Intervention de Dominique Potier

Séance en hémicycle du 10 février 2014 à 16h00
Politique de développement et solidarité internationale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Potier, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Urgence, donc, d’une cohérence pour faire face aux risques contemporains : migrations climatiques ; trafics mafieux ; insécurité terroriste. Aucun mur ne nous protégera des désordres d’un monde qui crie justice. Rapporteur pour la commission des affaires économiques, je remercie avec force le président Brottes d’avoir, en si peu de temps, avec autant de célérité, fait en sorte que cette commission se saisisse pour avis et me permette d’être rapporteur pour exprimer nos combats.

Avec Philippe Noguès et Danielle Auroi, je porte devant vous la recherche d’une autre cohérence, la cohérence de la politique économique avec celle de l’aide publique au développement. Savez-vous que, pour un euro d’aide publique au développement de par le monde, il y en a cinq qui relèvent d’investissements directs à l’étranger ? Alors, peut-on d’un côté être favorable à une politique d’alphabétisation et de l’autre créer les conditions de travail, dans le secteur de la fabrication de textiles, qui réduiront des enfants à un esclavage précoce ? Peut-on défendre la biodiversité par de grandes déclarations internationales et des actions concrètes et, dans le même temps, permettre l’extraction minière qui, ailleurs, atteindra les nappes phréatiques et la ressource durable d’un continent ou d’une région ? Peut-on, sur le plan agroalimentaire, promouvoir l’agriculture familiale et la diversité des parcours et en même temps considérer que certains continents, certaines régions, certaines métropoles du Sud sont des déversoirs pour le dumping commercial ou pour les excédents commerciaux dans nos pays ?

Il faut, en politique, des principes. Peut-on envisager la nature et l’écosystème planétaire comme un capital pour le futur, un bien commun ? Peut-on capter des plus-values sans partager les droits ? Sommes-nous responsables de la vie des exclus, hommes, femmes et enfants, au bout de la rue comme au bout du monde ?

C’est en respectant ces principes que nous pourrons bâtir des politiques nouvelles, et c’est ce que nous avons fait avec ce projet de loi bienvenu, en l’enrichissant de différents amendements contre l’opacité financière et l’évasion fiscale, pour une montée qualitative des marchés publics et pour donner corps à la responsabilité sociale et environnementale et à la due diligence. Nous développerons cela au cours du débat.

Chers amis, c’est le même combat que celui que nous menons contre les paradis fiscaux. Et contre nous nous retrouverons, peut-être pas dans l’hémicycle mais ailleurs, les mêmes qui sont les héritiers de ceux qui résistèrent au milieu du dix-neuvième siècle à l’abolition de l’esclavage au nom de la compétitivité économique. Nous disons aujourd’hui non à un libéralisme qui fabrique des damnés de la terre à l’autre bout du monde. Nous disons oui à l’esprit de coopération, d’entreprise et d’innovation, oui à une mondialisation régulée, oui à des échanges justes et équilibrés, oui à une vraie compétitivité, celle qui ouvre des cercles vertueux de croissance pour l’économie réelle, oui au « made with humanité ».

Chers amis, c’est à nous aujourd’hui qu’il convient d’agir. Les ONG, avant nous, ont défriché le terrain. À leurs côtés, avec elles, nous avons posé les jalons d’une proposition de loi nouvelle, portée par bientôt quatre groupes parlementaires. Nous en posons aujourd’hui les principes, pour la première fois – merci, monsieur le ministre ! – dans une loi de la République. En avril, à nous de rassembler nos forces : élus, ONG, syndicats, autour de l’anniversaire tragique de Dacca, pour un printemps citoyen. En mai, la France doit porter ce combat dans le débat européen et, en juin, au nom de tous les humbles acteurs de la coopération internationale. Je pense à la paysannerie de chez nous, qui tend la main, depuis des décennies, aux paysanneries de là-bas pour penser, pour dire qu’un autre monde est possible. En juin, la France, parce qu’elle est la France, doit passer aux actes, en en faisant une juste contrepartie d’un pacte de responsabilité dont la dimension républicaine doit rayonner au-delà de nos frontières.

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