Merci, madame la présidente. Au terme de nos débats, après le vote positif du Sénat hier, je souhaite remercier de nouveau le rapporteur François Pupponi, les membres de la commission et l’ensemble des parlementaires qui se sont impliqués dans ce texte, en améliorant le contenu tout en veillant à maintenir sa cohérence. Alors même que certains doutaient de notre capacité commune à nous atteler à une telle réforme, je ne peux que vous faire part de ma pleine satisfaction quant aux conclusions de la CMP et, au-delà, à la qualité des travaux menés à l’Assemblée nationale comme au Sénat.
Nous avions ici largement débattu de la refonte de la géographie prioritaire, dont la succession de zonages et de dispositifs liés n’assurait ni l’efficacité ni la lisibilité. Sur ce point, qui constitue un élément clé de la réforme, je tiens à saluer la position des parlementaires, de tous les bancs, qui ont veillé au strict respect de l’intérêt général.
Une fois cette fameuse liste rendue publique, dès la publication du décret d’application de la loi, les territoires seront retenus en politique de la ville sur la base d’un critère unique, objectif et donc transparent : celui de la concentration urbaine de pauvreté. Cette méthode permettra de redonner tout son sens et toute son ambition à la politique de la ville en se concentrant sur des territoires certes différents mais qui cumulent tous les mêmes difficultés.
Cette nouvelle géographie était le préalable indispensable à une deuxième étape : la mise en oeuvre, à l’échelle des intercommunalités, de nouveaux contrats de ville. Le Parlement a souhaité soutenir cette logique intercommunale dans l’élaboration de ces contrats de nouvelle génération, tout en précisant plus clairement le rôle de la commune, et donc de son maire, ainsi que de l’intercommunalité en politique de la ville. Avec ce nouvel outil, nous pourrons bâtir des diagnostics et des stratégies partagés, à la bonne échelle, pour réduire durablement les inégalités sociales et spatiales dans les bassins de vie.
Cette réforme de la politique de la ville n’engage pas seulement un changement d’échelle d’intervention des pouvoirs publics. Elle opère aussi un changement de dimension dans l’articulation comme dans la nature des réponses que nous souhaitons apporter.
Changement de dimension car, dorénavant, c’est une action globale qui sera privilégiée, assurant la juste articulation entre les actions sur l’urbain, les dispositifs de cohésion sociale et les enjeux de développement économique. Le nouveau programme de renouvellement urbain, doté de 5 milliards et permettant d’en lever 20, sera ainsi l’une des parties intégrantes des nouveaux contrats de ville.
Changement de dimension puisque le contrat de ville associera l’ensemble des parties prenantes au développement d’un territoire : les élus et les services de l’État bien sûr, mais au-delà les habitants, les acteurs associatifs ou économiques et l’ensemble des acteurs qui comptent dans les quartiers. Dans le même esprit, le Parlement a souhaité la mise en place de conventions intercommunales relatives aux politiques d’attribution de logements, qui rassembleront tous les acteurs du logement. Elles constitueront des instruments de concertation efficace pour créer de la mixité sociale dans les quartiers.
Changement de dimension, enfin, car la politique de la ville ne s’appuiera plus seulement sur ses crédits spécifiques mais mobilisera l’ensemble des politiques de droit commun. Dorénavant, ce sont les politiques publiques de droit commun qui seront sollicitées avant de mettre en oeuvre les crédits de la politique de la ville, lesquels retrouveront enfin leur fonction d’effet levier.
Cette loi organise le retour de l’État dans les quartiers et la territorialisation des politiques publiques en fonction des difficultés rencontrées par chaque territoire urbain. Comme un symbole, les portes de la nouvelle agence locale de Pôle emploi s’ouvriront au lendemain de l’adoption de ce texte, dès ce lundi, à Clichy-sous-Bois.
Lorsque nous avons débattu, au mois de novembre, des orientations du projet de loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, j’ai souhaité inscrire ce texte dans une perspective plus large. J’ai toujours souligné qu’une refonte des dispositifs de la politique de la ville ne pouvait être engagée sans s’interroger plus fondamentalement sur le regard que notre société porte sur les quartiers populaires.
Car, dans ces territoires, on ne subit pas seulement l’accumulation de difficultés économiques et sociales. D’autres barrières, peut-être symboliques mais tout aussi solides, se dressent aussi devant ceux qui y vivent. Je veux bien évidemment parler de ces discriminations auxquelles sont confrontés les jeunes actifs dans leur recherche d’emploi.
C’est cette réalité, cette injustice qui vous a conduit à inscrire dans ce projet de loi la reconnaissance du lieu de résidence comme critère opposable de discrimination positive, à l’initiative de Daniel Goldberg et de nombreux parlementaires de la majorité. J’engagerai prochainement une campagne pour faire connaître cette mesure et pour sensibiliser les acteurs économiques et les propriétaires.
C’est cette triste réalité, cette injustice qui vous a amené à valoriser la reconnaissance et la promotion de l’intervention citoyenne dans la conduite même de la politique de la ville. Les travaux parlementaires ont été précieux pour clarifier et renforcer les différentes mesures relatives à la participation des habitants dans les quartiers prioritaires.
Des conseils citoyens, dont la CMP a souhaité garantir la parité de la composition, seront ainsi constitués et associés à l’ensemble des étapes du contrat de ville. Des maisons du projet seront créées pour le suivi plus spécifique des opérations de renouvellement urbain. Le Parlement a aussi souhaité que dorénavant des représentants des locataires puissent siéger au conseil d’administration de l’ANRU. J’ai quant à moi annoncé mon intention d’ouvrir le Conseil national des villes à des représentants des habitants des quartiers prioritaires.
Toutes ces avancées concourent au même objectif : permettre à la personne qui réside dans nos quartiers de passer du statut d’habitant à celui de citoyen associé aux choix qui le concernent. Je suis en effet convaincu que le principe de co-construction de nos politiques publiques est une des conditions premières du rétablissement de l’égalité républicaine. Il ne peut y avoir en effet de reconquête sociale sans reconquête démocratique. Le Président de la République lui-même nous a rappelé que cette double exigence devait être au coeur de la démarche de réforme du Gouvernement.
Tout en poursuivant notre combat contre les inégalités sociales, nous assumons ainsi l’ouverture de nouveaux droits. La priorité accordée à l’emploi, au redressement des comptes publics et au retour de la croissance n’exonère pas d’agir pour les libertés publiques, la lutte contre les discriminations, l’égalité femme-homme ou la citoyenneté.
Mesdames et messieurs les députés, si la réforme de la politique de la ville est maintenant pleinement engagée, j’ai conscience que ce texte n’est pas un achèvement mais plutôt un nouveau commencement. Il faut maintenant que la loi trouve à s’incarner, dès son adoption, en association avec les élus locaux et les citoyens.
Cette loi doit trouver son prolongement dans le nouveau programme de renouvellement urbain, dans la pleine application des conventions passées entre le ministère de la ville et les ministères concernés, ainsi que dans la réalisation, au coeur de nos quartiers, de l’ensemble des engagements que nous avons collectivement défendus. Je pense notamment aux mesures liées à la promotion de la mémoire des quartiers ou encore à la fondation pour l’innovation sociale, qui ont été portées lors du débat public dans cet hémicycle.
Vous l’avez compris, par une adoption que j’espère la plus large possible, ce n’est pas seulement une loi qui va être votée par le Parlement : c’est une bataille que nous allons engager pour nos quartiers populaires, une bataille contre les inégalités et l’injustice sociale, une bataille pour faire vivre l’égalité. Je vous remercie.