Intervention de Gilles Savary

Réunion du 4 février 2014 à 16h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, co-rapporteur :

Cette directive, vous l'avez compris, nous apparaît assez curieuse. Il y avait la nécessité de clarifier la distinction entre concession et marché public et la France ne pouvait pas y être hostile puisque nous sommes les champions des délégations de service public, qui bénéficient à des grandes entreprises françaises de niveau mondial.

Elle porte sur beaucoup de sujets sur lesquels la France a engagé des réformes, telles que les sociétés d'économies mixtes, ou les régies, qui ne peuvent plus participer à des appels d'offres aujourd'hui mais pourraient revenir dans le jeu sur la base de cette directive à concurrence de 20 % de leur chiffre d'affaires.

En fait, ce qui nous inquiète dans ce texte est le fait qu'il a été « lobbyé » par nos partenaires allemands et qu'il affaiblit la compétitivité française.

En résumé, les Allemands disent qu'une régie municipale est exemptée de concurrence chez elle, mais peut aller prospecter d'autres marchés alors que cela était impossible. Par exemple le Stadtwerke de Münich qui réalise un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros, pourrait soumissionner sur des marchés extérieurs à concurrence de 800 millions d'euros.

Nous avons trouvé des acteurs surpris et inquiets du résultat auquel nous avons abouti, car ce texte exclut tous les points forts français ouverts à la concurrence, par exemple, l'eau, le gaz et l'électricité.

Nous nous trouvons dans une situation où l'Allemagne protège son marché et ses Stadtwerke, mais où nos grandes entreprises de service public sont prises à revers, ce qui est très inquiétant. Tous les opérateurs que nous avons rencontrés sont stupéfaits de ce résultat, qui à mon avis est attaquable devant la Cour de Justice au titre du marché intérieur du fait des inégalités de concurrence ainsi créées.

L'élaboration de la directive concession a été laborieuse ; elle entraîne la disparition de l'affermage, du fait de la réduction à cinq ans des concessions courtes, dépourvues d'investissement. Cette directive exige également que les avenants ne dépassent pas 5 millions d'euros sur la durée de la concession, ce qui n'est rien pour les grosses concessions importantes.

Bref, voilà un texte « baroque », déséquilibré, protecteur d'un des États qui devrait être le plus ouvert au marché, ce qui est difficilement admissible. Je le dis comme je le pense, un peu brutalement.

Je propose que dans la transposition de la France colle le plus possible à la loi Sapin.

Nous préconisons d'abandonner peut-être l'intuitu personae, mais la loi Sapin est un très bon texte qui permet de négocier des concessions à géométrie variable selon le montant des investissements, leur nature et le temps de retour. Il permet de faire du dialogue compétitif ou de conclure des avenants en cas de problème lourd, sans remise en cause de la concession. On le voit tous les jours, par exemple dans les transports publics avec une concurrence ouverte et un vrai pilotage par la puissance publique à travers le cahier des charges.

Il nous semble que la France doit réitérer sa conception de la régie, qui est celle de la jurisprudence européenne, c'est-à-dire l'impossibilité pour une régie d'aller faire des affaires ailleurs, de façon à ce que nous ne nous fassions pas chalenger par des Stadtwerke monstrueuses protégées chez elle. Cela nous paraît sain et de jurisprudence constante.

Nous préconisons également une acception large de l'investissement, du fait de la durée réduite, afin de favoriser l'amortissement, en particulier des investissements matériels lourds.

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