J’étais déjà réservé à l’époque ; je le suis encore plus aujourd’hui. C’est une erreur de vouloir lier l’attribution des crédits du FISAC à de tels critères. Les zones rurales et de montagne sont mentionnées, mais quid des communes littorales ? Quid des communes touristiques ? Ces communes, dont la mienne, se battent pour conserver des commerces ouverts toute l’année et pour éviter de ne plus offrir que des emplois saisonniers. Dans ma commune, par exemple, les emplois saisonniers d’autrefois sont désormais ouverts à l’année. Évitons donc de déstabiliser ces commerces de centre-ville en cessant de les aider ! Certes, vous avez été attentifs à certains dossiers de communes touristiques et littorales, mais vous vous apprêtez à inscrire dans la loi des critères d’attribution des crédits du FISAC trop restrictifs.
De surcroît, l’enveloppe allouée au FISAC continue de baisser. Ce n’est pas un phénomène récent, puisque je le combattais déjà sous la précédente majorité. Il est alors arrivé que la mobilisation de députés de tous bancs parvienne à faire reculer le Gouvernement, mais la tendance générale est tout de même à la baisse sensible et systématique, au fil des lois de finances, du budget du FISAC. Or, de nombreuses communes deviendront inéligibles au FISAC du fait cette réduction combinée avec la restriction des critères d’attribution. Ces critères sont aujourd’hui plus ou moins appliqués car l’enveloppe est encore substantielle, mais avec la réduction du budget du Fonds, on fermera purement et simplement la porte à certaines communes, peut-être situées dans vos circonscriptions, en raison de critères trop restrictifs.
Une autre crainte concerne les commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC. L’élargissement sensible de leur composition aura pour effet de déposséder les élus locaux de la maîtrise de l’urbanisme commercial, contrairement au but recherché par le texte. À quoi sert-il donc d’élaborer des schémas de cohérence territoriale et d’y attacher un volet commercial si les élus ont au-dessus de leur tête une CDAC dont le nombre de membres ne cesse d’augmenter, qu’il s’agisse de représentants d’associations de maires ou de conseillers régionaux ? En formulant des avis contraignants, elle décidera à la place de ces élus de terrain – alors qu’ils ont défini une politique commerciale dans les SCOT – des endroits où le commerce pourra se développer. Ce n’est guère cohérent ! Je regrette que le Gouvernement ne soit pas allé au bout de cette démarche.
Outre qu’il suscite des craintes, ce projet de loi se caractérise par un manque de souffle et d’ambition. S’agissant des commerces de centre-ville, pour ne citer que cet exemple, pourquoi ne pas avoir pris le temps de conduire une réflexion globale pour remettre à plat le statut des baux commerciaux ? Vous vous y attaquez, mais ce statut date de 1953 ; il a été précisé au fil du temps par la jurisprudence, pour aboutir à un équilibre complexe. L’édifice est extrêmement fragile. Pourquoi n’avoir pas fait pour les baux commerciaux le travail accompli pour les auto-entrepreneurs ? Il aurait fallu profiter de ce texte pour revoir intégralement le statut de ces baux. Il suffisait pour ce faire de consulter ceux qui travaillent sur ce sujet. En octobre 2013, les états généraux des baux commerciaux se sont tenus à l’Université de Paris-Dauphine, à l’initiative de M. Joël Monéger, professeur d’université et spécialiste de ces questions. S’il avait été consulté, ainsi que tous les experts avec lesquels il travaille, nous aurions alors pu envisager une belle et grande réforme des baux commerciaux. Au lieu de cela, vous touchez à leur statut, parfois sur des points extrêmement sensibles, et vous déplacez les curseurs, mais je crains qu’il n’en résulte une déstabilisation de l’ensemble et qu’à vouloir résoudre un problème, vous n’en créiez dix autres. La loi risque en effet d’être la source de nombreux contentieux. Soyons donc prudents : c’est avec la plus grande réserve qu’il faut modifier le statut des baux commerciaux, pour ne pas fragiliser cet édifice.
Plus généralement, pourquoi ne pas avoir fait précéder le projet de loi d’une large réflexion sur l’évolution du commerce ? Ainsi, ni le texte ni l’étude d’impact ne comportent quelque référence que ce soit au développement du commerce en ligne et à l’impact qu’il a sur le tissu commercial existant. Est-ce normal ? Il ne s’y trouve pas non plus de réflexion d’ensemble sur la nécessité de préserver des commerces de proximité et de centre-ville ou sur leur évolution. Là encore, c’est un sujet qui aurait mérité un grand et beau débat, plutôt que de n’être abordé que par le biais du droit de préemption – qui aurait d’ailleurs pu être retravaillé bien plus que vous ne l’avez fait – ou par celui du statut des baux commerciaux.
Vous avez souhaité intégrer les questions d’urbanisme commercial dans le code de l’urbanisme : très bien. Pourquoi, cependant, avoir conservé un tel degré de complexité et ne pas être allé au bout de la démarche ? De même, vous retouchez le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, mais ce texte aurait dû être l’occasion de simplifier le statut des entrepreneurs indépendants. Le maquis des EURL, EIRL, SNC et autres SASU est si complexe que les professeurs de droit, dont je suis, ont les plus grandes peines à expliquer ces statuts – qui continuent de se multiplier – à leurs étudiants. On entend parler de choc de simplification du matin au soir : en l’occurrence, il y avait matière à simplifier ! De ce point de vue, c’est une nouvelle occasion manquée.
En somme, ce texte comporte certes des mesures intéressantes mais, hélas, il n’apporte pas de vraies réponses aux commerçants et aux artisans face à la crise économique.