Monsieur le Ministre votre talent oratoire ne peut, hélas, masquer que bien peu de chose est sorti du dernier Conseil européen, excepté quelques petites avancées en matière de cybersécurité et de cyberdéfense, mais cela, c'était le plus facile car il ne s'agit que d'informatique. L'OTAN aussi travaille sur le sujet, et je ne crois pas possible un programme vraiment différent du sien sur ce sujet. Les choses avancent, car en ce domaine, rien ne peut se faire sans coopération internationale. En matière de mise en commun en revanche, rien de bien nouveau. Je ne rappellerai pas ici ce qui s'est passé en 1900 quand les Alliés étaient intervenus « ensemble » pour réprimer la révolte des Boxers en Chine.
S'agissant de l'Union bancaire, il faut regarder les choses en face. En matière de supervision, le dispositif prévu est complexe, mais c'est pour le fonds de résolution que les bras m'en tombent ! En effet, 55 milliards d'euros, en regard de l'ampleur qui a été celle de la crise bancaire, notamment de titrisation, c'est un cautère sur une jambe de bois, tous les experts l'ont souligné. De surcroît, l'Allemagne a exigé que ce fonds soit institué par le biais d'un accord international qui devra donc être ratifié par la Diète fédérale et soumis à la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, laquelle a des vues très tranchées en matière de souveraineté financière – elle n'a d'ailleurs toujours pas rendu son arrêt sur le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui ne sera connu que ce mois-ci. Il semble que l'Allemagne ait joué la montre, et qu'elle ait gagné. De toute façon, ce fonds n'est pas à la hauteur. Une directive garantira les dépôts des épargnants jusqu'à 100 000 euros, dites-vous, mais en cas de problème, ce sont en définitive les contribuables qui paieront, et non ce fonds. Il est certes bienvenu de s'assurer du respect de certaines normes prudentielles, ce qui permettra de tirer la sonnette d'alarme. J'ai d'ailleurs toujours pensé qu'une telle surveillance aurait dû être instituée beaucoup plus tôt. Mais pour tout le reste, je demeure très sceptique.
Concernant la directive sur le détachement des travailleurs, qu'y a-t-il de nouveau ? Le fond du problème reste inchangé. Les entreprises qui font appel à des travailleurs détachés continueront de payer leurs cotisations sociales en Pologne, en Bulgarie ou ailleurs. Il est seulement prévu de renforcer les contrôles : on aurait pu y penser avant. Où est la victoire dont vous faites état, Monsieur le Ministre ?
Enfin et surtout, de cela pourtant vous n'avez dit mot, Mme Merkel a proposé qu'il soit possible aux pays en difficulté de la zone euro de contracter directement avec l'Allemagne. La proposition a été repoussée, mais cela en dit long sur la volonté allemande de contrôler l'économie de tous les pays du sud de l'Europe. Mme Merkel a d'ailleurs clairement dit que la zone euro n'était plus viable. J'aimerais avoir des éclaircissements. Où allons-nous en matière de coopération européenne si des pays tirent ainsi à hue et à dia ?