Intervention de Richard Ferrand

Réunion du 11 février 2014 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand :

C'est avec beaucoup d'espoir et d'enthousiasme que nous entamons l'examen de cette proposition de loi, puisque notre commission avait adopté à l'unanimité la proposition de résolution européenne, due déjà à l'initiative de nos collègues Savary et Guittet, qui condamnait expressément les nombreuses et importantes dérives que permet la directive européenne dite « détachement des travailleurs ». Cette résolution européenne ne se cantonnait pas à une déclaration de bonnes intentions sans lendemain, puisqu'elle préconisait la mise en place de mesures, européennes et nationales, permettant de lutter activement contre ce fléau qu'est le détachement massif, et souvent frauduleux, de travailleurs. Même nos collègues de l'opposition l'avaient approuvée, alors même que l'instauration d'un SMIC européen y figurait noir sur blanc.

Depuis l'adoption de cette résolution, le chantier a avancé dans des conditions qui viennent d'être rappelées par notre rapporteur. Certaines des mesures que nous avions recommandées ont été adoptées le 9 décembre lors de la négociation européenne relative à la directive d'application. Je pense notamment à la responsabilité solidaire, arrachée de haute lutte et éminemment nécessaire. L'article 2 de la présente proposition de loi propose une « anticipation » de transposition de la coresponsabilité. C'est un gain de temps considérable, au moment où le projet de directive d'application fait encore l'objet de débats entre la Commission, le Conseil européen, le Parlement au niveau européen, et que les échéances électorales font craindre un report. En outre, cet article lui donne un champ d'application maximal puisque la responsabilité solidaire concernera l'ensemble des secteurs d'activités, et non l'unique secteur du BTP. C'est un signal important, notamment en direction des secteurs agricoles et agroalimentaires.

Le groupe Socialiste, républicain et citoyen proposera d'aller plus loin encore en élargissant la coresponsabilité aux cas de manquement à toutes les dispositions visées par l'article L. 1262-4 du code du travail. Très concrètement, cet élargissement rendra le dispositif plus efficace en permettant aux inspecteurs du travail de constater des irrégularités concrètes, matérielles, là où le contrôle des salaires s'avère difficile d'un point de vue pratique.

D'autres mesures, qui ne peuvent aujourd'hui trouver écho au niveau européen, sont proposées dans le cadre national.

La « liste noire », introduite par l'article 6, fait partie de ce nouvel arsenal à but dissuasif. À défaut de pouvoir l'établir dans tous les États membres, il est nécessaire de mettre en place cet outil en France. J'ai pu constater, sur le terrain et lors des auditions menées par le rapporteur, que ce dispositif répond à une demande pressante des acteurs économiques, en particulier des artisans, des TPE et des PME. C'est une demande constamment relayée par les organisations professionnelles et les organisations patronales, seul le MEDEF faisant exception – il est vrai que les grandes entreprises sont souvent celles qui profitent le plus du détachement et de ses abus, alors que les plus petites en subissent de plein fouet les conséquences dommageables. On ne s'étonnera pas dans ces conditions qu'on nous propose des amendements de suppression de cet article.

Pourtant l'ensemble des corps et acteurs concernés, syndicats patronaux et syndicats de salariés, organisations professionnelles et inspecteurs du travail, élus et entreprises, sont favorables à un durcissement substantiel des règles encadrant le détachement.

Bien plus que favorables, ils sont demandeurs de telles règles. C'est que, tout autant que nous, ils mesurent l'urgence. Les uns, pourtant peu enclins d'habitude à un durcissement de la réglementation, subissent chaque jour une concurrence indigne qu'ils ne peuvent affronter et qui cause des dommages parfois irréversibles à l'exploitation de leur entreprise. C'est pourquoi le groupe SRC propose toute une batterie de mesures, dissuasives et répressives.

De telles pratiques, qui se déroulent de façon massive sous nos yeux, sont inacceptables et font courir un grand risque à l'Europe même, et à l'image que nos concitoyens s'en font.

Je parlais d'espoir dans l'introduction de mon propos. C'est l'espoir que notre commission, comme elle l'a fait pour la résolution européenne, adopte à l'unanimité cette proposition.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion