Intervention de Gilles Savary

Réunion du 11 février 2014 à 16h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Savary, rapporteur :

Il est vrai, monsieur Tian, que l'affiliation du travailleur détaché à la sécurité sociale de son pays d'origine fait de l'emploi de travailleurs originaires de pays où les charges sociales sont très faibles un avantage compétitif en termes de coût du travail. Cependant, les chefs d'entreprise eux-mêmes nous ont dit que si leurs employeurs respectaient le droit du travail français, les coûts d'hébergement et de transport de ces travailleurs neutraliseraient cet avantage compétitif. C'est parce qu'ils sont souvent hébergés dans des conditions indignes, parfois sur le lieu de travail, qu'ils coûtent moins cher. Il arrive ainsi que des routiers étrangers qui font des campagnes d'un mois en France passent leur repos hebdomadaire sur les aires d'autoroute, où ils dorment dans leur camion, et font leur toilette dans les stations-service. Il est évident qu'ils coûtent moins cher dans ces conditions.

En tout état de cause, on ne peut pas remettre en cause cette affiliation pour deux raisons. Premièrement, elle est imposée par la loi européenne : pour être travailleur détaché, il faut déjà être travailleur dans son pays d'origine, donc y être affilié à un régime de sécurité sociale. Deuxièmement, cette règle est très protectrice des travailleurs originaires de pays à haut standard social, comme le nôtre. On ne voit pas comment on pourrait remettre en cause une règle qui tient à la nature même du détachement : s'agissant d'une mission temporaire, il est logique qu'on reste affilié à la sécurité sociale de son pays d'origine.

La liste noire d'entreprises et de prestataires de main-d'oeuvre ayant été condamnés pour travail illégal a en effet une vocation dissuasive. De telles listes existent déjà pour certaines infractions. Une telle solution a la faveur de plusieurs fédérations patronales, même si le MEDEF y est moins favorable. L'inscription sur cette liste est certes stigmatisante, mais nous avons eu le souci de la proportionnalité de la sanction. C'est pourquoi elle n'interdit pas à l'entreprise de répondre un appel d'offres ni de continuer son activité. En outre, elle ne peut être décidée que par le juge et elle n'a rien d'automatique. Nous préconisons qu'y soient inscrits, non seulement le nom des entreprises fautives, mais également celui de leurs dirigeants : nous connaissons trop de cas de dirigeants qui, tels le phénix, mettent fin à leur « bizness » pour le faire renaître sous une autre appellation.

La possibilité pour les syndicats ou les organisations professionnelles de se porter partie civile se justifie par le fait que c'est souvent la seule possibilité de porter devant la justice ces dérèglements contraires à l'ordre social. Le plus souvent en effet, on ne peut pas compter sur les victimes de ces abus pour dénoncer leurs conditions de travail, si tant est qu'ils connaissent bien le droit du travail français : à six cents euros par mois et même s'il faut coucher sur le chantier, notre pays constitue pour eux un eldorado. En tout état de cause, on n'aurait pas compris que les syndicats de salariés n'aient pas la possibilité d'engager des actions judiciaires, à la différence des organisations professionnelles.

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