Sans notre intervention, les morts se seraient comptés par milliers, monsieur Candelier. La cristallisation des haines, conjuguée à l'absence d'État et au brigandage, aurait rendu la situation proprement incontrôlable.
Les ex-Séléka, qui ont perdu leur autorité politique depuis la démission de M. Djotodia, se sentent désormais menacés et commencent à quitter les camps dans lesquels nous les avions cantonnés, ce qui a pour effet d'accroître le sentiment d'insécurité des populations musulmanes. Les anti-balaka, eux, règlent leurs comptes avec ceux qu'ils considèrent comme ayant été des complices des ex-Séléka. Quoi qu'il en soit, si la situation est à peu près stabilisée à Bangui, malgré des exactions le long des lignes de séparation des quartiers, ce n'est pas le cas dans le reste du pays – à l'exception de Bossangoa.
Les ex-Séléka, partis de Bangui, avaient pris possession de Sibut, où nos troupes sont intervenues avec celles de la MISCA ; ces dernières sont restées seules sur place, et les ex-Séléka ont quitté la ville. Bref, la situation s'est améliorée, notamment à Bangui, mais elle est encore loin d'être durablement pacifiée : pour ce faire, une OMP sera nécessaire. Les besoins ont été estimés à 10 000 Casques bleus, parmi lesquels on comptera bien entendu des soldats de la MISCA redéployés – à l'instar de ce que fut le remplacement de la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA) par la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Un tel processus prend du temps, et ne pourra donc sans doute pas voir le jour avant l'été prochain : en attendant, nous devons poursuivre notre mission dans le sens que j'indiquais, en espérant le concours de l'Union européenne.
Au-delà de l'aspect strictement humanitaire, monsieur Pueyo, le risque principal serait de laisser s'installer le vide sécuritaire : c'est alors, en effet, que des groupes de Boko Haram ou même des chebab pourraient en profiter, et transformer la zone en un « hub » ouvert à tous les terroristes, ce qui aurait des répercussions pour le Soudan du Sud, le Congo ou même le Tchad. Contrairement à ce que j'ai pu lire, M. Déby n'a aucun intérêt à ce que la Centrafrique devienne un État de non-droit, y compris pour l'intégrité de son propre territoire. On se souvient des circonstances un peu romanesques de la démission de M. Djotodia. La CEEAC, la Communauté économique des États d'Afrique centrale, se trouvant réunie à Ndjamena, le Président de la République du Congo, M. Sassou-Nguesso, avait mis un avion à la disposition du Conseil national de transition (CNT), afin de lui permettre de délibérer, sous la protection des forces de sécurité tchadiennes et en présence des chefs d'État voisins ; tout le monde avait poussé le Président Djotodia vers la sortie. Celui-ci, après avoir annoncé sa démission – à Ndjamena, pour ne point s'exposer à des représailles à Bangui – gagna ensuite le Bénin ; après quoi les 135 membres du CNT furent reconduits à Bangui pour élire un nouveau chef d'État.
À ma connaissance, il n'y a pas de répercussion, aujourd'hui, au Soudan du Sud.
Quant aux battlegroups, ils font l'objet d'un commandement tournant qui était notamment assuré, au mois de décembre, par la Grande-Bretagne ; leur engagement est subordonné à l'aval unanime des États membres de l'Union. C'est désormais chose faite avec l'EUFOR, chaque pays devant encore décider du niveau de sa contribution. Il eût été logique que les battlegroups soient mobilisés ; mais, pour l'heure, rien n'a été décidé en ce sens. Ce point a été abordé lors du Conseil des ministres de la défense de fin décembre, et la France a l'intention de le remettre en débat. Les battlegroups n'ont jamais servi : sont-ils voués à n'être qu'une entité de papier ?