COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Mardi 4 février 2014
Présidence de Mme Danielle Auroi, Présidente de la Commission
La séance est ouverte à 16 h 15
I. Examen du rapport d'information de MM. Gilles Savary et Arnaud Richard sur la directive relative aux concessions
Fin juin 2013, le Conseil de l'Union européenne, la Commission européenne et le Parlement européen ont conclu des accords provisoires relatifs aux « paquet marchés publics », qui devraient être définitivement adoptés dans les semaines qui viennent.
Cette réforme était composée de trois propositions de directives européennes : la première directive est d'ordre général et concerne en particulier les procédures de passation des marchés ; la deuxième devrait couvrir les services liés à l'énergie, aux transports et aux services postaux ; la troisième, objet du présent rapport, devrait régir les concessions de travaux et de services, sujet complexe.
Ces trois directives devraient permettre aux autorités de se baser sur de nouveaux critères, notamment de nature environnementale ou financière, dans le but d'accepter l'offre la moins chère, mais aussi la plus innovante.
Afin d'éviter la pratique du « dumping » et la concurrence déloyale, les nouvelles directives devraient mettre en place des règles plus rigoureuses concernant la pratique des « offres anormalement basses ».
S'ils partageaient ces objectifs généraux s'agissant des marchés publics, les pouvoirs publics français - Gouvernement, Assemblée Nationale et Sénat - ont dès le départ fait part de leur hostilité à une réforme de la législation relative aux concessions, estimant que ce texte n'était pas nécessaire, contrevenait au principe de subsidiarité et ne prenait pas assez en compte la spécificité française du contrat de concession.
Votre Commission des affaires européenne avait considéré en 2012 que l'harmonisation souhaitée pouvait s'effectuer sous la forme de lignes directrices, mais non sous la forme d'une législation. Cette position a conduit les autorités françaises à aborder en reculant un projet, qui n'était pas satisfaisant, et a probablement affaibli la position de notre pays dans la négociation qui vient d'aboutir.
En effet, l'accord provisoire obtenu en trilogue avec le Conseil et la Commission européenne, en juin a été validé en juillet par le COREPER et adopté par le Parlement européen le 14 janvier dernier.
La publication de ce texte devrait donc intervenir très rapidement. La directive entrera en vigueur 20 jours après la publication au Journal officiel de l'Union Européenne, après cette date, les États membres disposeront de 24 mois pour la transposer.
Quelles étaient les ambitions de la Commission européenne ? Elle a entendu rationaliser et favoriser le recours aux concessions de services publics, par le biais d'une proposition, publiée le 20 décembre 2011.
En l'absence de normes européennes, les contentieux pouvant survenir conduisaient les autorités européennes à traiter les concessions à l'aide des réglementations applicables aux marchés publics ou aux services d'intérêts généraux, ces deux cadres ne prenant pas en compte la spécificité des concessions.
La directive a pour ambition de pallier aux principales failles mises en lumière par la Commission européenne dans son analyse d'impact relative aux concessions : l'insécurité juridique liée à l'absence de régime juridique applicable à la concession, ainsi que l'existence de barrières à l'entrée sur le marché.
Le projet élaboré par la Commission a beaucoup évolué. Initialement, il lui était reproché de trop s'inspirer des directives relatives aux marchés publics. Grâce, en particulier, aux travaux du rapporteur devant le Parlement européen, M. Philippe Juvin, le texte a été profondément amendé.
Dans sa dernière mouture, il s'accorde mieux avec les spécificités du contrat de concession. Les nouvelles règles s'appliqueraient aux contrats publics d'une valeur de 5 millions d'euros ou plus ; elles permettront aux autorités de choisir l'offre la plus intéressante du point de vue financier, environnemental ou social.
Mais, mes chers collègues, sous la pression allemande, les nouvelles règles relatives aux contrats de concession ne devraient finalement pas concerner le secteur de l'eau, qui est extrêmement important. Il faut relever que les coopérations entre entités publiques (régies) ; entre une entreprise liée et une entité publique ; ou entre organismes de droit public qui, de par la loi nationale, ont une partie minoritaire de capitaux privés, sont exclues également du champ d'application de la directive.
Je vais exprimer maintenant les réticences du gouvernement français vis-à-vis de la démarche. Le précédent gouvernement considérait que toute modification de législation applicable aux marchés publics ne pourrait être envisagée qu'au terme d'une évaluation juridique et économique précise, qui n'a pas, à mes yeux, été véritablement réalisée par la Commission européenne.
Enfin, pour le Gouvernement toute initiative visant à la modernisation de ces règles devra être se faire en conformité avec les règles sectorielles existantes notamment en matière de transports, d'énergie et de services en réseaux. Nous verrons que la directive sur les concessions ne respecte que très partiellement cette exigence spécifique française.
Dans sa proposition initiale la Commission européenne a proposé une architecture semblable à celle des directives marchés publics.
Elle vise un objectif de sécurité juridique en précisant les concepts et les modifications possibles de concessions en cours d'exécution. Elle souhaite également garantir l'accès effectif du marché des concessions à toutes les entreprises, et particulièrement les PME, des obligations de publication dans le Journal Officiel de l'Union européenne au-delà d'un seuil de 5 millions d'euros sont ainsi imposées. Les critères d'attribution sont précisés, un délai de soumission de 52 jours est imposé pour éviter les discriminations et les risques de fraude observés, en cas d'absence de règles nationales sur les concessions. Aucune procédure d'attribution spécifique n'est proscrite, ou privilégiée, mais l'accent est mis sur la définition de garanties générales pour assurer la transparence et l'égalité de traitement avec un encadrement de la phase de négociation.
La Commission précise, c'est très important, qu'elle n'entend pas favoriser la libéralisation de certains secteurs relevant des services d'intérêt économique général (énergie, transports…) ou imposer un mode de gestion, elle laisse ce choix aux États membres, qui, s'ils décident d'en externaliser certains, doivent alors se soumettre aux règles des concessions.
Les personnes que nous avons auditionnées ont souligné les incertitudes et les conséquences du projet initial, eu égard à la remise en cause du régime français des concessions, en particulier dans le secteur de la distribution de l'énergie.
En effet, la situation de monopole, en particulier dans le gaz, qui est fondée sur l'octroi de droits exclusifs conformes aux traités européens, permet en France une péréquation tarifaire sur l'ensemble du territoire.
Cette dernière qui est nécessaire à l'accomplissement de missions de service public, ne serait plus garantie en cas de remise en cause des législations sectorielles, ce qui était le cas de la proposition initiale de la Commission européenne.
Les inquiétudes que soulevait le premier projet ont pu être levées. En particulier pour le secteur de l'énergie qui en est exclu.
Nous devons regretter toutefois la multiplication des exclusions prévues dans le texte définitif - dérogations « entreprises liées » et « in house » - pour des secteurs qui, à l'inverse de la distribution de gaz, ne sont pas couverts par d'autres directives spécifiques.
Cette directive, vous l'avez compris, nous apparaît assez curieuse. Il y avait la nécessité de clarifier la distinction entre concession et marché public et la France ne pouvait pas y être hostile puisque nous sommes les champions des délégations de service public, qui bénéficient à des grandes entreprises françaises de niveau mondial.
Elle porte sur beaucoup de sujets sur lesquels la France a engagé des réformes, telles que les sociétés d'économies mixtes, ou les régies, qui ne peuvent plus participer à des appels d'offres aujourd'hui mais pourraient revenir dans le jeu sur la base de cette directive à concurrence de 20 % de leur chiffre d'affaires.
En fait, ce qui nous inquiète dans ce texte est le fait qu'il a été « lobbyé » par nos partenaires allemands et qu'il affaiblit la compétitivité française.
En résumé, les Allemands disent qu'une régie municipale est exemptée de concurrence chez elle, mais peut aller prospecter d'autres marchés alors que cela était impossible. Par exemple le Stadtwerke de Münich qui réalise un chiffre d'affaires de 4 milliards d'euros, pourrait soumissionner sur des marchés extérieurs à concurrence de 800 millions d'euros.
Nous avons trouvé des acteurs surpris et inquiets du résultat auquel nous avons abouti, car ce texte exclut tous les points forts français ouverts à la concurrence, par exemple, l'eau, le gaz et l'électricité.
Nous nous trouvons dans une situation où l'Allemagne protège son marché et ses Stadtwerke, mais où nos grandes entreprises de service public sont prises à revers, ce qui est très inquiétant. Tous les opérateurs que nous avons rencontrés sont stupéfaits de ce résultat, qui à mon avis est attaquable devant la Cour de Justice au titre du marché intérieur du fait des inégalités de concurrence ainsi créées.
L'élaboration de la directive concession a été laborieuse ; elle entraîne la disparition de l'affermage, du fait de la réduction à cinq ans des concessions courtes, dépourvues d'investissement. Cette directive exige également que les avenants ne dépassent pas 5 millions d'euros sur la durée de la concession, ce qui n'est rien pour les grosses concessions importantes.
Bref, voilà un texte « baroque », déséquilibré, protecteur d'un des États qui devrait être le plus ouvert au marché, ce qui est difficilement admissible. Je le dis comme je le pense, un peu brutalement.
Je propose que dans la transposition de la France colle le plus possible à la loi Sapin.
Nous préconisons d'abandonner peut-être l'intuitu personae, mais la loi Sapin est un très bon texte qui permet de négocier des concessions à géométrie variable selon le montant des investissements, leur nature et le temps de retour. Il permet de faire du dialogue compétitif ou de conclure des avenants en cas de problème lourd, sans remise en cause de la concession. On le voit tous les jours, par exemple dans les transports publics avec une concurrence ouverte et un vrai pilotage par la puissance publique à travers le cahier des charges.
Il nous semble que la France doit réitérer sa conception de la régie, qui est celle de la jurisprudence européenne, c'est-à-dire l'impossibilité pour une régie d'aller faire des affaires ailleurs, de façon à ce que nous ne nous fassions pas chalenger par des Stadtwerke monstrueuses protégées chez elle. Cela nous paraît sain et de jurisprudence constante.
Nous préconisons également une acception large de l'investissement, du fait de la durée réduite, afin de favoriser l'amortissement, en particulier des investissements matériels lourds.
À vous entendre, Messieurs les rapporteurs, j'aimerais savoir quelle est l'utilité d'une directive dans ce domaine-là ? Nous avons des principes généraux, notamment en matière de non-discrimination et d'égalité de traitement, qui devraient suffire. Cela étant, nous savons tous qu'il y a une méthode pour contourner les règles envisagées : une régie peut toujours créer une société pour conduire des affaires au niveau international dans le cadre du droit commun international et européen.
Par ailleurs, il faut avoir à l'esprit que nous avions, en matière d'électricité, une entreprise publique totalement intégrée, EDF, qui a été cassée sous les coups de boutoir européens, parce que les Allemands avaient peur d'EDF, qui avait une réelle puissance d'action, alors que chez eux le marché de l'électricité était et demeure scindé par Land et par ville. Lorsque vous voulez pénétrer le marché, vous vous heurtez à une multitude de réseaux qui appartiennent aux districts ou aux Länder. Nous sommes les dindons de la farce.
Je rappelle qu'EDF a fait en Argentine ce que l'on ne veut pas que les Stadtwerke fassent aujourd'hui en Europe. Les bonnes et les mauvaises pratiques sont partagées par les États. La recommandation faite par les rapporteurs de s'appuyer sur la loi Sapin me semble être un bon point d'équilibre, que je vous propose de retenir.
On demande une transposition la plus proche possible de la loi Sapin, mais soyons clairs. Nous suggérons très fortement une action urgente de la France visant à exiger sans attendre une renégociation des points de faiblesse du texte avec la mise à l'agenda européen d'un texte de révision de la directive « concessions » et, à défaut, à effectuer un recours auprès de la DG concurrence contre les dispositions les plus inéquitables et les plus anti-concurrentielles du texte.
Je dois avouer que je n'ai jamais vu ça. Quand on demande aux Allemands de réduire les normes d'émission de CO2 des voitures, ils refusent catégoriquement, car ils produisent des grosses cylindrées, et ils parviennent à leurs fins. En France, nous ne sommes pas capables de faire ça. En tout état de cause, ce texte appelle une réaction vigoureuse de l'Assemblée nationale.
II. Examen du rapport d'information de Mmes Seybah Dagoma et Marie-Louise Fort sur le « juste échange » au plan international
Avant toute chose , je voudrais rappeler que le sujet de nos travaux était le juste échange au plan international et non le juste échange au plan européen. Définir les conditions et les contours de la mise en oeuvre d'un juste échange comme principe de régulation du commerce international revêt aujourd'hui une importance majeure. En effet, en France et en Europe en particulier, la mondialisation, fondée sur la doctrine du libre-échange, est très fortement remise en cause. Y sont notamment associées les délocalisations, l'accroissement des inégalités, la dérégulation financière et la concurrence déloyale entre les différents acteurs mondiaux. Qui plus est, sur notre continent, les citoyens ne perçoivent majoritairement plus l'Union européenne comme un rempart contre une mondialisation non maîtrisée, mais, au mieux, comme un spectateur passif et inutile, au pire comme le « Cheval de Troie » d'un libéralisme international sans contrepoids dont ils seraient, au premier chef, les victimes. Les Européens, et singulièrement nos compatriotes, semblent avoir le sentiment que le monde de demain se dessine sans eux et que rien n'est fait pour empêcher cet inexorable déclin avec les conséquences politiques que l'on sait.
Il est indiscutable que la crise qui a frappé le monde en 2008 a renforcé cette défiance, mais le « basculement du monde » est une réalité qui a précédé la tornade déclenchée par l'éclatement de la bulle immobilière américaine et l'effondrement de la banque Lehman Brothers. Depuis deux décennies, en effet, les contours de l'économie mondiale ont été transformés et de nouveaux acteurs de premier plan sont progressivement apparus. La conséquence en a été la fin d'une forme d'hégémonie occidentale et le déplacement du centre de gravité économique de la planète vers d'autres régions, en particulier la zone Asie-Pacifique. Quelques chiffres illustrent ce bouleversement : en 1990, les pays du Sud assuraient le tiers de la production mondiale. Ils en produisent près de la moitié aujourd'hui. En 1950, la Chine, l'Inde et le Brésil ne représentaient que 10 % de la production économique mondiale, alors que les six puissances traditionnelles du Nord comptaient pour plus de la moitié. Dans quelques années, leur PIB cumulé dépassera celui des cinq premières économies mondiales actuelles. Les échanges commerciaux, qui ont explosé depuis la fin de la seconde guerre mondiale, représentent désormais 30 % du PIB mondial. Il y a vingt ans, 60 % de ces échanges s'effectuaient entre les pays du Nord, 30 % étaient orientés Nord-Sud et 10 % étaient réalisés entre les pays du Sud ; aujourd'hui, les proportions sont d'un tiers dans chaque sens.
À l'évidence, cette nouvelle donne internationale remet en cause les positions acquises. Elle s'est accompagnée d'une nouvelle division du travail. Auparavant le système était fondé sur la domination des pays industrialisés. Les pays du Sud exportaient des matières premières et des produits agricoles tandis que les pays du Nord exportaient des produits manufacturés. Aujourd'hui, la nouvelle division du travail fait qu'un pays peut à la fois importer et exporter un même produit. Les échanges internationaux se caractérisent par une fragmentation des chaînes de valeur. Le processus consiste à diviser la fabrication d'un produit dans plusieurs lieux et de le réunir pour l'assemblage final. Les multinationales utilisent de la sorte les avantages comparatifs propres à chaque pays au sein d'une stratégie élaborée à l'échelle internationale. Autrement dit, les biens et services sont composés d'intrants provenant de différents pays et une part importante des importations de produits intermédiaires servent à produire les produits exportés. Cette fragmentation de la production enlève à peu près toute pertinence au concept mercantiliste traditionnel selon lequel les importations doivent être comptabilisées en négatif et les exportations en positif. De fait, ce sont les pays qui importent le plus qui exportent le plus et qui tirent le plus profit de leur participation au commerce international.
Plus patent encore, la mondialisation et la libéralisation des échanges ont contribué à l'affaiblissement des États, au profit d'une puissance nouvelle conférée aux grandes entreprises multinationales, qui sont en mesure de jouer des avantages comparatifs qu'elles trouvent dans les différents pays du globe, pour optimiser à la fois leurs coûts de production et leur efficacité commerciale. Ce constat étant posé, il convient de s'interroger sur les conséquences de cette libéralisation des échanges internationaux. En d'autres termes, de se demander si la population mondiale, dans son ensemble, a bénéficié des bienfaits du libre-échange, où se dessinent très clairement deux camps, celui les vainqueurs et celui des perdants. Il est indiscutable que la mondialisation a eu des effets positifs. Elle a ainsi permis à plusieurs centaines de millions d'individus, dans le monde, de sortir de la pauvreté et d'accéder à un niveau de vie plus élevé. C'est notamment le cas des grandes puissances émergentes, regroupées sous l'acronyme BRICS, qui sont généralement considérées comme les grandes gagnantes de la mondialisation et comme celles qui seront les moteurs de la croissance économique des années à venir. Pour autant, cet enrichissement global ne doit pas occulter le fait que le libre-échange a également été un fort facteur d'inégalités, au l'intérieur même de ces ensembles. Les cas de la Chine, de l'Inde ou du Brésil, dont la situation est analysée dans notre rapport, sont à ce titre tout à fait révélateurs. En Chine, par exemple, les différentiels de revenus entre la zone côtière fortement industrialisée, et les provinces centrales et occidentales, encore très rurales, sont énormes allant du simple au double. Au Brésil, dont l'essor s'est quelque peu essoufflé depuis 2012, la hausse générale du niveau de vie s'est appuyée sur des pratiques protectionnistes qui se révéleront difficilement tenables à moyen terme. Si l'on se réfère au coefficient de Gini qui mesure, de 0 à 1, les inégalités - le niveau 0 représentant l'égalité parfaite et un niveau de 0,6 étant très inégalitaire -, la Chine a un coefficient de Gini de 0,61 et le Brésil de 0,54. À cela s'ajoute, dans ces deux pays, le lourd coût environnemental de la croissance économique.
D'autres pays, en émergence, ont également tiré profit de la mondialisation. En Asie du Sud-Est, en Afrique de l'Est, plusieurs états affichent des taux de croissance élevés et apparaissent comme de nouveaux eldorados. Pourtant, les inégalités y sont aussi criantes et le prix à payer pour le développement économique est parfois prohibitif. On se souvient notamment de l'effondrement du Rana Plaza, en 2013, au Bangladesh, qui avait causé la mort de 1 127 personnes. Dernière catégorie, au sein des pays en développement, ceux dont il est clair qu'ils sont encore aujourd'hui les « laissés pour compte » de la mondialisation. Ainsi, les 49 pays les moins avancés (PMA) réalisent à peine plus de 1 % du commerce mondial. Cette faible participation au commerce international s'illustre très symboliquement par le fait qu'aucune saisine de l'Organe de règlement des différends de l'OMC n'a été le fait de l'un de ces PMA, faute d'expertise juridique, d'avocats et d'équipes techniques. S'ils ont accru, en moyenne de 7 à 8 % le volume de leurs exportations au cours des 10 dernières années, la valeur de ces exportations n'a, en revanche, que peu augmenté. Il en a résulté une diminution sensible du taux de couverture des exportations par les importations et une très forte dépendance aux prix des produits de base, en particulier des denrées alimentaires. Le modèle proposé par les organisations internationales d'une croissance tirée par les exportations s'est avérée, pour ces pays, un échec.
Dans les pays industrialisés, enfin, la mondialisation a permis un enrichissement global indéniable et offert plus de choix pour les consommateurs. Elle a ainsi accompagné les 30 Glorieuses, au cours desquels l'Europe de l'après-guerre a rattrapé le niveau de vie des États-Unis. Aujourd'hui, pourtant, nous l'avons vu plus haut, elle a été perçue comme une menace, singulièrement en Europe et en France. Une menace sur les industries locales, avec des pertes d'emplois avérées, et sur le modèle social, dont le coût est jugé trop élevé, dans un contexte de concurrence internationale exacerbée. De manière peu amène, l'Europe a souvent été considérée comme « l'idiot de la mondialisation ». Pour brutale qu'elle soit, cette assertion n'est pas, loin s'en faut, dénuée de fondement. Elle repose sur deux constatations : la première est que l'Union européenne, sous la houlette d'une Commission idéologiquement très attachée au libre-échange, se comporte comme le « bon élève » de la mondialisation et de l'OMC. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne ses marchés publics, ouverts à plus de 85 %, alors que ceux de ses concurrents directs ne sont souvent ouverts qu'à moins de 35 % (aux États-Unis (32 %), au Japon (28 %) ou au Canada (16 %), par exemple). Nous l'avions rappelé lors de la présentation de la proposition de résolution sur l'instrument de réciprocité sur les marchés publics. La seconde est que, faute d'harmonisation sociale et fiscale, les états membres de l'Union se livrent entre eux à une concurrence fiscale mais aussi sociale souvent déloyale, fondée notamment sur des pratiques de dumping social. On a beaucoup parlé de la directive relative au détachement des travailleurs qui est un véritable problème. Je voudrais vous livrer quelques chiffres montrant les divergences entre États membres. Il ressort du rapport d'Yvon Jacob, ambassadeur de l'industrie, que les écarts de coût moyen de salaire vont de 1 à 15 entre la Bulgarie et la Suède. La part de l'industrie dans la valeur ajoutée varie de 8 % au Luxembourg et de 25 % en Slovaquie et en République tchèque et celle de la part de l'industrie de 10 % à Chypre et de 27 % en République Tchèque. Un récent rapport de l'INSEE montre qu'en France, entre 2009 et 2010, 20 000 suppressions d'emplois ont été le fait des délocalisations et celles-ci se sont réalisées majoritairement vers l'Union européenne, à 38 % vers les États de l'Union européenne à quinze et à 22 % vers les nouveaux États membres.
Il s'agit là du véritable effet pervers de la doctrine libre-échangiste. Faute de règles claires et d'instance qui soit en capacité de les faire respecter, la mondialisation a entrainé des pratiques contraires à la mise en oeuvre du multilatéralisme régulé que la création du GATT puis de l'OMC devait promouvoir. Ces pratiques, analysées dans notre rapport, sont de plusieurs ordres. Elles consistent tout d'abord à ne pas respecter les règles du multilatéralisme, à rebours des préceptes de l'OMC, qui visent à « garantir une concurrence ouverte, loyale et exempte de distorsions » et de ne pas adopter une politique protectionniste . Elles se traduisent également par des manquements aux engagements pris dans le cadre de l'OMC. Concrètement, alors que les barrières tarifaires sont historiquement basses et ne concernent que quelques secteurs sensibles, comme l'agriculture pour des raisons de souveraineté alimentaire, de trop nombreux pays mettent en oeuvre des dispositifs non tarifaires entravant le commerce. L'OMC parle ainsi de « mesures de substitution » par lesquelles les pays contournent leurs obligations : les mesures non tarifaires sont substituées à des droits de douane. Il est ainsi indiqué, dans le rapport conjoint de l'OMC, de l'OCDE et la CNUCED rendu public le 18 décembre 2013 que les principales économies mondiales ont mis en place entre mai et novembre 2013, 116 nouvelles mesures restrictives contre 109 les six mois précédents. Ces nouvelles mesures affectent près de 1,1 % des importations de marchandises des pays du G20, soit près de 0,9 % du total des importations dans le monde. On peut ainsi parler d'un « protectionnisme de la norme » fait de réglementations techniques et de dispositifs relatifs à la protection de la santé et des consommateurs. On peut citer l'exemple du Japon qui met en oeuvre des dispositifs protectionnistes sous forme de normes techniques et sanitaires. Un faible nombre d'additifs alimentaires sont ainsi autorisés, ce qui restreint de fait l'accès au marché japonais de nombreux produits du secteur agroalimentaire. Les normes sont particulièrement restrictives dans les domaines médical et pharmaceutique. De la même façon, comme je l'avais souligné lors du débat sur le mandat de négociation sur l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les États-Unis, ces derniers ayant recours à un ensemble de mesures protectionnistes, dont celle qui réserve le cabotage entre ports américains aux seuls navires battant pavillon américain et fabriqués aux États-Unis.
Ces pratiques se manifestent aussi par le recours à l'arme monétaire, en contradiction avec l'article XV du GATT, repris par l'OMC, qui stipule que les pays doivent « s'abstenir de toute mesure de change qui irait à l'encontre des dispositions du commerce international ». Cependant, l'OMC n'a aucune compétence régulatrice en la matière et est tenue de renvoyer à l'avis du FMI, dont les statuts interdisent de manipuler les taux de change pour obtenir des avantages comparatifs, toute question relative aux régimes de change, aux réserves et à la balance des paiements. L'OMC n'est jamais intervenu.
À l'évidence, il apparaît donc que le libre-échange, voulu comme un vecteur de développement international partagé, a touché ses limites et n'a pas permis de créer, à l'échelle du monde, les conditions d'échanges justes, fondés sur la réciprocité.
Pour autant, il n'est aucunement question de défendre l'idée d'une « démondialisation ». Nous savons que le commerce constitue un des vecteurs de croissance pour le monde d'aujourd'hui et de demain. Rappelons quelques chiffres et faits. En 2020, 90 % de la croissance économique globale devrait être le fait des pays situés en dehors de l'Union européenne. 60% des échanges se font au niveau intracommunautaire. S'agissant des perspectives démographiques, à l'horizon de 2030, la Chine, l'Afrique et l'Inde compteront chacune1,5 milliard d'habitants tandis que les européens ne seront que 520 millions. La jeunesse se trouvera très majoritairement dans ces zones et en raison du chômage de masse , constitueront des réserves de main d'oeuvre que les multinationales utiliseront. S'agissant du capital humain, calculé en fonction des années d'études et du nombre de jeunes, il sera situé à hauteur de 50 % dans ces zones. Enfin, 70 % de la classe moyenne seront situés dans ces zones.
C'est justement à l'aune de ce constat que nous souhaitons que puisse être mise en oeuvre, dans l'intérêt de tous, une régulation du commerce international et que l'Union européenne soit le moteur de cet indispensable initiative. Tout comme elle doit être pionnière en matière de transition énergétique, l'Europe doit porter l'idée et la mise en place d'un commerce loyal, équitable, respectueux des normes internationales, en un mot, conforme aux exigences d'un « juste échange ».
Évaluer ce qui est juste ou injuste dans les rapports commerciaux n'est pas aisée. Cette notion de « juste » implique, en effet, un jugement moral. Or, d'aucuns considèrent que dans les affaires, ce qui est juste est ce sur quoi les parties prenantes se sont mises d'accord. Autrement dit, leur référence est le contrat. Le juste échange a donc une connotation morale et même philosophique, renvoyant à la théorie de la justice dans l'échange de Saint Thomas d'Aquin.
Ceci posé , le juste échange s'appuie sur trois principes majeurs. Tout d' abord, la notion de juste échange implique que chacun prenne la part qui lui revient dans l'effort commun et suppose l'émergence d'un accord sur des « règles du jeu universelles ». Cette conception du juste échange fait référence aux biens publics mondiaux, au nombre desquels figurent la préservation de l'environnement, un système monétaire stable, la protection de la biodiversité ou des conditions de travail décentes. Il est nécessaire de concilier cette conception du juste échange avec le principe des « responsabilités communes mais différenciées ». Ensuite, le juste échange suppose la réciprocité. Enfin, l'Europe doit s'affirmer comme la figure de proue d'un multilatéralisme rénové, qui permettrait de rééquilibrer les bénéfices des échanges internationaux au profit des nations jusqu'alors restées à l'écart de la mondialisation.
Cela suppose que les États membres de l'Union parviennent à surmonter les différences de situations commerciales, entre des pays du Nord, dotés d'un appareil productif efficace, et qui fondent leur prospérité sur les exportations, et des États du Sud, en prise à de nombreuses difficultés structurelles. Elle devra également surmonter les différences entre tenants du libre-échange, pour des raisons idéologiques ou par peur de représailles, et ceux qui souhaitent un renforcement de la régulation.
Défendre un juste échange suppose en effet que les États de l'Union s'engagent à ne plus adopter de stratégies « gagnants perdants » et à endosser une responsabilité normative commune particulière : tout à la fois respecter et faire respecter les règles existantes (y compris multilatérales, plurilatérales et bilatérales) et promouvoir des normes, en particulier environnementales etou sociales, rendues opposables au commerce. La tâche est ardue. Mais l'Europe a des atouts indéniables. Elle reste aujourd'hui le premier marché, le premier exportateur et la première économie du monde. Il ne tient qu'à elle de savoir-faire mieux entendre sa voix sur la scène mondiale.
La proposition de résolution qui vous est présentée dessine les contours d'un juste échange, qui constituerait le cadre de cette nécessaire régulation.
Avant de vous présenter la proposition de résolution, je voudrais indiquer que dès le début de nos travaux, j'ai émis de fortes réserves sur la notion de juste échange qui a été bien souvent galvaudée. Derrière le juste échange se cachent parfois des tentations protectionnistes. Il faut s'en prémunir : l'Europe a intérêt à être une économie ouverte car l'économie mondiale est très fortement dépendante des échanges qui représentent plus de 30 % du produit intérieur brut mondial. Je dois souligner que le juste échange est un argument très français qui est très peu compris et soutenu par les autres États européens. Par ailleurs, le juste échange ne doit pas constituer un argument pour justifier notre déficit de compétitivité. Ce n'est pas en instaurant le juste échange que l'on va faire remonter le niveau des investissements étrangers en France qui a chuté de 77 % en 2013 alors que l'Allemagne a vu ces investissements quadrupler la même année. En Espagne, ils ont progressé de 37 % !
Depuis le moment où nous avons commencé nos travaux – voilà plus d'un an- les choses ont évolué et le juste échange a eu le temps de devenir une idée dépassée ! Quand Henri Weber nous l'a exposée à Bruxelles, la revendication d'un juste échange pouvait apparaître comme une idée soutenable.... Mais les situations changent et très vite ! Aujourd'hui, les économies des grands émergents montrent des signes de faiblesse évidents. La croissance de la Chine-même si un taux de plus de 7 % cette année a de quoi faire rêver les gouvernements occidentaux- marque le pas depuis deux ans. Les monnaies des émergents accusent le choc du nouveau tournant pris par la Banque centrale américaine qui s'est engagée vers une politique monétaire beaucoup plus restrictive.
Il est vrai que la mondialisation a indéniablement donné un avantage comparatif aux pays ayant une main d'oeuvre bon marché et une réglementation moins rigoureuse en matière environnementale. Mais là aussi, les choses ne sont pas immuables. Le niveau des salaires reflète en partie l'efficacité d'une économie. Ainsi, en Chine, les salaires augmentent. Le salaire moyen mensuel y est de 380 euros, avec une hausse de 18 % en 2012. On commence à y faire payer des droits à polluer avec l'ouverture de marchés carbone régionaux.
Comme Seybah Dagoma l'a rappelé, l'essentiel de notre commerce se fait à l'intérieur de l'Europe. C'est là que sont les premiers différentiels de productivité et les atteintes à la concurrence loyale. L'Allemagne nous dame le pion et l'Espagne rétablit peu à peu la situation de ses exportations. Ne nous trompons pas de combat ! Sur l'instrument de réciprocité, la ministre du commerce extérieur comptait sur une alliance de la France avec certains pays européens, pour faire aboutir le projet au sein des institutions européennes mais rien ne se fera sans l'Allemagne.
En fait, derrière la notion de juste échange, se trouve celle de réciprocité qui était déjà défendue par Nicolas Sarkozy ; elle l'est aujourd'hui par Michel Barnier à la Commission européenne. C'est Michel Barnier aussi qui a oeuvré pour qu'un accord se fasse au Conseil européen et à la Commission européenne sur la transparence des industries extractives afin de préserver les droits des pays en développement. Le précédent gouvernement avait porté haut la revendication d'accords de partenariat économique porteurs de développement pour les pays d'Afrique, du Pacifique et des Caraïbes. Hervé Gaymard l'avait rappelé devant notre commission en présentant son rapport sur ce sujet. Il avait aussi, conjointement avec Marietta Karamanli, défendu énergiquement le multilatéralisme contre le bilatéralisme. Gilles de Robien poursuit, à la tête de l'Organisation internationale du travail, l'objectif d'une mondialisation juste et durable. La Charte de l'environnement qui a inscrit dans notre Constitution le principe de précaution a été portée par Jacques Chirac. Dans le rapport sur la Chine que nous avions fait avec mon collègue Jérôme Lambert, nous avions regretté les entraves à la libre concurrence et le difficile accès aux marchés de ce pays et avions plaidé pour un rééquilibrage des relations et la définition d'une stratégie européenne commune.
Malgré les réserves sur la notion même de juste échange, je souscris à la proposition de résolution.
Cette proposition de résolution rappelle qu'il faut avant tout défendre le multilatéralisme, en incluant des enjeux sociaux et environnementaux et de sécurité alimentaire et en revoyant le traitement spécial et différencié afin de prendre en compte les nouveaux équilibres économiques mondiaux.
Nous indiquons que le juste échange est aussi une question européenne et qu'une harmonisation sociale et fiscale s'impose. Je pense que notre collègue Chantal Guittet nous le rappellera tout à l'heure .
Nous insistons sur la nécessité pour l'Europe de définir une position cohérente et unie, sur la base du principe de réciprocité à l'égard de nos partenaires développés et émergents et sur le principe d'équité pour les pays en développement. L'Europe doit faire une utilisation renforcée de l'ensemble des instruments unilatéraux à sa disposition - droits antidumping, saisine de l'Organe de règlement des différends - et instaurer un instrument de réciprocité sur les marchés publics. Tous les cadres de négociation- accords de libre-échange, accords sur les investissements, accord plurilatéral sur les services – doivent être l'occasion, pour l'Union européenne, d'obtenir des engagements de traitement équitable et non discriminatoire et de respect des préférences collectives de la part de ses partenaires. Les accords de libre-échange, par le biais de leur chapitre sur le développement durable, constituent un levier pour faire avancer l'application de normes sociales et environnementales. Pour cela, les négociations doivent être précédées d'études d'impact et suivies de mesures d'application. La Responsabilité sociale des entreprises promouvant les principes directeurs de l'ONU et de l'OCDE doit également être renforcée pour éviter des accidents dramatiques comme celui survenu au Rana Plazza. S'agissant de l'environnement, l'union européenne porte une responsabilité particulière et vient de présenter son projet de paquet énergie climat qui contribuera, on l'espère, à un accord climatique équitable en 2015 lors de la Conférence de Paris. Si la solution multilatérale échouait, la question de l'instauration d'une taxe carbone aux frontières, ainsi que Nicolas Sarkozy l'avait défendue en son temps, devrait être posée.
Nous appelons à une coordination monétaire multilatérale et à une politique de change européenne. Enfin, nous avons considéré que la sécurité alimentaire et le droit à l'alimentation est une condition fondamentale du juste échange. Ce point est d'une importance particulière pour les pays en développement.
Je remercie les rapporteures pour leurs exposés et pour cette proposition de résolution très dense et complète.
Je remercie également les rapporteures pour leurs rapports sur un sujet qui a pour premier mérite de nous amener à nous interroger sur la pertinence de modèles que l'on considère comme des évidences. Je voudrais saluer le juste échange comme une notion fondamentale, même si d'aucuns le considère comme une utopie au sens étymologique comme le « lieu du bien qui n'est nulle part ». Mais c'est quand même le lieu du bien ! Le juste échange est plus qu'une notion française et je salue la référence aristotélicienne qui nous fait remonter en Grèce quatre siècles avant Jésus Christ ! Au nom de quoi prétendrait-on réguler les échanges si ce n'est au nom d'un principe de justice plutôt que d'injustice ? Le juste échange devrait donc être ce dont vers quoi on tend même si on est loin d'y parvenir .
Pensez-vous que la notion de classe moyenne est pertinente dans la mesure où les écarts vont de un à dix ?Vous avez évoqué la montée des inégalités malgré la croissance. Cette montée des inégalités est-elle, à elle seule, un critère signifiant ? Cela se traduit -il par le fait que les plus pauvres sont restés aussi pauvres ou qu'ils se sont moins vite enrichis ? La perspective change en effet selon que les plus pauvres n'ont pas amélioré leurs conditions ou qu'ils ont quand même profité de l'enrichissement global. Je vois bien les difficultés des modèles en place, mais quel autre modèle pourrait permettre à une population aussi nombreuse que celles de l'Inde ou d'Afrique de sortir de la pauvreté et de régler le problème de la faim ? Quelles nouvelles structurations des règles pouvons-nous imaginer ?
Je voulais saluer le travail des rapporteures qui témoigne, ainsi que cela l'a été souligné, de la constance de la position de notre commission qui avait adopté en novembre 2011, un rapport sur le cycle de Doha. Devant l'impasse dans laquelle se trouvaient les négociations multilatérales, nous avions proposé, avec Hervé Gaymard, qu'il y ait une meilleure articulation entre les règles sociales et environnementales avec les règles du commerce. La proposition soulignait également l'exigence d'une équité d'ensemble des échanges avec la mise en place d'un mécanisme de compensation prenant en compte l'endettement des pays. Ces deux points pourraient être repris.
Le libre-échange, je n'y crois pas. Le juste échange n'existe pas, ce n'est qu'une notion qui nous permet de nous protéger ou d'attaquer les autres . En réalité, le commerce international est fondé sur des rapports de force qui sont multiples et variés. Il existe des problèmes monétaires, de non réciprocité, de divergences de normes et de développement économique. Chaque pays va tirer parti de ses avantages de sa situation. On a beau se prévaloir d'Aristote, la justice n'est pas la panacée en matière commerciale qui est un monde concurrentiel et âpre fait de chausse-trappes, y compris avec l'Allemagne. Il n'y a pas de gagnant-gagnant et la vérité est que l'on nous trouvons dans une coalition au sein de laquelle nous n'avons plus de marge de décision. La perte de compétitivité de la France est essentiellement une question monétaire et d'absence de réformes internes. En réalité, il faut regarder secteur par secteur comment on pourrait pallier notre manque de compétitivité. Cela passe par la réciprocité mais les Allemands n'en veulent pas dans la mesure où ils craignent les représailles de la Chine . Il est important de souligner que la majorité des exportations de l'Allemagne se fait hors Union européenne. Dans ces conditions, le juste échange est une idée d'avenir qui le restera longtemps !.
Nous travaillons depuis longtemps sur le principe de réciprocité, qui s'apparente beaucoup au juste échange. Mais cela ne fonctionne que si l'Europe est unie. Or , on a pu constater sur l'affaire récente des panneaux photovoltaïques sur lesquels la Commission européenne voulait imposer des droits supplémentaires à la Chine, que l'Allemagne a renoncé dès que la Chine a menacé de mesures de rétorsion. La Chine a d'ailleurs appliqué de telles mesures sur le vin. Je suis favorable au principe de réciprocité notamment en matière de marchés publics car il permettra notamment aux petites et moyennes entreprises d'accéder plus facilement aux marchés publics. Mais si le principe doit être soutenu, on doit en faire une application pragmatique et non automatique, en fonction des différentes négociations et sans que cela porte atteinte aux intérêts européens.
Je voudrais présenter, au nom d'Annick Girardin, un amendement au point 9 de la proposition de résolution demandant que les intérêts des pays et territoires d'outre-mer soient pris en compte.
Je ne citerai pas pour ma part Aristote mais Daniel Cohn-Bendit qui disait « Soyons réalistes, demandons l'impossible ! ». C'est ce réalisme qui permet de tracer des prospectives. Je voulais souligner deux points particuliers de cette proposition de résolution. Le point 22 traite de la sécurité et de la souveraineté alimentaire. C'est un aspect fondamental. Or l'Europe est aux prises à ses propres contradictions quand elle exporte ses poulets congelés qui ruinent la filière sénégalaise. Par ailleurs , cela va faire un an qu'a eu lieu l'accident du Rana Plaza et ni la France, ni l'Europe – malgré l'amélioration de la publication d'informations – n'ont annoncé des mesures claires afin de responsabiliser les entreprises face aux agissements de leurs filiales et de leurs sous-traitants. Sachons reconnaître nos propres défaillances et à cet égard, la proposition de résolution le fait.
Je remercie les rapporteures pour leur travail passionnant qui montre l'évolution des rapports de force dans une vision prospective. Le juste échange est peut être incantatoire mais il n'y a pas de mal à être vertueux ! De plus, certains concepts comme l'Agenda 21, le développement durable, le principe de précaution, la mesure des gaz à effets de serre, qui apparaissaient comme irréalistes, ont beaucoup progressé en vingt ans. Dans la mesure où l'Europe s'affaiblit, on a intérêt à défendre ce concept.
C'est peut être une ligne Maginot mais quand nous avions nos colonies et au temps de la France- Afrique, nous étions beaucoup moins regardants sur le juste échange…Je voudrais insister d'une part sur la crise du multilatéralisme et celle de l'OMC qui correspondait à un ordre du monde dominé par les Occidentaux et particulièrement les Américains et qu'il faudrait réformer, et sur les guerres monétaires qui déstabilisent les échanges.
Je voudrais également remercier les rapporteures pour leur travail passionnant. Nous devons en effet nous interroger sur la validité d'un système générateur d'inégalités et qui a conduit à la crise que l'on connaît. Alors que l'OMC est en crise - on est loin du vent des années 90 qui portait le multilatéralisme - le juste échange peut constituer une alternative pour des acteurs qui ne trouvent pas leur compte dans le système.
Je souhaiterais vous demander des précisions. Quant au point 5, vous demandez la création d'un salaire minimum européen, s'agit-il d'un salaire au niveau européen, ce qui poserait des questions de définition et d'appréhension des niveaux de vie comparés, ou d'un salaire minimum à instituer par chaque État membre ? Au point 16, vous excluez l'arbitrage transnational comme mode de règlement des différends entre États et investisseurs privés dans les litiges les concernant. Cela signifie que le recours aux tribunaux judicaires sera exclusif, ce qui peut ne pas être à l'avantage de certains pays ou certains investisseurs. S'agissant de la responsabilité de multinationales, on aurait pu aller plus loin et instaurer un cadre dépassant celui des normes de bonne conduite de l' OCDE. Enfin, je m'étonne que la question des paradis fiscaux n'ait pas été abordée ; en effet, tous les circuits parallèles créent des distorsions de concurrence et doivent être intégrés à la réflexion sur le juste échange.
L'instauration d'un salaire minimum européen est une question sur laquelle notre commission, la commission des affaires sociales ainsi que la commission des affaires sociales du Parlement européen ont engagé un travail.
S'agissant des paradis fiscaux, nous avons considéré qu'ils étaient hors du champ des relations commerciales.
Sur l'instauration d'un salaire minimum européen, c'est un préalable à toute position unie de l'Europe afin de surmonter ses divergences.
Notre rapport traite longuement des questions monétaires et je vous indique que le Conseil d'analyse économique vient tout récemment de faire une étude intitulée « L'euro dans la guerre des monnaies » qui analyse notamment les répercussions d'une baisse de l'euro. D'abord, il est rappelé l'évidence que seules les exportations hors zone euro seraient concernées, c'est-à-dire 11 % du PIB français. L'impact d'une dépréciation de 10 % de l'euro serait de l'ordre de 7 à 8 % de ces 11%. Cela produirait un choc positif de demande d'environ 0,7 point de PIB. Mais cela n'implique pas que le PIB augmenterait de 0,7 % , compte tenu des effets de la dépréciation sur les importations , notamment d'énergie et de matières première qui représentent environ 1,5 % du PIB. Une dépréciation de l'euro entrainerait une augmentation du PIB français de 0,6 % après un an et de 1 % après deux ans.
S'agissant des propositions de Marietta Karamanli, l'inclusion des préoccupations sociales et environnementales dans le cadre du multilatéralisme est présente dans la proposition. Quant à l'instauration d'un mécanisme de compensation entre États excédentaires et déficitaires, la question mérite d'être examinée de plus prés.
A la question de Michel Piron sur les inégalités, l'écart entre les plus pauvres et les plus riches s'est effectivement accru mais les plus pauvres se sont , dans l'absolu, « enrichis ». S'agissant des classes moyennes, ce qui est important est de souligner leur évolution et les perspectives qu'elles constituent pour l'Europe qui ne peut espérer au mieux que 1,5 à 2,2 % de taux de croissance.
Je voulais dire qu'il est dommage que sur un sujet si important et si dense, le temps du débat ait été si court.
Il est vrai que l'agenda de la commission est très chargé . En tout état de cause, nous pouvons nous appuyer cette proposition de résolution pour traiter ultérieurement d'un grand nombre de sujets spécifiques.
La proposition de résolution, dont le texte figure ci-après est adoptée à l'unanimité.
« L'Assemblée nationale,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la loi constitutionnelle no 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l'environnement,
Vu les articles 8, 22, 31, 35, 36, 37 et 38 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
Vu l'article 3 du traité sur l'Union européenne,
Vu les articles 16, 31, 32, 39, 146, 147, 151, 167, 168, 169, 173, 179, 191 et 207 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et son protocole no 26,
Vu l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC) du 15 avril 1994 et ses annexes, notamment l'accord sur l'agriculture, l'accord général sur le commerce des services et l'accord sur les marchés publics,
Vu les conventions reconnues comme fondamentales en application de la déclaration de l'Organisation internationale du travail relative aux principes et droits fondamentaux au travail du 18 juin 1998,
Vu la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques du 9 mai 1992 et le Protocole de Kyoto du 11 décembre 1997,
Vu la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'UNESCO, en date du 20 octobre 2005,
Vu la Charte des Nations Unies et notamment son article 57 relatif aux institutions spécialisées comme le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), le Programme des Nations Unies pour l'environnement (PNUE) et l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO),
Vu les statuts du FMI,
Vu le rapport de l'OMC et de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) « Tirer parti des chaînes de valeur mondiales pour le commerce, les investissements, le développement et l'emploi » du 6 août 2013,
Vu le rapport conjoint de l'OMC, de l'OCDE et de la CNUCED sur les restrictions concernant le commerce et l'investissement du 31 mai 2012,
Vu le rapport de l'OMC et du PNUE « Commerce et changement climatique » du 26 juin 2009,
Vu les principes directeurs du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies sur les entreprises et droits de l'homme et les principes directeurs de l'OCDE à l'attention des entreprises multinationales du 25 mai 2011,
Vu les lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale - norme iso 26000 - de l'organisation internationale de normalisation,
Vu l'Initiative pour la transparence des entreprises extractives,
Vu la communication de la Commission européenne « Une Europe compétitive dans une économie mondialisée », COM(2006) 257 du 4 octobre 2006,
Vu la communication de la Commission européenne « Commerce, croissance et affaires mondiales », COM(2010) 612 du 9 novembre 2010,
Vu le rapport de la Commission européenne sur les obstacles au commerce et à l'investissement, COM(2013) 103 du 28 février 2013 ;
Vu la communication de la Commission européenne « Responsabilité sociale des entreprises : une nouvelle stratégie de l'Union européenne pour la période 2011-2014 », COM(2011) 681 du 25 octobre 2011,
Vu l'accord intervenu au Parlement européen le 20 novembre 2013 et au Conseil « Agriculture et pêche » des 16 et 17 décembre sur la réforme de la politique agricole commune,
Considérant que le développement et le renforcement du système multilatéral, au sein de l'Organisation mondiale du commerce, poursuivant l'ambition de juste échange et intégrant le niveau le plus élevé de protection sociale, sanitaire, environnementale et des consommateurs reste l'objectif essentiel ;
Considérant que le « basculement du monde » s'est notamment traduit par une amplification des échanges commerciaux ;
Considérant l'interaction entre les enjeux commerciaux et les problématiques sociales, fiscales, environnementales, monétaires, d'accès aux matières premières et de sécurité alimentaire ;
Considérant la nécessité de préserver notre environnement et la dignité des travailleurs ;
Considérant l'opportunité que peuvent constituer, pour l'Union européenne, les perspectives mondiales en matière de croissance et de démographie de la classe moyenne dans les pays émergents ;
Considérant la nécessité d'équilibrer les relations commerciales entre l'Union européenne et les pays développés et émergents ;
Considérant la nécessité d'intégrer « les laissés pour compte » de la mondialisation ;
Considérant notamment depuis la crise de 2008, les mesures protectionnistes et de restrictions aux échanges de plus en plus nombreuses et complexes limitant l'accès aux marchés des pays tiers aux entreprises européennes ;
1. Rappelle que la Conférence ministérielle de l'OMC de Bali en décembre 2013 n'a abouti qu'à un compromis minimal et que l'Union européenne doit en conséquence poursuivre ses efforts pour défendre le système commercial multilatéral et pour développer la capacité de l'OMC à inclure les enjeux environnementaux et sociaux dans le périmètre de son action ; souligne qu'une différenciation entre pays en développement dans l'application du traitement spécial et différencié prenant en compte les nouveaux équilibres économiques serait de nature à faire progresser les négociations ;
2. Rappelle que font partie des droits reconnus par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : les droits sociaux et syndicaux, la protection de la santé, de l'environnement et des consommateurs, la diversité culturelle, la protection des données à caractère personnel ainsi que l'accès à des services d'intérêt économique général ; qu'en application de l'article 3 du traité sur l'Union européenne figurent parmi les objectifs de celle-ci : le plein emploi, le progrès social, l'amélioration de la qualité de l'environnement, ainsi que le respect de la diversité culturelle ; que ces droits ou objectifs fondamentaux sont l'objet de politiques de l'Union en application du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
3. Rappelle en outre les engagements internationaux pris par les États européens dans les domaines des droits des travailleurs et de la protection de l'environnement, en particulier par la ratification de l'ensemble des conventions reconnues fondamentales de l'Organisation internationale du travail et la signature du Protocole de Kyoto sur les changements climatiques ;
4. Rappelle que les États membres de l'Union européenne sont attachés à la diversité culturelle et aux normes environnementales et sanitaires ;
5. Estime que la capacité de l'Union européenne à promouvoir et à imposer un juste échange passe d'abord par une harmonisation fiscale et sociale entre les pays membres de l'Union, afin de mettre fin aux pratiques de dumping intra-européennes ; appuie donc la dimension sociale de l'Union économique et monétaire et notamment la création d'un salaire minimum ; se félicite de l'accord intervenu au sein du Conseil de l'Union européenne sur le détachement des travailleurs afin de lutter contre les contournements de la directive 9671CE du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs, mais souhaite que la responsabilité conjointe et solidaire applicable au secteur du bâtiment et des travaux publics soit étendue de façon obligatoire aux autres secteurs, comme les transports, l'agriculture et le secteur agroalimentaire ;
6. Estime indispensable que les États de l'Union Européenne, faisant preuve de cohésion, surmontent leurs divergences d'intérêts dans la définition d'une politique commerciale ambitieuse, à la hauteur de la première place de l'Union européenne comme zone commerciale mondiale et de sa responsabilité particulière en tant que puissance régulatrice et normative ; insiste pour que cette politique commerciale soit fondée sur le principe de réciprocité à l'égard des partenaires commerciaux développés et émergents, sur le principe d'équité à l'égard des pays en développement et sur le respect des normes sociales et environnementales ;
7. Appuie la création d'un instrument de réciprocité sur les marchés publics afin que les entreprises européennes puissent soumissionner aux marchés publics des pays tiers dans des conditions de concurrence loyale et équitable et que les entreprises de pays tiers qui ne sont pas partie à l'accord plurilatéral sur les marchés publics ou qui n'ont pas signé d'accords bilatéraux d'ouverture mutuelle des marchés publics ne puissent être attributaires de marchés publics européens que sous condition de réciprocité ;
8. Appelle la Commission européenne à maintenir une position ferme à l'occasion de négociations sur l'adhésion de la Chine ou d'autres États à l'Accord plurilatéral sur les marchés publics ;
9. Demande instamment à la Commission européenne de veiller dans les négociations commerciales, tant multilatérales que bilatérales, à la cohérence de la politique commerciale avec les politiques européennes internes, notamment la politique agricole commune et la défense des préférences collectives et des choix culturels ainsi qu'aux intérêts des pays et territoires d'Outre-mer ;
10. Estime que la politique européenne de la concurrence doit prendre en compte l'environnement international des échanges ; appelle à cet égard à un assouplissement de la réglementation européenne sur les aides d'État investies dans l'innovation des entreprises, d'une part, et sur les concentrations d'autre part afin de favoriser la constitution de « champions européens » d'envergure internationale ;
11. Appelle à la pleine mobilisation et au renforcement des instruments de défense commerciale -mesures antidumping et mesures antisubventions- afin que les entreprises européennes ne soient pas affectées par des importations déloyales ; demande que dans le cadre de la réforme des instruments de défense commerciale, des droits plus stricts puissent être imposés sur les biens importés qui ne présentent pas un niveau suffisant de normes sociales et environnementales ;
12. Engage la Commission européenne à poursuivre ses efforts pour tenir à jour la liste des principaux obstacles non tarifaires, à en renforcer les mécanismes analytiques et mettre en place un mécanisme d'alerte précoce pour détecter ces obstacles ;
13. Demande que les services audiovisuels soient exclus du champ de la négociation de l'initiative plurilatérale sur les services afin de préserver l'exception culturelle et que l'approche de négociation soit fondée sur le principe de réciprocité et de listes positives ;
14. Soutient que, pour réduire les risques de dumping monétaire, une coordination monétaire multilatérale doit être assurée par le Fonds monétaire international, sur la base de l'article 4 de ses statuts, qui interdit toute manipulation de change afin d'obtenir des avantages compétitifs inéquitables ;
15. Demande que l'Union européenne mette en oeuvre une politique de change sur la base de l'article 219 ;
16. Demande que l'Union européenne négocie dans le cadre des accords de libre-échange et des accords bilatéraux sur les investissements, des stipulations relatives aux investissements comportant, outre des règles et disciplines de protection, des engagements substantiels de traitement juste, équitable et non discriminatoire en matière d'accès au marché et qu'en aucun cas, il puisse être prévu que les entreprises puissent recourir à un mécanisme spécifique de règlement des différends entre les investisseurs et les États pour contester préserver le droit souverain des États ; estime que l'Union européenne doit pouvoir contrôler les investissements des pays tiers dans des secteurs stratégiques et recommande à la Commission européenne d'être particulièrement vigilante sur la question de l'accès aux marchés dans les négociations sur l'accord bilatéral sur les investissements avec la Chine ;
16. Insiste pour que les accords de libre-échange conclus entre l'Union européenne et des pays tiers offrent un niveau satisfaisant d'avantages et de concessions mutuels et de réciprocité en termes d'accès aux marchés, dans le respect des préférences collectives européennes, ce qui nécessite de porter une attention particulière aux obstacles réglementaires, à la protection de la propriété intellectuelle et des indications géographiques ainsi que de prévoir des mesures de sauvegarde pour les secteurs sensibles de l'économie européenne et des mécanismes permettant d'assurer l'effectivité des engagements ;
17. Appelle la Commission européenne à prévoir des études d'impact systématiques avant l'engagement de toute négociation d'accords de libre échange et de négocier un haut niveau d'exigence environnementale et sociale par la généralisation et le renforcement des chapitres relatifs au développement durable, faisant référence aux accords internationaux en matière sociale et d'environnement et incluant une meilleure évaluation ainsi qu'un contrôle strict de leur application ;
18. Demande que l'Union européenne, afin de renforcer la légitimité de l'Organisation internationale du travail, appuie la création d'une juridiction interprétative des normes internationales du travail et se mobilise ensuite pour la mise en place d'un mécanisme de question préjudicielle avec l'OMC ;
19. Souligne que le principe juridique de responsabilité limitée des entreprises multinationales ne doit pas être le prétexte de leur irresponsabilité morale illimitée confortant des pratiques inacceptables et contraires aux conventions internationales, mais que bien au contraire, ces entreprises doivent exercer un devoir de vigilance sur leurs activités, celles de leurs filiales et de leurs sous-traitants ; en conséquence :
– appelle l'Union européenne à promouvoir et renforcer la responsabilité sociale des entreprises incluant le respect des droits de l'homme, les pratiques en matière de travail et d'emploi, les questions environnementales et la lutte contre la fraude et la corruption ;
- demande à l'Union européenne d'inciter les entreprises européennes à se conformer aux lignes directrices de l'OCDE et à la norme ISO 26000 élaborée par l'Organisation internationale de normalisation et de soutenir l'élaboration d'un code de bonne conduite les amenant à respecter, ainsi que leurs fournisseurs, des normes strictes en matière de santé et de sécurité des ouvriers sur la base des normes internationales en matière de droit du travail et de la préservation de l'environnement ;
– salue la proposition de directive de la Commission renforçant l'obligation de transparence et de publication des informations non financières par certaines grandes sociétés et grands groupes, mais demande que les exigences en soient précisées et assorties d'indicateurs quantitatifs, d'instruments de contrôle indépendants et de dispositifs de sanction en cas de violation des conventions et principes internationaux ;
– souhaite que le bénéfice du système de préférences généralisées européen soit soumis au respect d'une feuille de route en matière de normes sociales et environnementales ;
20. Demande que l'Union européenne poursuive ses efforts pour parvenir en 2015 à la conclusion d'un accord global sur le climat contraignant, inclusif et équitable, c'est-à-dire engageant toutes les parties prenantes en fonction de leurs capacités et de leurs responsabilités dans les émissions de gaz à effet de serre et qui soit assorti de mécanismes de soutien technologique et financier pour les pays en développement ;
21. Invite la Commission européenne à soutenir l'extension par l'OMC de ses disciplines en matière de subventions à l'exportation, d'accès aux matières premières et de convergence des normes réglementaires ;
22. Souligne que la sécurité alimentaire et le droit à l'alimentation est une condition du juste échange et qu'en conséquence :
– les pays en développement doivent pouvoir s'en prévaloir pour protéger leurs productions vivrières dans le cadre des règles de l' OMC ;
– l'Union européenne doit accentuer ses soutiens aux agricultures familiales et vivrières des pays en développement et participer à la lutte contre la volatilité des prix agricoles, en améliorant le suivi des marchés agricoles et en menant une réflexion sur la constitution de stocks de crise combinés à des instruments de gestion des marchés, notamment dans les pays vulnérables ;
– l'Union européenne doit limiter les prises de positions pour les activités spéculatives sur les marchés dérivés de matières premières agricoles dans le cadre de la réforme de la directive relative aux marchés d'instruments financiers ;
– l'Union européenne doit contribuer à la mise en oeuvre des « directives volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts » adoptées par le Comité de sécurité alimentaire mondiale de la FAO afin d'encadrer l'achat et la location de terres agricoles ;
23. Demande que l'Union européenne mette en oeuvre une politique équitable en matière de matières premières, assurant l'accessibilité des ressources naturelles aux populations locales dans le respect de normes sociales et environnementales décentes tout en garantissant la production industrielle et la compétitivité de l'Europe ; salue les initiatives de l'Union européenne relative au renforcement des exigences d'information envers les entreprises des industries extractives et forestières et estime qu'elle devrait apporter un soutien accru à l'Initiative pour la transparence des industries extractives ; demande à la Commission européenne de présenter au plus tôt la proposition relative à l'approvisionnement responsable en minéraux originaires de zones de conflits ou à risques ;
24. Demande à la Commission européenne, dans le cadre des négociations d'accords bilatéraux de libre-échange, de concilier l'objectif de protection des droits de propriété intellectuelle et l'accès équitable aux médicaments, conformément aux articles 4 et 5 de la déclaration de Doha du 14 novembre 2011 sur les aspects de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce qui posent le principe de la prééminence des enjeux sanitaires sur les enjeux commerciaux ;
25. Estime que les avantages commerciaux accordés au titre du système de préférences généralisées (SPG) doivent être révisés régulièrement afin d'être gradués et conditionnels et réservés aux pays pour lesquels ces dispositions sont justifiées et qui se conforment aux obligations liées à leurs conditions d'attribution ;
26. Appuie les nouvelles orientations de la politique européenne d'aide au développement et notamment la création du nouvel instrument de partenariat avec les pays émergents industrialisés, qui substitue à une logique d'aide une logique de discussion sur les enjeux globaux et de promotion des intérêts réciproques ;
27. Rappelle enfin que les Accords de partenariat économique entre l' Union européenne et les pays d'Afrique, du Pacifique et des Caraïbes doivent être réellement porteurs de développement et contribuer à l'intégration régionale et que les négociations en vue de la conclusion de ces accords fassent prévaloir des flexibilités dans le degré d'ouverture des marchés en fonction du degré de développement de ces pays ; demande que l'entrée en vigueur du règlement révisé d'accès au marché initialement prévu en 2014 soit reporté à 2016. »
III. Communication de M. Didier Quentin sur la SNCM
La Société Nationale Corse Méditerranée (SNCM) assure le service public de transport de voyageurs et de marchandises entre la Corse et le continent. Aujourd'hui en grandes difficulté, elle fait l'objet d'un plan ambitieux de développement, arrêté le 22 janvier dernier par son conseil de surveillance. Celui-ci a autorisé l'achat de deux navires, afin de rendre plus compétitif le transporteur, dont les performances se sont beaucoup améliorées ces dernières années.
Or, ce plan ne peut pas être mis en oeuvre. En effet, un jugement du Tribunal de l'Union européenne a remis en cause la soulte versée par l'État, lors de la privatisation, et une décision de la Commission européenne a refusé de reconnaître la qualité de service d'intérêt économique général (SIEG) aux indemnités versées, au titre de l'exécution du contrat de délégation de service public. La SNCM doit donc restituer aux pouvoirs publics une somme d'environ 440 millions d'euros.
Le Tribunal de l'Union européenne ayant refusé le sursis à exécution de cette restitution, la France est placée devant un dilemme : la nécessité juridique, mais l'impossibilité pratique, d'exécuter ses obligations, au regard des traités européens, ce qui entrainerait la mise en liquidation immédiate de la société, le licenciement de 2 500 personnes et une perte sèche pour l'État supérieure à 400 millions d'euros ! En outre, l'État ne récupèrera jamais les sommes avancées, les actionnaires privés de la SNCM pouvant faire jouer la clause d'annulation de la privatisation de 2005. Nous entrerions alors dans des litiges financiers considérables, dont le règlement durerait des années.
Il convient de souligner que l'exécution de ces décisions, intervenues au nom du respect de la concurrence, aurait pour conséquence paradoxale d'instituer un monopole au profit de « Corsica ferries », qui doit en partie sa compétitivité à des pratiques inacceptables à défaut d'être clairement illégales, au regard du droit social. En effet, bien que l'activité de cette compagnie s'exerce principalement entre deux points du territoire français, elle n'acquitte que marginalement des cotisations sociales en France !
Il convient aussi d'ajouter que l'exécution des décisions européennes conduirait à une dégradation de la desserte de la Corse et à des risque de troubles à l'ordre public.
Nous nous situons en fait devant un cas de figure traditionnel en jurisprudence administrative : l'État peut décider de la non-exécution d'une décision de justice, en raison des risques de troubles à l'ordre public européen. C'est l'arrêt Couiteas du Conseil d'État du 30 novembre 1923. Mais cette solution de bon sens n'est pas prévue par le droit européen.
En clair, la France est menacée de devoir s'acquitter de lourdes amendes, pour ne pas exécuter des décisions impossibles à mettre en oeuvre ! et qui, prises au nom de la concurrence, conduiraient paradoxalement à la disparition de la concurrence.
Cette question étant compliquée, nous vous proposerons de l'aborder avec des idées simples : le droit européen doit être respecté ; la concurrence, l'ordre public et les intérêts financiers de l'État et des collectivités locales doivent également être sauvegardés.
Le règlement de ce dossier est urgent car, suite à la campagne médiatique récente qui fait état de difficultés rencontrées par la SNCM et susceptibles de conduire cette dernière au dépôt de bilan, il est déjà constaté une chute de 35 % en moyenne des réservations de la SNCM par rapport à 2012.
Depuis 2001 la compagnie Low Cost « Corsica Ferries » prend des parts croissantes de marché, dans la liaison entre la Corse et le continent, en faisant notamment appel à des marins européens mais non français. En 2003 l'État, par le biais de la Compagnie Générale Maritime et Financière (CGMF qui possède 93,26 % de la SNCM) a apporté une aide à une recapitalisation d'un montant de 66 millions d'euros. La Commission européenne a alors informé la France que dans les dix ans qui suivront, elle ne pourra – excepté pour une privatisation octroyer aucune autre aide, ayant pour but la restructuration ou le sauvetage de l'entreprise, et non pas la compensation de service public.
En 2004, malgré l'octroi de la Délégation de Service Public (DSP) pour la liaison avec la Corse, la situation de la compagnie maritime ne s'était pas améliorée, d'où l'idée de privatisation, toute aide à la restructuration étant devenue impossible.
Cette privatisation a été engagée, à partir de 2005 : la recapitalisation par l'État dans le cadre d'une privatisation de la SNCM impliquait que l'État se comporte comme un investisseur avisé. Cette notion renvoie à une analogie des comportements entre le secteur public et le secteur privé. À partir du moment où la SNCM devient une compagnie privée, l'État doit au regard des règles européennes avoir le comportement d'un investisseur soucieux de dégager un profit.
Le 8 juillet 2008, la Commission européenne a publié un avis considérant que la privatisation de 2006 et la recapitalisation qui a suivi, ne constitue pas une aide d'État et que l'aide de 66 millions d'euros apportée en 2002 était compatible, avec les règles du marché unique. En novembre de la même année, Veolia rachète les parts de capital du fonds d'investissement « Butler Capital Partners » (BCP), devenant ainsi l'actionnaire majoritaire.
Le 11 septembre 2012, le Tribunal de l'Union Européenne (TUE) a annulé la décision de la Commission européenne, suite à une plainte de « Corsica ferries ». Veolia a alors saisi le Gouvernement, pour faire appliquer les clauses résolutoires.
L'affaire est actuellement pendante en appel devant la Cour de justice de l'Union européenne, mais l'avocat général Wathelet a proposé la confirmation du jugement de première instance. La SNCM aurait alors à rembourser une somme d'approximativement 220 millions d'euros.
En mai 2012, la Commission européenne a invalidé les compensations offertes à la compagnie maritime pour le « service complémentaire » (durant les mois de pointe, la fréquentation du réseau peut-être supérieure à 10 fois celle des mois creux, tels que janvier ou février). Aussi la Délégation de Service Public prévoit-elle un système de compensation, afin de garantir un minimum de fréquences.
Pour la Commission européenne, ce service pouvait être pris en compte dans les conditions normales de marché et ne constitue pas un service d'intérêt général, ce que conteste le gouvernement français. La Commission demande donc le remboursement des compensations perçues, au titre de « service complémentaire ».
La disparition du service complémentaire permettrait de maintenir seulement 420 équivalents temps plein et entrainerait plus de 1 500 licenciements pour l'avenir.
En outre, la situation financière de la compagnie ne lui permet absolument pas de rembourser ces sommes et entrainerait sa liquidation et le licenciement de la totalité du personnel. Les chances d'obtenir une annulation par la justice européenne de la décision de la Commission européenne sont réelles, mais le délai de jugement bloque l'entrée de nouveaux actionnaires dans le capital de la SNCM. Il ne paraît pas possible d'invoquer sur ce dossier le compromis de Luxembourg, voulu par le Général de Gaulle, et refuser d'exécuter nos engagements internationaux. Aussi nous faut il explorer les voies d'un compromis.
Deux clauses résolutoires ont accompagné la signature des engagements pris par les opérateurs privés. La première, signée en mai 2006, concerne la non-acception du dossier de recapitalisation par la Commission européenne. Elle est valide pour six ans ; la seconde porte sur la question du service public et donc à l'attribution de la DSP à la SNCM, signée le 1er janvier 2007. Elle est valide pour quatre ans. La première clause résolutoire pourra jouer, si les actes de procédure accomplis par les actionnaires sont considérés comme interruptifs de prescription. La seconde n'a pas lieu de jouer, dans la mesure où la SNCM ayant accompli les obligations de la DSP doit être indemnisée pour le service fait, d'autant que, dans ce dernier cas, l'État a commis une faute en ne notifiant pas ces aides à la Commission européenne.
Il n'est donc guère contestable que l'exécution du jugement et de la décision de la Commission européenne ouvriraient la voie à l'octroi de dommages et intérêts importants à la charge de l'État. Au vu des données fournies à votre rapporteur, il apparaît qu'en cas d'exécution des décisions européennes, le montant que l'État devrait acquitter, à titre de dommages et intérêts, serait sensiblement équivalent au montant des sommes réclamées par l'Union.
Aux yeux de votre rapporteur, la meilleure solution, car rapide, serait le remboursement par la SNCM des sommes considérées comme indûment perçues, même si nous ne sommes pas d'accord avec la position des services de la concurrence. Concomitamment, l'État indemniserait les actionnaires privés qui, en échange, abandonneraient leurs actions juridiques liées à la clause résolutoire et la SNCM percevrait une indemnisation, au titre du service, compensant les sommes qui lui sont réclamées au titre du service complémentaire, car elle a effectué le travail durant six ans.
Le risque de qualification de ce transfert en aide d'État ou en aide à la restructuration par la Commission européenne ne doit pas être ignoré. Néanmoins, toute solution, hormis celle de la liquidation, suppose un risque de ce type.
Il pourrait cependant être soutenu que l'État agit en investisseur avisé dans une économie de marché, dès lors que son apport serait inférieur au coût de la liquidation qui devrait être compris entre 200 et 400 millions d'euros.
Il est indispensable, pour voir clair dans cette multiplicité de litiges, que soit effectuée une balance entre les sommes que la SNCM doit rembourser au titre des contentieux avec l'Union européenne et celles que devrait lui verser l'État au titre des clauses résolutoires ou de sa responsabilité.
Pour cela il convient d'engager sans tarder une procédure d'arbitrage ou d'expertise pour identifier les sommes dues par chaque partie, afin de pouvoir calculer un solde et purger l'ensemble des contentieux financiers, en accord avec la Commission européenne.
Ces contentieux ont pour effet d'interdire tout développement de la SNCM. Si aucune solution satisfaisante n'était recherchée, il est à craindre que ce dossier ne soit au centre des polémiques, lors de la prochaine campagne des élections européennes.
Merci de ce rapport qui nous éclaire et donne des pistes raisonnables pour désamorcer un certain nombre de feux.
Je donne mon accord à ce rapport mais la SNCM n'est-elle pas un mort vivant ? Elle bénéficie de pratiques extraordinaires et uniques en Europe. Je ne suis pas d'accord pour considérer qu'il y a une faute de l'Union européenne dont la doctrine est universelle. Il faut régulièrement sauver du dépôt de bilan la SNCM avec de l'argent public. Je pense aux 2 500 salariés de la SNCM. J'ai siégé à la commission d'enquête. Est-il juste de considérer que le remboursement par la SNCM des sommes indues à l'État et aux collectivités territoriales revient à une opération à somme nulle étant donné que les actionnaires sont des personnes morales distinctes de la SNCM. Ce dossier est quand même affligeant.
J'ai également siégé à la commission d'enquête et en 2005 l'État devait trouver une solution d'urgence. Il faut souligner que Corsica Ferries reçoit 14 millions d'euros de la collectivité de Corse et que cette dernière doit à la SNCM des sommes importantes. C'est donc une affaire compliquée. Ne faudrait-il pas actualiser la communication présentée par le Rapporteur, M. Didier Quentin, dans la mesure où n'ont pas été pris en compte : les 31 millions d'euros versés à la SNCM par l'État français pour assurer sa trésorerie et la proposition du Conseil général des Bouches-du-Rhône, de la ville de Marseille et de la Région Provence-Alpes-Côte d'Azur de s'associer pour restructurer la SNCM et être partie prenante dans l'achat de deux bateaux supplémentaires.
Dans cette affaire il ne faut pas mettre en cause la Commission qui a fait son travail. L'État a tardé à mettre de l'ordre. Par ailleurs, la continuité territoriale n'est pas mise en cause.
Je dirai à Gilles Savary que pendant longtemps la SNCM était un exemple de mauvaise gestion. J'ai auditionné le Président de la SNCM, M. Dufour, qui m'a indiqué que le rapport pour le personnel entre la SNCM et Corsica Ferries était passé de 1 à 6 à 1 à 1,2. Cela traduit des efforts certains. Je reste à sa disposition pour lui donner les éléments plus précis sur la solution que j'évoque. Je me situe dans une perspective européenne d'exécution des décisions. En l'occurrence la Commission européenne n'est pas en cause lorsqu'il s'agit d'appliquer un jugement.
La non-exécution d'un jugement est possible en droit interne depuis l'arrêt du Conseil d'État Couiteas de 1923, mais ne l'est pas en droit européen.
Notre collègue nous a juste livré une information au vu de la situation. C'est une affaire que nous devons continuer à suivre.
IV. Examen du rapport d'information, pour « observations », de Mme Chantal Guittet sur la proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale, de M. Bruno Le Roux, M. Gilles Savary, Mme Chantal Guittet, M. David Habib, et plusieurs de leurs collègues (no 1686)
Madame la Présidente, mes chers collègues, le 29 mai 2013, mes collègues Gilles Savary, Michel Piron et moi-même vous présentions un rapport d'information sur la révision de la directive sur le détachement des travailleurs dans lequel étaient formulées 21 propositions pour lutter le plus efficacement possible contre la concurrence déloyale sous forme de dumping social qui se développe actuellement en Europe à la faveur de manquement aux principes de la directive et des faiblesses endogènes de la réglementation sur le détachement des travailleurs.
À la suite de ce rapport, la Commission des affaires sociales a repris à son compte, le 11 juillet 2013, un certain nombre de nos recommandations, telles que l'instauration d'une agence européenne de contrôle du travail mobile en Europe, la création d'une carte du travailleur européen ou et l'introduction d'un salaire minimum de référence afin d'harmoniser socialement les conditions de détachement.
Le 2 décembre 2013, la question du détachement des travailleurs a par ailleurs fait l'objet d'un débat en séance publique, montrant à quel point ce sujet était d'actualité. De fait, au niveau européen, le trilogue sur la révision de la directive n'a toujours pas abouti, même si un pas important a été franchi le 9 décembre dernier puisque les ministres du travail européen se sont mis d'accord sur un texte qui instaure une liste de mesures de contrôles ouvertes et sur un mécanisme de responsabilité solidaire obligatoire du donneur d'ordre dans le bâtiment.
Bien que quelques progrès aient été réalisés, le compromis final sera, de l'avis de tous, difficile à atteindre, et il semble malheureusement peu probable qu'il puisse être atteint avant la nomination de la nouvelle Commission européenne à l'automne prochain. Pourtant l'urgence est réelle dans notre pays, et il est nécessaire de légiférer rapidement pour combattre le travail illégal et la concurrence déloyale par le biais de l'optimisation sociale, qui mettent à mal des pans entiers de notre économie, tels que le bâtiment et les travaux publics, le transport routier, ou encore l'agro-alimentaire et favorisent l'émergence de salariés « low cost ».
C'est l'objet de la présente proposition de loi, dont la paternité revient à Gilles Savary, dont notre commission s'est saisie pour observations, et qui sera examinée en commission des affaires sociales la semaine prochaine et en séance publique le 18 février.
Cette proposition de loi a pour objectif d'instaurer plusieurs mesures préventives et répressives pour lutter plus efficacement contre le dumping social, la concurrence déloyale et les abus de sous-traitance. Certaines de ces dispositions sont directement inspirées des travaux que nous avons menés au sein de notre commission, et représentent une avancée législative réelle ; en revanche, le texte comporte des dispositions qui demeurent imparfaites.
Certains points de la proposition constituent en effet de réelles avancées de notre dispositif législatif en matière de lutte contre la concurrence déloyale : l'extension du devoir d'injonction du maitre d'ouvrage en cas de travail dissimulé par le cocontractant – article 3 -, l'allongement de la liste des documents exigibles par les inspecteurs du travail pour lutter contre le travail illégal - article 4 -, la signature des marchés publics conditionnée à la production de l'attestation d'assurance décennale obligatoire – article 8 - et l'ouverture de la possibilité d'ester en justice aux associations et syndicats – article 7 -. Concernant l'article 7, celui-ci demeure perfectible. D'une part, le délai de 5 ans d'ancienneté de l'organisation prévu dans la rédaction actuelle ne semble pas cohérent avec le droit actuel, et notamment avec le seuil de deux ans prévu en droit du travail pour la représentativité des organisations syndicales, prévu aux articles L. 2121-1 et suivants du code du travail. En outre, il convient de s'interroger aussi sur la possibilité de compléter cet article 7 pour introduire une possibilité de recours de ces mêmes organismes devant le tribunal des affaires sociales et devant le conseil des prud'hommes.
La proposition de loi contient de plus des articles qui doivent être modifiés ou supprimés. L'article 1er étend l'obligation de vigilance de l'entreprise bénéficiaire d'une prestation de service internationale à la vérification du dépôt de la déclaration de détachement auprès des services de l'Inspection du travail. Une telle obligation pourrait entraîner, en cas de manquement, sa solidarité pour le paiement des salaires et des indemnités dues aux travailleurs concernés. Si l'intention de cet article est bonne, sa rédaction le rend de facto inapplicable, les inspecteurs du travail n'ayant pas les moyens de sa mise en oeuvre. En outre, la rédaction de l'article ne couvre pas l'exhaustivité des situations de détachement, puisqu'elle ne concerne que les prestations de service de prestataires « établis hors de France » ; de ce fait, les entreprises françaises qui auraient créé des filiales « boîtes aux lettres » ne rentreraient pas dans le champ d'application de l'article. En réalité, ce même objectif - procurer aux inspecteurs du travail le moyen d'être informé sur les détachements en cours - serait plus efficacement rempli en créant un système de double déclaration. Actuellement, seule l'entreprise qui détache est tenue d'établir une déclaration de détachement ; or, les entreprises ne procèdent pas toujours aux déclarations de détachement, que ce soit par souci de dissimulation ou par méconnaissance de leurs obligations. On estime ainsi que seuls 30% des détachements font réellement l'objet d'une déclaration. L'efficacité du dispositif serait accrue si on exigeait aussi du donneur d'ordre qu'il fasse une déclaration de sous-traitance facile à contrôler car le donneur d'ordre n'est pas mobile - en plus de la déclaration de détachement faite par l'entreprise qui détache ses salariés.
L'article 2 propose d'élargir les cas dans lesquels un maître d'ouvrage ou un donneur d'ordre peut être tenu au paiement des salaires des employés des sous-traitants présents sur le marché, y compris lorsque le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre n'a pas de relation directe avec ce sous-traitant. Cette solidarité porte sur le paiement total ou partiel des salaires, dans la limite du salaire minimum légal ou conventionnel. Elle couvre toutes les situations de non-respect des règles de rémunération, y compris celles des travailleurs détachés en France payés en deçà du SMIC ou du salaire minimal conventionnel. En cas de signalement à un maître d'ouvrage d'une situation de défaut du paiement intégral ou partiel des salaires minimaux chez un des sous-traitants du marché par un agent de contrôle ou une organisation syndicale, le maître d'ouvrage sera tenu de faire cesser la situation. À défaut, il sera responsable solidairement avec l'entreprise du paiement des salaires. La mise en jeu de la responsabilité solidaire du maître d'ouvrage ou du donneur d'ordre repose sur un dispositif ciblé, après signalement par les services de contrôle habilités à lutter contre le travail illégal (Inspection du travail, URSSAF, police, gendarmerie, Impôts). Cet article répond à un objectif louable, mais il faudra être vigilant au moment de la rédaction du décret d'application, et veiller à ce que les conditions de signalement de la régularisation soient bien précises, afin de permettre au donner d'ordre ou au maître d'ouvrage d'attester de leur bonne foi et d'ainsi se prémunir contre une responsabilité conjointe et solidaire qui ne serait pas justifiée. Peut-être faudrait-il en outre s'interroger sur l'opportunité de créer l'obligation pour toute entreprise qui détache des salariés d'avoir un correspondant unique pour les donneurs d'ordre ou les maîtres d'ouvrage ? L'article 9 de la proposition de révision de la directive d'application de la directive 9671CE prévoit en effet l'« obligation de désigner, pour la durée de la prestation des services, une personne de contact pour négocier au nom de l'employeur, si nécessaire, avec les partenaires sociaux compétents dans l'État membre dans lequel le détachement a lieu, conformément à la législation et aux pratiques nationales ». Mais l'article 9 n'ayant pas encore fait l'objet d'un accord en trilogue, il serait sans doute plus sage d'inscrire d'ores et déjà cette disposition en droit français. Par ailleurs, cet article limite l'information du maître d'ouvrage ou du donneur d'ordre au seul non-paiement total ou partiel du salaire dû au salarié du sous-traitant direct ou indirect aux fins de régularisation de la situation signalée. Or, le socle minimal que doivent respecter les entreprises qui détachent des salariés ne se limite pas au seul respect des dispositions en matière de salaire, mais comporte aussi tout un ensemble de normes à respecter relatives aux libertés individuelles et collectives dans la relation de travail, aux discriminations et à l'égalité professionnelle entre les femmes et les homme, à la protection de la maternité, aux congés de maternité et de paternité, aux congés pour événements familiaux, aux conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire, à l'exercice du droit de grève, à la durée du travail, aux repos compensateurs, aux jours fériés, aux congés annuels payés, à la durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs, aux conditions d'assujettissement aux caisses de congés et intempéries, aux règles relatives à la santé et à la sécurité au travail, à l'âge d'admission au travail, à l'emploi des enfants et au travail illégal. Il s'agit-là en réalité d'un socle très important, et nul doute que l'extension de l'article 2 à l'ensemble de ces points serait de nature à lutter contre le travail illégal.
L'article 5 propose d'engager la responsabilité pénale du maître de l'ouvrage public ou privé ou du donneur d'ordre professionnel lorsqu'ils poursuivent en connaissance de cause pendant plus d'un mois l'exécution d'un contrat passé avec une entreprise en situation irrégulière au regard de ses obligations sociales. Dans cette situation, la sanction pénale sera celle prévue à l'article L. 8224-1 du code du travail qui réprime le recours en conscience aux services d'une personne effectuant un travail dissimulé, à savoir l'emprisonnement de trois ans et une amende de 45 000 euros. En l'état, cette disposition crée une immunité pénale de fait pendant un mois du donneur d'ordre ; il s'agit d'une disposition plus laxiste que le droit existant, puisqu'actuellement, l'infraction de recours à travail dissimulé est une infraction instantanée. L'article 5 tel que rédigé dans la proposition permettrait en effet à des donneurs d'ordre ou maître d'ouvrage de recourir en toute connaissance de cause – car informés par les agents de contrôles – pendant un mois à des entreprises qui pratiquent du travail dissimulé.
Dans notre rapport sur la révision de la directive sur le détachement des travailleurs, nous soulignions qu'il apparaissait évident que la fraude au détachement se développait aussi parce que certaines entreprises font, en toute connaissance de cause, appel à des entreprises indélicates, ce qui est rendu possible dans la mesure où aucune publicité n'est faite autour de ces entreprises. Nous invitions alors les autorités européennes, et à défaut le Gouvernement, à mettre en place un liste noire d'entreprises et de prestataires de services indélicats, sur le modèle des listes noires qui existent dans l'aviation civile. L'article 6 de la proposition de loi reprend en partie cette idée à son compte, et met en place une « liste noire » d'entreprises et de prestataires de services qui ont été condamnés pour des infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L. 8211-1 du code du travail (travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main d'oeuvre, emploi d'étrangers sans titre de travail…), dans les cas où l'amende prononcée est d'un montant d'au moins 45 000 euros. Le seuil de 45 000 euros fixé dans la rédaction actuelle apparaît trop élevé et risque de rendre cette disposition inefficace ; il faudrait réfléchir à un seuil plus faible qui permettrait de rendre cette liste vraiment utile, voire à une inscription à partir de la condamnation au premier euro. Rappelons que cette inscription n'aurait qu'un caractère informatif et n'empêcherait en rien les donneurs d'ordre ou les maîtres d'ouvrage de contracter avec des entreprises inscrites sur la liste.
Des améliorations au texte sont nécessaires pour renforcer le dispositif de lutte contre la concurrence déloyale et les trafics de main d'oeuvre. Mes collègues Gilles Savary et Michel Piron et moi-même avions appelé de nos voeux la création d'une carte du travailleur européen, qui serait de nature à faciliter le contrôle des détachements. Dans l'attente d'une éventuelle création de cette carte à l'échelle européenne, il serait intéressant de compléter le texte actuel de la proposition de loi par une disposition qui vise à mettre en place une carte d'identification des travailleurs dans le bâtiment, secteur particulièrement touché par la fraude aux faux détachements. L'idée est de permettre une identification rapide des travailleurs présents sur les chantiers, et un contrôle rapide par les inspecteurs du travail des documents les concernant (contrat de travail, employeur, etc…).
Par ailleurs, actuellement, le défaut de présentation des documents exigibles par l'inspection du travail qui vérifie la déclaration de détachement est constitutif de l'amende prévue pour les contraventions de troisième classe, soit 450 euros maximum (conformément à l'article 131-13 code pénal) ; il peut être également constitutif du délit d'obstacle à l'accomplissement des fonctions de l'agent de contrôle, punissable d'une peine d'un an emprisonnement et d'une amende de 3 750 euros (article L. 8114-1 du code du travail).
Il convient de s'interroger sur l'opportunité de renforcer ces amendes, qui apparaissent relativement peu lourdes eu égard aux enjeux financiers.
De plus, le dispositif de la proposition pourrait être complété utilement en renforçant les sanctions administratives pour travail illégal, en complément des sanctions pénales.
En conclusion, il apparaît clair que ce texte, imparfait, va faire l'objet de nombreuses modifications au cours des différentes étapes de sa discussion. Pour autant, il a le mérite d'apporter une réponse nationale à un problème de dimension européenne, réponse rapide rendue nécessaire par les lenteurs du processus décisionnel de l'Union en la matière. En outre, les auditions que nous avons menées avec Gilles Savary, rapporteur sur la proposition de loi, ont montré que tant les représentants des salariés que les représentants des employeurs étaient en faveur de l'adoption d'une législation nationale. Je vous propose d'adopter les conclusions de notre rapport.
Nous travaillons avec Mme Chantal Guittet et au sein de cette commission depuis plus d'un an sur ce sujet, et je souhaitais vous faire remarquer que cette proposition de loi est l'aboutissement de notre travail, ce qui est très positif pour notre commission. Par ailleurs, ce texte va nous fournir des outils simples, qui permettrons de dissuader le travail illégal par détachement et d'augmenter les sanctions sur le travail illégal. J'ajoute qu'on va introduire le grief de circonstance aggravante en bande organisée, lequel facilitera le travail de la police et de la gendarmerie, ainsi qu'étendre au niveau national à tous les secteurs la responsabilité conjointe et solidaire. Nous avons en effet, comme l'a rappelé Chantal Guittet, un véritable enthousiasme d'un certain nombre de patrons – BTP, sociétés d'intérim – pour ces dispositions alors même qu'un peu partout en Europe les législations se durcissent – regardez ce qui se produit en Allemagne avec le salaire minimum et le durcissement des conditions de détachement intra-groupe ; même chose en Grande-Bretagne, qui est officiellement pour la libre-circulation des travailleurs et qui pourtant veut durcir les conditions d'accès à son territoire… La France, et nous devons nous en réjouir, est prudente aujourd'hui et en avance face à ce sujet délétère et délicat qui produit de la xénophobie. L'exercice n'est pas aisé, car il faut faire en sorte que les Européens partagent un destin commun mais ne se détruisent pas les uns les autres. Nous sommes, je le rappelle, dans la feuille de route qui avait été votée ici même à l'issue de l'examen de notre rapport d'information : vigilance et fermeté face à Bruxelles et consolidation de notre législation nationale ; ceci est très positif pour notre travail commun au sein de cette commission.
Le travail qui a été fait lors de votre mission d'information est remarquable, et je l'ai soutenu. Je voudrais faire deux remarques. Le projet de directive européenne ne couvre que le bâtiment pour la responsabilité conjointe et solidaire : il y a encore du travail à accomplir au niveau européen. Par ailleurs, le problème principal actuellement provient des détournements de la directive, et non de la directive elle-même ; c'est la fraude à la règle européenne, pas la règle européenne elle-même qui pose difficulté. Il faudrait peut-être insister plus sur le fait que la mobilité des travailleurs est quelque chose de positif.
Oui, notre commission s'est emparée de ce sujet et c'est très positif que cela aboutisse, et je précise que c'est aussi parce que nous nous sommes emparés très en amont de ce sujet que les choses ont fonctionné. Ceci étant, j'aurais une remarque sur un point : la carte de travailleur du bâtiment me paraît un peu délicate, car il y a un risque de fichage.
Nous avons en effet toujours été en faveur de la mobilité – je vous renvoie à ce propos à notre rapport d'information – et d'ailleurs la France est un des pays qui détachent le plus… Par ailleurs, je rejoins M. Lequiller sur la question de la responsabilité conjointe et solidaire, qui doit en effet être étendue à tous les secteurs. Concernant la carte, il est vrai qu'il y a un risque de fichage, mais comment contrôler autrement que les salariés sont bien couverts ? C'est un outil en premier lieu de protection des salariés, qui voient souvent leurs droits bafoués.
Nous cherchons avant tout à remettre le détachement à sa juste place et à lutter contre la concurrence déloyale, et, bien évidemment, nous sommes pour le détachement et sommes pleinement conscients de tout ce que l'immigration de travail a apporté à la France et notamment à son économie.
Les conclusions du rapport, dont le texte figure ci-dessous, sont donc adoptées à l'unanimité.
« La Commission des affaires européennes,
Vu l'article 151-1-1 du règlement de l'Assemblée nationale ;
Vu la proposition de loi visant à renforcer la responsabilité des maîtres d'ouvrage et des donneurs d'ordre dans le cadre de la sous-traitance et à lutter contre le dumping social et la concurrence déloyale ;
Considérant que la présente proposition de loi est nécessaire eu égard à la lenteur du processus d'adoption de la directive sur la révision de la directive 9671CE concernant le détachement des travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services ;
Considérant que certaines des dispositions de cette proposition de loi constituent de réelles avancées dans la lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale mais que certaines d'entre elles doivent être modifiées ;
Considérant que certaines dispositions doivent être ajoutées pour parfaire encore le dispositif de lutte contre le dumping social et la concurrence déloyale, qui menacent des pans entiers de l'économie nationale ;
Approuve l'extension du devoir d'injonction du maître d'ouvrage en cas de travail dissimulé par le cocontractant ;
Approuve l'allongement de la liste des documents exigibles par les inspecteurs du travail pour lutter contre le travail illégal ;
Approuve l'ouverture de la possibilité d'ester en justice aux associations et syndicats ;
Approuve la disposition prévoyant que la signature des marchés publics soit conditionnée à la production de l'attestation d'assurance décennale obligatoire ;
Estime que l'article 1er de la proposition de loi, sur l'extension de l'obligation de vigilance de l'entreprise bénéficiaire, partant d'une intention louable, est trop confus et mal rédigé, et doit être amendé ;
Approuve l'objectif des dispositions de l'article 2 relatives à l'élargissement des cas où le maître d'ouvrage ou le donneur d'ordre peuvent être tenus au paiement des salaires, mais considère que sa rédaction est imparfaite et qu'il doit être amendé ;
Approuve l'objectif de l'article 5 quant à l'engagement de la responsabilité pénale du maître de l'ouvrage, mais déplore que la rédaction du texte créée en l'état une immunité pénale d'un mois, et considère ainsi que celui-ci doit être amendé ;
Approuve la création par l'article 6 d'une liste noire des entreprises non vertueuses, mais considère que sa rédaction actuelle n'est pas satisfaisante et doit être amendée ;
Estime nécessaire, à défaut de la création d'une carte du travailleur européen, de créer une carte professionnelle du travailleur du bâtiment ;
Estime nécessaire de renforcer les amendes prévues pour non présentation des documents exigibles par les inspecteurs du travail qui contrôlent les déclarations de détachement ;
Estime indispensable d'étendre les sanctions pour travail illégal et offres anormalement basses ;
Estime nécessaire de renforcer les sanctions administratives pour travail illégal en complément des sanctions pénales, en renforçant le pouvoir des préfets et celui des Urssaf ;
Estime indispensable d'encadrer rigoureusement le détachement « intra-groupe». »
V. Examen de textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution
Sur le rapport de la Présidente Danielle Auroi, la Commission a examiné des textes soumis à l'Assemblée nationale en application de l'article 88-4 de la Constitution.
l Textes « actés »
Aucune observation n'ayant été formulée, la Commission a pris acte des textes suivants :
Ø Services financiers
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) no 2602012 en ce qui concerne la migration vers un système européen de virements et prélèvements (COM(2013) 937 final – E 8991).
l Accords tacites de la Commission
En application de la procédure adoptée par la Commission les 23 septembre 2008 (textes antidumping), 29 octobre 2008 (virements de crédits), 28 janvier 2009 (certains projets de décisions de nominations et actes relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) concernant la prolongation, sans changement, de missions de gestion de crise, ou de sanctions diverses, et certaines autres nominations), et 16 octobre 2012 (certaines décisions de mobilisation du fonds européen d'ajustement à la mondialisation), celle-ci a approuvé tacitement les documents suivants :
- Décision du Conseil modifiant la décision 201172PESC concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (532814 – E 9032) ;
- Règlement d'exécution du Conseil mettant en oeuvre le règlement (UE) no 1012011 concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Tunisie (532914 – E 9033) ;
- Décision du Conseil portant nomination de trois membres danois et de cinq suppléants danois du Comité des régions (566414 – E 9034) ;
- Décision du Conseil portant nomination d'un suppléant espagnol du Comité des régions (566714 – E 9035).
La séance est levée à 18 h 40