Cette proposition de loi constitue une heureuse initiative. Tous les acteurs de la profession le confirment : nous nous éloignons de l'ère ouverte par Gutenberg pour embrasser celle du numérique.
L'ensemble de la presse écrite du monde occidental connaît une crise et une mutation profondes, de nature technologique et économique. Il n'apparaît pas abusif de qualifier cette transformation de révolution. Conquis peu à peu par une culture de l'immédiateté et de la gratuité, les lecteurs – notamment ceux appartenant aux jeunes générations – se détournent progressivement de la presse imprimée payante pour s'informer sur la toile.
La presse papier n'est pas appelée à disparaître, mais les éditeurs doivent envisager une mixité nouvelle entre les produits imprimés et les digitaux. Cette diversification de l'offre est un défi à la fois industriel et économique – le modèle mixte ne garantissant pas pour l'instant la couverture des coûts par des recettes suffisantes. La presse imprimée subit l'érosion et le vieillissement de son lectorat, la réduction régulière du nombre de points de vente, la déstabilisation de Presstalis, la diminution de son chiffre d'affaires, la fuite massive des petites annonces et la chute significative de ses recettes publicitaires ; son écosystème se trouve donc plongé dans une spirale inquiétante.
Dans le même temps, le monde nouveau de la presse digitale peine à fournir les relais de croissance dont les éditeurs auraient besoin pour accompagner la révolution des usages ; en effet, les sites d'information en ligne ne peuvent plus être conçus comme de simples prolongements numériques des versions imprimées. La mise en ligne d'une offre éditoriale de qualité exige des investissements d'autant plus lourds que les lecteurs ont pris l'habitude de produits multimédias offrant des modules audio et vidéo qui enrichissent l'information fournie. Ni sous-produit numérique de la presse papier ni média de complément du titre existant, la presse en ligne doit disposer d'une indépendance qui rejaillira sur la presse imprimée, celle-ci devant également s'émanciper davantage du contenu numérique.
Nous avons réussi à obtenir un taux de TVA identique pour le livre, qu'il soit imprimé ou numérique ; nous devons faire de même pour la presse, afin de prendre en compte les nouveaux usages et de stimuler économiquement le secteur. Accompagnons cette transition, cherchons à éviter la rupture et, par ce taux de TVA à 2,1 %, donnons à la presse en ligne les moyens de s'en sortir. Le syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL) a d'ailleurs fait de cet alignement du taux de TVA sa principale – voire unique – revendication.
Il est donc indispensable de voter cette proposition de loi qui devrait faire l'objet d'un large consensus.