S'agissant de la directive relative au détachement des travailleurs, nous tenons à adresser nos plus vives félicitations au Gouvernement car le résultat obtenu était très improbable. Comme pourrait en témoigner notre collègue Michel Piron, qui y a assisté avec nous, une réunion surréaliste s'est tenue à la Commission, où la position défendue était que, certains États membres freinant le détachement, il fallait libéraliser davantage la pratique. La proposition faite est, selon nous, conforme à la feuille de route votée ici même à l'unanimité. Nous avions demandé au Gouvernement de tenir bon sur les articles 9 et 12. Il l'a fait, au-delà de toute espérance. Nous souhaitions ensuite qu'une législation nationale plus protectrice soit adoptée. Ce sera chose faite en février. Enfin, nous interpellerons de nouveau le Gouvernement, de façon que soit d'emblée contrée toute politique systématique d'optimisation sociale et que, sur ce sujet, il ne faille pas, comme sur d'autres, attendre trente ans avant d'agir ! Il faut se réjouir que la Bulgarie, la Roumanie et la Pologne aient montré qu'elles n'avaient aucune intention de saper l'économie des autres pays de l'Union. Il s'agit de politiques privées, et non de politiques d'État, et c'est le marché du travail qu'il convient aujourd'hui de réguler.
Cela étant, l'honnêteté exige de dire qu'il est impossible d'interdire le détachement, lequel a, de manière immémoriale, accompagné les échanges mondiaux, à moins de renoncer à tout échange international. Par ailleurs, si on obligeait à payer en France les cotisations sociales dues pour les travailleurs détachés dans notre pays, le corollaire serait que les travailleurs français travaillant en Bulgarie ou en Roumanie cotiseraient sur la base bulgare ou roumaine, avec la couverture sociale afférente. Y seraient-ils favorables ?
J'en viens à l'Europe de la défense. Je suis toujours surpris des interrogations françaises qui, comme en matière d'Europe sociale, sont asymétriques. Tout en souhaitant préserver notre indépendance nationale, nous voudrions que les autres pays soutiennent nos interventions extérieures. Sans remonter à la Communauté européenne de Défense que nous avons nous-mêmes fait imploser, souvenons-nous des positions passées de la France. Il y a eu l'indépendance nationale gaullienne, le refus d'intervenir en Irak, le retrait unilatéral de nos forces d'Afghanistan, la guerre en Libye, laquelle a enflammé le Maghreb – on disait dans les couloirs à Bruxelles que la guerre malienne était le service après-vente d'une initiative franco-britannique –, et maintenant l'intervention en Centrafrique. N'oublions pas qu'entre temps notre pays a réintégré le commandement intégré de l'OTAN. La question s'était alors posée de savoir si l'OTAN était l'avenir de la défense européenne, avec un rôle respectif différent pour les États-Unis et les pays européens, vu la nouvelle position, plus distanciée, adoptée par les premiers, et si cette réintégration était compatible avec l'émergence d'une défense européenne. J'étais de ceux qui pensaient que non.
Cessons de poursuivre des chimères comme d'attendre une aide financière de la part des autres États membres ou que l'Europe de la défense soit d'abord une Europe de l'industrie de la défense. L'attitude de Bruxelles ne m'étonne pas. Elle peut s'expliquer. Voilà trois fois en effet que la France part ou s'apprête à partir seule – elle était prête à le faire en Syrie. Au lieu de nous nourrir d'illusions, demandons-nous plutôt si ce qui arrive tient au fait que le monde a changé, que les États-Unis ont changé, que l'OTAN ne s'engage pas. Demandons-nous aussi s'il est possible de construire une Europe de la défense distincte de l'OTAN. Arrêtons de ratiociner. Cela me rappelle l'attitude de notre pays en matière d'Europe sociale où on voudrait que partout s'imposent les principes de notre sécurité sociale ou notre salaire minimum. Voilà ce qui me gêne dans notre position sur l'Europe de la défense.