Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 7 janvier 2014 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes (ouverte à la presse :

Je suis d'accord avec M. Caresche : les choses avancent en matière d'approfondissement de l'union bancaire. Pour ce qui est des arrangements contractuels, plus on imposera des contraintes à un pays, plus le mécanisme de solidarité sera nécessaire pour faire accepter la réforme structurelle. Je me réjouis que ce message ait été entendu. L'Allemagne s'est retrouvée in fine assez esseulée, nouveauté qui n'est pas dénuée d'intérêt. Cela montre bien, en effet, que nous pouvons faire bouger les choses pour peu que nous défendions des positions solides.

Les articles 9 et 12 de la directive relative au détachement des travailleurs constituent une réelle avancée, le premier en garantissant une sécurité juridique aux contrôles que nous effectuons, le second en responsabilisant les entreprises qui seront désormais responsables conjointes et solidaires des sous-traitants en cas d'utilisation abusive du statut de travailleur détaché.

L'adhésion de la Lettonie à la zone euro est le fruit d'un processus de contrôle qui a duré plusieurs années. Les conclusions très positives des rapports de convergence de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne, rendus en mai 2013, ont été saluées par un Conseil européen en juin 2013, avant qu'un conseil Ecofin n'ouvre la voie de l'adhésion à l'euro à ce pays en juillet 2013. La Lettonie a été frappée par une crise très dure entre 2008 et 2010 et a consenti d'énormes et très douloureux efforts de réforme structurelle, mais ceux-ci ont été fructueux puisqu'ils ont donné lieu à une analyse positive de la Banque centrale européenne. La décision de devenir membre de la zone euro, d'intégrer le coeur du réacteur de l'Union européenne, appartenait pleinement au gouvernement letton.

Quant à l'élargissement de l'Union, rien n'est prévu à brève échéance. Je ne sais d'ailleurs pas quel sera le prochain pays concerné ; et si nous engageons, le 21 janvier prochain, des négociations avec la Serbie, le processus prendra sans doute une dizaine d'années, le temps pour elle d'atteindre les standards actuels de l'UE. Vous avez d'ailleurs conscience qu'intégrer l'Union européenne est plus difficile aujourd'hui que cela ne l'a été pour les pays fondateurs : les exigences sont plus élevées qu'en 1957. Des efforts supplémentaires ont été demandés au fil du temps aux candidats.

Certains des vingt-huit pays membres de l'UE souhaitent rejoindre la zone euro – la Pologne s'interroge – et nous devons leur réserver une place. Nous nous acheminons vers une Europe différenciée dans laquelle se distinguera le groupe de la zone euro, pourvu le moment venu d'un budget spécifique et menant des politiques de plus en plus intégrées.

Le SEAE, créé en 2010, est une jeune institution à laquelle il faudra du temps pour imposer une politique étrangère de l'UE. Nous avons créé ex nihilo le poste de Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité qui doit s'imposer face à la Commission. Il convient de souligner le travail considérable mené par ce service et par Mme Ashton dans le cadre de la conférence sur la paix en Syrie (Genève II), des négociations préalables à l'accord d'association avec la Géorgie et la Moldavie, mais aussi et surtout des relations entre la Serbie et le Kosovo, deux pays qui n'acceptent de se rencontrer que sous l'égide de l'UE. Mme Ashton n'est pas responsable de tous les maux s'agissant d'un dossier sur lequel elle a parfois été seule. Son successeur pourra partir de ce qu'elle a construit.

Certains ont regretté le manque de solidarité de l'Union européenne qui n'en a pas moins apporté 210 milliards d'euros à la Grèce au cours des dernières années, et a aussi aidé le Portugal, l'Irlande, l'Espagne et Chypre. Que seraient devenus ces pays sans cette solidarité, même si les contreparties ont été durement vécues par les populations ? On peut toujours mieux faire, mais l'UE a répondu présent.

S'agissant de l'Ukraine, une certaine presse a présenté le sommet de Vilnius comme un échec de l'Union européenne. Délégué par Laurent Fabius, j'ai participé à trois conseils des affaires étrangères relatifs à l'accord d'association avec l'Ukraine. Il y a dix-huit mois, l'UE demandait à ce pays, en contrepartie de la signature de cet accord, la mise en oeuvre de réformes structurelles en matière de droits, de système politique, de liberté de la presse et exigeait la libération de Mme Timochenko. Or le régime ne souhaitait pas signer l'accord, ou il ne pouvait pas le faire en raison de la pression exercée par son voisin.

Mais plus nous nous approchions du sommet de Vilnius, moins nous nous montrions exigeants sur la fin de la justice sélective, sur la liberté de la presse, la possibilité pour chacun de se présenter aux élections, pour ne plus nous accrocher qu'à la symbolique libération de Mme Timochenko. M. Ianoukovitch a néanmoins fermé la porte des négociations et nous avons dû prendre acte, à Vilnius, que l'Ukraine faisait un autre choix sans pour autant accepter l'union douanière avec la Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan – la porte reste donc ouverte. Les mêmes journalistes qui prétendaient qu'il s'agissait d'un échec de l'Union européenne auraient été aussi agressifs contre celle-ci si l'accord avait été obtenu contre la seule libération de Mme Timochenko.

L'histoire dira si M. Ianoukovitch a en fait rendu un service à la fois à l'UE et à la population ukrainienne en permettant d'ouvrir le débat. À Kiev j'ai pu constater que le mouvement émanait de la population, M. Ianoukovitch ayant réussi l'exploit de provoquer un appétit d'Europe et de fédérer contre lui toutes les oppositions. Nous verrons comment évolueront les choses à l'occasion des élections.

L'accord d'association ne se jouait pas à quelques milliards d'euros près ; les raisons de son échec sont plus fondamentales. J'ai en effet été très surpris d'entendre le chef de l'Etat et le chef du gouvernement faire des discours politiques en ukrainien et dialoguer ensuite avec nous en russe. Il en a été de même au somment de l'OSCE à Kiev.

Nous devons continuer d'affirmer que l'Union européenne est prête à un accord d'association pour autant que l'Ukraine montre qu'elle partage une partie de ses valeurs, qu'elle engage des réformes en matière de respect des droits. Il faut maintenir le lien avec ce pays et exercer une pression pour permettre à ceux qui manifestent pour la liberté d'opérer une prise de conscience. Nous y avons intérêt et Laurent Fabius rappellera cet esprit d'ouverture quand il rencontrera Vitali Klitschko, catalyseur de cette opposition.

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