Dois-je rappeler que des sociétés dont l’État détient 80 % se comportent très mal, en termes de responsabilité sociale et environnementale, dans des pays qui sont d’anciennes colonies ? Je pense à Areva – vous avez très bien répondu sur ce sujet lors des questions au Gouvernement, monsieur le ministre – qui exploite les mines d’uranium du Niger et se soustrait aux exigences issues de la réforme que cet État a faite en 2006 de son code minier. Les exportations d’uranium du Niger représentent 70 millions d’euros, mais ne lui rapportent que 3 à 4 % de son produit intérieur brut ! Il n’est pas normal que cela perdure.
C’est la raison pour laquelle nous nous battrons au cours de la discussion parlementaire pour que la responsabilité sociale et environnementale soit une réalité et que ni le MEDEF ni Bercy ne dirigent le Parlement sur cette question. C’est une affaire de vigilance et de fiscalité. Il est indéniable qu’un certain nombre d’entreprises, ainsi que leurs filiales et leurs sous-traitants, profitent très largement de l’exploitation des hommes et des ressources dans les pays africains et asiatiques, comme l’a démontré la catastrophe du Rana Plaza. Les fabricants de produits électriques et électroniques, par exemple, travaillent dans les pays du Sud au mépris de toutes les conventions, dont celle de Bâle signée en 1982. On trouve au Ghana, qui fait partie des pays à aider prioritairement, ou au Nigeria, pays avec lequel nous avons des relations économiques, des décharges sauvages où sont récupérés le cuivre et d’autres métaux, au mépris à la fois de l’environnement et de la santé de ces malheureux que Franz Fanon appelait les damnés de la Terre.
Bien entendu, monsieur le ministre, nous voterons votre projet de loi, en dépit de quelques lacunes persistantes, en particulier sur la traçabilité et la conditionnalité des aides que nous apportons. Je fais ici référence à un certain nombre de pays où la démocratie n’est pas la vertu la mieux partagée, où les peuples sont privés du droit d’expression et les minorités soumises et traquées. Il s’agit d’un sujet transversal. Nous ne pouvons pas séparer l’aide au développement des questions économiques. La défense de la diplomatie économique que fait M. le ministre des affaires étrangères m’inquiète beaucoup, car de tels slogans risquent d’effacer la nécessaire solidarité dont doit procéder la politique de développement. Nous ne pourrons pas mener durablement une politique publique schizophrène.