Intervention de Frédéric Roig

Séance en hémicycle du 12 février 2014 à 15h00
Artisanat commerce et très petites entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Roig :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs, on ne peut que se réjouir de l’arrivée en séance publique de ce texte tant attendu par les artisans, les commerçants et les très petites entreprises. Les métiers de ces secteurs représentent le coeur de notre tissu économique. Montesquieu disait d’ailleurs : « L’histoire du commerce est celle de la communication des peuples. » De fait, le commerce rapproche les citoyens et les unit. D’où l’importance d’avoir des commerces de proximité. Qui mieux que le boulanger de quartier, le boucher-charcutier ambulant, le vendeur de primeurs ou le coiffeur permet de faire vivre nos centres-villes ? Ces commerçants sont de véritables artisans de la cohésion sociale.

En France, la valeur ajoutée du commerce représente 10 % de notre produit intérieur brut et l’artisanat plus de 5 %. Le chiffre d’affaires du commerce représente près de 1 400 milliards d’euros, celui de l’artisanat 270 milliards d’euros. Ces secteurs sont également d’importants pourvoyeurs d’emplois : ils représentent au total plus de 5 millions de salariés.

Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement et les élus socialistes se mobilisent pour redresser la situation économique de la France en soutenant l’emploi et nos entreprises. L’économie, ce n’est pas uniquement les grands groupes ; c’est surtout notre commerce, nos petites entreprises et nos artisans qui sont les garants d’un savoir-faire de qualité et du travail de proximité.

Je tiens à vous féliciter, madame la ministre, pour le travail de concertation que vous avez mené afin de parvenir à un consensus, alors même qu’il est délicat de modifier les conditions d’exercice de professions parfois réglementées. Je salue également votre volonté de permettre le développement du commerce et de l’artisanat. Ce projet est la suite logique du pacte pour l’artisanat, présenté en conseil des ministres le 23 janvier 2013 et du plan d’action pour le commerce et les commerçants, mais aussi pour l’adaptation du régime de l’auto-entrepreneur et le soutien à l’entrepreneuriat individuel.

Je veux également saluer le travail de notre collègue Fabrice Verdier, rapporteur de ce texte, qui a effectué près d’une quarantaine d’auditions, avec des interlocuteurs aussi divers que la Fédération française du bâtiment, l’Union professionnelle artisanale, le PROCOS, le Conseil du commerce de France, les chambres de commerce et d’industrie et les chambres des métiers, l’Union des auto-entrepreneurs – je vous fais grâce de la liste complète. J’ai moi-même reçu différents acteurs qui ont exprimé leur satisfaction du fait que vous ayez cherché, dans ce projet de loi, à atteindre le consensus et l’équilibre.

Le consensus est d’ailleurs dû en grande partie à l’excellent travail de notre collègue Laurent Grandguillaume. Au nom du groupe SRC, je tiens à le féliciter : il a mené une véritable bataille pour rassembler et mettre d’accord des acteurs très différents. Certaines propositions de son rapport se sont traduites par des amendements que la commission des affaires économiques a adoptés. À cet égard, je salue également le travail accompli en commission sous la présidence de M. Brottes, que ce soit pour l’analyse des amendements ou celle des articles. À l’issue de ce travail, notre commission a adopté le présent texte.

Ce projet de loi vise tout d’abord à améliorer les relations commerciales entre les bailleurs et les locataires en clarifiant les règles qui les régissent. La situation économique actuelle, marquée par un recul de la consommation des ménages et donc par des difficultés pour le commerce, est un facteur aggravant et souvent même un révélateur des tensions autour des baux commerciaux. Il était donc nécessaire de légiférer pour rétablir l’équilibre dans les relations entre les bailleurs et les locataires et pour maîtriser l’évolution des coûts locatifs.

Le projet de loi propose que les contrats de bail deviennent plus précis, en incluant la répartition des charges. En commission, nous avons souhaité aller plus loin en faisant en sorte que la répartition des impôts figure également dans le contrat de bail, de même qu’un budget prévisionnel pour les travaux à réaliser. Ainsi, la transparence est totale. De plus, le commerçant qui décide de commencer une activité connaît clairement le montant qu’il aura à payer.

Par ailleurs, ce texte établit un plafonnement du prix du loyer. Cette disposition était très attendue par les commerçants. Ainsi, le loyer ne pourra plus augmenter de plus de 10 % par rapport à l’année précédente. C’est une véritable avancée qu’il faut saluer. En temps de crise, il était nécessaire d’agir pour éviter que des commerçants, après avoir fidélisé leur clientèle et investi dans un magasin, soient contraints de quitter celui-ci parce que le bailleur aurait décidé d’une hausse du prix du loyer conséquente et inattendue.

Afin de garantir la pérennité des commerces en cas de vente du local, le texte organise également un droit de préférence pour le locataire, afin que celui-ci puisse, s’il le souhaite, maintenir son activité. La possibilité offerte aux communes de déléguer leur droit de préemption afin de préserver la diversité des commerces – dans l’intérêt des consommateurs, mais aussi pour lutter contre la mono-activité – est d’ailleurs renforcée. En effet, la richesse des services que nos commerces fournissent aux citoyens passe aussi par leur diversité.

Ce projet de loi vise à éviter les différends entre bailleurs et locataires en étendant la compétence des commissions départementales de conciliation pour les baux. Le dialogue doit primer afin d’éviter que des frais de justice soient engagés. Pour éviter les contentieux, ce texte renforce également les dispositions visant à ce qu’un état des lieux soit établi, dans l’intérêt du locataire et du propriétaire : plus les choses seront claires depuis le début, sur la base d’un accord entre les deux parties, moins on risquera par la suite de voir surgir des litiges.

Le projet de loi propose donc une véritable rénovation des régimes des baux commerciaux. Lors des auditions réalisées par le rapporteur, de nombreux représentants de commerçants nous ont alertés sur la nécessité de renforcer les règles en la matière. Actuellement, la durée des baux dérogatoires est de deux ans. Si l’Assemblée en décide ainsi, elle passera à trois ans, ce qui donnera une plus grande souplesse. En effet, cette durée est jugée nécessaire pour se rendre compte, dans certains secteurs, de la fidélité de la clientèle, de l’impact des produits commercialisés et de la viabilité économique des boutiques.

Il est également proposé de prendre en compte, s’agissant de la location, des critères plus adaptés : l’indice du coût de construction sera remplacé par l’indice des loyers commerciaux et par l’indice des loyers des activités tertiaires. Il s’agit de se situer au plus près de la réalité vécue par les entreprises. En commission, nous avons proscrit les clauses dérogatoires au droit de congé triennal des locataires en matière de bail commercial. Un amendement du groupe RRDP, adopté par la commission, ouvre la possibilité pour les héritiers d’une personne décédée titulaire d’un bail commercial de mettre un terme au contrat en respectant un délai de seulement six mois, sans attendre le terme de la période triennale.

De plus, ce projet de loi vise à promouvoir le développement des très petites entreprises, notamment dans le domaine de l’artisanat. Il s’agit de revaloriser ce secteur pour permettre à toute entreprise artisanale de plus de dix salariés de demeurer immatriculée au répertoire des métiers, sans conditions de durée.

Les chambres consulaires jouent un rôle fondamental pour nos commerces, du fait de leur expertise et de leur connaissance du terrain. Ce texte comporte plusieurs dispositions visant à améliorer le fonctionnement des chambres de commerce et d’industrie et des chambres des métiers, notamment en donnant un effet suspensif à l’appel formé contre un jugement annulant des élections consulaires.

Surtout, nous modifions la définition de la qualité d’artisan pour la revaloriser. Au nom du groupe SRC, je défendrai tout à l’heure un amendement visant à permettre l’inscription dans le texte des fromagers crémiers : acteurs majeurs des circuits courts de distribution, ils sont les garants de la diversité de certaines coutumes et de la préservation des savoir-faire. La définition des métiers de l’artisanat inclut notamment la préparation ou la fabrication de produits frais de boucherie, de charcuterie et de poissonnerie ; il m’apparaissait important d’y ajouter cette profession.

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