Intervention de Michèle Bonneton

Séance en hémicycle du 12 février 2014 à 15h00
Artisanat commerce et très petites entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichèle Bonneton :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires économiques, chers collègues, l’artisanat, le commerce et les très petites entreprises maillent de façon fine nos territoires et y apportent beaucoup de dynamisme ; ils jouent un rôle fondamental pour notre économie, puisqu’ils représentent 25 % du PIB et 3,5 millions d’emplois.

Le projet de loi que nous examinons touche à de nombreux aspects de notre droit, tant public que privé. Les sujets abordés préoccupent, parfois depuis de très nombreuses années, les professions artisanales et commerciales. Elles intéressent également les élus locaux, comme les consommateurs, qui voient trop souvent disparaître le commerce de proximité des centres-villes, des bourgs et des villages de notre pays. Le commerce de proximité, principalement le commerce de bouche, est souvent en danger, tout comme le sont les artisans, eux aussi trop souvent chassés des centres-villes.

Or, les artisans et les commerçants de proximité sont essentiels pour la convivialité, le dynamisme local et la qualité de vie. Lorsque le commerce et l’artisanat s’éloignent, cela conduit à la multiplication des déplacements, coûteux et très polluants – sans parler des conséquences pour les personnes pénalisées par manque de moyens de transports –, à la consommation importante d’espaces agricoles et à des coûts d’infrastructures pour les collectivités locales.

Le projet de loi qui nous est présenté propose un certain nombre de dispositions pour freiner les phénomènes de désertification commerciale des centres.

En premier lieu, il contient des mesures sur les baux commerciaux. Comme en matière de logement, les baux commerciaux ont connu un renchérissement considérable ces quinze à vingt dernières années. De nombreuses activités ont ainsi été abandonnées du fait du montant des loyers au profit, par exemple, de banques ou de chaînes de magasins. Combien de bouchers, de charcutiers, de marchands de fruits et légumes, et même d’artisans coiffeurs, de serruriers, de plombiers ou d’électriciens, pour ne citer qu’eux, ont dû fermer boutique ou n’ont pas trouvé de repreneur ? Les mesures proposées sont intéressantes, notamment parce qu’elles limitent les hausses – même si, de mon point de vue, elles le font de façon peut-être un peu timide – et précisent les obligations du bailleur et du locataire ; nous avions formulé cette dernière demande en commission : elle est en partie satisfaite dans le texte qui nous est présenté en séance.

En second lieu, un progrès est accompli sur la question de la préemption. Les communes pourront déléguer leur droit de préemption, soit aux EPCI, soit à des établissements publics ad hoc. Dans la situation de déclin qu’a connue le commerce de proximité au cours de ces dernières années, il nous semble indispensable d’encourager les pouvoirs publics à intervenir, en leur donnant les moyens législatifs et réglementaires pour ce faire. Le présent projet de loi prévoit plusieurs dispositions qui vont dans ce sens et qui ont été enrichies en commission par des amendements, dont certains que nous avions déposés. Pour la séance, nous avons déposé des amendements destinés à améliorer et renforcer l’obligation d’information des collectivités sur l’activité pratiquée dans le local du vendeur, ainsi que sur le nombre de salariés et la nature des contrats de ceux qui y travaillent ; il s’agit en effet d’emplois qui peuvent parfois disparaître.

Pour les écologistes, la politique commerciale, dans notre pays, doit être guidée par la nécessité de préserver le commerce de proximité. Cela passe nécessairement par une réflexion globale sur l’urbanisme commercial. Si les dispositions de la loi sont intéressantes, nous souhaitons y apporter des aménagements. Sur notre proposition, la commission a abaissé de 30 000 à 20 000 mètres carrés le seuil de saisine de la Commission nationale d’aménagement commercial, ce qui constitue un progrès. Nous souhaiterions aller au-delà et rendre cette saisine automatique. En effet, nous parlons là de projets dont les répercussions sociales, économiques et environnementales peuvent déséquilibrer un territoire bien au-delà d’un département.

Quant à l’aide au commerce et à l’artisanat par le FISAC, elle est tout à fait capitale. Cependant, chacun connaît les déboires de ce dispositif, modifié en 2008 et 2009, que l’ancienne majorité avait, tout simplement, oublié de financer. De ce fait, comme l’a rappelé Mme la ministre, les dossiers se sont empilés, et il est aujourd’hui difficile de résorber le retard. Passer d’une logique de guichet à une logique d’appel à projets ne résout certes pas la question des besoins et des moyens, mais aura toutefois le mérite de répondre plus rapidement et plus clairement aux demandeurs, sur la base de critères connus de tous. Constatant que les moyens vont rester limités, et pour éviter la dilution des crédits, nous proposons que ceux-ci soient clairement réservés aux territoires les plus fragiles : le milieu rural, les zones de montagnes, les halles et marchés ainsi que les quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Enfin, il faut évoquer la question des formes de l’entrepreneuriat individuel, également abordée par ce projet de loi. On ne peut que constater le faible succès rencontré par l’entreprise individuelle à responsabilité limitée. Les mesures prévues dans ce texte tentent d’y remédier, mais seront-elles suffisantes pour inciter les personnes à franchir le pas et à adopter la forme de l’EIRL ? Nous pourrons le vérifier d’ici quelque temps.

La question des auto-entrepreneurs demeure entière. C’est un sujet qui, depuis un certain temps, fait polémique, notamment parce que les artisans y voient parfois une forme de concurrence déloyale ou de sous-salariat. Dans le secteur du bâtiment, par exemple, les professions sont souvent réglementées pour protéger le client et lui assurer que le professionnel exécutera les travaux demandés dans les règles de l’art. Il est donc indispensable de s’assurer que les travaux seront effectués par des personnes possédant les diplômes ou l’expérience nécessaires ou, à défaut, qu’elles les exécuteront sous la direction de personnes compétentes. Ceci demande à être vérifié avant que ne soit accordé le droit d’exercer ces professions. Sans contrôle, en effet, comment le consommateur peut-il avoir confiance dans la bonne marche des travaux et être sûr que son interlocuteur est, par exemple, bien assuré ? Le texte que nous examinons propose des dispositions en ce sens.

Grâce à un amendement adopté en commission, l’ensemble des entrepreneurs individuels, dans les limites d’un montant maximum de chiffre d’affaires, pourront bénéficier du régime simplifié et unifié, rassemblant le micro-fiscal et le micro-social. Cela répond aux inquiétudes concernant les atteintes à la concurrence.

Nous nous interrogeons toutefois sur l’opportunité de supprimer toute référence à une limite de durée du statut d’auto-entrepreneur.

D’autres éléments vont dans le sens d’une amélioration : la vérification des compétences et des diplômes pour les professions réglementées, l’obligation de s’inscrire au répertoire des métiers ou au registre du commerce et des sociétés, ou encore, l’obligation d’effectuer un stage préalable à la création d’une auto-entreprise.

En revanche, le délai d’un an pour s’inscrire auprès des chambres consulaires nous semble trop long : nous proposons de limiter ce délai à trois mois. Nous savons que le taux d’échec des auto-entreprises est considérable ; l’inscription aux différents répertoires, ouvre, pour les nouveaux entrepreneurs, des services intéressants, qui peuvent leur permettre d’éviter cet échec. Cette inscription constitue donc une opportunité pour réussir.

S’agissant de la concurrence déloyale, un autre problème difficile se pose : celui des travailleurs détachés. Il s’agit là d’un autre sujet, dont le Parlement va débattre dans les semaines à venir ; il est effet indispensable de prendre des mesures fortes en ce domaine.

Madame la ministre, ce projet de loi règle, globalement, un certain nombre de difficultés. Je dois vous dire que j’ai apprécié vos qualités d’écoute en commission. Je souhaite que le débat parlementaire qui s’ouvre permette d’enrichir encore le texte présenté.

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