Dès lors que ce texte s'inscrit dans la stratégie du Gouvernement, pourquoi ne s'agit-il pas d'un projet de loi ? Quoi qu'il en soit, il ne contribuera guère au « choc de simplification » qu'on nous annonce régulièrement ! Il aura même l'effet inverse.
En outre, il provoquera une réduction drastique du nombre de stages, alors même que le ministre du travail affirme qu'il convient de développer la professionnalisation, gage de bonne insertion dans le monde du travail. Les stages sont aujourd'hui obligatoires dans de nombreuses formations, notamment lorsqu'elles sont professionnalisantes. Que dirons-nous aux jeunes qui ne trouveront plus de stage et ne pourront pas valider leur cursus en raison des dispositifs coercitifs que vous comptez mettre en place ? Le mieux est l'ennemi du bien ! Ce texte repose sur une vision caricaturale de l'entreprise, héritée du XIXe siècle, en tout cas très éloignée de la réalité : le stage ne saurait être assimilé à un contrat de travail.
Nous ne pouvons que redouter l'impact de certaines des mesures que vous proposez. Ainsi, vous prévoyez d'introduire dans le code de l'éducation un article visant à plafonner le nombre de stagiaires accueillis au sein d'une même entreprise. Peut-être cette mesure a-t-elle un sens pour certaines grandes entreprises, et encore, mais il existe déjà des textes – vous avez notamment cité l'excellente loi Cherpion – et des dispositifs protecteurs des stagiaires. La moindre des choses aurait été de les évaluer avant de légiférer de nouveau. Or vous n'avez réalisé aucune étude d'impact.
Par ailleurs, vous n'avez pas fait référence, madame la rapporteure, à certaines auditions, notamment à celle des organisations patronales. Comment réagissent-elles à ce texte ? Quel est le point de vue de la Conférence des grandes écoles, des présidents d'universités ou encore des responsables de filières de l'enseignement professionnel ? Ils ont leur mot à dire, mais ne sont pas suffisamment écoutés.
De surcroît, vous souhaitez introduire dans le code de l'éducation un deuxième article qui imposera d'associer une offre pédagogique à toute convention de stage. Dans le cas des stages intégrés aux cursus professionnalisants, cette situation est déjà la règle. Un décret en la matière risque de n'apporter que rigidité et complexité. De plus, en l'absence de précision sur les modalités de mise en oeuvre de cette mesure, nous ne pouvons que nous inquiéter de son impact éventuel sur les stages longs, notamment sur ceux qui se déroulent à l'étranger.
Enfin, rien n'est rien dit sur les années de césure en entreprise, qui sont de plus en plus fréquentes et permettent aux étudiants de rechercher la voie la mieux adaptée à leur profil. Contrairement à ce que laisse entendre l'exposé des motifs, ces stages longs ne peuvent pas êtes assimilés à des formations en alternance, en particulier lorsqu'ils se déroulent à l'étranger.
Nous appelons votre attention sur les nombreuses contraintes nouvelles que feraient peser les dispositions législatives et réglementaires que vous envisagez sur la formation professionnelle, l'innovation et la création d'entreprises. En particulier, définir un statut pour les stagiaires dans le code du travail serait une première ! Pour pouvoir protéger les stagiaires, encore faut-il qu'il y ait une offre de stages. Or, avec les mesures que vous proposez, vous allez tuer le dispositif même des stages. Vous allez à l'encontre de la politique que vous préconisez : développer la professionnalisation pour mieux insérer les jeunes sur le marché du travail. Ce texte est très dangereux. Vous n'avez absolument pas tenu compte des réalités du terrain.