L'emploi des jeunes est, pour notre majorité, un enjeu prioritaire. Depuis le début de la crise économique, le chômage des jeunes de quinze à vingt-quatre ans a augmenté de 50 % dans l'Union européenne. Bien que la dégradation ne soit pas aussi spectaculaire dans notre pays, celui-ci n'est pas épargné : le chômage des moins de vingt-cinq ans y a continué sa progression et s'établit à 24 % en moyenne, mais à plus de 50 % – soit plus du double – dans certains territoires ruraux, dans les zones urbaines sensibles et dans les départements d'outre-mer.
Avec les dispositifs des emplois d'avenir, du contrat de génération, de la loi relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale ou encore de la loi relative à la sécurisation de l'emploi, nous entendons faciliter l'insertion professionnelle des jeunes qui est un enjeu majeur. Nous proposons aujourd'hui de compléter le dispositif législatif en faveur de la formation et de l'insertion professionnelle par cette proposition de loi tendant au développement, à l'encadrement et l'amélioration du statut des stagiaires.
Contrairement à certaines idées reçues, la France se distingue en Europe par l'importance qu'elle accorde à l'ancrage professionnel de ses cursus d'enseignement, notamment universitaires. Avec l'apprentissage et la formation en alternance, les stages comptent parmi les outils qui permettent aux jeunes de mieux connaître le monde professionnel et d'y développer certaines aptitudes. Dans son rapport de septembre 2012, le Conseil économique, social et environnemental a estimé le nombre de stages en milieu professionnel à environ 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006. La généralisation des stages dans les cursus de l'enseignement secondaire et supérieur explique pour partie cette progression.
Les stages et périodes de formation en milieu professionnel demeurent la plupart du temps de belles occasions pour les jeunes d'acquérir des compétences, de mettre en pratique leur formation, de tester leur projet professionnel et d'affiner leurs choix d'orientation. Dans le même temps, ils permettent aux entreprises de bénéficier de compétences nouvelles pour des missions spécifiques et de se constituer un vivier de recrutement potentiel.
Cependant, de nombreux jeunes éprouvent des difficultés à trouver des stages, en l'absence de réseau personnel et familial, du fait de la méconnaissance du monde du travail ou en raison de discriminations similaires à celles qui ont été identifiées pour l'accès à l'emploi. La situation actuelle du marché du travail conduit certains jeunes ayant terminé leur formation à accepter des stages faute de trouver un premier emploi. Aujourd'hui, une grande partie des diplômés doit enchaîner des périodes de stage pendant des années, avant de décrocher un CDD et, enfin, un CDI. Ainsi, trop souvent, les périodes de stage deviennent un véritable sas d'entrée dans la vie active et conduisent à la précarisation des jeunes.
Enfin, dans certains cas, les stages peuvent être détournés de leur vocation première d'élément de la formation des étudiants et se substituer à des emplois qui devraient être occupés par de jeunes diplômés. Certaines entreprises recourent parfois aux stages de manière abusive en recrutant des stagiaires à la place de salariés ou en leur imposant des conditions d'activité défavorables par rapport à celles des salariés, notamment en termes de durée de présence. Notre proposition de loi vise à rappeler que le stage n'est pas une fin en soi, mais qu'il doit rester un outil au service d'un cursus de formation.
Le législateur a régulièrement précisé le droit encadrant le recours aux stages. En particulier, la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l'alternance et la sécurisation des parcours professionnels, dite loi Cherpion, a représenté un progrès. Toutefois, des failles demeurent, certaines mesures réglementaires prévues par la loi n'ayant pas été adoptées. Plus récemment, la loi relative à la recherche et à l'enseignement supérieur du 22 juillet 2013 a profondément modifié le cadre législatif en vigueur : elle a étendu le champ d'application des mesures au-delà des seules entreprises et rappelé que le stage est une période pédagogique qui s'intègre nécessairement à un cursus.
La présente proposition de loi est un texte de synthèse et d'équilibre. Elle vise à rappeler que le stage s'inscrit dans une démarche pédagogique liant trois parties : le stagiaire, son établissement d'enseignement et un organisme d'accueil. Dans un souci de clarification du droit applicable, tant à l'attention des stagiaires que des entreprises, elle tend à recodifier les dispositions du code de l'éducation relatives aux stages et aux formations en milieu professionnel. Un chapitre spécifique leur sera dédié. Il rassemblera des dispositions existantes, notamment celles qui résultent de la loi du 22 juillet 2013, et des dispositions nouvelles. Cette recodification est l'objet, en particulier, de l'article 1er, qui précise la définition du stage : il s'agit fondamentalement d'une période d'immersion professionnelle intégrée dans un cursus de l'enseignement scolaire ou universitaire, qui doit faire l'objet d'une convention.
L'article 1er fixe d'abord les missions de l'établissement d'enseignement. Celui-ci doit appuyer l'élève ou l'étudiant dans sa recherche de stage. Il lui incombe également de définir le parcours pédagogique dans lequel s'insère le stage, en précisant les compétences que le jeune doit acquérir ou développer à cette occasion. Enfin, il doit désigner un enseignant référent chargé du suivi du stage, ce qui constitue un gage de qualité.
L'article 1er vise ensuite à concrétiser les engagements du Président de la République, en créant des outils de lutte contre le recours abusif aux stages. En particulier, il prévoit de limiter leur durée à six mois maximum et de mettre fin, à l'issue d'une période de transition de deux ans, aux régimes dérogatoires actuellement en vigueur. Cette disposition permettra de bien distinguer les formations relevant du stage de celles qui s'apparentent à l'alternance. Le texte rappelle que, par définition, aucun stage ne saurait se substituer à un emploi, qu'il soit permanent ou temporaire.
D'autres outils destinés à lutter contre les abus sont instaurés, notamment la limitation par voie réglementaire du nombre de stagiaires rapporté à l'effectif global de l'organisme d'accueil. Le décret devra tenir compte de la diversité des situations, notamment de celle des PME, en particulier des PME innovantes. Un dispositif d'amende est prévu en cas d'infraction. La limitation du nombre de stagiaires répond à un impératif de qualité : au sein de l'organisme d'accueil, un même tuteur ne pourra encadrer qu'un nombre limité de stagiaires.
À la suite des engagements du Président de la République, la proposition de loi trace les contours d'un véritable statut du stagiaire, qui lui confère notamment des droits nouveaux. Elle vise à lui appliquer les dispositions du code du travail relatives aux autorisations d'absence en cas de grossesse, de paternité ou d'adoption, ainsi que les protections relatives aux durées maximales de présence et aux périodes de repos.
Afin de mettre en lumière les effectifs de stagiaires au sein d'un organisme d'accueil, l'article 2 prévoit que ceux-ci seront désormais inscrits dans le registre unique du personnel. Il s'agit d'une innovation importante qui permettra notamment aux instances représentatives du personnel de mieux suivre la situation des stagiaires dans l'organisme d'accueil. Dans le but de bien distinguer les stages des emplois, une section spécifique du registre unique du personnel sera dévolue à l'inscription des stagiaires. Cette disposition facilitera les contrôles de l'inspection du travail, qui a accès à ce registre : tous les stagiaires seront immédiatement identifiables.
L'article 3 comporte des dispositions rédactionnelles, conséquences de la recodification organisée par l'article 1er.
L'article 4 élargit les compétences de l'inspection du travail : elle disposera des moyens de contrôler le respect des dispositions prévues à l'article 1er.
L'article 5 porte sur les suites des contrôles effectués par l'inspection du travail : en cas de constat d'une infraction, celle-ci informera l'établissement d'enseignement partie à la convention de stage, mais également les organisations représentatives du personnel de l'organisme d'accueil.
Enfin, l'article 6 prévoit d'exonérer d'impôt sur le revenu les gratifications versées aux stagiaires. Cette mesure bénéficiera directement aux stagiaires et, surtout, à leurs parents, lorsqu'ils sont rattachés à leur foyer fiscal.
En conclusion, cette proposition de loi a le mérite d'apporter une clarification législative et de contenir de nouvelles dispositions qui constituent de réelles avancées pour les stagiaires, tout en préservant un équilibre : nous veillons, d'une part, à éviter toute confusion entre le statut de stagiaire et celui de salarié et, d'autre part, à ne pas tarir l'offre de stages. Ce texte apportera de la sécurité aux jeunes et replacera le stage dans un véritable parcours de formation et d'insertion professionnelle. Surtout, nous confirmons que tous les acteurs doivent se mobiliser en faveur des jeunes, et nous témoignons à ces derniers notre confiance en leurs qualités, en leurs compétences et en leur capacité d'innovation, quels que soient leur formation, leur parcours ou leurs origines.