Intervention de Laurent Grandguillaume

Séance en hémicycle du 12 février 2014 à 15h00
Artisanat commerce et très petites entreprises — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Grandguillaume :

Votre projet de loi, madame la ministre, s’adresse directement à l’ensemble des entrepreneurs individuels de France. Il faut rappeler que les artisans, les commerçants et les professions libérales représentent des millions d’entrepreneurs dans notre pays.

Les micro-entreprises, celles qui représentent moins de dix salariés, pèsent économiquement autant que les PME et que les entreprises intermédiaires en France. Il est bon de le rappeler car elles jouent un rôle de premier plan en matière d’emplois, de création de richesses et de redressement économique. Elles sont également créatrices de lien humain, de « vivre ensemble », comme cela a été souligné par notre collègue Frédéric Roig.

Mais les contraintes administratives qui pèsent sur elles sont d’autant plus fortes que leur taille est petite. Elles ne disposent pas des mêmes moyens humains que les entreprises de plus grande taille. Chaque formalité complexe est du temps pris sur celui consacré au développement de l’entreprise. Et l’entrepreneur individuel, par nature, est souvent un entrepreneur isolé. Alors simplifions-lui la vie !

Créer son entreprise individuelle est devenu, au fil du temps, le parcours du combattant. Comment créer mon entreprise seul ? Dois-je choisir l’EI ou l’EIRL – il y a d’ailleurs quasi-impossibilité de passer d’un statut à l’autre, car il faudra que j’estime mon actif et mon passif au moment du passage ? Dois-je choisir une forme de société unipersonnelle ? Puis, ensuite, quel régime fiscal et social : auto-entrepreneur, microfiscal, réel, réel simplifié ? Qu’en est-il du prélèvement libératoire ? Quelle option dois-je choisir entre l’IR et l’IS ? Avec toutes ces questions, on est bien loin du projet originel de la création d’entreprise. Il est donc grand temps de passer du parcours du combattant au parcours de croissance.

Tel est le sens de la mission qui m’a été confiée par M. le Premier ministre, dans un contexte difficile de fortes oppositions entre artisans et auto-entrepreneurs. Mais dans un contexte aussi de dynamique collective sur la simplification. En effet, Thierry Mandon a remis un rapport important sur la simplification à destination des entreprises, qui liste une série de propositions ambitieuses.

Je tiens d’ailleurs à remercier l’ensemble des acteurs qui ont participé, chaque jeudi, pendant deux mois, à la commission de travail que j’ai animée. Je remercie mes collègues Fabrice Verdier, rapporteur, et Frédéric Roig pour le travail que nous avons mené ensemble. Je voudrais également remercier Christian Eckert, rapporteur général, ainsi que François Brottes, président de la commission des affaires économiques, pour le soutien qu’ils m’ont apporté, ainsi que pour leur expertise. Je remercie en outre les deux co-rapporteurs de la mission, M. Sauret et M. Pham Ngoc, ainsi qu’Éric Adam, sans oublier Saïd Oumeddour, de même que nos homologues sénateurs, comme Philippe Kaltenbach, qui a rédigé un rapport sur l’auto-entrepreneur, et tous les collègues de l’opposition que j’ai pu rencontrer lorsqu’ils en ont fait la demande. Tous ont fait preuve d’un esprit d’ouverture et de recherche de solutions que la fermeté des positions préalables ne laissait pas présager.

Au final, le schéma d’ensemble proposé découle directement des propositions que nous avons travaillées ensemble, madame la ministre, avec la commission. Il est sous-tendu par une recherche constante de simplicité et d’équité. Il est ambitieux par les effets qu’il induit et nécessitera un suivi précis des mesures décidées, afin d’éviter de recréer de la complexité par le jeu des détails. Il vise à simplifier et à réformer le cadre de l’entreprise individuelle pour sécuriser l’entrepreneur, simplifier ses formalités et les modalités d’acquittement de ses charges sociales et fiscales, améliorer sa protection sociale, protéger son patrimoine personnel et, enfin, mieux l’accompagner.

La création du régime des auto-entrepreneurs en 2008 par Hervé Novelli a démontré l’impact positif de procédures administratives réellement simples en matière de création d’entreprises. Mais, dans le même temps, elle a induit des réactions négatives des autres entrepreneurs face à ce qu’ils considèrent comme un régime privilégié débouchant sur une distorsion de concurrence en leur défaveur. Pourquoi ? Parce que cela a été un régime supplémentaire, créé sans que l’on simplifie l’ensemble des régimes existants. Il faut maintenant passer à la simplification pour tous.

La mission a donc travaillé sur un scénario permettant de répondre à quatre principes qui doivent guider le cadre de la création d’entreprise : la simplicité, la lisibilité, l’équité et la fluidité, c’est-à-dire la possibilité d’évoluer facilement d’une forme d’activité à une autre en fonction des nécessités et opportunités.

Pour plus de simplicité et de lisibilité, nous avons proposé un statut juridique unique pour l’entrepreneur individuel, défini par des traits constants s’appliquant à deux régimes, qui seront unifiés, entre l’auto-entrepreneur et le micro-fiscal, dont les caractéristiques seraient différenciées selon le niveau d’activité, avec des obligations déclaratives et des régimes fiscaux et sociaux adaptés à la taille.

Avec le rapporteur, avec vous, madame la ministre, et avec l’ensemble des collègues, nous avons enrichi le projet de loi en commission des affaires économiques en faisant adopter des amendements découlant de différentes recommandations.

L’amendement visant à instaurer un comité de préfiguration en vue de parvenir à des propositions claires et complètes en vue d’instaurer enfin un statut unique de l’entrepreneur individuel a été adopté. Il visera à unifier l’entreprise individuelle, l’EIRL et l’EURL, mais aussi à gérer la question du stock, enfin, car chaque fois que des régimes ont été créés, elle a été laissée de côté. Il faudra laisser à celles et ceux qui sont assujettis aux statuts existants le temps nécessaire pour passer à ce nouveau statut.

Il faudra du courage pour mener cette réforme au bout, tant les conservatismes seront forts et les résistances nombreuses. Il faudra aussi du temps, car cela concerne plus d’un million d’entrepreneurs, et il faudra veiller à la conformité avec les textes communautaires.

Cette nouvelle entreprise individuelle sera dotée d’une personnalité juridique et disposera de son propre patrimoine, ce qui facilitera aussi le passage en société lorsque l’entrepreneur individuel aura besoin de s’associer pour la croissance de son entreprise. L’habitation principale devra être protégée par défaut, dans la continuité de la loi Dutreil de 2005, avec encore plus de simplicité. Cette habitation principale ne devra pas être saisissable ; c’est un enjeu important, difficile, on le sait, mais fondamental pour l’entrepreneur.

Pour plus d’équité, nous passerons donc à deux régimes, par la fusion de l’auto-entrepreneur et du micro-fiscal, l’extension de la simplicité de l’auto-entrepreneur au micro-fiscal.

On connaît les différences entre les deux régimes : tous les entrepreneurs au micro-fiscal sont aujourd’hui assujettis à des cotisations minimales – celles-ci seront donc supprimées – tandis que les auto-entrepreneurs ne participent pas, eux, aux frais de chambres consulaires – ce sera le cas désormais, ce qui tout en représentant une petite somme, permettra ainsi de placer les uns et les autres sur un pied d’égalité. Sachant que 40 % des artisans hors auto-entrepreneurs sont au micro-fiscal, les artisans bénéficieront donc, eux aussi, de cette simplification.

Avec la fin de la limitation dans le temps et de la baisse des seuils de TVA – l’une des revendications de certaines organisations –, on va dans le sens de l’histoire en permettant à tous ceux qui commencent de savoir qu’ils ne paieront qu’en fonction du chiffre d’affaires qu’ils auront réalisé. Ils pourront en outre accroître leur couverture pour la retraite, notamment en fin d’année. Nous devrons cependant préciser par voie d’amendement qu’il s’agit bien d’un opt-in et non d’un opt-out, lequel serait considéré comme une nouvelle contrainte. Les entreprises qui auront choisi ce régime bénéficieront donc de la suppression des cotisations minimales.

Nous n’en oublions pas pour autant tous les artisans et commerçants qui sont assujettis au régime réel puisqu’ils verront eux aussi leurs cotisations minimales diminuer, passant de 1 700 euros par an à 1 000 euros. Il faut savoir en effet que nombre de nouveaux entrepreneurs paient aujourd’hui, à leurs débuts, des cotisations supérieures à leur chiffre d’affaires.

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