Intervention de André Schneider

Séance en hémicycle du 10 février 2014 à 16h00
Politique de développement et solidarité internationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Schneider :

Monsieur le ministre, nous souhaitons également saluer l’important effort de concertation qui a permis l’élaboration de ce texte. Il faut le dire, les Assises du développement et de la solidarité internationale, qui ont réuni l’ensemble des acteurs français, ont été un succès. Je pense que c’était la méthode à employer pour élaborer ce projet de loi.

L’aide publique au développement est un savant mélange entre bilatéralisme et aides multilatérales. Elles se complètent réciproquement, comme le rapporteur l’a excellemment dit. On retrouve assez bien ce principe dans le texte. Je regrette cependant, mais j’espère que certains amendements y remédieront, que le projet de loi ne dise quasiment rien sur les entreprises françaises, sur la question du pilotage de l’aide et sur la « confusion des rôles » que nous avons tous soulignée. Il faut clarifier les rôles respectifs des différentes administrations, aux côtés du ministère des affaires étrangères, et de certains établissements publics.

L’amendement que Christian Jacob et moi-même vous proposerons, au nom du groupe UMP, devrait permettre de clarifier, de fédérer le rôle des différents opérateurs de l’expertise technique internationale. M. le rapporteur l’a également fort bien détaillé, avec la méticulosité qu’on lui connaît à l’Assemblée parlementaire de la francophonie, où j’ai l’honneur de travailler avec lui.

Vous le savez monsieur le ministre, les trois principaux opérateurs, à savoir ADETEF pour Bercy, Civipol pour l’intérieur et France Expertise Internationale pour le ministère des affaires étrangères, réalisent chacun des projets d’environ 20 millions d’euros, soit au total 60 millions par an. Nous souhaitons regrouper, à coût constant, les opérateurs actuels en une seule et unique agence et remonter la stratégie de coopération internationale au plus haut niveau politique. Des économies de fonctionnement sont attendues du fait de la mutualisation des moyens et du regroupement des agents en un seul lieu. Nous devrions pouvoir trouver un consensus autour de ce thème.

Ce texte ne mentionne pas non plus l’agenda post 2015 du développement, qui doit succéder aux objectifs du Millénaire. Ce doit être un oubli. Et vous évoquez très succinctement, dans l’annexe, la taxe sur les transactions financières, sans jamais indiquer le montant qui sera reversé. Si je me souviens bien, en septembre 2012, le Président de la République avait précisé que la France avait pris l’engagement de consacrer une partie des produits de cette taxe, au moins 10%, au développement et à la lutte contre les fléaux sanitaires et les pandémies. Je n’ai pas retrouvé cet engagement dans la loi de finances, ni dans ce texte d’ailleurs. Est-ce aussi un oubli ? J’ai déjà eu l’honneur d’évoquer cette question lors du débat budgétaire pour 2013.

Monsieur le ministre, votre texte ne contient quasiment pas de disposition normative. Il vise essentiellement à définir dans la loi les objectifs et principes de la politique d’aide. L’article 2, par exemple, propose l’adoption d’un rapport annexé fixant les orientations de la politique de développement. C’est bien, mais comme vous le savez, le Conseil constitutionnel a estimé que les orientations présentées dans un rapport annexé à une loi sont dotées d’une valeur juridique sans pour autant détenir formellement une valeur normative.

Parlons également de la responsabilité sociétale des entreprises qu’a évoquée le rapporteur. Attention à ne pas ouvrir la boîte de Pandore ! La plateforme RSE, gérée par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective, devrait conserver une approche d’élaboration de consensus et éviter une approche normative par la contrainte réglementaire.

Les entreprises françaises sont conscientes des exigences de responsabilité et y ont largement oeuvré, dans le cadre des principes directeurs de l’OCDE. Ces principes ne sont pas juridiquement contraignants, mais font l’objet d’un examen dans une procédure via le Point de contact national, le PCN. Je vous rappelle que le PCN est organisé par le Trésor et que les syndicats y sont fortement représentés – CFDT, CGT-FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, MEDEF. Ces derniers n’hésitent pas à saisir le président du PCN, Paul Hunsinger, en cas d’abus d’une entreprise – je pense par exemple à l’affaire Michelin en Inde. Établir des principes juridiques contraignants en droit français sans que cela soit inscrit dans le droit international risquerait de placer nos entreprises dans une situation de concurrence déloyale.

Mes chers collègues, certains d’entre vous ont malheureusement déposé des amendements qui risqueraient de fragiliser nos entreprises à l’international. L’expression de notre solidarité est non seulement un instrument d’influence, mais également une contribution au maintien d’un environnement plus sûr pour la France. L’avenir passe par le développement. C’est un engagement de tous dans l’intérêt de tous. Ce sont ces couleurs que nous défendons dans d’autres enceintes – n’est-ce pas, monsieur le rapporteur ?

Monsieur le ministre, il y a beaucoup de bonnes intentions dans ce texte, beaucoup de belles idées, qui restent encore, hélas, au stade embryonnaire. La philosophie est très belle, le discours de la méthode également. C’est une première avancée, et je souhaite de tout coeur que nous puissions aller de l’avant dans le débat. Cela étant, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, les députés du groupe UMP s’abstiendront sur ce texte.

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