Ne vous inquiétez pas, vos assistants m’ont expliqué la raison de votre absence. Tout s’est bien passé : il y a des choses très intéressantes qui se passent dans la Manche.
On m’a préparé une réponse, mais je vous répondrai directement en analysant les deux principaux enjeux soulevés par votre question. Le premier enjeu est celui de la concurrence entre les différents pays européens. La directive détachement peut avoir un effet extrêmement destructeur, surtout dans les pays où il n’y a pas de salaire minimum. En effet, les règles prévoient que les travailleurs détachés sont rémunérés selon les conditions applicables dans le pays d’accueil ; or dans certains pays, il n’y a pas de salaire minimum – c’était le cas de l’Allemagne il y a encore peu de temps. On y pratiquait des salaires horaires de 3,50 euros dans nombre de secteurs, dont l’agroalimentaire, alors que les industries françaises étaient tenues de respecter le SMIC horaire, qui est de près de 10 euros. Grâce à la nouvelle coalition arrivée récemment au pouvoir en Allemagne, il y aura un SMIC de 8,50 euros par heure dans ce pays. C’est une première étape majeure : indépendamment de la question de la directive sur le détachement des travailleurs, l’écart entre le salaire minimum applicable notamment aux travailleurs saisonniers – qui sont très utilisés – en France et en Allemagne est grandement réduit. Cette première étape est très importante dans le débat à l’échelle européenne.
Le deuxième enjeu est celui des règles d’application de la directive sur le détachement des travailleurs elle-même. Contrairement à l’esprit dans lequel elle a été négociée et adoptée en 1996, cette directive a fini par être utilisée de manière régulière, systématique. Au Conseil européen, à la fin de l’année dernière, cette question a été remise sur la table, et il a été convenu de rendre plus strictes les conditions d’application de la directive afin d’éviter les dérives. C’est la position qu’a défendue Michel Sapin lors du Conseil de l’Union européenne sur l’emploi, position à laquelle l’Allemagne a d’ailleurs fini par se rallier. Il s’agissait de renforcer les règles sur deux points. D’abord, laisser ouverte la liste des documents exigibles auprès des entreprises en cas de contrôle : c’est très important. Ensuite, responsabiliser les entreprises donneuses d’ordre dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, et dans les autres secteurs qui ont recours aux travailleurs détachés. Sur ces deux points, les règles d’application de la directive relative au détachement des travailleurs ont été durcies.
Il faut désormais tirer les conclusions de cette évolution et transposer ces nouvelles règles dans la législation française. Pour cela, une proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale, où elle sera bientôt examinée. Cette proposition de loi, qui sera présentée par Gilles Savary, aura pour objet de décliner en droit français ce qui a été décidé à l’échelle européenne, afin que chacun prenne ses responsabilités dans le recours à la directive relative au détachement des travailleurs. Comme vous le savez, en France aussi les travailleurs détachés ont été utilisés de manière très importante – plus dans les travaux publics que dans l’agriculture, d’ailleurs. Nous devons donc être plus stricts quant à l’utilisation de cette procédure.
Voilà les deux points que je voulais d’abord évoquer. Pour répondre à votre question sur les charges sociales, je rappellerai, au-delà de ce que vous avez dit sur la défiscalisation des heures supplémentaires, qu’en matière agricole, nous avons décidé de maintenir les fameuses exonérations de cotisations sur le travail saisonnier. C’est très important ; il faut continuer dans ce sens. Je rappelle également que, dans le cadre des débats sur le pacte de responsabilité, il est question de baisser les cotisations sociales familiales pour tous les secteurs : l’agriculture sera donc aussi concernée. Enfin, dès cette année, le crédit d’impôt compétitivité emploi sera évalué ; cela concerne donc toutes les exploitations agricoles qui embauchent des salariés et bénéficient de ce dispositif. Sur tous ces points, nous devons aller dans le sens d’une réduction des écarts entre pays en matière de cotisations pesant sur le travail, afin de rendre nos entreprises plus compétitives. Dans le même temps, nous devons aussi mieux nous organiser et mieux structurer nos filières : c’est tout le sens des débats que nous avons eu dans le cadre de l’examen du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.
Monsieur le député, j’espère, avec tous ces éléments, avoir à peu près répondu à l’ensemble des questions que vous avez posées.