnons cette transition, cherchons à éviter la rupture et, par ce taux de TVA à 2,1 %, donnons à la presse en ligne les moyens de s'en sortir. Le syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL) a d'ailleurs fait de cet alignement du taux de TVA sa principale – voire unique – revendication.

Il est donc indispensable de voter cette proposition de loi qui devrait faire l'objet d'un large consensus.

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Comme pour le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, je regrette que la Commission travaille dans des conditions aussi défavorables. Vous avez en effet été officiellement nommé hier rapporteur de cette proposition de loi, monsieur le président, et votre rapport nous est parvenu hier soir à dix-huit heures vingt-deux pour un examen du texte ce matin. La représentation nationale est particulièrement malmenée en ce moment et cela contribue au discrédit de notre fonction.

Le 10 juillet dernier, le Gouvernement avait exprimé son souhait d'abaisser le taux de TVA des services de presse en ligne et d'intensifier les échanges avec nos partenaires européens pour encourager la Commission européenne à les intégrer dans les discussions sur la directive relative à la TVA. Vous avez choisi le véhicule législatif de la proposition de loi pour abaisser de 20 % à 2,1 % le taux de TVA applicable aux services de presse en ligne afin de l'aligner sur celui en vigueur pour la presse papier. Ce nouveau taux super réduit s'appliquera à compter du 1er février 2014.

Pendant des années, l'information en ligne n'a pas été considérée comme de la presse, celle-ci devant nécessairement être imprimée. Un décret de 2009 a mis fin à cette situation et a permis aux sites d'obtenir un numéro auprès de la CPPAP. Le droit fiscal considère cependant la presse imprimée et la presse numérique comme deux catégories distinctes, la première bénéficiant du taux de 2,1 % grâce à son statut de publication, alors que la seconde, classée comme un service de communication fourni par voie électronique, est soumise au taux normal de TVA.

Dans votre rapport, vous justifiez l'alignement du taux de TVA de la presse numérique sur celle en version papier par le fait que la situation actuelle méconnaît le principe de neutralité fiscale et technologique, puisque l'égalité entre ces deux formes de presse n'est pas respectée. Vous soulignez également, à juste titre, l'enjeu économique d'une telle mesure dans un contexte où la presse se trouve fragilisée. Évalué à 5 millions d'euros, le manque à gagner en recettes de TVA est marginal au regard du budget de l'État. En outre, comme vous l'indiquez, cette harmonisation fait l'objet d'un consensus politique.

Le Gouvernement a annoncé que la France poursuivrait les discussions avec ses partenaires européens et la Commission pour demander la révision de la directive sur la TVA, et notamment l'application du taux réduit au livre numérique et au service de presse en ligne. Il prend néanmoins le risque d'être condamné par la CJUE.

Plusieurs députés UMP, Patrice Martin-Lalande en tête, ont déposé des amendements identiques à cette proposition de loi à l'occasion des derniers débats budgétaires – lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2013 notamment –, et la majorité les avait rejetés. Je vois donc dans ce texte un revirement heureux de la part du groupe socialiste.

Cette proposition de loi intervient au moment où plusieurs médias en ligne - Mediapart, Indigo et Terra eco – sont la cible d'un contrôle fiscal pour avoir délibérément appliqué depuis trois ans un taux de TVA de 2,1 % ; ils se sont ainsi placés dans une situation d'illégalité et Mediapart se voit réclamer 1 million d'euros de redressement et de pénalités au titre des exercices 2008, 2009 et 2010. Envisagez-vous un effacement de ces créances fiscales ? Le SPIIL se réjouit de cette avancée législative prochaine et réclame la suspension des contrôles et des redressements fiscaux en cours. Quel est votre avis sur cette demande ?

Enfin, s'agissant d'un texte modifiant le code des impôts et ayant un impact budgétaire, pourquoi la Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire n'a-t-elle pas été saisie au fond ou pour avis ? La Commission des affaires culturelles et de l'éducation deviendrait-elle l'annexe de la Commission des finances ? Je serais curieuse de connaître l'avis de M. Christian Eckert, rapporteur général, sur ce texte.

Les députés du groupe UMP voteront cette proposition de loi dans la mesure où elle permettra d'accompagner l'émergence d'une presse en ligne.

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Cette proposition de loi rejoint la position des écologistes en faveur d'une égalité de traitement entre presse écrite et presse électronique. Rien ne peut en effet justifier que les entreprises diffusant du contenu payant en ligne soient soumises à des taux de TVA différents de celles qui utilisent un support physique.

La baisse de la TVA constitue un encouragement intelligent pour les entreprises concernées car son bénéfice est directement perçu par les lecteurs. Elle est aussi beaucoup plus vertueuse que le versement de subventions qui font toujours l'objet de suspicions de conflits d'intérêts et laissent ouverte la question de l'indépendance de la presse. Il semble d'ailleurs nécessaire de remettre à plat l'ensemble des dispositifs de soutien à la presse qui ne sont désormais adaptés ni aux évolutions technologiques ni aux nouveaux comportements des lecteurs.

Nous soutenons cette proposition de loi, car il est nécessaire de mettre fin à un flou législatif sans fondement. Certains éditeurs de presse en ligne, comme Mediapart, Indigo et Terra eco, ont déjà choisi d'appliquer le taux de TVA super réduit de 2,1 %, au nom de la légitime égalité de traitement entre presse écrite et presse numérique. Depuis 2009, la question posée est celle non pas du support, mais du contenu éditorial : les sites d'information en ligne sont reconnus comme des services de presse. Aucun argument ne peut dès lors justifier le maintien d'une TVA à 2,1 % pour les uns et à 20 % pour les autres, qui s'apparente de fait à une distorsion de concurrence.

Il est aujourd'hui plus que nécessaire de sortir d'un schéma présentant les médias imprimés comme les seuls qui soient essentiels à la démocratie. C'est au contraire la pluralité de l'offre des sources d'information qui constitue une nécessité démocratique. Il est en conséquence de notre devoir de nous assurer que l'accès à l'information est offert à tous indépendamment des questions financières, ce que favorise la généralisation du taux de TVA super réduit.

Je rappelle aussi que Mediapart ou Indigo n'ont recours ni aux aides publiques ni à la publicité. Afin de garantir leur totale indépendance, ils ont choisi de ne percevoir que les sommes versées par leurs lecteurs. En leur imposant injustement une TVA dont le taux n'est pas minoré, nous nous en prenons directement à leurs clients et, en conséquence, à leur modèle économique. Parce qu'ils se sont appliqué un taux réduit de TVA, ils font l'objet de contrôles fiscaux qui menacent actuellement leur existence même. Ne faudrait-il pas, au contraire, parce qu'il est de notre devoir de permettre à chacun l'accès à une presse libre et indépendante, encourager ces médias qui ne rendent des comptes qu'à leurs lecteurs et qui ne dépendent pas de financements extérieurs ? C'est ce qui nous est proposé aujourd'hui.

Concernant le contexte européen, je partage l'analyse de notre rapporteur : afin d'éviter d'éventuels problèmes et de pérenniser l'égalité de traitement entre presse électronique et presse papier, il est nécessaire que la France entame une discussion avec ses partenaires européens en vue de la rédaction d'une nouvelle directive TVA qui assurerait une neutralité fiscale pour toute la presse, quel que soit le support qu'elle utilise, à l'instar de ce que nous avons fait pour le livre. Nous soutiendrons une telle initiative.

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Je suis en profond désaccord avec les reproches que Mme Virginie Duby-Muller a adressés à notre président. Pour avoir connu, lors de la précédente législature, les conditions compliquées et parfois irrespectueuses dans lesquels se déroulait le travail de notre commission, je souhaite rendre hommage à la façon dont elle est présidée aujourd'hui, avec le souci permanent de l'information des députés et d'une juste répartition du temps de travail. J'ajoute qu'il est quelque peu contradictoire de regretter que nous n'ayons pas plus de temps pour travailler sur la proposition de loi et de déplorer, dans le même temps, que les dispositions en question n'aient pas été adoptées par voie d'amendements – le sujet aurait alors été traité bien plus rapidement qu'aujourd'hui.

Au vu de la qualité du rapport présenté par notre président, je me contenterai d'une unique question : pourrions-nous envisager d'appliquer un taux zéro de TVA à la presse papier et numérique, comme le fait déjà la Grande-Bretagne ?

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Je remercie l'ensemble des intervenants pour avoir tous annoncé qu'ils voteraient cette proposition de loi.

En excellent connaisseur des enjeux de la presse, Michel Françaix nous a rappelé combien la question du taux de TVA était déterminante sur le plan économique à un moment où le monde des médias est en pleine transition. Il a eu raison de faire référence au combat similaire que nous avons tous mené ensemble concernant le livre numérique pour l'application du principe de neutralité fiscale et technologique.

Je ne nie pas que les observations de Virginie Duby-Muller aient quelque fondement. J'ai bien conscience que la procédure parlementaire a été rapide : dépôt de la proposition de loi vendredi dernier, possibilité de déposer des amendements jusqu'à ce lundi à dix-sept heures ; j'ai été nommé rapporteur hier après-midi ; vous avez en effet reçu un projet de rapport à dix-huit heures vingt-deux et le texte est inscrit à l'ordre du jour de la séance du mardi 4 février, après les questions au Gouvernement. Je ne sais pas si cela contribue au discrédit de la représentation nationale, mais ayant une tendance naturelle à positiver, je me suis dit qu'une telle rapidité de réaction était plutôt à porter au crédit du Parlement !

Vous avez évoqué des débats budgétaires passés qui nous ont vus les uns ou les autres défendre des amendements allant dans le sens de la réforme que nous examinons ce matin. Les gouvernements successifs nous opposaient invariablement la contrainte européenne parce que l'obstacle communautaire est une réalité. La Commission européenne étudie la possibilité de réviser la directive TVA, mais nous ne savons pas quand le processus aboutira. Son issue est d'autant plus incertaine que cette évolution demandera que les vingt-huit États membres soient unanimes sur le sujet, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Le même blocage ne nous a toutefois pas empêchés d'appliquer le taux de TVA du livre papier au livre numérique, ce qui a conduit notre pays devant la Cour de justice de l'Union européenne. De manière volontaire, nous nous acheminons donc vers un nouveau contentieux en appliquant le taux super réduit à la presse numérique. Je note que l'évolution de la position de l'Allemagne, qui se rapproche de nous en la matière, pourrait être prise en compte à Bruxelles. Barbara Pompili a souhaité que nous soyons volontaires et je l'en remercie : en ouvrant des contentieux, nous effectuons un travail de conviction auprès des instances de l'Union et des autres États membres.

L'Assemblée ne vote pas de lois visant à effacer un redressement fiscal ; seul le Gouvernement, en l'espèce le ministre du budget, a la possibilité d'agir en ce sens. Dans l'esprit de la loi que nous voterons, et sans que cette dernière ait, à proprement parler, aucun caractère rétroactif, nous pouvons toutefois inciter l'exécutif à envisager l'effacement du redressement fiscal de Mediapart.

Je rassure Virginie Duby-Muller : nous ne sommes pas devenus une annexe de la Commission des finances, pas plus que cette dernière ne serait devenue une annexe de notre Commission. Cette proposition de loi nous a été adressée en raison de notre compétence en matière de médias et de presse, avec l'accord du président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, Gilles Carrez et du rapporteur général, Christian Eckert, que je remercie pour leur compréhension.

Barbara Pompili a évoqué la très ancienne revendication d'une remise à plat de l'ensemble des aides à la presse en France. Une telle ambition peut tous nous rassembler, moins pour remettre en cause des dispositifs ayant montré leur efficacité que pour s'assurer qu'ils contribuent à la modernisation de la presse ainsi qu'aux transitions inévitables, et qu'ils profitent bien aux acteurs du pluralisme de l'information ainsi qu'aux lecteurs citoyens.

La Commission en vient à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article 1er : Harmonisation des taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne

La Commission adopte l'article 1er sans modification.

Article 2 : Gage

La Commission adopte l'article 2 sans modification.

Puis elle adopte à l'unanimité l'ensemble de la proposition de loi sans modification.

La séance est levée à douze heures quinze.