Madame la présidente, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, enfin un projet de loi d’orientation sur l’aide au développement, un projet de loi permettant transparence, traçabilité et contrôle démocratique. C’est important car nous savons tous combien les politiques internationales de développement restent – malheureusement – utiles et primordiales à l’heure où 1,3 milliard d’êtres humains vivent encore avec moins d’un euro par jour.
Rappelons-le : la solidarité internationale est là pour pallier les carences du marché mondialisé, dont profitent des pays développés comme le nôtre. La bataille est cependant loin d’être gagnée : le rapport des Nations unies sur les objectifs du millénaire met en lumière de grandes carences. En Afrique subsaharienne, aucun des huit objectifs ne sera atteint d’ici à 2015. À rebours de la tendance mondiale, le fait que le montant de l’APD française pour 2014 soit en hausse est un signe encourageant.
Il faudra tout de même veiller, d’une part, à la bonne réalisation de ces prévisions dont je rappelle qu’elles ont été revues à la baisse pour les deux exercices budgétaires précédents. D’autre part, nous devons promouvoir une définition plus stricte de la notion d’APD et la conception d’un indicateur mesurant précisément l’effort budgétaire consenti. C’est un point important qui a fait l’objet de longs débats en commission.
Nous savons pertinemment que l’usage d’un indicateur biaisé contribue à fausser l’appréciation des politiques de coopération, notamment parce que les chiffres sont artificiellement gonflés par un certain nombre d’éléments qui ne devraient pas faire partie du calcul. Je pense, par exemple, à l’aide aux réfugiés ou à l’annulation de dettes. Je pense aussi, et nous devrons nous interroger sérieusement ce soir sur ce point, à la légitimité de l’intégration dans l’APD du financement d’actions dans les outre-mer, qui s’élève à 1,5 milliard d’euros. Ce sont tout de même des compatriotes !
Monsieur le ministre, votre projet de loi engage de profonds changements, et c’est heureux. Mais le Parlement ne serait pas le Parlement s’il n’était pas là pour apporter sa pierre à l’édifice. Les débats ont été intenses en commission, et je ne doute pas qu’ils le seront encore aujourd’hui.
Dans la même veine que l’excellent rapport Bacquet-Ameline, nous sommes nombreux à penser que la France doit assumer des orientations politiques et des objectifs clairs. Ne soyons pas naïfs, aucune politique d’aide ne trouve son fondement dans des motivations uniquement compassionnelles. Cela ne veut pas dire que ce facteur ne tienne pas une place centrale, et je l’ai déjà rappelé. Mais nous ne gagnons rien à refuser d’exposer nos ambitions à l’aune de nos intérêts. Au contraire, nous perdons en lisibilité, et donc en compréhension, vis-à-vis de nos concitoyens et de nos partenaires.
Notre politique internationale de développement est l’incarnation d’une vision. Qui le niera ? Oui, nous avons des intérêts stratégiques, ceux d’aujourd’hui et ceux que nous préparons pour demain. Oui, nous avons une histoire longue et complexe avec de nombreuses parties du monde, des liens forts, des relations à construire, parfois même à reconstruire. Bien sûr, nous devons privilégier la gestion de crise et le développement dans notre environnement immédiat, à nos frontières, dans le bassin méditerranéen et au Sahel. Affirmer cela, ce n’est pas faire preuve d’un quelconque égoïsme, c’est faire montre d’honnêteté sans rien obérer de la dimension humaine de notre action, comme la plupart des grands États donateurs le fait déjà. C’est pourquoi nous sommes nombreux à souhaiter un rééquilibrage entre bilatéralisme et multilatéralisme.