Le présent projet de loi d’orientation et de programmation relative à la politique de développement et de solidarité internationale marque la volonté de l’actuelle majorité de donner plus de clarté, plus de cohérence et plus de transparence, vous l’avez dit, monsieur le ministre – en un mot une nouvelle impulsion à la politique française d’aide au développement.
La France est le quatrième donateur d’aide au développement dans le monde, et nous pouvons en être fiers. Toutefois, malgré son ambition et son importance sur la scène internationale, la politique de développement et de solidarité de notre pays fait l’objet de critiques récurrentes, qui portent aussi bien sur le rapport de domination entre le pays donateur et les bénéficiaires que sur les effets pervers de l’aide sur les économies et sociétés concernées, sur les outils et la nature des allocations budgétaires de l’aide publique au développement ou encore sur ses objectifs mêmes. En 2012, un rapport de la Cour des comptes a remis en lumière les critiques qui pouvaient lui être adressées.
Il fallait donc agir pour clarifier notre politique de développement, lui redonner force et lisibilité. C’est bien l’objet de ce projet de loi.
Les Assises du développement et de la solidarité internationale, qui se sont tenues entre l’hiver 2012 et le printemps 2013, ont constitué un moment de dialogue intense entre toutes les parties prenantes, un dialogue d’une ampleur inédite depuis 1997. Elles ont abouti à une redéfinition opportune des objectifs, des priorités et des moyens.
Ces assises ont été suivies, en juillet 2013, d’une réunion du comité interministériel de la coopération internationale et du développement qui a permis de formaliser les premières décisions et de jeter les bases de la nouvelle vision de la politique française de développement que le présent projet de loi entend défendre.
Le texte que nous examinons aujourd’hui est donc l’aboutissement d’un long travail de concertation. Il est appelé à devenir la première loi de programmation en matière de politique de développement et de solidarité internationale de l’histoire de la Ve République. Nous passons ainsi d’une politique de coopération, monopole de l’exécutif, à une politique de développement et de solidarité sous le contrôle, certes relatif, mais tout de même, du Parlement. J’y vois l’amorce d’un changement profond et salutaire.
M. le ministre et Jean-Pierre Dufau, rapporteur au fond de ce projet de loi, ont excellemment décrit les principales avancées qu’il contient. Je n’y reviens donc pas. J’aimerais pour ma part saluer la reconnaissance du rôle, dans le développement international, des acteurs non étatiques – ONG, syndicats mais aussi entreprises – qui sont valorisés dans le rapport annexé au projet de loi que nous nous apprêtons à examiner.
Je commencerai par les syndicats. La lutte pour un travail décent et pour l’amélioration de la condition sociale des travailleurs, partout dans le monde, est un objectif de toute politique de développement et de solidarité internationale. Ainsi, il m’a semblé important que le rôle des organisations syndicales en matière de développement soit pleinement reconnu. J’ai défendu plusieurs amendements en ce sens au sein de la commission du développement durable. Leur rôle s’exprime d’abord, bien évidemment, au travers des syndicats locaux, dont les capacités doivent être renforcées, mais aussi des partenariats internationaux de plus en plus nombreux tissés entre les organisations syndicales du Nord et celles du Sud.
En ce qui concerne, ensuite, les ONG, seule 0,15 % de l’aide publique au développement est passée par leur canal en 2010, selon le rapport de la Cour des comptes, contre 2 % en moyenne dans l’OCDE. Avec ce texte, le Gouvernement s’engage à doubler d’ici à la fin du quinquennat la part de l’aide française transitant par elles.
Enfin, je suis heureux que les débats devant la commission du développement durable, la commission des affaires économiques et la commission des affaires étrangères aient permis de lier la question de la responsabilité sociale et environnementale des entreprises aux enjeux du développement international. Je consacrerai le temps qu’il me reste à ce sujet.
Dans un monde où le chiffre d’affaires de certaines grandes entreprises dépasse parfois le PIB des États dans lesquels sont implantés leurs sites de production et où le volume mondial des investissements directs à l’étranger représente cinq fois l’aide publique au développement, mieux responsabiliser les entreprises multinationales et les donneurs d’ordres vis-à-vis de leurs filiales et de leurs fournisseurs situés dans les pays en développement est une nécessité. À cet égard, il existe déjà, au niveau international, des textes que la France a approuvés et auxquels nous avons souhaité faire référence dans l’article 5. Il s’agit, d’une part, des principes directeurs de l’OCDE, élaborés en 1976, et d’autre part des principes directeurs relatifs aux affaires et aux droits de l’homme, dits principes de Ruggie, adoptés en 2011 par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, fruits d’une décennie de travail et de négociations. De ces textes se dégage l’idée d’un devoir de vigilance des entreprises, lesquelles ont la responsabilité de prévenir toute atteinte aux droits de l’homme dans le cadre de leurs activités économiques et de mettre en oeuvre, le cas échéant, des mesures de réparation.
Par ailleurs, le rapport annexé au projet de loi fait de la gouvernance et de la lutte contre la corruption l’une des dix priorités sectorielles de l’aide publique au développement, en cohérence avec la décision du Gouvernement d’engager le processus formel d’adhésion à l’Initiative sur la transparence dans les industries extractives.
De tout cela, monsieur le ministre, il faut naturellement se féliciter, mais il me semble qu’il faut aller encore plus loin. Tel est le sens de la proposition de loi que j’ai déposée avec Dominique Potier et Danielle Auroi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres. Ce texte, présenté par les groupes SRC et écologiste, a pour objet de transposer dans notre droit national les principes édictés par l’OCDE et l’ONU. Il entend créer un régime de responsabilité juridique en cas de survenance d’un dommage environnemental ou d’une atteinte aux droits fondamentaux résultant des activités économiques d’une entreprise, y compris de ses filiales et sous-traitants. Aussi, je vous propose de prendre date dès aujourd’hui pour l’examen de cette proposition de loi.
La France et ses entreprises ont un devoir d’exemplarité. Je suis convaincu que la compétitivité hors coût de nos entreprises et de notre économie passe par leur capacité à rejeter définitivement le moins-disant social et environnemental. Le travail que vous avez engagé, monsieur le ministre, pour parvenir à ce projet de loi participe d’ailleurs de cet objectif.
Tels sont, brièvement rappelés, les principaux apports d’un projet de loi très attendu et accueilli, m’a-t-il semblé, avec bienveillance sur tous les bancs de cette assemblée. Devant la commission du développement durable comme devant celle des affaires étrangères, les débats ont été constructifs et ont permis d’enrichir le texte de contributions venant d’horizons divers ; je ne doute pas qu’il en sera de même aujourd’hui et vous appelle naturellement, au terme de nos débats de ce jour, à l’adopter.