Intervention de Sylvia Pinel

Séance en hémicycle du 12 février 2014 à 15h00
Artisanat commerce et très petites entreprises — Présentation

Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme :

Le projet de loi comporte deux grands volets. Le premier concerne les entreprises et vise à mieux les protéger et à en simplifier la création. Le second s’adresse aux élus locaux et vise à leur donner des outils plus efficaces. Le premier volet est destiné aux commerçants, aux artisans et aux très petites entreprises. Tout d’abord, nous réformons le bail commercial, dont procède le local qui est l’origine même de l’activité économique et qui constitue le premier outil de travail. La plupart des entreprises artisanales et commerciales sont titulaires d’un bail susceptible d’évoluer et, de ce fait, inapte à les protéger de la pression concurrentielle dont font l’objet les meilleurs emplacements. Il était nécessaire de faire enfin du bail un document rétablissant l’équilibre des relations entre bailleurs et preneurs. Le bail dérogatoire, grâce auquel les entreprises démarrant leur activité ne s’engagent pas pour une période trop longue sans connaître la viabilité de leur projet, sera étendu à trois ans au lieu de deux aujourd’hui, durée mieux adaptée à la montée en puissance des projets.

Le projet de loi met aussi un terme à une évolution du prix du loyer qui n’est plus liée à la réalité économique des entreprises. L’article 2 fait donc de l’indice des loyers commerciaux la référence d’indexation des loyers. Contrairement à l’indice du coût de la construction utilisé actuellement, l’ILC reflète le contexte économique de la zone d’implantation et constituera donc un facteur de justice et d’équité pour les commerçants. Par ailleurs, le projet de loi limite à 10 % les réajustements susceptibles d’être appliqués annuellement au preneur en cas d’exception au plafonnement des baux. Il s’agit d’une mesure essentielle permettant aux commerces de faire face à des hausses brutales liées à un changement de contexte susceptible de les chasser des centres-villes, comme la jonction avec une ligne de transport en commun ou l’ouverture d’équipements. Les commerces ont besoin de stabilité, de prévisibilité et de visibilité pour se développer. Il n’est pas acceptable que le loyer pèse plus que la masse salariale, comme cela arrive. En commission, ce point de vue a fait consens et je suis heureuse de voir les députés rassemblés en faveur d’une mesure indispensable pour préserver un tissu commercial diversifié.

Il était en outre nécessaire de rétablir un équilibre entre le locataire et le propriétaire, leur relation étant fortement asymétrique dans le cas des baux commerciaux. L’état des lieux est rendu obligatoire et il est prévu d’annexer au bail un inventaire précis des charges locatives ainsi que leur répartition entre le preneur et le bailleur. Un droit de préférence est également reconnu au preneur lors de la vente du bien qu’il occupe. Ce qui est une évidence pour les particuliers n’avait pas cours pour les commerçants, qui peuvent voir leur local vendu sans même en être informés ni disposer de la possibilité de le racheter. Enfin, en vue de la simplification des relations et pour limiter autant que possible le recours au juge en cas de désaccord, la compétence des commissions de conciliation est étendue aux litiges portant sur les charges, qui sont les plus fréquents.

Le projet de loi s’adresse ensuite à toutes les très petites entreprises. Il vise à faciliter leur création et l’exercice de leur activité. Il existe aujourd’hui beaucoup de régimes différents, peu lisibles pour qui veut créer une entreprise et complexes à vivre quotidiennement pour le chef d’entreprise. Le texte propose donc d’en simplifier l’accès, d’alléger les formalités comptables de structures fragiles et de poser les bases d’un régime unique de la micro-entreprise. Une telle réforme structurelle est particulièrement longue et complexe, c’est pourquoi nous vous proposons, mesdames et messieurs les députés, d’en arrêter les principes et de simplifier les régimes déjà en vigueur.

Tout d’abord, le texte s’adresse aux artisans. La superposition juridique de notions accolées à leur statut le rend illisible. Le projet de loi supprime la notion d’artisan qualifié, dont l’existence même crée une ambiguïté en laissant accroire que certains artisans ne sont pas qualifiés. Être artisan, cela voudra dire désormais qu’on est un chef d’entreprise qualifié, en raison d’un diplôme ou de l’expérience d’un métier. Il s’agit d’une mesure essentielle pour la valorisation des artisans et la reconnaissance de la qualité de leur travail et de leur savoir-faire. Nous renforçons aussi la vérification de la qualification professionnelle de tous les artisans, entrepreneurs et salariés, par les chambres de métiers et d’artisanat dès lors qu’elle est obligatoire. Nous devons une telle exigence aux consommateurs et aux artisans eux-mêmes afin de valoriser les métiers auprès des jeunes générations. Par ailleurs, le nombre des salariés d’une entreprise ne change pas la façon dont est exercée son activité. C’est la raison pour laquelle la limite de dix salariés au-delà de laquelle les entreprises artisanales ne pouvaient plus être immatriculées au registre des métiers avait été supprimée. De la même manière, les entreprises artisanales de plus de dix salariés faisant l’objet d’une cession ou d’une transmission resteront immatriculées. L’objectif est bien de garantir la qualité et donc la confiance des consommateurs faisant appel à un artisan.

En outre, le projet de loi réforme l’entrepreneuriat individuel et les régimes de la micro-entreprise par des propositions que je vais détailler. Je reconnais que le régime de l’auto-entrepreneur a permis à de nombreuses personnes de lancer un projet de création d’entreprise et de compléter leur revenu par une activité d’appoint. Une telle facilité dans la création d’activité doit être préservée, comme je l’ai toujours dit, à l’unisson de tous les acteurs. Néanmoins, il a montré ses limites en créant les conditions d’une concurrence inéquitable avec les entrepreneurs soumis à des règles différentes et en aboutissant à certaines dérives. Le Gouvernement a donc souhaité en corriger les aspects négatifs en en améliorant l’équité et en le rapprochant du droit commun tout en conservant la simplicité de déclaration et de paiement des charges sociales qui en fait tout l’intérêt.

Parallèlement à l’élaboration du projet de loi, le Gouvernement a donc demandé au député Laurent Grandguillaume de mener une réflexion d’ensemble sur la simplification des régimes juridiques, sociaux et fiscaux de l’entrepreneuriat individuel. Je le remercie de l’excellent travail qu’il a réalisé. Son rapport comporte un ensemble de propositions fondées sur l’équité, la lisibilité et la simplicité du régime de l’entrepreneur individuel organisé autour d’un régime simplifié de micro-entreprise. Les préconisations du rapport relatives au statut juridique unique de l’entreprise individuelle feront l’objet d’une expertise beaucoup plus approfondie par un groupe de travail conjoint du ministère de la justice et de celui dont j’ai la charge, qui remettra ses conclusions à la fin du printemps. Les autres peuvent être mises en oeuvre dès maintenant et poser les bases d’une réforme. C’est pourquoi j’ai modifié par amendement lors des travaux en commission des affaires économiques plusieurs points de la version initiale du projet de loi.

L’objectif est bien la préservation de la simplicité du régime de la micro-entreprise dans le cadre d’une convergence accrue avec les entreprises de droit commun au moyen de plusieurs mesures. Pour tous les entrepreneurs individuels relevant du régime social des indépendants, le régime micro-fiscal et le régime micro-social de paiement libératoire sur le chiffre d’affaires des cotisations et contributions sociales sont fusionnés au profit de la création du régime unifié de la micro-entreprise. Cette mesure se substitue nécessairement au seuil intermédiaire figurant dans le projet de loi initial dès lors qu’il n’existera plus qu’un unique seuil du nouveau régime de la micro-entreprise. En complément, les bénéficiaires du régime se verront ouvrir, sur option, la possibilité de compléter leurs cotisations sociales à concurrence du montant des cotisations minimales de droit commun afin d’acquérir des droits à prestations correspondants. Les cotisations des conjoints collaborateurs des entrepreneurs au régime de la micro-entreprise, dont le recouvrement n’est pas opérationnel actuellement, seront désormais calculées et payées comme celles du chef d’entreprise, c’est-à-dire par application d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires, fixé par décret.

En contrepartie de ces avancées, tous les bénéficiaires du régime simplifié exerçant une activité commerciale ou artisanale devront à l’avenir s’acquitter de taxes pour frais de chambre consulaire. Initialement, on avait envisagé de maintenir l’exonération en vigueur. Il a fallu y renoncer par souci d’équité mais aussi pour financer l’accompagnement des très petites entreprises par les réseaux consulaires. Cette mesure d’alignement sur le droit commun complétera la réforme de la CFE déjà réalisée dans le cadre de la loi de finances pour 2014 qui a supprimé l’exonération de CFE pour les auto-entrepreneurs au profit d’un mode de calcul plus favorable aux TPE indépendamment de leurs formes et statuts. De même, l’alignement sur le droit commun des micro-entrepreneurs du secteur de l’artisanat met fin à leur dispense du stage de préparation à l’installation des artisans. Toutes ces mesures rendent plus simple, plus lisible et plus équitable le droit des très petites entreprises.

L’alignement des différents régimes rendra ainsi plus aisé le passage des micro-entreprises qui ont un potentiel de développement vers le régime au réel, qui sera encore facilité par des dispositifs d’accompagnement restant à mettre en oeuvre. L’entrée en vigueur des mesures est fixée au 1er janvier 2015 afin d’adapter les systèmes d’information et de gestion du RSI et d’informer les entrepreneurs sur les nouvelles modalités. En outre, les auto-entreprises actives dans les secteurs concernés devront s’immatriculer au répertoire des métiers et les corps de contrôle seront compétents pour vérifier le respect des obligations d’assurance. Elles bénéficieront de la formation continue sous réserve d’avoir effectivement contribué au fonds de formation pendant l’année écoulée.

Le projet de loi simplifie par ailleurs le régime de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée en vue de le rendre plus attractif pour les TPE et les créateurs d’entreprise. Il limite l’exposition patrimoniale du titulaire au risque professionnel sans le contraindre à la création d’une entité sociale distincte, qui rebute un certain nombre d’entrepreneurs. Les modifications proposées simplifient en particulier les démarches comptables. L’ensemble des mesures a donc pour objectif de faciliter la vie des entreprises au quotidien et d’en simplifier la création.

Le second volet du projet de loi comporte une série d’outils destinés aux élus pour agir plus efficacement en faveur du maintien des entreprises de proximité. Il facilite l’utilisation par les communes du droit de préemption commercial en ouvrant la possibilité de le déléguer à un établissement public, à une intercommunalité ou à une société d’économie mixte, même en-dehors d’une opération d’aménagement d’ensemble.

Il s’agit d’un outil indispensable grâce auquel les élus maintiendront la diversité des TPE artisanales et commerciales dans les centres-villes ; il sera particulièrement utile aux élus des plus petites communes qui ne disposent pas toujours de l’appui technique et juridique ni des moyens financiers nécessaires pour mener des opérations complexes. Un diagnostic complet du dispositif a été mené en concertation avec les élus pour lever les freins à son usage. Nous avons complété en commission la version initiale du texte pour simplifier encore la procédure et faciliter la phase de reprise du fonds de commerce par un professionnel en allongeant le délai imposé à la commune pour rétrocéder le fonds dès lors qu’il est exploité.

Le développement équilibré de toutes les formes de commerce justifie l’intervention régulatrice de la puissance publique, dans le respect de la liberté d’entreprendre, à laquelle je suis fortement attachée. Sans bouleverser tout le dispositif, nous pouvons prendre des mesures pour améliorer la cohérence et l’efficacité de la régulation.

Dans le cadre de ce projet, le Gouvernement propose ainsi une réforme de l’urbanisme commercial, pour plus de lisibilité. Une unique disposition figure aujourd’hui dans le projet de loi ALUR de Cécile Duflot, celle que j’ai souhaité mettre en oeuvre le plus rapidement – avec notamment la régulation des drives, que j’ai évoquée au début de mon intervention.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion