Intervention de Pierre Camou

Réunion du 29 janvier 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pierre Camou, président de la Fédération française de rugby :

Les nombreuses questions qui viennent de nous être posées démontrent en effet l'intérêt de la représentation nationale pour ce sport. Je tiens, au préalable, à préciser que le parquet de Marseille n'est nullement saisi de faits de blanchiment de la part de la Fédération française de rugby. Le chef de l'office central de la grande délinquance financière a confirmé que son service ne menait aucune enquête à ce sujet. J'indique que nous nous sommes d'ailleurs portés partie civile dans cette affaire, notre image ayant été touchée. Vous avez suffisamment l'habitude des mots pour ne pas employer le terme de « blanchiment » à la légère.

Pour répondre à M. le député Darmanin, j'ai pour habitude de respecter les lois, dès lors qu'elles entrent en vigueur et que les décrets nécessaires à leur application le sont également ! Pour mémoire, j'ai obtenu qu'une nouvelle gouvernance soit mise en place, avec le vote décentralisé, le non-cumul des mandats – question, me semble-t-il, d'actualité dans cette enceinte ! – et leur limitation. Cette loi nous aidera assurément à approfondir cette réforme de la gouvernance que j'appelle de mes voeux.

En matière de formation des joueurs, l'article 165 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne fonde la notion de « double projet », qui vise à assurer la réussite tant sportive que scolaire et professionnelle. Le Pôle France, le centre d'entraînement permanent de la fédération, a cette année pour parrain M. Michel Serres, précisément pour illustrer la nécessité d'aller au-delà du sport. J'ai souhaité, après la Coupe du monde, réunir tous les acteurs du rugby français dans le cadre des assises nationales du rugby. C'est à l'issue de ces échanges que nous avons mis en place le plan Ambition 2020. Cependant, force est de constater que ce double projet est un non-dit. Il ne suffit pas d'en parler, il faut encore pouvoir le faire. Dans toutes nos actions, nous insistons sur cette nécessité. Avec le Pôle France, qui accueille des jeunes de moins de 19 ans, nous sommes en capacité de le faire. Deux étudiants de l'École polytechnique les accompagnent dans leurs études.

En ce qui concerne les contrats que nous avons passés avec quatorze joueurs professionnels, nous en augmenterons le nombre en fonction des moyens dont nous disposerons. Il convient de noter qu'ils sont fortement incités, par le biais de primes et de pénalités, à suivre des études en parallèle. Nous ne pouvons toutefois pas conduire ce type d'action à la place des clubs.

Vous avez indiqué que la fédération avait grandi trop vite, même si nous avons connu une baisse de 2 % des effectifs – baisse peu significative, M. Thierry Braillard en conviendra. C'est la raison pour laquelle nous avons tenu ces assises, pour nous interroger sur cette évolution, notre fonctionnement, nos valeurs. Il faudrait probablement mieux s'adapter à l'université et aux rythmes scolaires ; mais nous ne sommes pas le seul acteur de l'éducation.

Je reviens sur l'usage que j'ai fait du terme « entreprise ». La fédération assure une mission de service public et n'a pas de dividendes à distribuer à des actionnaires. Il faut être conscient des réalités : les subsides de l'État – 54 cadres techniques et un million d'euros – ne lui suffisent pas pour aider les clubs de toute la France. Je rappelle que la fédération est la seule à assurer les remboursements kilométriques de tous les joueurs, quel que soit le niveau de la compétition. Cela la conduit à chercher les moyens de développer ses ressources propres. Je souhaiterais répondre aux demandes qui me sont faites ; mais je ne le peux malheureusement pas. J'ai l'habitude de comparer la communauté du rugby à un paquebot : certains ont peut-être la chance de jouir d'une meilleure vue depuis le pont supérieur, mais tous doivent demeurer solidaires car si le bateau fait naufrage, il emporte tout le monde.

S'agissant des joueurs de nationalité étrangère, il faut tenir compte des exigences posées par la Commission européenne. Le raisonnement ne doit pas être fondé sur la nationalité des joueurs mais sur leur appartenance à un club.

En réponse aux questions qui m'ont été posées sur le rugby féminin, je vous indique que nous avons environ 15 000 licenciées, ce qui place le rugby dans une proportion très proche de celle du football. Il faut dire que le développement de la pratique féminine de ces deux sports est entravé par le fait qu'ils se jouent en plein air, sur des terrains qui ne peuvent être utilisés, sous réserve des conditions météorologiques, que certains mois et encore quelques heures dans la journée, là où les sports en salle bénéficient d'équipements qui, utilisables sur une période de temps plus longue, peuvent être plus facilement partagés. Sans doute le développement de l'installation de terrains synthétiques, autorisant une utilisation plus longue des équipements, contribuera-t-elle à une plus grande féminisation du rugby.

Il y a plusieurs façons d'aborder la question de la construction du nouveau stade ; en cette matière, je crois – ce doit être mon côté Girondin – que les bonnes idées peuvent aussi venir de la base et non pas seulement du sommet. On me parle de concurrence avec les installations existantes, soit. Mais c'est surtout entre grandes villes européennes que se joue la concurrence aujourd'hui pour l'organisation de grands rendez-vous sportifs ! À l'heure où l'on met en place la métropole du Grand Paris, il faut se donner les moyens de ses ambitions. Dans la situation actuelle, les équipements existants sont, durant les périodes d'été, sujets à la concurrence entre les différents sports, mais aussi avec certains événements culturels, des grands concerts, notamment.

En ce qui concerne les risques pour le rugby amateur, les financements disponibles seront d'autant plus grands que le point mort sera atteint dans le remboursement de l'emprunt contracté pour la construction du Grand Stade.

En réponse notamment à Mme Dion qui m'interrogeait sur les cadres techniques, je dois vous dire que le contexte budgétaire actuel nous contraint – on peut le regretter – à faire des choix ; certes, il n'y a pas assez de cadres techniques mais nous manquons de ressources pour recruter davantage. D'importants efforts budgétaires ont été consentis après la Coupe du monde, nous avons alors recruté 70 personnes pour quatre ans, pour un coût de 6 millions d'euros. Mais je ne mentirai pas : ces efforts ne peuvent être maintenus au même niveau aujourd'hui.

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