Madame la ministre des affaires sociales et de la santé, je souhaite appeler votre attention sur les déserts médicaux en zone rurale et plus particulièrement sur les difficultés que rencontrent les médecins généralistes partant à la retraite pour trouver des successeurs, et vous communiquer en même temps leur souhait de voir limiter dans le temps les périodes de remplacement des jeunes médecins, qui, pour certains, choisissent d’être remplaçants toute leur vie professionnelle.
Une récente enquête de l’INSEE et de l’agence régionale de santé montre qu’avec 1 440 médecins généralistes, pour presque deux millions d’habitants, et en dépit des mesures prises pour lutter contre la désertification, la Picardie connaît une très faible densité médicale en activité régulière. C’est la plus faible du territoire national, même, en confondant le nombre de spécialistes et de généralistes pour 100 000 habitants. Ce déficit risque de s’accroître dans les prochaines années, compte tenu de la pyramide des âges, le médecin généraliste se raréfiant dans les campagnes de la Somme et devenant, de surcroît, de moins en moins disponible.
Selon cette même étude, si 99 % des Picards habitent à moins de dix minutes d’un médecin généraliste, de plus en plus d’habitants contactent SOS Médecins car les généralistes ne se déplacent plus à domicile et les horaires des consultations coïncident avec les horaires de travail des gens.
En Picardie, un médecin généraliste sur deux prendra sa retraite d’ici à 2020 et un quart des médecins généralistes en activité actuellement sont censés être en retraite. Pour anticiper les départs à la retraite et maintenir le nombre actuel de praticiens, 700 médecins généralistes devront être recrutés d’ici à 2020.
Un exemple repris récemment par les médias nationaux : à Fressenneville, commune de 2 500 habitants située en plein coeur du Vimeu industriel, la maison médicale repose sur une association de cinq médecins généralistes installés depuis 1976. Parmi eux, trois continuent à assumer leurs clientèles faute de successeurs, malgré les avantages incitatifs accordés aux jeunes installés. Si, en fin d’année, la situation n’évolue pas, la maison médicale fermera ses portes car les deux plus jeunes médecins ne pourront pas assumer la totalité de la charge à eux seuls. Et la clientèle des trois retraités partant, âgés de soixante-huit ans, sera difficilement accueillie par les médecins environnants, aux consultations déjà surchargées.
En parallèle, on constate que les jeunes médecins vivent de plus en plus de remplacements. Dans la profession, ils sont d’ailleurs surnommés les « coucous », car ils occupent le nid des autres et ne participent pas aux frais de cabinet, alors qu’ils perçoivent 80 % des honoraires du médecin remplacé, 100 % pour les gardes.
Limiter dans le temps la durée des remplacements inciterait les jeunes médecins, redevables d’un service public, à choisir une implantation. Cette mesure ne coûterait absolument rien à l’État et aux collectivités, et aiderait grandement à l’installation de jeunes médecins. Les mesures pécuniaires et les aides éventuelles seraient réservées à ceux qui choisissent les déserts ou le remplacement d’un médecin partant en retraite dans ces zones.
Face à ce sérieux problème de santé publique, je vous demande, madame la ministre, si, comme moi et beaucoup d’élus locaux soucieux de préserver un service public de santé dans les campagnes, vous ne trouvez pas judicieux de limiter la période pendant laquelle les jeunes médecins généralistes pourraient remplacer – de trois à cinq ans, par exemple –, entraînant ipso facto, sans mesures incitatives onéreuses pour les collectivités, leur installation dans le secteur de leur choix mais favorisant automatiquement les zones déficitaires à forte demande de soins.