Intervention de Yann Galut

Séance en hémicycle du 10 février 2014 à 21h30
Politique de développement et solidarité internationale — Article 2 et rapport annexé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYann Galut :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, ces derniers mois, la France a fait de la lutte contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux une priorité. Nous étions quelques-uns à être présents dans cet hémicycle – il y avait notamment mes collègues Pascal Cherki, Karine Berger et Dominique Potier – lors de l’examen de la loi bancaire pour présenter des amendements et débattre sur la question du reporting par pays. Il faut que vous sachiez que ces règles, de notre point de vue, doivent maintenant s’appliquer à la politique de développement. Rappelons quand même que nous devons faire bénéficier les pays du Sud des avancées en cours.

En 2011, 950 milliards de flux financiers illicites sont sortis des pays en développement, soit 13,7 % de plus qu’en 2010, selon les chiffres donnés par le GFI au mois de décembre 2013. En pourcentage du PIB, l’Afrique subsaharienne est la première victime de ces flux illicites de capitaux, avec une perte de 5,7 % en moyenne annuelle.

Dans un rapport de l’association CCFD-Terre solidaire publié en 2013, plusieurs exemples révèlent comment des investissements dans le secteur privé, soutenus par des opérateurs publics, européens ou français, étaient réalisés au mépris de toute considération de responsabilité et de transparence fiscale. Ainsi, via sa participation dans un fonds d’investissement, African Agriculture Fund, basé à l’île Maurice, la filiale PROPARCO du groupe AFD a investi dans une société congolaise, Feronia, de droit caïmanais, elle-même filiale d’une société basée aux îles Caïmans. À la lecture des rapports financiers de l’entreprise, notamment celui de 2010, l’objectif est clair : Feronia cumulerait absence d’imposition aux Caïmans et trêve fiscale en RDC et utiliserait les pertes enregistrées au Canada pour réduire les profits imposables des années suivantes. Or, mes chers collègues, aujourd’hui, aucune règle au sein de l’AFD n’existe pour prévenir ce genre de dérive.

Le montant du manque à gagner, en recettes fiscales, qui résulte de la pratique de l’évasion fiscale par les multinationales pourrait s’élever à plus de 125 milliards d’euros par an. La priorité est donc de demander la transparence comptable, pays par pays, à toutes les entreprises qui reçoivent des financements ou des garanties du groupe AFD, afin de prévenir les risques d’évasion fiscale. La France, je l’ai déjà dit, qui vient d’adopter une mesure similaire de transparence pour les banques et défend son extension à tous les secteurs d’activité au niveau européen, doit se montrer en pointe sur cette question.

Un autre exemple a été mis en lumière par les Amis de la terre et Sherpa. Par le jeu du commerce intragroupe vers la Suisse, la filiale de Glencore, l’un des leaders du commerce des matières premières, aurait fait perdre à la Zambie, dont elle exploite le cuivre, près de 132 millions d’euros de recettes fiscales en une seule année. Cette entreprise avait reçu près de 50 millions d’euros de financement de la part de la Banque européenne d’investissement. Si la BEI avait exigé un reporting pays par pays en contrepartie de son financement, ces pratiques auraient pu être détectées et combattues beaucoup plus rapidement.

C’est pour cela, mes chers collègues, qu’il me semble important que, dans le cadre de l’examen de cet article 2, nous débattions ce soir de cette question du reporting pays par pays et de l’exigence de transparence à laquelle doivent être soumises les entreprises qui bénéficient soit de financements soit de prêts de l’AFD.

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